Somalie: Le Représentant spécial exhorte à « prendre au sérieux » les difficultés politiques dans le pays sous peine de saper les progrès accomplis
Le Représentant spécial du Secrétaire général pour la Somalie, M. Michael Keating, a déclaré, ce matin, devant le Conseil de sécurité, que les difficultés politiques dans le pays, découlant notamment de relations mal définies entre le Gouvernement fédéral et les États de la Fédération et entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, devaient être « prises au sérieux, sous peine de compromettre les progrès réels, bien qu’inégaux, accomplis en Somalie ».
À l’instar des représentants de l’Union africaine et de la Somalie, qui se sont également exprimés, M. Keating, qui est également le Chef de la Mission d’assistance des Nations Unies en Somalie (MANUSOM), a plaidé pour qu’un financement pérenne soit apporté à la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM), tant celle-ci joue un rôle crucial pour assurer la sécurité de la population.
« La transition politique pacifique opérée en début d’année en Somalie a créé de l’espoir mais aujourd’hui la lune de miel est terminée », a déclaré M. Keating, qui présentait le dernier rapport* du Secrétaire général sur la Somalie. Dans ce rapport, le Secrétaire général souligne la « dynamique » créée par l’élection du Président Mohamed Abdullahi Mohamed « Farmajo » en février 2017 et les « mesures encourageantes » prises par le Gouvernement fédéral pour renforcer ses relations avec la Fédération.
« Des questions clefs restent à trancher, telles que la répartition des pouvoirs et le partage des recettes et des ressources entre le Gouvernement fédéral et les États de la Fédération », a déclaré M. Keating, qui s’exprimait par visioconférence depuis Mogadiscio. Il a également souligné la nécessité de définir la structure du pouvoir judiciaire et de formaliser le statut de la région de Banadir, où se trouve la capitale somalienne.
Autre priorité, l’accélération de l’examen de la Constitution provisoire, en vue d’aboutir à la tenue d’élections au suffrage universel en 2021, comme s’y est engagé le Gouvernement somalien lors de la Conférence de Londres de mai dernier. « Un cadre législatif et un accord sur le modèle électoral sont urgemment requis », a insisté M. Keating.
S’il s’en est pris à certains responsables politiques cherchant à promouvoir leurs intérêts personnels ou ceux de leur clan, M. Keating a indiqué que les bonnes relations de travail entre le Président et le Premier Ministre Kassan Ali Kheyre étaient un atout. « La question clef est de savoir si le Gouvernement fédéral sera en mesure de remédier à ces défis, sans compromettre les progrès accomplis et la stabilité de l’État. »
M. Keating a ensuite insisté sur les défis structurels qui risquent de faire dérailler le processus politique en Somalie, citant en premier lieu la situation humanitaire et le risque de famine toujours présent. Grâce à la mobilisation d’un milliard de dollars depuis le début de l’année, les agences humanitaires ont pu mettre en place un plan de prévention de la famine, apportant une aide à trois millions de personnes par mois, s’est-il félicité. « La priorité pour les Somaliens est de briser le cercle vicieux des catastrophes naturelles et des chocs afférents. »
Notant que le pays restait dépendant de l’aide internationale, en dépit d’un potentiel économique indéniable, le Représentant spécial a appelé les partenaires à emboîter le pas de l’Union européenne et de la Norvège dans la concrétisation de leurs engagements vis-à-vis de la Somalie. Il a également mentionné les incidences négatives de la crise du Golfe en juin 2017 pour le pays, qui s’est attaché à rester neutre.
Sur le plan sécuritaire, le Représentant spécial a déclaré que les Chabab constituaient une « menace toujours puissante », même si la sécurité s’est améliorée à Mogadiscio. Dans son rapport précité, le Secrétaire général note une diminution par rapport aux années précédentes du nombre d’attaques commises par les Chabab dans la capitale pendant et après le ramadan, « de 269 en 2015 à 255 en 2016 et 208 en 2017 ». Malgré cette diminution, le nombre de victimes d’attaques au véhicule piégé a été plus élevé qu’en 2016.
À cette aune, le Représentant spécial a plaidé pour la mise en œuvre de l’accord sur l’architecture nationale de sécurité et, surtout, pour la fourniture à l’AMISOM d’un financement pérenne. « C’est une priorité fondamentale », a-t-il dit. M. Keating a en effet expliqué que l’AMISOM demeurait essentielle pour assurer la sécurité de la population et préserver les progrès accomplis, les forces somaliennes n’étant pas encore prêtes pour ce faire.
« Une transition sans heurt des tâches sécuritaires de l’AMISOM aux institutions somaliennes exige un soutien adéquat et cohérent à la fois à l’AMISOM et aux forces somaliennes, ainsi qu’une clarté accrue sur le rôle joué par la MANUSOM dans ce contexte de transition », a-t-il dit. À cette fin, il a exhorté le Conseil de sécurité à appuyer la mise en œuvre des recommandations tirées de l’examen conjoint Union africaine-Organisation des Nations Unies de l’AMISOM.
Même son de cloche du côté du délégué de la Somalie, qui a noté l’intention des pays fournisseurs de contingents d’AMISOM de retirer leurs troupes du pays en mai 2018. « Sans les armes lourdes de l’AMISOM, nous n’aurions pas été en mesure de défaire les Chabab », a reconnu le délégué, avant de demander au Conseil de sécurité une « feuille de route » en vue de la levée de l’embargo sur les armes.
Un point de vue tempéré par le Représentant spécial du Président de la Commission de l’Union africaine et Chef de l’AMISOM, M. Francisco Caetano José Madeira, qui a affirmé que le Mouvement des Chabab était « en cours de restructuration en vue de perpétrer de nouvelles attaques ».
« Or, en l’absence de ressources prévisibles pour que l’AMISOM puisse s’acquitter de son mandat et se retirer dans le respect de certaines conditions de sécurité minimales pour la Somalie, les perspectives sont très "sombres" », a prévenu le représentant.
Ce dernier a également noté l’importance de mettre en place les conditions propices à la réintégration des ex-combattants Chabab, tandis que le délégué de l’Uruguay a jugé fondamental d’avancer sur la voie de la réconciliation de la Somalie. L’AMISOM reste fondamentale pour protéger la population, a—t-il également affirmé.