En cours au Siège de l'ONU

7960e séance – matin
CS/12858

Alors qu’approche la clôture du second des tribunaux pénaux internationaux, le Conseil de sécurité se voit rappeler l’importance de leur héritage

À moins de sept mois de la fermeture du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), le Conseil de sécurité a entendu ce matin, dans le cadre de son examen semestriel, le Président du Tribunal, M. Carmel Agius; le Président du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux, M. Theodor Meron; ainsi que le Procureur des deux organes, M. Serge Brammertz.  Le Conseil était saisi, à cette occasion, des rapports* des deux présidents, qui ont profité de leur intervention pour envisager l’héritage des tribunaux et en rappeler l’importance dans un environnement international incertain.

Les trois magistrats ont présenté les plus récentes évolutions de leurs juridictions respectives, en faisant part de la transition sans heurt du TPYI vers le Mécanisme.  M. Meron a mis en avant la montée en puissance de ce dernier, symbolisée par l’ouverture imminente du premier procès dont il aura à traiter.

Le Président Meron a estimé que le Mécanisme, qui assume déjà les fonctions du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) depuis sa fermeture fin 2015, serait entièrement autonome et prêt à prendre en charge les dernières fonctions du TPIY lors de la fermeture de celui-ci, à la fin de l’année 2017.

Au titre des difficultés, M. Meron est revenu sur la détention par les autorités turques d’un des juges du Mécanisme, M. Aydin Sefa Akay, et ce, depuis huit mois et demi, malgré l’immunité diplomatique dont il bénéficie du fait de ses fonctions.  Il a déploré l’incapacité à résoudre cette question comme il convient, estimant que cela « porte atteinte au principe d’indépendance judiciaire ».  S’adressant au Conseil de sécurité, il a demandé de « prendre les mesures nécessaires » pour que la situation « trouve un dénouement approprié ».

Ce sont d’autres problèmes, récurrents, qu’a évoqués le Président Agius.  Tout en faisant observer que le calendrier des dernières procédures -l’affaire Ratko Mladić en première instance et l’affaire Jadranko Prlić et consorts en appel- était respecté et que jugement et arrêt étaient respectivement attendus en novembre 2017, il a rappelé les difficultés du TPIY à conserver son personnel.  Celui-ci est en effet tenté de trouver de nouveaux emplois avant sa fermeture.

Pour sa part, le Procureur des deux institutions, M. Brammertz, a rappelé que ses services restaient concentrés sur les mêmes questions: la conclusion des procès en première instance et en appel devant le TPIY; la localisation et l’arrestation des huit fugitifs inculpés par le TPIR; et l’assistance aux juridictions nationales qui enquêtent et poursuivent les allégations de crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide commis au Rwanda et dans l’ex-Yougoslavie.

Les trois hommes ont aussi mis en valeur l’œuvre accomplie par les tribunaux, créés il y aura bientôt un quart de siècle, et son devenir.

« La dernière année de l’activité du TPIY représente une occasion unique de s’interroger sur ce à quoi ressemblera notre héritage sur le long terme et de consolider cet héritage en collaborant avec ceux et celles qui sont le plus concernés par les travaux du Tribunal, et en veillant à ce que cet héritage trouve un écho à l’avenir », a déclaré le Président Agius.

Lors du débat, plusieurs membres du Conseil, notamment la Suède, la Bolivie et l’Italie, ont également insisté sur l’importance de cet héritage.  La lutte contre l’impunité représente un objectif commun qui ne s’arrête pas avec la fermeture des tribunaux ad hoc, a ainsi rappelé le représentant de l’Italie.

Les collègues du Président Agius se sont toutefois montrés circonspects.  Le Président Meron s’est ainsi inquiété des « doutes et incertitudes qui se multiplient à l’égard des institutions internationales et régionales et de leurs activités », estimant qu’on assistait à « l’abandon d’une vision commune de ce que la communauté internationale peut accomplir lorsqu’elle agit de concert ». 

Plus alarmiste encore, le Procureur Brammertz s’est dit contraint de signaler au Conseil « le déni généralisé des crimes et le refus d’accepter les faits établis par le TPIY et le TPIR ».  Tout en insistant sur le travail énorme effectué par les tribunaux et leurs membres, il a dénoncé une atmosphère de « déni et de révisionnisme ».

« Quand des dirigeants irresponsables utilisent la division, la discrimination et la haine pour protéger leur pouvoir, alors les conflits et les atrocités peuvent gagner leur propre logique », a dénoncé le Procureur, qui a averti: « C’était vrai il y a 20 ans, quand le génocide et le nettoyage ethnique ont commencé; et cela reste vrai aujourd’hui ».

M. Brammertz a notamment cité des exemples concernant l’ex-Yougoslavie où, selon lui, la coopération judiciaire régionale sur les crimes de guerre commis « continue d’aller dans la mauvaise direction ».  Le Président Agius a, lui aussi, dénoncé le manque de coopération de la Serbie dans une affaire d’outrage.

Face à ces accusations, le représentant de la Serbie a affirmé que son pays s’était acquitté de ses engagements et avait coopéré pleinement avec le TPIY, tout en ajoutant que la coopération régionale supposait une réciprocité.

Le Premier Ministre adjoint de la Croatie a rappelé pour sa part que les Statuts du TPIY ne lui donnent pas compétence pour établir des faits sur la responsabilité des États, mais seulement sur la responsabilité pénale individuelle, alors que le représentant de la Bosnie-Herzégovine insistait sur la coopération exemplaire et toujours reconnue de son pays avec le TPIY.

Si les États-Unis et l’Ukraine ont également dénoncé le comportement de la Serbie, la Fédération de Russie a pour sa part déploré que le TPIY n’ait pas fait droit à une demande de libération provisoire de M. Ratko Mladić pour raisons humanitaires, en attendant son procès.

En début de séance, le Conseil a observé une minute de silence en hommage aux victimes de l’attentat terroriste commis à Téhéran ce jour et que le Président du Conseil a vivement condamné.

* S/2017/434 et S/2017/436

TRIBUNAL INTERNATIONAL CHARGÉ DE JUGER LES PERSONNES ACCUSÉES DE VIOLATIONS GRAVES DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE COMMISES SUR LE TERRITOIRE DE L’EX-YOUGOSLAVIE DEPUIS 1991

TRIBUNAL INTERNATIONAL CHARGÉ DE JUGER LES PERSONNES ACCUSÉES D’ACTES DE GÉNOCIDE OU D’AUTRES VIOLATIONS GRAVES DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE COMMIS SUR LE TERRITOIRE DU RWANDA ET LES CITOYENS RWANDAIS ACCUSÉS DE TELS ACTES OU VIOLATIONS COMMIS SUR LE TERRITOIRE D’ÉTATS VOISINS ENTRE LE 1ER JANVIER ET LE 31 DÉCEMBRE 1994

Lettre datée du 17 mai 2017, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Président du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux (S/2017/434)

Lettre datée du 17 mai 2017, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Président du Tribunal international chargé de juger les personnes accusées de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (S/2017/436)

Déclarations

M. CARMEL AGIUS, Président du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), a rappelé que le Tribunal fermera ses portes le 31 décembre 2017.  Tout en assurant que le Tribunal restait sur la bonne voie pour mener à terme la mission que lui a confiée le Conseil de sécurité en 1993, il a prévenu que d’importants obstacles réclament l’attention immédiate de cet organe.

Détaillant les grands pas accomplis vers l’achèvement des dernières procédures de première instance et d’appel, il a indiqué que, dans l’affaire Le Procureur c. Rakto Mladić en première instance, et dans l’affaire Le Procureur c. Jadranko Prlić et consorts en appel, le calendrier établi était respecté.  Le jugement et l’arrêt attendus dans ces deux affaires devraient être prononcés en novembre 2017.

Le TPIY continue toutefois de connaître de grandes difficultés, a averti M. Agius.  Dans l’affaire d’outrage pendante concernant Petar Jojić, Jovo Ostojić et Vjerica Radeta, la République de Serbie a manqué aux obligations que fixe le Statut du Tribunal en refusant de coopérer avec ce dernier et d’exécuter les mandats d’arrêt délivrés contre les accusés, il y a bientôt deux ans et demi. 

Le Président a souligné une fois de plus que les accusations portées contre ces personnes sont « extrêmement graves » et que « toutes pressions exercées sur les témoins du Tribunal compromettent la nature et le bon fonctionnement d’une institution judiciaire établie par le Conseil de sécurité ».  Selon lui, la Serbie manque à ses obligations internationales et le Conseil, qui est à même de résoudre cette question, doit impérativement prendre des mesures énergiques.

« Nous sommes prêts et disposés à juger ces personnes si elles sont transférées à La Haye, mais nous attendons une action énergique de votre part », a insisté M. Agius.  « Ni moi ni personne au Tribunal ne cherche à se prévaloir de cette affaire pour prolonger l’existence du Tribunal », a-t-il assuré.

Entre autres difficultés, le Président a signalé que le Tribunal peine toujours à conserver ses employés.  Des membres clefs du personnel décident de quitter l’institution en raison de sa fermeture imminente, à la faveur d’emplois plus sûrs.  Des mesures visant à fidéliser le personnel permettraient de garantir l’achèvement du mandat du Tribunal dans les meilleures conditions, a-t-il souligné.  « C’est en cela que le Tribunal a besoin, de toute urgence, du soutien de l’ONU. »

En plus de mener à terme ses travaux judiciaires, le TPIY continue d’œuvrer pleinement à sa liquidation, a poursuivi le juge. 

Enfin, a-t-il dit, « la dernière année de l’activité du Tribunal représente une occasion unique de s’interroger sur ce à quoi ressemblera notre héritage sur le long terme et de consolider cet héritage en collaborant avec ceux et celles qui sont le plus concernés par les travaux du Tribunal, et en veillant à ce que cet héritage trouve un écho à l’avenir ».  Pour ces raisons, le TPIY organise cette année plusieurs évènements qui marqueront la fin d’un chapitre historique de la justice pénale internationale.

C’est également à cette fin que le Tribunal participe au projet visant à créer des centres d’information en ex-Yougoslavie, comme l’a requis le Conseil de sécurité dans sa résolution 1966 (2010).

Aucune institution ne saura rendre ce qui a été perdu pendant les guerres en ex-Yougoslavie ni effacer les crimes atroces qui ont été perpétrés à cette époque.  « Le Tribunal a néanmoins démontré que lorsque la communauté internationale a la volonté de coopérer et de défendre ce qui est juste, il est possible de contraindre les auteurs des violations les plus flagrantes du droit international humanitaire à répondre de leurs actes », a conclu M. Agius.

M. THEODOR MERON, Président du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux, a rappelé qu’il avait présenté, le 17 mai, un rapport écrit dans lequel il se concentre sur quelques points marquants, en fournissant une actualisation.  Il a ainsi rappelé que M. Olufemi Elias avait pris ses fonctions de greffier du Mécanisme le 1er janvier 2017, après sa nomination par le Secrétaire général.  Il a estimé que le Mécanisme, déjà chargé des fonctions du TPIR depuis sa fermeture fin 2015, serait entièrement autonome et prêt à prendre en charge les dernières fonctions du TPIY lors de la fermeture de celui-ci, à la fin de l’année en cours.

M. Meron a déclaré que le Mécanisme continuait de « faire d’excellents progrès dans la gestion de ses travaux judiciaires », alors que sa charge de travail « ne cesse d’augmenter ».  Il a notamment rappelé que le nombre de décisions et ordonnances rendues par le Mécanisme était passé de 25 en 2012 à 405 en 2016, et qu’il en avait déjà rendues 146 durant les cinq premiers mois de 2017.

Plusieurs des décisions récentes concernent des procès de grande envergure qui sont actuellement pendants en première instance ou en appel devant le Mécanisme international.  Le Président a ainsi annoncé que le nouveau procès de l’affaire impliquant Jovica Stanišić et Franko Simatović devait s’ouvrir la semaine prochaine à La Haye.  Il s’agira du premier procès traité par le Mécanisme, ce qui représente pour lui « une étape importante », a ajouté M. Meron.  Le Président a encore précisé que, après la finalisation des exposés des parties mettant en cause Radovan Karadžić et Vojislav Šešelj, la préparation des audiences « avance à grands pas ».  Il a enfin rappelé que les travaux du Mécanisme ne se limitent pas aux grands procès mais touchent aussi à diverses questions comme des allégations d’outrage, des demandes en révision ou en liberté provisoire, entre autres.

Les affaires renvoyées devant les juridictions nationales pour y être jugées, dont le Mécanisme assure le suivi aux termes de son Statut, représentent une part importante des efforts déployés à l’échelle nationale, a poursuivi M. Meron, qui a fait part « d’importants progrès » en la matière.  De manière générale, M. Meron estime que le Mécanisme « réalise d’excellents progrès dans le cadre de ses activités judiciaires ».

Le Président du Mécanisme est ensuite revenu sur les difficultés posées par la détention continue du juge Aydin Sefa Akay par les autorités turques, laquelle, a-t-il réaffirmé, « compromet l’intégrité du modèle de travail à distance des juges envisagé par le Conseil de sécurité ».  De nationalité turque, le juge Akay a été affecté, le 25 juillet 2016, à la procédure en cours dans l’affaire Ngirabatware soumise au Mécanisme, avant d’être arrêté aux alentours du 21 septembre 2016 par des agents des services de répression du Gouvernement turc pour des allégations de faits liés aux événements du 15 juillet 2016 ayant porté atteinte à l’ordre constitutionnel turc.

Or, a rappelé M. Meron, le juge bénéficie de l’immunité diplomatique durant toute la procédure, toujours en cours, de l’affaire Ngirabatware, immunité qui a été officiellement confirmée en octobre 2016 par le Conseiller juridique des Nations Unies.  Plus grave encore, « l’incapacité à résoudre cette question comme il convient porte atteinte au principe d’indépendance judiciaire », lequel est « au cœur de toute institution judiciaire qui défend la primauté du droit », a poursuivi le Président Meron, qui a constaté que la Turquie, « au lieu de s’acquitter des obligations que lui impose le Chapitre VII de la Charte, a engagé en début d’année une procédure contre le juge Akay et ne cesse de l’ajourner depuis ».  Jugeant « intolérable » qu’un juge international puisse être détenu depuis déjà huit mois et demi, il a demandé au Conseil de sécurité de « prendre les mesures nécessaires » pour que la situation « trouve un dénouement approprié ».

M. Meron a encore rendu compte de progrès effectués dans différents domaines, dont la situation des personnes acquittées et libérées, avec la réinstallation récente dans un État d’Afrique de l’Ouest de deux de ces personnes, ce qui ne laisse à Arusha que 11 personnes dans une situation comparable.  Il a remercié l’État d’accueil et demandé au Conseil de sécurité de continuer d’appuyer les efforts du Mécanisme international pour régler cette question.

En outre, il a fait état de l’avancement d’un projet de décision de principe avec le Gouvernement du Sénégal, qui permettrait de régler la situation de 10 autres personnes se trouvant actuellement à Arusha.  Il a par ailleurs annoncé la signature, en mai, avec le Gouvernement du Bénin, d’une version révisée et améliorée de l’accord relatif à l’exécution des peines.

En conclusion, le Président Meron s’est inquiété des « doutes et incertitudes qui se multiplient à l’égard des institutions internationales et régionales et de leurs activités », estimant qu’on assistait à « l’abandon d’une vision commune de ce que la communauté internationale peut accomplir lorsqu’elle agit de concert ».  Tout en jugeant possible qu’il ne s’agisse là que d’un « signe de l’oscillation perpétuelle des affaires internationales », il a jugé inconcevable qu’on puisse laisser « une situation temporaire menacer les progrès importants que les Nations Unies et le Conseil de sécurité ont réalisés ces 25 dernières années en renforçant le principe de la primauté du droit et en combattant l’impunité, conformément au droit international ».

M. SERGE BRAMMERTZ, Procureur du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux, a rappelé que ses services restaient concentrés sur les mêmes dossiers, à savoir la conclusion des procès de première instance et d’appel pendant devant le TPIY, la localisation et l’arrestation des huit fugitifs inculpés par le TPIR, ainsi que l’assistance aux juridictions nationales qui enquêtent et poursuivent les allégations de crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocides commis au Rwanda et dans l’ex-Yougoslavie.

Le TPIY devrait fermer ses portes à la fin de cette année et conclure les deux affaires encore en instance, celle qui concerne Ratko Mladić, et l’appel dans l’affaire Prlić et consorts.  Le succès de ces deux affaires apportera une contribution importante à la longue quête de justice dans laquelle le Conseil de sécurité s’est lancé en 1993, a estimé M. Brammertz.

Le Procureur a réaffirmé son engagement à arrêter, pour les poursuivre en justice devant le TPIR, les huit fugitifs recherchés.  À cet égard, il a annoncé la constitution de deux équipes spéciales consacrées respectivement à l’Afrique et l’Europe, ainsi que l’adoption d’une approche plus proactive.  Se disant par ailleurs conscient des contraintes budgétaires, et de ce que les occasions de localiser les fugitifs et de les arrêter ne seront pas éternelles, il a demandé « une augmentation temporaire » des ressources financières de ses services pour 2018-2019.  En cas d’échec, il faudra étudier des solutions alternatives, y compris le transfert de la responsabilité concernant ces fugitifs à des autorités nationales, a ajouté le Procureur, qui a sollicité le soutien du Conseil.

M. Brammertz a expliqué que ses services continuaient d’aider les juridictions nationales qui exercent les poursuites dans les affaires portant sur des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des génocides au Rwanda et dans l’ex-Yougoslavie.  Il a notamment expliqué comment ses services avaient amélioré leur coopération avec le Rwanda en améliorant une base de données électroniques, afin de fournir de nouveaux éléments de preuve aux autorités rwandaises, ou encore en renforçant leur coopération avec le procureur général du Rwanda. 

Le Procureur a une nouvelle fois regretté que la coopération judiciaire régionale sur les crimes de guerre commis dans l’ex-Yougoslavie « continue d’aller dans la mauvaise direction ».  Il a souhaité que les différentes autorités nationales concernées accordent l’attention qui lui est due à son rapport afin de résoudre les questions importantes qui y ont été soulevées.

M. Brammertz s’est toutefois dit contraint de signaler au Conseil « le déni généralisé des crimes et le refus d’accepter les faits établis par le TPIY et le TPIR ».  Il a rappelé que pendant plus de 20 ans, les deux tribunaux mis en place par le Conseil pour rendre redevables de leurs crimes les auteurs des atrocités commises dans l’ex-Yougoslavie ou au Rwanda avaient, grâce au travail de juges internationaux indépendants et impartiaux, garanti des procès équitables, rassemblé des quantités énormes d’éléments de preuve et déterminé la vérité sur ce qui s’était passé.  Ainsi, a-t-il rappelé, avec le Rwanda, une nouvelle génération a, 50 ans après l’Holocauste, pu comprendre ce que signifie un génocide et il est aujourd’hui universellement établi qu’« entre le 6 avril 1994 et le 17 juillet 1994, un génocide a été commis au Rwanda contre le groupe ethnique tutsi ».

De même, en ex-Yougoslavie, où le nouveau terme de « nettoyage ethnique » a défini les horreurs infligées à des civils innocents, le TPIY a démontré que de hauts responsables politiques et militaires avaient mis en œuvre des campagnes criminelles de nettoyage ethnique.  En outre, les services du Procureur ont démontré au-delà de tout doute raisonnable qu’un génocide avait été commis en 1995 à Srebrenica lors de l’exécution de plus de 7 000 musulmans, hommes et enfants, alors que près de 30 000 femmes et enfants étaient expulsés de force.

Et pourtant, s’est élevé le Procureur, « le génocide est nié.  Le nettoyage ethnique est nié.  La culpabilité individuelle de hauts dirigeants politiques et militaires est niée ».  M. Brammertz a rappelé qu’il avait informé depuis plusieurs années le Conseil de ce déni des crimes et de la glorification des criminels de guerre condamnés.  Il a fait observer que le ministre de l’éducation de la Republika Srpska avait récemment annoncé qu’il interdirait que les livres scolaires traitent du passé récent, y compris du génocide de Srebrenica, ce qui veut dire que ces faits seront enseignés partout dans le monde, mais pas dans le pays où ils ont été commis.

Il s’est aussi indigné qu’un chanteur ultranationaliste ait prévu de donner prochainement, à Mostar, un concert au profit des six accusés condamnés en première instance dans le procès Prlić et consorts, y voyant une « provocation inacceptable, la dernière en date d’une longue série » et une « insulte aux victimes ».

Pour M. Brammertz, ce message de déni et de révisionnisme est fort et clair: « nous reconnaissons nos victimes, mais pas les vôtres; vos criminels de guerre sont nos héros ».  C’est lorsque des dirigeants irresponsables utilisent la division, la discrimination et la haine pour protéger leur pouvoir que les conflits et les atrocités peuvent gagner leur propre logique, a-t-il rappelé.  « C’était vrai il y a 20 ans, quand le génocide et le nettoyage ethnique ont commencé; et cela reste vrai aujourd’hui. »  Avec la fermeture du TPIR et maintenant celle, prochaine, du TPIY, il a jugé plus important que jamais de traiter ces défis.  « Pour assurer un avenir pacifique, il doit exister un accord partagé sur le passé récent. »

La fermeture, à la fin de l’année, du TPIY clôturera un chapitre important ouvert par le Conseil de sécurité il y a 24 ans, mais le travail de justice envers les victimes des crimes de guerre commis en ex-Yougoslavie et au Rwanda continuera, a encore rappelé le Procureur.  Il a réaffirmé que ses services continueraient de traiter les affaires en cours devant le Mécanisme et que ses services continueraient leur recherche des fugitifs.  Jugeant essentiel que les juridictions nationales continuent les poursuites et délivrent les jugements contre les auteurs de crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide, en ex-Yougoslavie comme au Rwanda, il a assuré que ses services les soutiendraient.

M. ELBIO ROSSELLI (Uruguay) a salué les progrès réalisés par le TPIY en ce qui concerne ses activités judiciaires et son processus de liquidation, à l’approche de sa fermeture définitive prévue pour la fin de l’année.  Partageant la préoccupation du Président du Tribunal sur le départ de membres du personnel, il a espéré qu’il trouverait une solution avec l’ONU pour retenir les fonctionnaires les plus qualifiés pour mener à bien la phase d’achèvement des travaux.

M. Rosselli s’est également inquiété de ce que les mandats d’arrêt délivrés contre plusieurs individus accusés d’outrage ne soient toujours pas exécutés.  S’agissant du Mécanisme international, il a notamment apprécié qu’il mette l’accent sur la recherche des huit personnes toujours en fuite mises en accusation par le TPIR. 

Le représentant a souligné l’importance fondamentale de la coopération des États pour que le TPIY et le Mécanisme puissent s’acquitter dûment des mandats qui leur ont été confiés par le Conseil de sécurité.  Il appartient au Conseil de sécurité d’assumer ses responsabilités, a-t-il insisté.  Selon lui, le Conseil ne doit pas permettre l’affaiblissement de ces institutions, car c’est la crédibilité de la justice internationale qui est en jeu.  « Le Conseil ne peut pas faire semblant de ne pas voir les situations décrites par les juges », a-t-il conclu.  

M. SEBASTIANO CARDI (Italie) a salué les efforts du Président du TPIY et de ses équipes pour permettre au Tribunal de finaliser sa mission d’ici à la fin de l’année.  Pour ce qui est du Mécanisme international, l’Italie se réjouit de le voir fonctionner de manière efficace, sous le leadership de son président, M. Meron.  Elle se dit prête à le soutenir, convaincue que l’arrestation des huit fugitifs relatifs aux affaires du Rwanda, ainsi que les autres poursuites pénales relatives au TPIR et au TPIY sont « entre de bonnes mains » avec le Procureur Brammertz.

Le Conseil de sécurité, dans son ensemble, a contribué à instaurer « l’époque de la reddition de comptes » et il se doit de rester cohérent dans la défense de ses principes fondamentaux, a poursuivi M. Cardi. 

En tant que Vice-Président de l’Assemblée des États parties à la Cour pénale internationale, il a tenu à souligner la responsabilité première des États à rendre la justice en cas de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide, en appliquant les normes internationales en la matière.  Cependant, la communauté internationale doit apporter toute l’aide nécessaire lorsque les juridictions nationales ne sont pas en mesure de le faire ou si elles sont réticentes.

La coopération est, selon lui, essentielle pour la bonne marche des tribunaux pénaux internationaux qui sont « des géants sans bras et sans jambes ».  Or, dans les cas du TPIY et du Mécanisme, le manque de coopération reste une source de préoccupation majeure.  Pour M. Cardi, la lutte contre l’impunité représente un objectif commun qui ne s’arrête pas avec la fermeture des tribunaux ad hoc.

Comme autre point important pour l’Italie, il a souligné que le Conseil de sécurité devait pleinement s’approprier le travail de ces deux organes subsidiaires établis en 1990 et prendre en compte les leçons tirées dans ses propres activités.  « La reddition de comptes doit faire partie de la stratégie plus large de prévention des Nations Unies », a poursuivi M. Cardi.  En dépit des avis divergents sur ce point, il encourage les membres du Conseil à aller de l’avant jusqu’à ce que des solutions viables soient trouvées.  À cet égard, il a salué les travaux du Groupe de travail informel sur les tribunaux internationaux, sous le leadership de l’Ambassadeur Rosselli, de l’Uruguay.

M. TAKESHI AKAHORI (Japon) a salué les progrès accomplis par le TPIY en vue de pouvoir conclure sa mission d’ici à la fin de l’année, en particulier pour ce qui est des affaires toujours en instance de Mladić et Prlić et consorts, et cela en dépit des restrictions d’effectifs que le Tribunal connaît actuellement.  Le Japon espère que ces deux affaires seront jugées en novembre, a-t-il dit en saluant le leadership du Président Agius.  En vue de réaliser son mandat, le TPIY doit pouvoir compter sur la coopération de tous les États Membres, a poursuivi M. Akahori qui s’est dit préoccupé par le refus continu de certains États concernés à le faire.

Il a ensuite salué les efforts actuels du Mécanisme international en vue d’établir un calendrier pour les procédures des affaires pendantes.  Il a également salué la bonne coordination entre les procureurs du TPIY et du Mécanisme. 

Le Japon estime que l’arrestation des huit fugitifs restants doit être une priorité pour le Mécanisme.  Prenant note de la proposition du Procureur de transférer cette responsabilité aux autorités nationales à l’avenir si la situation ne s’améliore pas, le représentant a tout de même émis l’espoir de voir les équipes du Procureur mener ces arrestations le plus rapidement possible.

M. EVGENY T. ZAGAYNOV (Fédération de Russie) a constaté que l’examen des affaires soumises au TPIY se faisait selon le calendrier prévu.  Il a appelé les responsables des tribunaux à tout faire pour réduire les délais, comme le Conseil de sécurité l’a demandé à plusieurs reprises.  Il a demandé que tout soit mis en œuvre pour corriger « certains écarts » qui sont apparus dans les travaux des tribunaux.  Ainsi, a-t-il affirmé, on ne peut accepter les tentatives d’attribuer la responsabilité des crimes commis à une forme de culpabilité collective de peuples, d’États ou de gouvernements dans leur ensemble.  Les tribunaux, a-t-il argué, doivent appliquer le principe de responsabilité individuelle des auteurs de crimes.

Le représentant russe a en particulier dénoncé le refus du TPIY de répondre favorablement à la demande de libération provisoire de Ratko Mladić, motivée par des raisons humanitaires car il s’agit de lui permettre de suivre un traitement en Russie.  Dans la même ligne, il a mis en cause la qualité des traitements médicaux accordés aux prisonniers par la division médicale du Tribunal.  Le représentant a également estimé qu’une affaire d’outrage ne devait pas avoir de conséquences sur un procès ou sur la date de fermeture du Tribunal.

Le représentant a par ailleurs assuré suivre de près les travaux menés par le Mécanisme international.  Il a tenu à souligner que ce mécanisme ne dispose que d’un mandat restreint et que son examen doit être revu tous les deux ans.  Le représentant a demandé que le Mécanisme ne s’éloigne pas de son mandat et qu’il planifie de manière efficace ses activités dans le plus grand respect des procédures judiciaires.

Mme MICHELE J. SISON (États-Unis) a assuré que son pays restait engagé en faveur des travaux du TPIY, jugeant essentiel l’achèvement de son mandat.  Nous ne pourrons jamais effacer les crimes commis pendant la guerre, a-t-elle reconnu, mais les travaux du Tribunal auront permis de « clore un chapitre noir de notre histoire et de démontrer aux autres auteurs de crimes odieux dans le monde qu’ils ne peuvent pas agir dans l’impunité totale », comme en Syrie ou au Soudan du Sud.

Établir des faits est essentiel pour contrer les tentatives de réécrire l’histoire et de nier que des crimes de génocide ont été commis, a ajouté la représentante.  Elle a relevé que les discours violents et les idéologies continuent aujourd’hui de saper ces procédures qui sont pourtant indispensables pour garantir l’état de droit et la justice.  Déplorant le fait que trois mandats d’arrêt émis à l’encontre d’individus accusés d’outrage n’aient pas été exécutés en Serbie depuis près de deux ans et demi, elle a rappelé que « la coopération avec le Tribunal est obligatoire ».

Dans un message à la Serbie, Mme Sison a dit que l’incapacité à coopérer pleinement avec le Tribunal mettait en péril le système de justice internationale et qu’il fallait « régler cette question de toute urgence ».

De même, les fugitifs mis en accusation par le TPIR doivent être arrêtés et traduits en justice.  La représentante a indiqué que les États-Unis travailleraient avec les équipes spéciales qui se concentrent sur l’Afrique et l’Europe dans le cadre de ces efforts.  Les États-Unis maintiennent leur offre de prime de 5 millions de dollars à toute personne qui contribuera à leur arrestation, a-t-elle ajouté.  Enfin, elle a exprimé ses préoccupations face aux entraves au travail du Mécanisme du fait de la détention du juge Akay. 

M. GORGUI CISS (Sénégal) a constaté avec satisfaction des « avancées notoires » dans le traitement des affaires encore pendantes et estimé que le prochain procès dans l’affaire impliquant Jovica Stanišić et Franko Simatović représenterait une avancée importante dans le travail du Mécanisme.  Il a toutefois noté diverses questions toujours en suspens, comme celle de l’attrition du personnel des tribunaux, l’utilisation optimale des ressources ou la poursuite des fugitifs.  Le Sénégal renouvelle donc son appel aux États dans lesquels pourraient se trouver les fugitifs afin qu’ils enquêtent sur leur présence et les arrêtent, le cas échéant.  Il a par ailleurs souhaité un dénouement heureux et rapide dans l’affaire de la détention du juge Akay.

Le Sénégal reconnaît le travail crucial effectué par les tribunaux et leur contribution à la justice internationale et à la réconciliation.  C’est pourquoi le Sénégal s’est engagé à prendre le contrôle des huit cellules rénovées par le TPIR, a encore affirmé le représentant.

M. LI YONGSHENG (Chine) a salué les efforts déployés par le Président du TPIY pour achever les travaux du Tribunal d’ici à la fin de l’année.  Le Mécanisme a également continué de progresser sur tous les fronts, a-t-il constaté, notant que 152 décisions et ordonnances avaient été rendues.  Il a espéré une liquidation et un transfert sans heurt des tâches restantes du TPIY.

M. IHAB MOUSTAFA AWAD MOUSTAFA (Égypte) s’est félicité des progrès enregistrés dans la mise en œuvre des mandats des deux tribunaux internationaux.  Rappelant que le Conseil de sécurité avait créé le TPIY et le TPIR pour assurer la primauté du droit et démontrer la sincérité de la communauté internationale dans sa volonté de poursuivre des criminels de guerre et criminels contre l’humanité, le représentant a estimé que les tribunaux avaient joué un rôle important à cet égard, un rôle que le Mécanisme poursuivra.

L’Égypte se félicite des mesures prises pour assurer une transition sans heurt des tribunaux au Mécanisme.  Le Conseil de sécurité doit faire en sorte que le Mécanisme international puisse remplir son mandat, a-t-il souhaité.  Il a noté à cet égard que le Bureau des services de contrôle interne (BSCI) contrôle de manière objective le travail du Mécanisme.  En même temps, il doit tenir compte de la nature judiciaire du Mécanisme et notamment de l’indépendance des juges, a-t-il souligné.  C’est pourquoi l’Égypte suit avec attention l’affaire de la détention du juge Akay et souhaite un dénouement favorable et conforme au droit international.

M. YURIY VITRENKO (Ukraine) a regretté les difficultés auxquelles sont confrontés le TPIY et le Mécanisme, espérant qu’elles n’affecteraient pas leurs capacités opérationnelles à ce stade important de leurs travaux.  Il a mis l’accent sur un défi d’une autre nature, celui de la coopération des États avec les tribunaux pénaux internationaux.

À ce sujet, il s’est dit particulièrement préoccupé par la position de la Serbie qui fait fi des mandats d’arrêt émis par le TPIY, appelant ce pays à respecter ses obligations.  « Il est important pour la justice internationale et la prévention des crimes que toutes les affaires soumises au Tribunal soient menées à bien.  Il est impératif d’envoyer un message fort pour faire comprendre que nul n’est à l’abri de la justice en cas de violations du droit international humanitaire », a-t-il lancé.  Il a salué la publication récente par Interpol de « notices rouges », qui sont des messages d’alerte internationaux, concernant les affaires en cours.

En ce qui concerne le Mécanisme, le représentant s’est félicité de ses activités judiciaires.  Il a appuyé ses efforts constants pour réduire les coûts et simplifier les méthodes de travail.  

Pour Mme ANNE GUEGUEN (France), le TPIY doit pouvoir compter jusqu’au bout sur la mobilisation de l’ensemble des équipes pour mener ses procédures judiciaires à bien, alors que pour le Mécanisme international, le Conseil de sécurité doit s’assurer que le modèle adopté lui permette de s’acquitter de ses fonctions de manière efficace, avec des coûts réduits.

Comme 2017 est l’année de clôture de ce tribunal, la France tient à réaffirmer l’œuvre majeure réalisée par le TPIY sur le chemin de la réconciliation et de la paix, même si ce chemin n’est pas encore achevé pour les populations de la région.  Son expérience est fondatrice, a affirmé Mme Gueguen, et le Tribunal se montrerait pionnier en en faisant bénéficier les autres institutions judiciaires internationales dans le but de renforcer la justice pénale internationale.  Elle a insisté sur le fait que les États de la région ont, plus que jamais, la responsabilité de coopérer pleinement avec le Tribunal, une obligation qui s’étend aussi au Mécanisme international. 

La France appelle tous les États à tout faire pour permettre l’arrestation des huit fugitifs mis en accusation devant le TPIR, rappelant que toutes les affaires renvoyées en 2007 par ce tribunal sont toujours en cours et donnent lieu à des échanges réguliers avec le Procureur du Mécanisme, ainsi qu’avec l’observateur spécialement désigné par le Mécanisme.

Sa délégation réaffirme son soutien au déroulement d’une transition harmonieuse vers le Mécanisme et se réjouit du soutien que le TPIY et le Mécanisme s’apportent mutuellement.  Elle réaffirme l’importance des recommandations du Bureau des services de contrôle interne dans l’évaluation du TPIY conduite en 2016, et appelle le Mécanisme à les suivre en ce qu’elles concernent les conditions de fonctionnement, l’établissement d’un code de déontologie et la mise en place d’un mécanisme disciplinaire pour les juges.

Mme Gueguen a également mis l’accent sur la prise en compte de la diversité des systèmes juridiques qui, selon elle, est un facteur du succès de la mission du Mécanisme comme de toutes les juridictions pénales internationales.  Enfin, elle a réitéré le soutien de sa délégation aux activités du TPIY et du Mécanisme visant à renforcer les capacités judiciaires nationales.  Ces actions sont, à ses yeux, une contribution « inestimable » à la lutte contre l’impunité et à l’accès à la justice partout dans le monde. 

M. KANAT TUMYSH (Kazakhstan) a pris note des progrès enregistrés dans la mise en œuvre de la stratégie d’achèvement et dit espérer que les multiples difficultés rencontrées ne constitueraient pas un revers pour le TPIY qui doit s’acquitter de ses tâches dans les délais prescrits.  De manière générale, il s’est félicité du rôle positif joué par les organes judiciaires internationaux pour punir les auteurs de crimes odieux et maintenir la confiance dans le droit international. 

Mme MAHLET HAILU GUADEY (Éthiopie) a salué le travail effectué par le TPIY pour garantir une transition sans heurt et le transfert des archives au Mécanisme, ainsi que les échanges de ressources entre le Bureau du Procureur et le Mécanisme, en vue d’achever l’examen des affaires pendantes.  Elle s’est également félicitée du travail accompli par le Mécanisme en ce qui concerne certaines affaires présentées devant les juridictions nationales, avant de saluer aussi la coopération entre les États Membres pour l’exécution des sentences du TPIR. 

La représentante a cependant noté que, ces dernières années, plus de 14 inculpés avaient été libérés dans le cadre d’une libération anticipée, et ce, sans l’accord de certaines entités.  Ces pratiques, a-t-elle relevé, ne correspondent pas à la gravité des crimes commis et peuvent avoir des conséquences négatives pour les victimes.  Elle a donc encouragé le Président du Mécanisme à poursuivre son dialogue avec les États afin de trouver une solution durable aux questions en suspens.

Le rôle joué par les tribunaux pénaux internationaux dans la lutte contre l’impunité en cas de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre ne saurait être surestimé, selon Mme IRINA SCHOULGIN NYONI (Suède).  « Faire prévaloir la justice dans les situations postconflit est essentiel pour panser les blessures de la guerre et pérenniser la paix », a-t-elle déclaré, expliquant que la réconciliation nationale n’est possible que si les responsables de ce type de crimes sont traduits en justice, que ce soit devant les tribunaux internationaux ou les juridictions nationales.

La Suède salue le fait que les deux dernières affaires en instance devant le TPIY, celles de Ratko Mladić et Prlić et consorts, seront conclues en novembre 2017, permettant ainsi au Président Agius d’assurer une transition structurée et dans les temps vers le Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux.

Il est important qu’il n’y ait pas d’affaires toujours en instance au moment de la fermeture du TPIY, a souligné la représentante avant d’inviter la Serbie à coopérer pleinement avec la Cour et à arrêter les trois personnes qu’elle doit soumettre au TPIY depuis janvier 2015.  Elle a partagé les inquiétudes des procureurs face au refus de certains de reconnaître les crimes et les faits établis par le TPIY, en faisant remarquer que cela porte atteinte à la réconciliation dans les Balkans occidentaux.

La Suède a pris note des 152 décisions rendues d’ores et déjà par le Mécanisme international qui s’appuie sur la flexibilité de son organisation.  En effet, a estimé la représentante, le système des juges à distance a prouvé sa rentabilité et son efficacité.  Avant de conclure, elle a regretté que huit individus mis en accusation par le TPIR soient toujours fugitifs, avant d’appeler tous les États à pleinement coopérer avec le Mécanisme international pour qu’ils soient arrêtés sans plus tarder.

Mme HELEN MULVEIN (Royaume-Uni) a rappelé l’appui du Royaume-Uni au TPIY et au Mécanisme, ajoutant que la communauté internationale dans son ensemble poursuivra son appui au Tribunal afin que la justice soit rendue.  Elle a constaté le respect par le TPIY du calendrier prévu pour les procès et le transfert des compétences au Mécanisme international, tout en notant les difficultés rencontrées, notamment en ce qui concerne l’attrition du personnel.

La représentante a invité la Serbie à coopérer pleinement avec le TPIY, « sans quoi les principes de l’état de droit et de la justice internationale ne pourront être respectés ».  Il est essentiel que l’œuvre du TPIY ne soit pas perdue, a-t-elle dit en se félicitant de son « approche visionnaire ».  Le Royaume-Uni continue d’appuyer le travail efficace mené dans le cadre des procédures concernant les affaires Mladić et Prlić et consort.  Il espère par ailleurs un dénouement rapide à l’affaire du juge Akay.  

Pour la représentante, il est en outre essentiel au plan national de rendre justice aux victimes.  De ce fait, le Royaume-Uni est préoccupé par les informations signalant les difficultés en matière de coopération judiciaire dans les États de l’ex-Yougoslavie.  Il est également préoccupé par le révisionnisme et le déni de crimes alors que ceux-ci ont été commis il y a peu de temps.

M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie) a salué la création du TPIY et du TPIR en y voyant les pierres angulaires de la justice internationale et de la lutte contre l’impunité, qui ont contribué à rétablir l’état de droit dans les pays concernés.  Pour que le TPIY puisse terminer les affaires pendantes d’ici à décembre 2017, il est important que tous les États coopèrent, a-t-il insisté.

Reconnaissant le travail important effectué par le personnel du TPIY, le représentant a souhaité que le Tribunal obtienne les ressources nécessaires pour achever son mandat.  Il a également salué les efforts de promotion et de préservation de la mémoire collective déployés par le Tribunal.  Ceci permet de mettre en évidence tous les efforts déployés pour garantir le droit à la vérité, à la justice et à la réparation des dommages causés.  La Charte des Nations Unies va dans ce sens, a-t-il reconnu.

Pour M. DAVOR IVO STIER, Premier Ministre adjoint et Ministre des affaires étrangères et européennes de la Croatie, le rôle du TPIY ne se limite pas à la lutte contre l’impunité, mais consiste aussi à donner une voix aux milliers de victimes de crimes horribles.  Il a rappelé que ces crimes ont également frappé son pays, notamment le village de Skabrjna où, en 1991, Ratko Mladić, dont le procès n’a toujours pas eu lieu, a commencé son tristement célèbre sentier de guerre.  À ses yeux, le Tribunal reste pourtant « loin de répondre à cette attente » et « loin de respecter ses principes juridiques et son mandat ».

En créant le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, le Conseil de sécurité a strictement limité ses activités à l’application du droit international humanitaire existant, a-t-il rappelé, en soulignant qu’il ne l’avait pas mandaté pour « établir des précédents ni légiférer », ce qui a été confirmé par sa résolution 827 (1993).  En outre, les Statuts du TPIY prévoient qu’il n’a pas la compétence d’établir des faits sur la responsabilité des États.  Sa compétence se limite à la « juridiction personnelle » et à la « responsabilité pénale individuelle », a-t-il poursuivi, ajoutant que toute tentative d’aller au-delà de ces limites était contraire à la situation actuelle du droit international humanitaire et pourrait sérieusement porter atteinte au droit pénal international.

Expliquant ses craintes, il a déclaré que sinon les responsables politiques et militaires pourraient être tenus pour responsables d’actes commis par des membres de leurs forces, indépendamment du fait qu’ils partageaient ou non leurs intentions de commettre certains crimes.  Ce « novum » dans le droit pénal international et le droit international humanitaire pourrait, si confirmé, sérieusement mettre en cause la volonté des États à s’engager dans de quelconques opérations militaires légales, y compris les opérations de maintien de la paix, a averti M. Stier, qui reste néanmoins confiant que le TPIY saura être à la hauteur pour finir sa mission en adhérant strictement au mandat que lui a donné le Conseil de sécurité.

M. MILOŠ VUKAŠINOVIĆ (Bosnie-Herzégovine) a pris note des progrès constants dans les travaux du TPIY, ainsi que des difficultés qui perturbent son travail, tout en souhaitant que le Tribunal puisse achever son travail de manière efficace et dans le respect du calendrier fixé par le Conseil de sécurité.  Il a également pris note de la montée en puissance du Mécanisme international et souhaité qu’il puisse poursuivre le travail des deux tribunaux internationaux.

Le représentant a rappelé la coopération constante et démontrée de son pays avec le TPIY, ajoutant qu’il en serait de même avec le Mécanisme.  Outre cette coopération, la Bosnie-Herzégovine reste engagée à améliorer l’efficacité de son système de justice pénale interne, en estimant qu’une justice indépendante est un pilier essentiel de la démocratie.

Le représentant a rappelé la stratégie de réforme pénale adoptée par son pays pour la période 2014-2018, estimant qu’elle reste essentielle pour un renforcement à long terme du système judiciaire, y compris pour son efficacité et son indépendance.  Il a salué le soutien apporté à cet égard par l’Union européenne, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).  Malgré les difficultés, les réformes progressent, a-t-il assuré.  Il a notamment insisté sur la nécessité d’enquêter sur les cas de crimes de guerre et sur la promotion de la coordination régionale.

M. Vukašinović a enfin rappelé que la lutte contre l’impunité était une condition préalable fondamentale à une paix durable, à la réconciliation et à l’état de droit.  Cela ne prendra pas fin avec 2017, a-t-il affirmé.

Après avoir remis en question la portée du mandat du Procureur du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux, M. ČEDOMIR BACKOVIĆ (Serbie) a affirmé que son pays s’était acquitté de ses engagements et avait coopéré pleinement avec le TPIY.  En outre, la Serbie traite efficacement des crimes de guerre dans ses juridictions nationales.

La Serbie a transféré au TPIY 45 prévenus sur 46, l’un s’étant suicidé.  Il a précisé que 14 d’entre eux ont été arrêtés en Serbie, 4 à l’étranger, tandis que 27 se sont rendus volontairement.  En outre, la Serbie a permis au Procureur du TPIY d’accéder à des éléments de preuve importants, tels que documents, archives et témoins, et a autorisé 757 personnes à témoigner.  

La liberté d’expression fait partie des priorités de la Serbie, a poursuivi M. Backović.  Chaque citoyen est libre de s’exprimer, tant que ses opinions ne constituent pas une infraction pénale.  Toutefois, a-t-il averti, les déclarations de certains individus ou organisations de la société civile, ne doivent pas être interprétées comme reflétant des positions officielles de l’État.

Par ailleurs, le représentant a assuré que la stratégie de son pays en ce qui concerne la nomination d’un nouveau procureur et de procureurs adjoints, et en matière de poursuites pénales, serait finalisée et adoptée au cours des prochains mois.  Des amendements au Code pénal ont déjà été adoptés pour s’aligner sur la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, et de nombreuses activités ont été entreprises en faveur des victimes et des témoins.

La coopération régionale reste une priorité pour la Serbie, mais la réciprocité est de rigueur, a-t-il ajouté.  Fin 2016, a-t-il noté, la Serbie avait répondu positivement à 38 requêtes sur 52 émanant de la Bosnie-Herzégovine et à 50 sur 78 de la Croatie, tandis que seulement 10 sur 20 demandes émanant de la Serbie avaient été résolues par la Bosnie-Herzégovine et 10 sur 20 par la Croatie.

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