Le Conseil de sécurité réfléchit à l’amélioration des régimes de sanctions
Le Conseil de sécurité s’est penché, ce matin, sur l’amélioration de l’efficacité des sanctions imposées par l’Organisation des Nations Unies, cet instrument « entre les mots et la guerre » considéré par beaucoup comme une composante essentielle des pouvoirs mis à sa disposition pour préserver la paix et la sécurité internationales.
« Les sanctions ne sont pas une fin en soi, mais plutôt des outils devant contribuer à une stratégie politique globale, œuvrant en tandem avec d’autres instruments contenus dans la Charte des Nations Unies », a affirmé à cette occasion le Sous-Secrétaire général aux affaires politiques, M. Tayé-Brook Zerihoun, qui, à l’instar de nombreuses délégations, est revenu sur le rôle que jouent les régimes de sanctions pour prévenir et résoudre les conflits, lutter contre le terrorisme, réduire la prolifération des armes nucléaires ou encore empêcher des changements inconstitutionnels de gouvernement, ou encore lutter contre l’exploitation des ressources naturelles qui financent les activités de groupes armés, ainsi que les violations des droits de l’homme.
Plusieurs membres du Conseil, à l’instar du Kazakhstan, de la Bolivie ou encore de l’Uruguay ont toutefois fermement souligné que les sanctions ne doivent être imposées qu’en recours final, une fois que toutes les autres initiatives de médiation aient été épuisées et après en avoir évalué les impacts humanitaires et les effets collatéraux sur les populations. Le représentant de la Chine a en outre mis en garde contre les effets pervers des sanctions pour le commerce et les activités économiques du pays ciblé.
Pour leur part, les représentants de la Suède et de la France ont rappelé que l’évolution des sanctions vers des régimes de plus en plus ciblés avaient permis de contrecarrer la plupart de leurs effets indésirables.
« Nul ne peut dire de bonne foi que dans un contexte de conflit armé actif et de violence massive contre les civils, un embargo sur les armes est une mesure qui aurait des effets négatifs pour les populations », a ainsi déclaré le représentant de la France.
Alors que 13 régimes de sanctions restent actuellement en vigueur dans le monde, le Sous-Secrétaire général a reconnu qu’en raison de leur diversité et complexité, la mise en œuvre des régimes de sanctions peut représenter un fardeau pour les États Membres et d’autres entités. Afin de l’alléger, le Conseil de sécurité et ses comités de sanctions ont renforcé la sensibilisation en direction des États Membres, mais M. Zerihoun n’en a pas moins estimé que les États Membres pourraient également bénéficier d’un plus grand appui à l’échelon du pays.
Lui emboitant le pas, le représentant de l’Uruguay a en outre fait observer que de nombreux pays n’ont pas les capacités techniques nécessaires pour effectuer le suivi des sanctions.
Si l’on considère que la plupart des régimes de sanctions se rapportent à des pays en développement, a renchérit le représentant du Sénégal, une assistance technique s’avère nécessaire pour assurer une circulation adéquate de l’information, harmoniser les actions entre services compétents de l’État et parfois internaliser les aspects relatifs aux sanctions dans le dispositif légal interne des États.
Pour sa part, la représentante des États-Unis a par ailleurs fait observer que lorsque les sanctions ne bénéficient pas d’un large soutien, elles restent inefficaces et sapent la crédibilité du Conseil, ce qui ne fait qu’aggraver la menace pour la paix et la sécurité. « Le Conseil de sécurité se tire alors une balle dans le pied », a-t-elle lancé.
Le représentant de l’Uruguay s’est quant à lui inquiété du fait que le Conseil de sécurité impose « très souvent » des sanctions sans prévoir les conditions de leur levée, ce qui, a-t-il déploré, crée une confusion chez les personnes ainsi sanctionnées.
La politisation des régimes de sanctions a également été critiquée par le représentant de l’Ukraine qui a notamment dénoncé « l’abus » du recours au veto pour empêcher l’imposition de sanctions.
Pour sa part, le représentant de la Bolivie a dénoncé la multiplication d’initiatives unilatérales d’imposition de sanctions, estimant que ces « mesures illicites » portent atteinte à l’intégrité et la souveraineté des États tiers.
Le représentant de la Fédération de Russie a d’ailleurs jugé inacceptable que des mesures restrictives puissent être utilisées pour renverser des régimes non désirés, « en les étranglant économiquement », pointant notamment du doigt les sanctions unilatérales qui dissimulent selon lui des mesures économiques « malhonnêtes » qui violent la souveraineté des États et leurs intérêts légitimes.
« Les États-Unis souhaitent que les sanctions qu’ils prennent le soient dans le cadre du Conseil de sécurité. Mais lorsque le Conseil ferme les yeux sur des violations répétées, les États-Unis agissent pour défendre les droits humains universels, et ce, du Venezuela au Zimbabwe et de la Crimée en Syrie », a averti pour sa part la déléguée des États-Unis.
QUESTIONS D’ORDRE GÉNÉRAL RELATIVES AUX SANCTIONS
Amélioration de l’efficacité des sanctions imposées par l’Organisation des Nations Unies
Exposé
M. TAYÉ-BROOK ZERIHOUN, Sous-Secrétaire général aux affaires politiques, a précisé d’emblée que les sanctions ne sont pas une fin en soi, mais plutôt des outils qui devraient contribuer à une stratégie politique globale, œuvrant en tandem avec d’autres instruments contenus dans la Charte des Nations Unies. Les sanctions ont pour but de prévenir et résoudre les conflits pacifiquement, prévenir le terrorisme et réduire la prolifération des armes nucléaires. Le Conseil de sécurité a également adopté des sanctions pour empêcher des changements inconstitutionnels de gouvernement, lutter contre l’exploitation des ressources naturelles qui financent les activités de groupes armés et pour cibler les cas de violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire, particulièrement la violence sexuelle en temps de conflit comme acte de terreur. Il a rappelé que 13 régimes de sanctions restent en vigueur.
M. Tayé-Brook a indiqué que les sanctions du Conseil sont des instruments flexibles qui sont sujets à des ajustements réguliers. Ainsi, en 2016, trois régimes de sanctions (Iran, Côte d’Ivoire et Libéria) ont pris fin. Alors que le Conseil a mis en place un total de 26 régimes de sanctions depuis 1966, il a aussi levé 15 parmi eux, « ce qui fait mentir l’idée selon laquelle le Conseil de sécurité établit des régimes de sanctions mais n’est pas prompt à les annuler », a-t-il noté. Il a rappelé qu’en 2014, le Conseil a demandé au Secrétariat de procéder à un examen de haut niveau des sanctions de l’Organisation des Nations Unies, dans le but d’évaluer les sanctions du Conseil de sécurité et de formuler des recommandations. Dans son prochain rapport au Conseil de sécurité sur les armes légères et de petit calibre, a-t-il annoncé, le Secrétaire général va présenter les leçons apprises dans le cadre de la mise en œuvre de l’embargo sur les armes dans les missions de maintien de la paix.
Le Sous-Secrétaire général a noté que l’efficacité des sanctions du Conseil requiert un large soutien des États Membres et de la communauté internationale, car « même les plus belles résolutions appelant à des sanctions ne sauraient se mettre en œuvre elles-mêmes ». Il a reconnu que la diversité et la complexité des régimes de sanctions des Nations Unies ont imposé un fardeau dans leur mise en œuvre aux États Membres et à d’autres entités. Pour alléger ce fardeau, le Conseil de sécurité et ses comités de sanctions ont renforcé la sensibilisation en direction d’États Membres, notamment ceux des régions concernées par des régimes de sanctions. De même, toutes les listes des sanctions du Conseil de sécurité sont désormais disponibles dans les six langues officielles de l’Organisation.
Il a toutefois estimé que les États Membres pourraient également bénéficier d’un plus grand appui à l’échelon du pays. Les sanctions sont adoptées à New York, mais elles sont mises en œuvre aux frontières des États, dans les ports, les aéroports et les banques et autres institutions financières, a-t-il fait observer. En outre, un groupe de travail, composé de 26 entités onusiennes, est à pied d’œuvre depuis 2014 afin de coordonner le soutien au système des régimes de sanctions. Il a expliqué que la Division des affaires du Conseil de sécurité au Département des affaires politiques est également impliquée dans toutes les tâches en rapport aux régimes de sanctions, rappelant que ce rôle a été mis en lumière, de manière tragique, par l’assassinat en mars dernier de Zaida Catalan et de Michael Sharp, deux membres du Groupe d’experts sur la République démocratique du Congo. Il a souhaité que les résultats de l’enquête sur ces faits permettront d’améliorer le travail du Conseil de sécurité en matière de régimes de sanctions.
Déclarations
M. MATTHEW RYCROFT (Royaume-Uni) a rappelé que les sanctions étaient une composante essentielle des pouvoirs du Conseil de sécurité face à ceux qui menacent la paix et la sécurité internationales. Les sanctions sont efficaces et aident à ramener la paix et la sécurité internationales dans des pays tels que la Sierra Leone ou le Libéria, et ont également débouché sur des avancées avec l’Iran, en l’amenant à la table des négociations. De même, les sanctions jouent un rôle important pour lutter contre Daech ou d’autres groupes terroristes. Mais les sanctions doivent le plus souvent être associées à d’autres méthodes, a poursuivi le représentant. L’accord conclu avec l’Iran ne s’est pas fait seulement en recourant aux sanctions, de même que Daech ne sera pas vaincu seulement par des sanctions. Le représentant a rappelé l’importance du dialogue direct, des bons offices, des missions politiques spéciales ou encore des missions de maintien de la paix.
Le Royaume-Uni salue tout particulièrement les activités du groupe de travail informel et de l’examen de haut niveau des sanctions réalisé à l’initiative de la Suède. Toutefois, a ajouté le représentant, la question de la volonté politique reste fondamentale. Pour que des sanctions soient couronnées de succès, il est essentiel que tous les États Membres les mettent pleinement en œuvre, et non pas seulement une majorité d’entre eux, a poursuivi M. Rycroft qui a rappelé que les sanctions prises en application du Chapitre VII étaient juridiquement contraignantes pour tous les États Membres. Le représentant s’est dit conscient des difficultés que crée l’imposition de sanctions pour certains États tiers, mais aussi pour des entreprises. Il s’est dit favorable à la préparation d’un rapport du Secrétaire général sur les régimes de sanctions, y voyant la possibilité d’une contribution précieuse au travail du Conseil.
La situation actuelle en République populaire démocratique de Corée témoigne de la nécessité de renforcer les régimes de sanctions, a encore estimé le représentant, pour qui le Conseil doit agir à l’encontre de ce pays.
M. BARLYBAY SADYKOV (Kazakhstan) a estimé que les sanctions ne doivent être imposées qu’en recours final, après que toutes les autres initiatives aient été épuisées. Tout au long de la phase des sanctions, il faut également continuer les efforts diplomatiques, a-t-il souhaité. Avant de les mettre en place, il faut en évaluer les impacts humanitaires et les effets collatéraux. Le représentant a appelé à améliorer les moyens de suivi des sanctions au sein du Secrétariat de l’ONU, tout en rappelant que tous les régimes de sanctions sont uniques et adaptés à des situations particulières. Les sanctions doivent avoir des objectifs clairement définis et elles doivent être levées quand ces objectifs sont atteints, a-t-il souligné. C’est pour cela qu’il est important de collaborer avec le pays ciblé afin de ne pas mettre à mal la crédibilité du régime des sanctions. Par ailleurs, les États qui en font la demande doivent recevoir une assistance technique du Secrétariat dans le cadre du respect des régimes des sanctions.
M. LIU JIEYI (Chine) a souligné que l’emploi des sanctions doit se faire dans le strict respect de la Charte des Nations Unies. Il a estimé que le Conseil de sécurité doit d’abord utiliser des moyens de médiation avant d’en arriver à l’imposition de sanctions, tout en soulignant que les sanctions sont des moyens pacifiques et ne sauraient être mises en place par la force. En outre, toute décision prise par le Conseil relative aux sanctions doit se faire par consensus, et leur objectif doit être de régler des problèmes tout en évitant d’avoir des effets néfastes sur les populations. Le représentant a mis en garde contre les effets pervers des sanctions pour le commerce et les activités économiques du pays ciblé. Il a également jugé important que les décisions relatives aux sanctions soient prises au sein du Conseil de sécurité, et non en marge des activités de l’organe.
M. TEKEDA ALEMU (Éthiopie) a rappelé que, le mois dernier déjà, une réunion du Conseil de sécurité sur la question des sanctions avait été organisées en formule Arria. Il a souligné que les sanctions sont un outil important à la disposition du Conseil de sécurité pour maintenir la paix et la sécurité internationales, mais elles ne sont pas une fin en soi et doivent faire partie intégrante d’une stratégie politique plus large.
Les sanctions ont fortement évolué au cours du temps, a rappelé le représentant, qui a jugé beaucoup plus efficace l’actuel régime de sanctions ciblées, lesquelles permettent aussi d’éviter les effets délétères de sanctions plus générales. Le représentant a souligné que les sanctions doivent être élaborées avec soin et être bien mises en œuvre, ajoutant que leur application et les résultats obtenus doivent être évalués périodiquement. Le représentant a toutefois regretté que les sanctions soient souvent « polluées » par des considérations politiques. L’Éthiopie, a-t-il insisté, est opposée à la politisation des sanctions et au « deux poids deux mesures », mais elle n’est pas opposée en principe aux sanctions. Celles-ci ne doivent toutefois pas avoir pour objectif de s’inscrire dans la durée, a fait valoir M. Alemu, qui a estimé que si les sanctions doivent parfois être levées par le Conseil de sécurité, il ne faut pas non plus hésiter à les renforcer si cela s’avère nécessaire. Enfin, le représentant a mis en avant le rôle essentiel des organisations régionales dans l’application des sanctions, citant notamment l’Union africaine.
M. VASSILY ALEKSEEVICH NEBENZIA (Fédération de Russie) a estimé que les sanctions étaient un outil très utile mais qui ne pouvaient être une fin en soi. Pour la Fédération de Russie, seul le Conseil de sécurité a le droit d’imposer des sanctions, qui doivent faire l’objet d’un réexamen régulier. En outre, il est inacceptable que des mesures restrictives puissent être utilisées pour renverser des régimes non désirés, notamment en les étranglant économiquement. Les sanctions doivent en outre respecter le droit international et ne doivent donc pas porter atteinte aux immunités et privilèges des représentants et représentations diplomatiques et consulaires, conformément aux Conventions de Vienne.
M. Nebenzia a également appelé à éviter les doublons lors de l’application de sanctions. Il a rappelé qu’aux Nations Unies, la prérogative de la prise de décisions appartient exclusivement aux États Membres. La Fédération de Russie n’est donc pas favorable à ce que d’autres acteurs puissent intervenir. Elle déplore en outre les sanctions unilatérales, qui dissimulent souvent des mesures économiques « malhonnêtes » qui violent la souveraineté des États et leurs intérêts légitimes. La Fédération de Russie est en revanche disposée à examiner toute proposition visant à améliorer les régimes de sanctions et estime qu’il faudrait faire usage de l’héritage du groupe de travail informel du Conseil de sécurité sur le régime des sanctions et notamment de son rapport final, qui, a conclu le représentant, a apporté une contribution importante au travail du Conseil de sécurité
M. VOLODYMYR YELCHENKO (Ukraine) a estimé que, depuis 50 ans, les sanctions du Conseil de sécurité étaient considérées comme la plus puissante des ripostes non militaires aux menaces à la paix et la sécurité internationales. Pour l’Ukraine, les sanctions demeurent aujourd’hui encore un outil important pour lutter contre le terrorisme, prévenir les conflits, consolider les accords de paix, protéger les civils et réduire les risques de prolifération des armes de destruction massive. En outre, la pratique actuelle des sanctions ciblées établit un équilibre entre les résultats attendus et les risques de conséquences indésirables, qu’elles soient humanitaires ou socioéconomiques, y compris sur des États tiers. Des progrès ont également été accomplis dans la définition et le suivi des sanctions depuis la création, en avril 2000, du groupe de travail informel du Conseil de sécurité sur les questions générales des sanctions. Par ailleurs, les groupes d’experts mis en place pour assister les comités des sanctions se sont avérés très utiles, tandis que la création du poste de médiateur du Comité 1267 doit être considérée comme un pas important pour s’assurer que les sanctions satisfont aux normes de droits de l’homme.
La définition des sanctions, leur mise en œuvre, leur suivi, les méthodes de travail des différents comités des sanctions, tout ceci est étroitement lié et se renforce mutuellement, a poursuivi le représentant. Toutefois, le renforcement de l’efficacité des sanctions exige une attention soutenue du Conseil, a-t-il ajouté, estimant que cette efficacité dépendait beaucoup d’une mise en œuvre rapide et complète des résolutions du Conseil par les États Membres.
À cet égard, le représentant a cité deux obstacles majeurs: d’une part le manque de volonté du Conseil qui l’empêche de répondre promptement et de manière décisive aux graves violations du droit international, et de l’autre les violations flagrantes des régimes de sanctions existants. Si l’absence de volonté politique, et l’abus du recours au veto pour empêcher l’imposition de sanctions, mériteraient une réunion séparée, le paragraphe 5 de l’Article 2 de la Charte stipule clairement que les États Membres doivent s’abstenir d’apporter une aide quelconque à un État contre lequel l’Organisation aurait pris des mesures, a fait observer M. Yelchenko. À cet égard, le représentant a estimé que la sensibilisation et le dialogue avec les organisations régionales et internationales, entre autres, étaient des éléments importants pour limiter, éliminer et prévenir à l’avenir toute violation des régimes de sanctions. Il a aussi jugé nécessaire de faire davantage en ce qui concerne l’assistance octroyée aux États pour mettre en œuvre les sanctions imposées par l’ONU
Le représentant a également mis l’accent sur l’importance des organisations internationales dans l’application de sanctions, estimant en outre que l’ajout, par ces organisations internationales, de leurs propres sanctions, bien ciblées, représentait un élément essentiel de l’arsenal des sanctions. Il a cité en exemple les efforts de l’Union européenne, dont les sanctions sont fermement ancrées dans le respect du droit international.
M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie) a rappelé qu’en vertu du Chapitre 7 de la Charte, les sanctions ne doivent être imposées qu’après le recours aux mesures diplomatiques. Il a noté une multiplication d’initiatives unilatérales d’imposition de sanctions, estimant que ces « mesures illicites » portent atteinte à l’intégrité et la souveraineté des États tiers. Il a expliqué que seul le Conseil de sécurité est habilité à imposer des sanctions et, de ce fait, toute mesure imposée par un État contre un autre se ferait en marge du droit international.
Poursuivant, le représentant a souligné que les régimes de sanctions doivent être évalués périodiquement afin d’y apporter des modifications éventuelles. L’imposition des sanctions doit se faire avec le moins d’impact humanitaire possible, a-t-il aussi préconisé, tout en précisant que les sanctions doivent avoir des objectifs clairs et ne pas être invoquées dans le cas de simples violations du droit international, mais plutôt en cas de menace réelle à la paix et sécurité internationales. Le Conseil doit donc revoir sa méthodologie d’établissement des sanctions, a-t-il proposé.
M. ELBIO ROSSELLI (Uruguay) a jugé important de procéder à un examen continu des régimes de sanctions du Conseil de sécurité qui, a-t-il souligné, doivent être complémentaires aux approches diplomatiques. Le Conseil de sécurité impose très souvent des sanctions sans prévoir les conditions de leur levée, ce qui crée une confusion chez les personnes ainsi sanctionnées, a-t-il déploré. Il a appelé à procéder à une révision globale des régimes des sanctions. Le délégué a par ailleurs estimé que les différents régimes de sanctions doivent collaborer, notamment dans le cadre des enquêtes de leurs groupes de travail. De même, la bonne mise en œuvre des régimes de sanctions nécessite la participation des États, or de nombreux pays n’ont pas les capacités techniques nécessaire pour effectuer le suivi des sanctions.
M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a affirmé que si elles ne constituent jamais une fin en soi, les sanctions peuvent être un instrument essentiel pour préserver la paix et la sécurité internationales, que ce soit en visant des individus ou groupes terroristes ou en intervenant en soutien à des États fragilisés par l’insécurité, la présence de groupes armés sur leur territoire, les insuffisances du processus politique, la prévalence des armes ou les violations des droits de l’homme. Les régimes de sanctions peuvent contribuer de manière significative à faire avancer le processus politique, a poursuivi le représentant, qui a cité en exemple la Côte d’Ivoire, ou encore la Somalie, où l’embargo sur le charbon de bois sape une des sources de financement des Chabab.
M. Delattre a rappelé l’évolution des sanctions vers des régimes de plus en plus ciblés qui visent à chaque fois des personnes, entités ou secteurs qui portent atteinte à la stabilité des États et n’aient pas de conséquences négatives sur la population. « Nul ne peut dire de bonne foi que dans un contexte de conflit armé actif et de violence massive contre les civils, un embargo sur les armes est une mesure qui aurait des effets négatifs pour les populations », a-t-il fait observer. Le représentant a notamment mis l’accent sur l’évolution du régime de sanctions imposé à la République démocratique du Congo, où l’embargo sur les armes imposé en 2003 a été continuellement ajusté et ne concerne plus aujourd’hui que des entités non gouvernementales.
Poursuivant, M. Delattre a rappelé l’importance que la France accorde au respect des règles du processus équitable concernant les décisions du Conseil de sécurité. Il a jugé « considérables » les progrès réalisés dans ce domaine, notamment avec la création du Bureau du Médiateur en 2009. À cet égard, il a demandé que soit assurée une transition rapide au départ de la Médiatrice, Mme Marchi-Uhel. Il est essentiel de continuer d’améliorer le fonctionnement et la transparence des régimes de sanctions, a-t-il insisté.
Enfin, la France rappelle qu’il est essentiel que les sanctions et embargos décidés par le Conseil de sécurité soient pleinement respectés et mis en œuvre par tous les acteurs présents sur les terrains où s’appliquent ces régimes. M. Delattre a rappelé à cet égard qu’il existe bien souvent des mécanismes d’exemption qui donnent la souplesse nécessaire aux cas particuliers.
M. FODÉ SECK (Sénégal) a rappelé que la Déclaration finale du Sommet mondial de 2005 appelle à « veiller à ce que les sanctions soient appliquées de façon à trouver un juste milieu entre l’efficacité nécessaire pour obtenir le résultat voulu et les conséquences néfastes éventuelles, notamment sur les plans socioéconomiques et humanitaires, pour les populations et pour les États tiers ».
Le représentant a souligné que les sanctions doivent être intégrées aux autres interventions des Nations Unies afin de rehausser l’efficacité d’ensemble du dispositif de sécurité collective. Il a aussi relevé que la coopération des pays de la région représente un élément essentiel de l’effectivité des mesures adoptées. Il a indiqué que le niveau de capacité des pays et des institutions impliqués dans la mise en œuvre des sanctions est déterminant, surtout si l’on considère que la plupart des régimes de sanctions se rapportent à des pays en développement. Dans la plupart des pays en développement, a-t-il indiqué, une assistance technique s’avère nécessaire pour assurer une circulation adéquate de l’information, harmoniser les actions entre services compétents de l’État et parfois internaliser les aspects relatifs aux sanctions dans le dispositif légal interne des États. Le représentant a par ailleurs affirmé que c’est par le renforcement du dialogue et de la coopération entre le Conseil de sécurité et ses Comités des sanctions, d’une part, et les pays africains concernés par les sanctions portant sur les ressources naturelles, d’autre part, que ces sanctions pourront gagner en efficacité et en légitimité.
Pour Mme MICHELE J. SISON (États-Unis), les sanctions exigent de la patience mais constituent l’un des outils les plus importants dont disposent les Nations Unies. Lorsqu’elles sont mises en œuvre de manière rapide et efficace, les sanctions peuvent avoir un impact positif et généralisé. Ainsi, les États-Unis et la Fédération de Russie ont travaillé ensemble dans la formulation de sanctions contre Al-Qaida et l’État islamique d’Iraq et du Levant. Ces sanctions montrent des résultats réels parce que le Conseil de sécurité a parlé d’une seule voix, s’est-elle félicitée.
Mais, a poursuivi la représentante, lorsque les sanctions ne bénéficient pas d’un large soutien, elles restent inefficaces et sapent la crédibilité du Conseil, ce qui ne fait qu’aggraver la menace pour la paix et la sécurité. « Le Conseil de sécurité se tire alors une balle dans le pied », a-t-elle lancé, ajoutant: « Si un soutien généralisé est bien le moyen de rendre efficaces les sanctions, alors nous sommes témoins en ce moment même de la manière dont on les rend inefficaces ».
Les États-Unis souhaitent que les sanctions qu’ils prennent le soient dans le cadre du Conseil de sécurité, a poursuivi Mme Sison. Mais lorsque les États-Unis sont témoins de violations de la dignité humaine, ils veulent agir. Lorsque des États Membres ne respectent pas les sanctions imposées à un agresseur, la crédibilité du Conseil en pâtit. Lorsque le Conseil menace mais n’agit pas, les États-Unis ne veulent pas attendre. Lorsque le Conseil ferme les yeux sur des violations répétées, les États-Unis agissent pour défendre les droits humains universels, et ce, du Venezuela au Zimbabwe et de la Crimée en Syrie. C’est là la promesse d’un peuple qui ne peut plus cacher son impatience, a-t-elle averti.
M. INIGO LAMBERTINI (Italie) a jugé important de chercher à améliorer les régimes de sanctions dans un esprit ouvert et d’équilibre. Rappelant l’évolution des sanctions générales aux sanctions ciblées, il a fait observer que ces améliorations étaient notamment le résultat de réflexions de groupes de travail. Il a suggéré des mesures concrètes telles que l’actualisation plus régulière des listes d’individus et entités soumis à des sanctions. L’évaluation des régimes de sanctions est fondamentale pour veiller à leur cohérence dans le cadre d’objectifs plus larges, car les sanctions ne sauraient être une fin en soi, a ajouté le représentant.
M. Lambertini a également rappelé le rôle essentiel joué par les comités des sanctions, les groupes et panels d’experts qui, dans leur ensemble, devraient communiquer et dialoguer davantage avec les États Membres. Il a également jugé fondamental le rôle du Secrétariat. Il a souhaité plus de clarté dans ce qui est demandé aux États Membres dans le cadre des sanctions et estimé que tout examen futur des régimes de sanctions devrait chercher à assurer un équilibre entre une plus grande cohérence et la nécessité d’appliquer des sanctions spécifiques à chaque situation.
M. CARL SKAU (Suède) a rappelé que pendant les années 1980, son pays avait imposé à l’Afrique du Sud, du temps de l’apartheid, des sanctions économiques qui étaient unilatérales par leur nature mais avec une forte signification politique. Depuis lors, a-t-il expliqué, la Suède s’est attachée à rendre les régimes de sanctions plus transparents et plus efficaces, notamment par le biais de l’Examen de haut niveau des sanctions imposées par l’Organisation des Nations Unies, lequel a produit quelque 150 recommandations qui restent pertinentes et devraient faire l’objet d’un suivi.
Pour la Suède, les sanctions peuvent être définies comme des mesures efficaces « entre les mots et la guerre ». Bien appliquées, les sanctions décidées par les Nations Unies peuvent être un outil utile. Rappelant que la base juridique des sanctions vient de la Charte, le représentant a estimé qu’il fallait tirer les leçons des nombreux régimes imposés depuis plus d’un quart de siècle avec une régularité croissante, dans des formes qui ont évolué, mais avec des objectifs de plus en plus larges. Pour M. Skau, le passage de sanctions générales à des sanctions ciblées a permis de contrecarrer la plupart de leurs effets indésirables. Néanmoins, a-t-il ajouté, le Conseil de sécurité devrait mettre davantage l’accent sur l’évaluation de leurs conséquences. L’efficacité des sanctions devrait elle aussi être évaluée régulièrement, de même que les listes des personnes qui sont soumises à des restrictions.
À elles seules, les sanctions ne peuvent jamais réussir, a poursuivi M. Skau, pour qui de telles mesures doivent toujours être prises dans le cadre d’une stratégie politique plus large qui implique des éléments du maintien de la paix, de rétablissement de la paix ou de la consolidation de la paix. C’est dans ce cadre que leur efficacité doit être évaluée, sachant que chaque régime de sanctions est unique et que les sanctions ciblées ont des objectifs multiples, a-t-il notamment commenté.
Pour le représentant suédois, il est également important de poursuivre les résultats déjà obtenus dans les domaines du respect du droit international et de l’état de droit, notamment lors de la création du poste de médiateur. L’obligation de mettre en œuvre les décisions du Conseil de sécurité doit pouvoir coexister avec les obligations au titre du respect des droits de l’homme fondamentaux, a déclaré M. Skau. En améliorant la transparence, a-t-il ajouté, le Conseil de sécurité pourrait rendre les sanctions plus légitimes et plus efficaces et renforcer ainsi son autorité et celle de toutes les Nations Unies. Enfin, le représentant de la Suède a souhaité que le Conseil de sécurité accorde plus d’attention au sort des femmes et des enfants dans les conflits quand il envisage d’appliquer des sanctions.
M. KORO BESSHO (Japon) a indiqué que chaque régime de sanctions doit être adapté au contexte spécifique pour lequel il est mis en œuvre. Les sanctions doivent donc avoir des objectifs clairs et des stratégies de levée. Dans ce contexte, l’examen périodique des sanctions de chaque Comité est de la plus grande importance, et lorsque le Conseil de sécurité décide d’imposer des sanctions, ces dernières doivent être pleinement mises en œuvre pour pouvoir être efficaces. Cette exigence en appelle aussi au renforcement des capacités des États, car les pays voisins ont un rôle central à jouer pour assurer que les sanctions soient mises en œuvre, a-t-il fait observer. Le Japon, a ajouté le délégué, entend continuer de s’engager en faveur de ces renforcements de capacités nationales.
M. AMR ABDELLATIF ABOULATTA (Égypte) a rappelé qu’en vertu du Chapitre VII de la Charte, le Conseil de sécurité a pour mandat de prendre différentes mesures pour faire face à toute menace contre la paix et la sécurité internationales sans recourir à l’usage de la force. Il a indiqué que bien que le terme « sanction » soit employé pour qualifier de telles mesures, la Charte des Nations Unies ne fait pas mention de ce terme dans son libellé. Il a invité le Conseil à rectifier le mésusage de ce terme qui, a-t-il affirmé, a une connotation punitive. Le représentant a plaidé pour des régimes de sanctions qui soient adaptés à la nature de chaque menace à la paix et la sécurité internationales, tout en convenant que l’on peut s’inspirer de régimes de sanctions passés. Il a averti que les abus de certains régimes de sanctions pourraient saper la confiance de la communauté internationale, alors qu’une bonne utilisation de cet outil pourrait au contraire en renforcer l’efficacité. Il a aussi plaidé pour le renforcement des capacités des pays censés mettre en œuvre les régimes de sanctions.