En cours au Siège de l'ONU

7995e séance – matin
CS/12900

Colombie: le Conseil de sécurité s’informe des progrès dans le processus de paix et entend un plaidoyer pour une deuxième mission de l’ONU

Le Conseil de sécurité a été informé ce matin des derniers progrès du processus de paix en Colombie par le Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission des Nations Unies, M. Jean Arnault, qui a également plaidé en faveur du déploiement d’une nouvelle mission politique des Nations Unies, d’ailleurs prévue par l’« Accord final pour la fin du conflit et la construction d’une paix stable et durable », signé le 24 novembre 2016 à Bogota.  Les quelques membres du Conseil qui ont pris la parole ont apporté leur plein appui à la création de cette mission.

Dans son rapport, le Secrétaire général estime notamment que, « grâce à la grande volonté des parties de mettre en œuvre l’accord de paix et à l’appui d’une grande partie de la société colombienne qui partage leur détermination, le processus de paix en Colombie a réalisé d’importantes avancées ».  Pour lui, la « réalisation historique » qu’il représente ne voit sa portée « nullement amoindrie par les retards temporaires dans la finalisation du processus de dépôt des armes ».  Saluant la « détermination des parties à persévérer dans la mise en œuvre de l’accord de paix en dépit des obstacles rencontrés au cours des derniers mois », il se dit « convaincu qu’elles parviendront à aller au bout du processus et à honorer leurs engagements ».

Le rapport du Secrétaire général a été complété aujourd’hui par son Représentant spécial, M. Jean Arnault, qui a confirmé que les Forces armées révolutionnaires de Colombie-Armée populaire (FARC-EP) avaient remis, le 27 juin, les derniers 40% d’armes individuelles enregistrées par la Mission en mars dernier, conformément à la feuille de route du 29 mai.  Certaines de ces armes resteront à la disposition des FARC-EP jusqu’au 1er août pour assurer la sécurité des camps et des sites de dépôt des Nations Unies, a-t-il rappelé.  Les conteneurs d’armes seront alors retirés des camps et les sites de rassemblement des FARC-EP seront transformés en « zones de formation et de réintégration » dont la sécurité sera assurée par les forces militaires et de police colombiennes.

M. Arnault a également mentionné la cérémonie conjointe d’« Adieu aux armes, adieu à la guerre » tenue le 27 juin, en présence du Président Juan Manuel Santos Calderón et du Chef du Secrétariat des FARC-EP, M. Timoleon Jimenez.  La cérémonie a été l’occasion de lancer « des messages forts et émouvants » à une société colombienne qui a encore souvent des doutes sur les promesses du processus de paix, a ajouté M. Arnault, en rappelant les propos du Président Santos sur son attachement à la mise en œuvre de l’accord de paix « jusqu’à sa dernière virgule ».

L’examen par la Mission des neuf mois de cessez-le-feu a certes mis en évidence quelques manquements mais aucune volonté de violer la trêve, qui s’est donc renforcée elle-même au cours du temps, a par ailleurs assuré M. Arnault.  Pour le Chef de la Mission de l’ONU en Colombie, après huit mois de fonctionnement tripartite, le Mécanisme de suivi et de vérification a fait preuve de son efficacité et contribué à renforcer la confiance entre les parties.  M. Arnault a rappelé que la destruction des caches d’armes était un processus difficile: le rapport précise que les FARC-EP ont attendu fin avril pour annoncer qu’il y en avait 949, réparties dans tout le pays.  Mais le Représentant spécial s’est dit encouragé par la coopération des différentes parties et a estimé que la plus grande partie de ces caches d’armes pourrait être détruite avant le 1er septembre, date de la fin de la Mission de vérification.  À ce stade, 81 ont été visitées, et de grandes quantités d’explosifs détruites.

Les dernières nouvelles sont donc bonnes et encourageantes et il est donc justifié de s’en réjouir même si la complaisance n’est pas de mise, a poursuivi le Représentant spécial, qui a rappelé que l’un des principaux défis à venir était la réintégration de quelque 10 000 anciens combattants des FARC-EP, inquiets tant pour leur sécurité que pour leur avenir socioéconomique.  Il a décrit un contexte, marqué par une économie illégale persistante, la présence de nombreux groupes armés, y compris des groupes criminels ou des FARC dissidents, ou encore la violence à l’égard des dirigeants syndicaux.

L’un des mérites de la feuille de route du 29 mai est de fixer des priorités claires, a estimé M. Arnault, qui s’est dit d’accord avec les trois orientations principales du Gouvernement en sus de la réintégration des anciens combattants, à savoir le déploiement des forces de sécurité pour protéger les communautés et rétablir l’état de droit dans les régions les plus affectées par le conflit, la mobilisation des ressources pour apporter des services sociaux de base dans les communautés rurales les plus isolées et la mise en place rapide d’une juridiction de paix pour satisfaire les besoins de justice des victimes.

Ce sont là, a relevé avec satisfaction M. Arnault, les priorités que le Gouvernement avait indiquées au Fonds pour la consolidation de la paix.  Il a donc invité la communauté internationale à appuyer la réalisation de ces objectifs.

Le Représentant spécial a ensuite plaidé pour l’établissement, au plus tôt, de la deuxième mission des Nations Unies en Colombie, comme l’a demandé le Président colombien dans une lettre adressée au Secrétaire général, le 5 juin dernier.  Une telle mission est prévue par l’Accord final de Bogota.  Aux termes de l’Accord, il doit s’agir d’une mission politique, prévue pour une période de trois ans, renouvelable s’il y a lieu et qui sera chargée notamment de vérifier le processus de réintégration politique, économique et sociale des FARC-EP, ainsi que de mettre en œuvre des mesures de protection et de sécurité personnelle et collective et des programmes complets visant à garantir la protection et la sécurité des communautés et des organisations des territoires.  Aux termes mêmes de l’Accord final, cette mission devrait être créée par l’Assemblée générale mais, comme pour la première mission, les parties ont décidé de présenter leur demande au Conseil de sécurité.

Pour M. Arnault, cette deuxième mission devrait commencer le plus tôt possible car son mandat doit permettre de favoriser la coopération et la confiance, y compris par le biais des mesures de vérification.  La création en janvier 2016 de la première mission des Nations Unies a été largement regardée en Colombie comme une garantie d’un respect scrupuleux des accords de La Havane de 2012, confirmés à Bogota.  « Le Conseil de sécurité reste un facteur de confiance très important » face aux incertitudes et aux inévitables séquelles laissées par un tel conflit, a encore affirmé M. Arnault.  Pour lui, le soutien du Conseil au processus de paix, sa détermination à appuyer l’Accord final de paix -réaffirmée dans la déclaration présidentielle adoptée après la visite du Conseil en Colombie au début du mois de mai- reste une « contribution sans prix au succès à long terme de cette entreprise de paix unique ».

La représentante de la Colombie, Mme María Emma Mejía Vélez, est venue rappeler au Conseil que la Mission des Nations Unies créée il y a neuf mois avait pu constater d’elle-même le respect du cessez-le-feu, la démobilisation des combattants des FARC-EP et la remise de l’intégralité de leurs armes individuelles.  Le processus de réinsertion des ex-combattants est en cours, a-t-elle ajouté, affirmant que, malgré tout ce qui reste à faire, les deux parties ont « sans aucun doute » honoré leurs engagements.  Nous avançons avec détermination, a poursuivi Mme Mejía Vélez, qui a dit avoir « l’honneur de se présenter comme représentante d’un pays qui a dit « Adieu aux armes ».  La représentante a également déclaré que la Colombie et les Nations Unies avaient « beaucoup appris ensemble » grâce au format sui generis du Mécanisme tripartite, suggérant qu’on pourrait s’en servir « sous d’autres latitudes » et en l’adaptant aux spécificités locales.

Mais Mme Mejía Vélez n’a pas non plus dissimulé les difficultés de la consolidation de la paix.  « Les premières années après la fin d’un conflit sont toujours les plus difficiles », a-t-elle rappelé, car elles mettent à l’épreuve la volonté politique, l’action, l’esprit de compromis des parties et l’accompagnement de la communauté internationale.  C’est pourquoi, tout en renouvelant au Conseil les remerciements de son gouvernement et de la population colombienne, elle s’est dite confiante qu’alors que se prépare la deuxième mission des Nations Unies, le pays pourra continuer sur la voie de la paix.  « Avec votre aide, il est sûr que cela se fera », a-t-elle conclu.

Les quatre membres du Conseil de sécurité qui se sont exprimés se sont tous félicités des progrès du processus de paix et ont rendu hommage à l’engagement des deux parties.

« La paix n’est jamais facile, elle exige courage et détermination », a déclaré le représentant de la Suède.  Estimant qu’en Colombie, « on a vu l’un et l’autre », il a félicité le Gouvernement colombien et les FARC-EP d’avoir franchi une nouvelle étape historique du processus de paix avec l’achèvement, le 27 juin, de la remise des armes des FARC-EP.  « Nous répétons que les Colombiens donnent l’exemple au monde et prouvent que miser sur la paix vaut la peine », a pour sa part déclaré le représentant de l’Uruguay, qui a rappelé que son Ministre des affaires étrangères s’était rendu mercredi dernier en Colombie et souligné que les progrès réalisés prouvaient une fois de plus l’engagement indéfectible des parties en faveur du processus de paix.  « Le courage, c’est celui de lutter pour la paix et non de faire la guerre », a-t-il ajouté.  Le représentant de la Bolivie a pour sa part tenu à rendre hommage au soutien apporté par les victimes du conflit au processus de paix, jugeant cet aspect très emportant en plus de la volonté du Gouvernement et des FARC-EP.

Les intervenants ont reconnu les difficultés.  « La paix n’est pas inévitable », a averti le représentant de la Suède, citant des propos tenus en janvier par le Secrétaire général.  Les représentants de la Bolivie et du Kazakhstan ont d’ailleurs rappelé les nombreux défis actuels: discours de haine de certains, assassinats de militants des droits de l’homme ou d’anciens combattants, criminalité organisée.  Ce qui n’a pas empêché le représentant bolivien de juger « irréversible » le processus de paix, malgré des divergences d’opinions qui « toutes, tendent à la réussite du processus ».

Les orateurs ont donc tous appuyé activement l’idée d’une nouvelle mission des Nations Unies.  Pour le représentant de l’Uruguay, le Conseil, qui « a eu raison » de créer la première mission en Colombie, doit maintenir son soutien en créant, avant le 10 juillet, une deuxième mission politique, dont le mandat sera fondé sur la demande des parties colombiennes.  Le représentant de la Suède a ajouté que cette mission devra être configurée en fonction de la prochaine phase du processus de paix et donc disposer d’une présence suffisante aux plans local et régional pour être en mesure de vérifier efficacement la mise en œuvre des dispositions de l’Accord final de paix, et notamment pour assurer l’intégration des anciens combattants des FARC-EP.

Le représentant de la Suède a également rappelé que la bonne volonté et la générosité des partenaires de la Colombie seront essentielles.  « La paix ne peut être faite que par les parties au conflit mais, une fois que celles-ci ont pris ce chemin, elles ne doivent pas marcher seules », a-t-il déclaré, en préconisant un soutien qui permette de mettre en œuvre l’ensemble de l’accord de paix, y compris une importante réforme agraire pour récolter rapidement des dividendes concrets de la paix.

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