En cours au Siège de l'ONU

7930e séance – matin  
CS/12802

Soudan du Sud: le regain de violences dans le pays éloigne la perspective d’un règlement politique du conflit, selon le Représentant spécial

Le Représentant spécial du Secrétaire général pour le Soudan du Sud, M. David Shearer, a fait état, ce matin devant le Conseil de sécurité, d’une situation alarmante dans ce pays où l’intensification des violences éloigne davantage encore la perspective d’un règlement politique du conflit qui y fait rage depuis décembre 2013.

Le personnel de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS), qu’il dirige, « fait l’expérience de certaines des situations et conditions de vie les plus difficiles » dont M. Shearer a été le témoin dans plusieurs zones de conflit à travers le monde.  

« À l’heure actuelle, les 12 000 Casques bleus et les 2 000 policiers de la MINUSS protègent plus de 220 000 civils déplacés dans six sites dans le pays, dont le plus important, situé à Bentiu, forme désormais la deuxième zone urbaine du pays », a-t-il précisé.  Il y a actuellement 3,5 millions de personnes déplacées à travers tout le pays.

Ces civils fuient les affrontements répétés auxquels se livrent le Mouvement/l’Armée populaire de libération du Soudan (M/APLS) au Gouvernement loyal au Président Salva Kiir et des groupes armés, en particulier le M/APLS dans l’opposition, dirigé par M. Riek Machar, ex-Vice-Président du Soudan du Sud limogé en juillet 2013 et réfugié à l’étranger.

« En lieu et place d’un effort concerté en vue d’instaurer un cessez-le-feu, nous assistons à une intensification du conflit depuis le mois dernier », a déploré le Représentant spécial, en attirant l’attention sur les violences perpétrées dans la ville de Wau et dans les Équatorias, mais aussi dans le Haut-Nil et à Jongleï.

Début avril, le meurtre de soldats de l’Armée populaire de libération du Soudan par les forces de l’opposition a déclenché des représailles de la part des forces gouvernementales à Wau, les violences étant le plus souvent commises en fonction de l’appartenance ethnique des victimes, provoquant des vagues de déplacements supplémentaires, a relaté M. Shearer.

Dans les Équatorias, à la suite d’une embuscade attribuée au M/APLS dans l’opposition, les forces gouvernementales ont répondu en faisant irruption dans les maisons, en pillant magasins, hôpitaux et écoles, et « presque toujours », en se livrant à des violences sexuelles, a poursuivi le haut fonctionnaire. 

Dans ces deux États sud-soudanais, « 60 000 civils fuient chaque mois en Ouganda », un exode à l’origine d’une véritable hémorragie d’agriculteurs et d’une raréfaction préoccupante des récoltes, dans un pays qui souffre comme ses voisins des effets délétères de la sécheresse.  

Pour le Groupe d’experts du Comité des sanctions applicables au Soudan du Sud, « l’Accord d’août 2015 a de facto volé en éclats », a résumé le Président de cet organe subsidiaire du Conseil, M. Gorgui Ciss, du Sénégal.  D’après les experts, les manœuvres militaires du M/APLS au Gouvernement, placé sous la conduite du Président Salva Kiir, ont de loin été « les plus importantes ».

Plusieurs membres du Conseil de sécurité ont vigoureusement condamné les restrictions aux déplacements et les obstacles bureaucratiques imposés par le Gouvernement sud-soudanais aux organisations humanitaires dans un pays qui est « le plus meurtrier de la planète » pour les personnels de secours, 80 d’entre eux au moins ayant trouvé la mort en trois ans et demi de conflit, a relevé le Représentant spécial.

Le Japon a regretté que le Président n’ait toujours pas annoncé de cessez-le-feu unilatéral comme il en avait été décidé dans le communiqué du Sommet de l’Autorité intergouvernementale pour le développement le 25 mars dernier. 

De son côté, l’Éthiopie, qui fait partie de cette organisation régionale, a contesté l’affirmation du Groupe d’experts selon laquelle la région serait « divisée » dans sa réponse au conflit sud-soudanais, même si elle a reconnu la nécessité de combler certaines lacunes.

Devant ce que certains ont interprété comme un manque de volonté politique des parties, le Conseil ne devait pas hésiter à utiliser les sanctions ciblées contre les acteurs sud-soudanais lorsque la situation le justifie, a estimé le représentant de la France.  

Le Groupe d’experts a d’ailleurs recommandé l’imposition d’un embargo sur les armes au Soudan du Sud, a rappelé le Président du Comité des sanctions, sanctions qui consistent actuellement en un gel d’avoirs et en des interdictions de voyager.

La représentante des États-Unis a déploré qu’aucune des mesures demandées par la déclaration présidentielle adoptée par le Conseil de sécurité le 23 mars dernier n’ait été prise par les parties au conflit jusqu’à présent.  « Aucune », a-t-elle répété.  « De nouvelles souffrances et de nouveaux combats ont récompensé notre patience », a-t-elle ironisé.  « Combien de temps allons-nous continuer d’adopter des déclarations qui restent lettre morte », a lancé la représentante, en plaidant comme le Royaume-Uni pour un embargo sur les armes.

S’adressant aux membres du Conseil qu’elle a accusés de rester « inactifs » face au Président Salva Kiir, la déléguée américaine les a exhortés à agir, sous peine de voir le Gouvernement soudanais devenir le premier bénéficiaire des divisions du Conseil. 

Opposée à l’idée d’un embargo, la Fédération de Russie a considéré « injuste » de rejeter sur le seul Gouvernement provisoire d’union nationale la responsabilité des violences en cours.

Pour le Représentant spécial, le déploiement de la force de protection régionale au sein de la MINUSS, demandé par le Conseil dans la déclaration du 23 mars dernier, permettrait de libérer des ressources pour poursuivre la présence des opérations au-delà de la capitale Djouba, partout où sa présence est nécessaire.  « Cependant, nous devrions rester réalistes dans nos attentes: si 4 000 soldats de plus renforceront la capacité de la Mission, ils opéreront en grande partie selon des règles d’engagement similaires », a tempéré M. Shearer.

RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN ET LE SOUDAN DU SUD

Lettre datée du 17 avril 2017, adressée à la Présidente du Conseil de sécurité par le Secrétaire général (S/2017/328)

Déclarations

M. DAVID SHEARER, Représentant spécial du Secrétaire général pour le Soudan du Sud, a dit que chacun des bureaux de la Mission des Nations Unies (MINUSS) dans ce pays, qu’il dirige depuis trois mois, fait face à des défis uniques sur les plans politique, ethnique et humanitaire.  « Et au sein de chacun de ces bureaux, le personnel de la Mission fait l’expérience de certaines des situations et des conditions de vie les plus difficiles dont j’ai été le témoin au cours des nombreuses années que j’ai passées dans les zones de conflit à travers le monde », a-t-il déclaré. 

Il a illustré son propos en évoquant le cas d’un convoi avec à son bord des articles de première nécessité qui a mis plus de deux semaines pour parcourir les 1 000 kilomètres qui séparent Djouba de Bentiu, non seulement en raison de l’état des routes, mais aussi de la nécessité de négocier au travers des plus de 90 points de passage, officiels ou non. 

À l’heure actuelle, les 12 000 Casques bleus et 2 000 policiers de la MINUSS protègent plus de 220 000 civils déplacés dans six sites dans le pays.  Le plus important d’entre eux, celui de Bentiu, constitue désormais la deuxième zone urbaine du Soudan du Sud, a précisé le haut fonctionnaire.  Au cours des derniers jours, la devise nationale a été brutalement dévaluée, mettant le Gouvernement en difficulté pour s’acquitter de ses obligations financières. 

Et en dépit des risques d’instabilité auxquels sont exposées toutes les régions du pays, les parties n’ont déployé aucun effort concerté en vue d’instaurer un cessez-le-feu.  « En lieu et place, nous avons assisté à une intensification du conflit depuis le mois dernier », a déploré M. Shearer. 

Ainsi, les forces gouvernementales ont-elles répondu aux attaques de l’Armée populaire de libération du Soudan dans l’opposition et d’autres groupes armés, notamment à Wau et dans les Équatorias.  Dans d’autres domaines, en revanche, les opérations de l’Armée populaire de libération du Soudan (APLS), comme celles lancées dans le Haut-Nil et à Jonglei, sont plus stratégiques et consistent à s’emparer des zones d’opposition.

Début avril, le meurtre de soldats de l’APLS par les forces de l’opposition a déclenché des représailles de la part des forces gouvernementales dans la ville de Wau.  Plusieurs témoins ont signalé que l’APLS a abattu de nombreuses victimes après leur avoir demandé de faire connaître leur affiliation ethnique.  Plus de 15 000 civils se sont réfugiés sur le site de protection adjacent de la base de la MINUSS, tandis que 5 000 autres se sont dirigés vers l’église catholique de Wau.  La MINUSS a renforcé ses capacités de protection avec des troupes supplémentaires et renforcé ses patrouilles.

Dans les Équatorias, les attaques de l’opposition se sont concentrées sur les véhicules situés sur les principaux axes d’approvisionnement.  À la suite d’une embuscade attribuée à l’APLS dans l’opposition, les forces gouvernementales ont répondu en faisant irruption dans les maisons, en pillant des magasins, des hôpitaux et des écoles, et « presque toujours », en se livrant à des violences sexuelles.  

Encore une fois, garçons et hommes étaient pris pour cible sur la base de critères ethniques.  Depuis le début de l’année, 60 000 civils fuient chaque mois en Ouganda, la plupart des agriculteurs, dont l’exode se traduit par des pertes considérables des récoltes.

Face à cette escalade, la MINUSS a renforcé ses activités de protection, multipliant les patrouilles intégrées dans les zones les plus touchées par le conflit.  Malheureusement, barrages routiers et obstacles bureaucratiques limitent considérablement la mobilité de la MINUSS, en dépit d’efforts louables de la part de Casques bleus en plusieurs occasions salués par le Représentant spécial. 

Le déploiement de la force régionale de protection libérera des ressources pour poursuivre la présence des opérations au-delà de Djouba, a assuré M. Shearer.  « Cependant, nous devrions rester réalistes dans nos attentes: 4 000 soldats supplémentaires augmenteront notre capacité, mais opéreront en grande partie selon des règles d’engagement similaires », a-t-il tempéré. 

Qualifiant de « désastreuses » les conséquences humanitaires de la violence, il a estimé qu’elles étaient imputables à l’homme, contrairement aux autres pays de la région victimes de la famine provoquée par la sécheresse.  En outre, rien qu’au cours du dernier mois, trois attaques contre des travailleurs humanitaires ont été recensées, tuant 10 personnes, a-t-il déploré.

Seule une solution politique pourra sortir le Soudan du Sud de cette situation, a insisté M. Shearer.  Malheureusement, a-t-il dit, aucune partie n’a manifesté d’intérêt à relancer l’Accord de paix.  Si l’annonce par le Président Kiir d’un dialogue national a été saluée, le scepticisme demeure.  Un médiateur indépendant est essentiel, de même que la nécessité d’intégrer toutes les circonscriptions, y compris celles qui se trouvent à l’extérieur du pays », a analysé le haut fonctionnaire.

« Le processus politique au Sud-Soudan n’est pas mort, mais il faut le réanimer de manière significative.  La MINUSS œuvrera avec ses partenaires aux possibilités de parvenir à une solution viable pour mettre un terme aux hostilités et aux souffrances du peuple sud-soudanais.  Pour ce faire, il lui faudra aussi le soutien du Conseil de sécurité, qui devra parler d’une voix contre l’état actuel de la situation. »

M. GORGUI CISS (Sénégal), Président du Comité créé par la résolution 2206 (2015) concernant le Soudan du Sud, a indiqué que le Groupe d’experts avait estimé que l’accord d’août 2015 avait de facto volé en éclats.  Le conflit au Soudan du Sud devient de plus en plus asymétrique, tandis que le Mouvement/Armée populaire de libération du Soudan (M/APLS) au Gouvernement, le M/APLS dans l’opposition et d’autres groupes armés ont tous mené des opérations militaires au premier trimestre 2017, a-t-il dit.  Les manœuvres militaires par le M/APLS au Gouvernement sous la conduite du Président Salva Kiir ont de loin été les plus importantes, a indiqué le Président.

Il a précisé que les violations du droit international avaient continué sans relâche et ce, dans un climat d’impunité quasi totale.  Au moins 100 000 Sud-Soudanais sont en train de mourir de faim et un million d’autres sont au bord de la famine, a-t-il déploré.  Le Président a constaté que le Soudan du Sud était le pays le plus meurtrier de la planète pour les agents humanitaires, au moins 80 humanitaires ayant trouvé la mort depuis le début du conflit en décembre 2013.

Le Président a rappelé les recommandations du Groupe d’experts formulées dans son rapport final, dont l’imposition d’un embargo sur les armes au Soudan du Sud.  Le Groupe a également recommandé que la Commission de l’ONU sur les droits de l’homme au Soudan du Sud bénéficie de tout l’appui juridique et médico-légal nécessaire pour s’acquitter de son mandat et collecter et analyser les preuves de violations du droit international, a poursuivi le Président.  « Comme ces deux recommandations étaient adressées au Conseil, le Comité n’a pris aucune décision à leur sujet. »

Le Comité a pris note de la recommandation d’envisager d’inscrire d’autres individus et entités sur la liste, ainsi que de la possibilité d’adresser une lettre aux États membres de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) pour leur rappeler l’obligation qui s’attache à l’application des mesures relatives à l’interdiction de voyager et au gel des avoirs définies par la résolution 2206 (2015), a-t-il poursuivi.

Enfin, il a livré la teneur des consultations que le Comité a eues avec l’ancienne Représentante spéciale du Secrétaire général pour le sort des enfants en temps de conflit armé, Mme Leila Zerrougui, et l’ancienne Représentante spéciale chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit, Mme Zainab Hawa Bangura.

Mmes Bangura et Zerrougui ont estimé que la situation au Soudan du Sud demeurait d’autant plus désastreuse que l’impunité était générale, a-t-il dit.  Selon Mme Bangura, le Comité a un rôle important à jouer, en donnant suite à la menace de sanctions à l’encontre des auteurs de violences sexuelles en adoptant réellement des mesures ciblées contre les auteurs occupant des postes de haut commandement, a-t-il conclu.

M. MATTHEW RYCROFT (Royaume-Uni) s’est déclaré préoccupé par la situation très « sombre » au Soudan du Sud, où l’absence de progrès est assourdissante, comme en témoignent les événements survenus à Wau, illustrant l’« apathie » des parties pour mettre fin au conflit.  Il s’est désolé de constater que les premières victimes du conflit sont les communautés prises pour cible en raison de leur appartenance ethnique, s’élevant contre le fait que ce conflit se déroule dans le mépris le plus total du droit international humanitaire. 

Après avoir fustigé l’absence de coopération du Gouvernement, le représentant a souligné l’impact de ce conflit sur les jeunes de ce pays, un sur quatre étant une personne déplacée désormais.  Alors que nous sommes plus loin que jamais de l’Accord de paix de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), M. Rycroft a encouragé l’Union africaine et l’IGAD à convenir d’un « plan d’action clair » pour mettre fin au conflit. 

À la question « sommes-nous prêts à laisser la situation se détériorer encore? » le délégué a répondu « non », en appelant les pays voisins à se mobiliser pour faire pression sur les parties au conflit.  Il a en conclusion apporté son appui à des sanctions ciblées.

Mme MAHLET H. GUADEY (Éthiopie) s’est dite extrêmement préoccupée par la détérioration constante de la situation sécuritaire et humanitaire au Soudan du Sud.  Le haut niveau d’insécurité et la sécheresse font que de nombreux Sud-Soudanais sont en insécurité alimentaire, a-t-elle dit.  Elle a jugé vitale la cessation des hostilités et de la violence afin de faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire et tenir un dialogue inclusif véritable pour instaurer une paix durable.

Il est important que le Gouvernement honore ses engagements en vue d’un cessez-le-feu unilatéral, a-t-elle déclaré, en exhortant les autres parties à cesser les combats.  Appelant de ses vœux une intensification du processus de paix, Mme Guadey a souligné la contribution précieuse que pourrait apporter à cet égard l’initiative de dialogue national.

Elle a insisté sur l’importance de l’unité entre l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), l’Union africaine et l’ONU pour une paix durable au Soudan du Sud.  Si elle a compris les « frustrations » grandissantes de la communauté internationale face à la situation sur le terrain, Mme Guadey a indiqué que les trois organisations précitées n’avaient pas d’autre choix que de redoubler d’efforts.

La déléguée a affirmé que les pays voisins, qui font face à un afflux de réfugiés sud-soudanais, pouvaient jouer un rôle important dans la résolution de la situation dans le pays.  Des progrès ont été récemment accomplis dans l’élaboration d’une approche régionale, comme l’atteste le récent Sommet de l’IGAD, a-t-elle noté.  « C’est pourquoi l’affirmation du Groupe d’experts dans son rapport final, selon laquelle la région est divisée dans sa réponse au conflit sud-soudanais, ne nous paraît pas refléter la réalité. »  La représentante éthiopienne a néanmoins reconnu qu’il y avait eu des lacunes, avant d’ajouter que les pays de la région s’efforçaient de les combler.

Enfin, s’agissant de la force de protection régionale, elle a affirmé que son pays travaillait avec le Département des opérations de maintien de la paix pour accélérer le déploiement d’un bataillon d’infanterie et appelé l’ONU et le Gouvernement sud-soudanais à surmonter les défis qui entravent le déploiement de ladite force.

M. AMR ABDELLATIF ABOULATTA (Égypte) a rappelé qu’en dépit des divergences de vues des membres du Conseil de sécurité sur la situation au Soudan du Sud, un consensus demeure quant à l’importance de revitaliser la solution politique au conflit et de mettre fin aux violences perpétrée contre les civils. 

Pourtant, rien ne s’est pour l’heure concrétisé pour garantir la cessation des hostilités par les parties, malgré la médiation de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) et de l’Union africaine, mais aussi les bons offices du Secrétaire général de l’ONU.  Peut-être devrions-nous exhorter les parties à cesser les hostilités pour une période préliminaire de trois mois en vue de relancer le dialogue, a proposé M. Aboulatta. 

Tout retard supplémentaire pour projeter un horizon politique serait en effet gravement dommageable, a prévenu le représentant, en se disant préoccupé de voir les réunions du Conseil sur ce sujet prendre une tournure « routinière ». 

Il a en outre exigé des parties qu’elles s’engagent à garantir la sécurité des civils et des personnels humanitaires, en soulignant l’importance pour la MINUSS de bénéficier d’un accès sans entraves pour qu’elle puisse s’acquitter de son mandat. 

« Le Conseil sait bien que le vide découlant de l’effondrement de l’État ne peut donner lieu qu’au chaos », a lancé le délégué en conclusion, en appelant à faire preuve d’unité sur ce dossier.

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a invité la communauté internationale à agir au Soudan du Sud selon deux axes, le premier étant de protéger les civils.  La communauté internationale doit mettre en œuvre la cessation des hostilités, assurer l’accès humanitaire aux populations civiles, pleinement soutenir la MINUSS et imposer un embargo sur les armes, a-t-il dit.  M. Delattre a indiqué que la France était favorable depuis longtemps à cet embargo.  « Il s’agit d’un impératif tant pour la protection des civils que pour l’établissement d’un environnement propice à un dialogue politique réel. »

Le deuxième axe étant la recherche d’une solution politique, le délégué a déclaré qu’il fallait être lucide, les acteurs sud-soudanais privilégiant toujours l’approche militaire et le processus politique continuant de stagner.  « Il est de la responsabilité du Gouvernement de transition et d’unité nationale, qui est issu de l’Accord de paix de 2015, comme tous les acteurs sud-soudanais concernés, de le mettre en œuvre. » 

Le délégué a estimé que le dialogue national devait inclure dans les discussions toutes les composantes politiques de la population, ainsi que la société civile, et être mené de manière « transparente, impartiale et indépendante ».  Il a plaidé dans le même temps pour une mobilisation constante de la communauté internationale, en premier lieu l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), l’Union africaine et le Conseil.

Enfin, M. Delattre a déclaré que le Conseil ne devait pas hésiter à utiliser les sanctions ciblées lorsque la situation le justifie.  « Le Conseil devra tirer toutes les conséquences nécessaires si ses attentes n’étaient pas prises en compte par les acteurs sud-soudanais », a-t-il conclu. 

M. KORO BESSHO (Japon) a déploré la situation actuelle au Soudan du Sud, en particulier les violences perpétrées par l’Armée populaire de libération du Soudan (APLS) contre les civils, les restrictions constantes aux mouvements des personnels de la MINUSS, et la famine, rappelant que 3,5 millions de personnes sont désormais déplacées à travers le pays.  Il a également dénoncé le meurtre de travailleurs humanitaires, 14 rien qu’en 2017. 

Par ailleurs, le délégué a regretté que le Président Salva Kiir, qui a pourtant assisté en personne au Sommet de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) du 25 mars dernier, n’ait toujours pas annoncé un cessez-le-feu unilatéral comme il en avait décidé dans le communiqué issu de cette réunion. 

Dans ce contexte, l’engagement de la région est d’une importance cardinale pour adresser un message au Soudan du Sud, a estimé M. Bessho, qui n’a pas seulement appelé de ses vœux des efforts renouvelés sur le plan bilatéral, mais aussi de la part de l’Union africaine et de l’IGAD. 

Il s’est félicité de l’hospitalité des pays voisins qui accueillent sur leur territoire 1,7 million de réfugiés sud-soudanais.  S’il a également salué les initiatives prises pour renforcer les capacités de la MINUSS, le Japon a toutefois considéré qu’elles devaient s’accompagner d’efforts significatifs de la part du Gouvernement pour coopérer avec elle, notamment pour l’aider au déploiement de la force de protection régionale.

M. SEBASTIANO CARDI (Italie) a rappelé qu’il y a un mois le Conseil avait adopté une déclaration présidentielle détaillant notamment les actions attendues de la part du Gouvernement.  Depuis, la situation n’a fait que se dégrader, a-t-il déploré.  Le cessez-le-feu n’est pas devenu réalité, l’exode des Sud-Soudanais s’est poursuivi et le dialogue national a été retardé indéfiniment, a poursuivi le délégué.  Il a en outre déploré les nombreuses violations de l’Accord de paix de 2015. 

Le représentant italien a appelé les parties à permettre le déploiement immédiat de la force de protection régionale et les acteurs de la région à agir rapidement pour une cessation des hostilités.  Il n’y a pas de paix et de sécurité au Soudan du Sud, tandis que les incidences du conflit sont toujours plus déstabilisantes pour la région, a-t-il noté.

Enfin, le représentant a déclaré que le Conseil devra dans quelques semaines examiner avec attentions les options à sa disposition pour ramener une paix durable au Soudan du Sud. 

M. WU HAITAO (Chine) a apporté son soutien à la recherche d’un règlement politique, « seule issue à la crise au Soudan du Sud », avec le soutien de l’Union africaine, de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) et de l’ONU.  Il faut en outre, selon lui, aider la MINUSS à mieux s’acquitter de son mandat. 

C’est la raison pour laquelle le représentant s’est félicité du plan du Secrétaire général visant à restructurer le mandat de la Mission, soulignant que les niveaux de coopération avec le Soudan du Sud et les pays de la région doivent être renforcés pour lui permettre d’accroître son efficacité sur le terrain. 

Par ailleurs, pour la Chine, le Conseil de sécurité doit adresser des messages plus « enthousiastes et positifs », toute mesure prise par cet organe devant être propice aux efforts de médiation entrepris par l’Union africaine et l’IGAD, tandis que la communauté internationale doit fournir une aide efficace à la population civile. 

La Chine a ainsi annoncé qu’elle compte fournir au Programme alimentaire mondial (PAM) une aide d’un montant de 5 millions de dollars pour acheter 250 000 tonnes de riz, destinés aux Sud-Soudanais.

M. OLOF SKOOG (Suède) a appelé les belligérants au Soudan du Sud, qui sont engagés dans une véritable « guerre d’usure », à réaliser qu’il ne peut y avoir qu’une solution politique au conflit.  Une adhésion immédiate au cessez-le-feu par toutes les parties est cruciale pour ouvrir la voie à un processus de paix substantiel, a-t-il dit, en appelant l’ONU, l’Union africaine et l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) à appuyer un tel processus.  

Le délégué a jugé inacceptable que le Soudan du Sud demeure l’un des pays les plus dangereux au monde pour les travailleurs humanitaires.  Il a appelé toutes les parties à s’acquitter de leurs obligations en vertu du droit international et à permettre un acheminement sans entraves de l’aide humanitaire.  Soulignant l’importance d’une bonne reddition de comptes au Soudan du Sud, M. Skoog a appuyé l’idée d’un plein appui juridique et médico-légal à la Commission de l’ONU sur les droits de l’homme dans le pays.

Enfin, le représentant de la Suède a exhorté le Conseil à rester uni et à assumer ses responsabilités en vue de « briser la spirale de la violence au Soudan du Sud ».

Après avoir salué les efforts déployés par l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) et l’Union africaine au Soudan du Sud, M. PETR V. ILIICHEV (Fédération de Russie) s’est déclaré partisan du principe consistant à rechercher des solutions africaines aux problèmes africains.  Selon lui, Djouba aurait continué, au cours de la période à l’examen, de cultiver une attitude « positive » vis-à-vis de la MINUSS. Le représentant a toutefois encouragé le Gouvernement à accélérer les procédures de délivrance des visas. 

Préoccupé par la situation catastrophique sur le plan humanitaire, M. Iliichev s’est félicité de la déclaration récemment faite par le Président sud-soudanais Salva Kiir pour faciliter l’arrivée de l’aide dans les régions les plus isolées.  Outre les problèmes de sécurité, des conditions météorologiques défavorables sont aussi à l’origine de la situation actuelle dans le pays, mais aussi en Somalie, a poursuivi le délégué russe. 

Celui-ci a ensuite considéré « injuste » de rejeter sur le seul Gouvernement provisoire d’union nationale la responsabilité des violences en cours, alors qu’il aurait annoncé un cessez-le-feu unilatéral, ce que l’opposition n’a pas encore fait de son côté, a-t-il estimé.  « Notre position reste inchangée en matière de sanctions », a poursuivi le représentant, en estimant qu’une paix durable ne sera apportée que par un règlement négocié. 

Il a dénoncé en conclusion l’« ambivalence » de certains membres du Conseil favorables à l’embargo sur les armes, qu’il a accusés d’armer certaines parties au conflit.

M. CISS (Sénégal), au nom de son pays, a exhorté les parties, à l’aune de la détérioration de la situation au Soudan du Sud, à reprendre le dialogue et à mettre en œuvre l’accord sur la résolution du conflit.  Le processus de dialogue national, s’il s’avère inclusif, libre et transparent, pourrait jouer un rôle clef dans le retour de la paix, a-t-il déclaré.  Il a noté les « progrès pratiques » dans les préparatifs du déploiement de la Force régionale de protection, avec « la première vague qui sera bientôt à Djouba » et l’attribution par le Gouvernement du deuxième terrain requis pour la base nord de la Force.

« Nous demandons néanmoins davantage de coopération sur la répartition des tâches de la Force à Djouba et encourageons les autorités sud-soudanaises à prendre toutes les mesures nécessaires pour le déploiement sans plus tarder de cette dernière », a-t-il poursuivi.  Le délégué a invité ces autorités à établir un guichet unique pour traiter les demandes de visas et d’autorisations de la MINUSS.

Enfin, le représentant du Sénégal a exhorté les acteurs armés à cesser immédiatement les hostilités et à permettre à la Mission et aux agents humanitaires d’accéder aux civils qui ont besoin d’aide.

M. LUIS BERMÚDEZ (Uruguay) a exprimé sa plus profonde préoccupation devant l’extrême gravité de la situation au Soudan du Sud, exhortant les parties à une cessation des hostilités immédiate.  Il a estimé que le Gouvernement portait la responsabilité première de s’acquitter de cette obligation.  Pour que la reprise du dialogue national soit viable, les violences doivent cesser dans tout le pays, a souligné le représentant. 

Selon lui, le Conseil de sécurité a adopté le mois dernier une déclaration présidentielle dans laquelle il avait proposé des mesures, la première étant le « respect immédiat du cessez-le-feu permanent par toutes les forces des parties au conflit et tous les autres groupes armés », mais dont la mise en œuvre se fait toujours attendre, comme en témoignent les innombrables violations des droits de l’homme qui sont perpétrées dans une « impunité totale ».  Sans compter, a souligné le représentant, la situation humanitaire catastrophique. 

Les conditions de vie des déplacés internes doivent être plus que jamais des raisons d’opérationnaliser et de déployer la Force d’intervention régionale, a plaidé M. Bermúdez.  Il est, selon lui, inacceptable que la Mission et les acteurs humanitaires continuent de se heurter à de nombreuses entraves dans leurs déplacements, les empêchant de s’acquitter pleinement de leur mandat. 

Il a donc appelé les parties à respecter la résolution 2327 (2016), qui exige notamment « de toutes les parties qu’elles mettent immédiatement un terme aux combats dans l’ensemble du Soudan du Sud ».

M. PEDRO LUIS INCHAUSTE JORDÁN (Bolivie) a appuyé les efforts du Secrétaire général pour l’instauration d’une paix durable au Soudan du Sud et salué le rôle clef joué par les organisations régionales, telles que l’Autorité intergouvernementale pour le développement.  Il a exhorté le Gouvernement à respecter le cessez-le-feu, avant de plaider pour un processus politique sans exclusive répondant aux revendications légitimes des Sud-Soudanais.  

L’appui constant apporté par l’Union africaine est essentiel pour le succès du processus de dialogue, a soutenu le délégué.  Il a souligné l’importance de la lutte contre l’impunité et d’une bonne reddition de comptes au Soudan du Sud.  À cet égard, le représentant bolivien a demandé l’application du chapitre 5 de l’Accord de paix de 2015 et l’établissement d’un tribunal mixte.

S’agissant de la Force de protection régionale, le délégué a salué les progrès accomplis dans son déploiement.  Enfin, il a souligné l’importance d’une intensification des efforts pour remédier à la situation humanitaire et au risque de famine au Soudan du Sud, en particulier dans l’État de l’Unité.

M. BARLYBAY SADYKOV (Kazakhstan) a rappelé que la MINUSS ne pouvait se substituer à un processus politique, considérant que seul un dialogue inclusif et transparent, ainsi que la mise en œuvre de l’Accord de paix, pouvait déboucher sur une véritable réconciliation et poser les fondations de l’état de droit au Soudan du Sud. 

Regrettant lui aussi les entraves aux mouvements de la MINUSS, il a rappelé au Gouvernement sud-soudanais les obligations qui sont les siennes en tant que pays hôte au titre de l’accord sur le statut des forces.  Le représentant a estimé que les opérations de la Mission seraient grandement facilitées par le déploiement de la force de protection régionale.

Aussi s’est-il déclaré satisfait par le consentement donné par le Président Sava Kiir, lors d’une réunion avec le Président de l’Union africaine les 26 et 27 mars derniers, au principe du déploiement de ladite force.  Le délégué a attiré l’attention sur le sort des enfants au Soudan du Sud, visés par une violence « sans précédent » dans le pays.  Il a rappelé que l’ONU estimait à près de 16 000 le nombre de ceux qui avaient été enrôlés par les parties au conflit depuis 2013. 

Préoccupé par la détérioration continue de la situation sécuritaire dans la ville de Wau et ailleurs au Soudan du Sud, M. YURIY VITRENKO (Ukraine) a appelé les parties au conflit à ouvrir une enquête pour établir les responsabilités dans les massacres et autres violations du droit international humanitaire.  Selon lui, il est crucial d’exercer une pression additionnelle sur les parties pour qu’elles cessent les hostilités et créer les conditions propices à la livraison de l’aide humanitaire.

Sa délégation s’est dite déçue de constater qu’en dépit de nombreuses promesses de la part du Gouvernement, les restrictions aux mouvements des personnels de la MINUSS se poursuivaient, l’empêchant de mener à bien son mandat.  Au regard de la détérioration de la situation sécuritaire au Soudan du Sud, notamment en raison de la montée en puissance des milices, la Mission devrait pouvoir répondre à tous les scénarios possibles, a-t-il analysé. 

En tant que pays contributeur de troupes, l’Ukraine a donc salué les efforts significatifs déployés pour renforcer la capacité de la MINUSS pour protéger les civils, mieux répondre aux situations de crises et renforcer la sûreté des personnels.

Mme NIKKI HALEY (États-Unis) a rappelé que 20 millions de personnes étaient menacées par la famine dans le monde, dont 1,5 million au Soudan du Sud.  La famine dans ce pays ne découle pas de la sécheresse mais du comportement des dirigeants qui privilégient leurs intérêts, de la persistance des conflits, de l’assassinat des travailleurs humanitaires et du refus d’accès aux médicaments, a-t-elle dit.  Elle a déploré qu’aucune des mesures demandées par la déclaration présidentielle adoptée fin avril n’ait été prise par les parties au conflit. « Aucune. »   

Il n’y a pas de cessez-le-feu, les atteintes aux droits de l’homme se multiplient, atteintes dont le Gouvernement est le principal responsable, a-t-elle poursuivi.  Elle a rappelé que le Soudan du Sud demeurait le pays le plus dangereux au monde pour les travailleurs humanitaires.  Le Conseil a demandé aux parties d’œuvrer pour parvenir à un règlement politique, or elles n’ont rien fait, a souligné Mme Haley.

Elle a estimé que la déclaration précitée venait grossir le rang des déclarations du Conseil restées lettre morte.  « Notre patience a été récompensée par de nouvelles souffrances et de nouveaux combats », a-t-elle ironisée.  « Combien de temps allons-nous continuer d’adopter des déclarations qui sont ignorées? »

La déléguée a exhorté le Conseil à utiliser tous les moyens à sa disposition pour remédier à cette situation et plaidé pour un embargo sur les armes, avant d’exhorter les acteurs régionaux à agir avec l’urgence adéquate. Le moment est venu pour les dirigeants sud-soudanais de placer le sort de la population au-dessus de leurs intérêts personnels et pour ce Conseil d’agir, alors que ses demandes continuent d’être ignorées, a –t-elle poursuivi.

S’adressant aux membres du Conseil, Mme Haley a déclaré que ceux-ci ne faisaient rien, malgré leurs déclarations, pour faciliter le travail du Représentant spécial, en restant inactifs face au Président Salva Kiir.  « Vous demandez le dialogue national alors qu’il n’y en a pas », a-t-elle accusé.  Elle les a exhortés à agir pour que les déclarations du Conseil ne restent pas lettre morte, estimant que le Gouvernement soudanais était le premier bénéficiaire des divisions du Conseil.  « Si vous voulez que la situation change au Soudan du Sud, ne vous contentez pas de vœux pieux et agissez », a conclu Mme Haley.  

 

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