7907e séance – matin 
CS/12764

Le Conseil de sécurité mobilise les États Membres contre la destruction et le commerce illicite de biens culturels spoliés pendant les conflits armés

Le Conseil de sécurité a, ce matin, dans une résolution qualifiée d’« historique », demandé aux États Membres de prendre des mesures pour « empêcher et combattre » le commerce illicite et le trafic des biens culturels ou « à valeur archéologique, historique, culturelle, scientifique ou religieuse » qui ont été enlevés en période de conflit armé, notamment par des groupes terroristes.

En adoptant, à l’unanimité de ses 15 membres, la résolution 2347 (2017), le Conseil encourage les États Membres à proposer des listes de Daech, Al-Qaida et des personnes, groupes, entreprises et entités impliqués dans ce type de trafic et les prie instamment d’élaborer « une large coopération policière et judiciaire » à cette fin, avec l’aide de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), d’INTERPOL et de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO).

La Directrice générale de l’UNESCO, Mme Irina Bokova, a exprimé sa « vive émotion » après l’adoption de cette « résolution historique » et à l’« immense portée », qui marque, selon elle, « une prise de conscience essentielle du rôle du patrimoine pour la paix et la sécurité ».  Ce texte n’a de précédent que la résolution 2199 (2015), qui interdit spécifiquement le commerce des biens culturels en provenance d’Iraq et de Syrie.

La Ministre de la culture et de la communication de la France, Mme Audrey Azoulay, dont la délégation était coauteur de la résolution aux côtés de l’Italie, a estimé que « l’acharnement délibéré contre le patrimoine de l’humanité procède d’une volonté d’anéantissement de la mémoire, de négation du passé, de spoliation de l’histoire » et qu’en adoptant ce texte, le Conseil répond « à l’appel des manuscrits et des mausolées de Tombouctou, des colosses de pierres et des taureaux androcéphales ». 

« La destruction délibérée du patrimoine est un crime de guerre – c’est devenu une tactique de guerre, dans le cadre d’une stratégie globale de nettoyage culturel », a renchéri Mme Bokova, en rappelant que les autodafés sont les signes précurseurs de la barbarie: « la protection du patrimoine est plus qu’un enjeu culturel: c’est un impératif de sécurité, inséparable de la protection des vies humaines », a-t-elle résumé.

La résolution demande aux États Membres de dresser « des inventaires du patrimoine et des biens culturels, notamment sous forme numérique », une proposition vigoureusement soutenue par le Sénégal, et de se doter de normes régissant l’exportation et l’importation de ce type de biens, y compris la « certification d’origine ». 

Il leur est également demandé d’établir des services spécialisés et de créer des bases de données destinées à recueillir des informations sur les activités criminelles liées aux biens culturels.

Le Directeur exécutif de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), M. Yury Fedotov, a expliqué que son organisation coopérait étroitement avec l’UNESCO, INTERPOL et l’Organisation mondiale des douanes (OMD) pour renforcer la réponse des pays à tous les niveaux. 

Une des formes prises par cette coopération, c’est le cofinancement, avec l’UNESCO, d’une étude globale visant à identifier les principaux itinéraires de trafic et les modus operandi, et à déterminer les défis que les pays doivent relever s’agissant de la réponse pénale. 

Le haut fonctionnaire a affirmé que le soutien de l’ONUDC trouvait son fondement dans la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, la Convention des Nations Unies contre la corruption et la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme, instruments juridiquement contraignants auxquels le Japon a demandé aux États Membres ne l’ayant pas encore fait de devenir parties. 

Considérant lui aussi que la coopération était le seul moyen de mise en œuvre efficace de la résolution, M. Fabrizio Parrulli, général de brigade et commandant de la Section des carabiniers italiens pour la protection des biens culturels, a jugé essentiel de partager pratiques optimales et leçons apprises. 

La base de données des carabiniers, qui contient plus de 1,2 million d’images couvertes par des enquêtes, est à la disposition des États Membres, ainsi que des formations ouvertes aux pays tiers intéressés, a-t-il déclaré.

La Directrice générale de l’UNESCO a par ailleurs salué le Conseil de sécurité pour avoir intégré la protection du patrimoine dans le mandat des forces de maintien de la paix, « car lorsque le patrimoine est en première ligne des conflits, il doit être en première ligne de la paix ». 

Le Royaume-Uni a d’ailleurs indiqué que les forces armées britanniques avaient créé une unité spéciale chargée de sensibiliser ses propres soldats à la protection des biens culturels.

Pour la Fédération de Russie, la cité syrienne de Palmyre, « conquise, détruite, puis libérée » de Daech, est un cas emblématique d’une ville classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, dont « toute trace » des anciens occupants doit être méthodiquement effacée, à commencer par les mines et engins explosifs improvisés enfouis dans ses sols.

Le représentant de l’Égypte, « pays doté d’un patrimoine précieux », a affirmé s’être joint au consensus parce que la résolution a intégré certains principes, aux nombres desquels la souveraineté de chaque État dans la préservation de son propre patrimoine culturel, notamment en ce qui concerne la création de réseaux de « refuges » des biens culturels prévus par le texte.  

Il a toutefois regretté que la question de la protection du patrimoine dans les zones soumises à une occupation étrangère n’ait pu, « pour des raisons politiques », figurer dans la résolution.

MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

Destruction et trafic de biens faisant partie du patrimoine culturel par des groupes terroristes et dans des situations de conflit armé  

Texte du projet de résolution (S/2017/242)

Le Conseil de sécurité,

Rappelant ses résolutions 1267 (1999), 1373 (2001), 1483 (2003), 1546 (2004), 2056 (2012), 2071 (2012), 2085 (2012), 2100 (2013), 2139 (2014), 2170 (2014), 2195 (2014), 2199 (2015), 2249 (2015), 2253 (2015) et 2322 (2016), et la déclaration de son président publiée sous la cote S/PRST/2012/26,

Prenant note de la résolution 38 C/48 de la Conférence générale de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), par laquelle les États Membres ont adopté la Stratégie de renforcement de l’action de l’UNESCO en matière de protection de la culture et de promotion du pluralisme culturel en cas de conflit armé, et ont invité la Directrice générale à élaborer un plan d’action afin de mettre en œuvre cette stratégie,

Réaffirmant qu’il a la responsabilité première du maintien de la paix et de la sécurité internationales, conformément à la Charte des Nations Unies, et réaffirmant également les buts et principes énoncés dans la Charte,

Réaffirmant que le terrorisme, sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations, constitue une des menaces les plus graves contre la paix et la sécurité internationales et que tous les actes de terrorisme sont criminels et injustifiables, quels qu’en soient les motivations, le moment et les auteurs,

Soulignant que la destruction illégale du patrimoine culturel, le pillage et la contrebande de biens culturels en cas de conflits armés, notamment par des groupes terroristes, et les tentatives de nier les racines historiques et la diversité culturelle dans ce contexte, peuvent alimenter et exacerber les conflits et font obstacle à la réconciliation nationale après les conflits, compromettant ainsi la sécurité, la stabilité, la gouvernance et le développement social, économique et culturel des États touchés,

Constatant avec une grande inquiétude l’implication d’acteurs non-étatiques, en particulier de groupes terroristes, dans la destruction du patrimoine culturel et le trafic de biens culturels et les infractions connexes, et en particulier la menace persistante que représentent pour la paix et la sécurité internationale l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL, également connu sous le nom de Daech), Al‑Qaida et les personnes, groupes, entreprises et entités qui leur sont associés, et réaffirmant sa détermination à faire front à cette menace sous tous ses aspects,

Constatant avec une grande inquiétude également que l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL, également connu sous le nom de Daech), Al-Qaida et les personnes, groupes, entreprises et entités qui lui sont associées génèrent des revenus en procédant, directement ou indirectement, à des fouilles illégales et au pillage et à la contrebande d’objets appartenant au patrimoine culturel provenant de sites archéologiques, de musées, de bibliothèques, d’archives et d’autres sites, qui sont ensuite utilisés pour financer leurs efforts de recrutement ou pour renforcer leurs capacités opérationnelles d’organiser et de perpétrer des attentats terroristes,

Notant avec une vive préoccupation la grave menace que les mines terrestres et les munitions non explosées font peser sur le patrimoine culturel,

Vivement préoccupé par les liens existant entre les activités des terroristes et des groupes criminels organisés qui, dans certains cas, facilitent les activités criminelles, notamment le trafic de biens culturels, les revenus illicites et le blanchiment d’argent, les malversations et la corruption,

Rappelant sa résolution 1373 (2001), dans laquelle il a décidé que tous les États doivent prévenir et réprimer le financement des actes de terrorisme et s’abstenir d’apporter quelque forme d’appui que ce soit, actif ou passif, aux entités ou personnes impliquées dans des actes de terrorisme, et les autres résolutions dans lesquelles est soulignée la nécessité pour les États Membres de continuer de faire preuve de vigilance concernant les transactions financières et d’améliorer, conformément à leur droit interne et au droit international, les capacités et les pratiques en matière d’échange d’informations entre et au sein des gouvernements par l’intermédiaire des autorités compétentes,

Conscient de l’importance capitale de la coopération internationale en matière de prévention du crime et de justice pénale visant à lutter contre le trafic de biens culturels et les infractions connexes de manière globale et efficace, soulignant que la création et le bon fonctionnement de systèmes de justice pénale équitables et efficaces devraient s’inscrire dans toute stratégie de lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée et rappelant à cet égard les dispositions de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et les protocoles y relatifs,

Rappelant la Convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé en date du 14 mai 1954 et ses protocoles en dates des 14 mai 1954 et 26 mars 1999, la Convention concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels en date du 14 novembre 1970, la Convention pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel en date du 16 novembre 1972, la Convention de 2003 pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel et la Convention de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles,

Notant les efforts que continue de faire le Comité sur les infractions visant les biens culturels créé par le Conseil de l’Europe concernant un cadre juridique pour lutter contre le trafic illicite de biens culturels,

Saluant les efforts engagés par les États Membres pour protéger et sauvegarder le patrimoine culturel dans les situations de conflit armé et prenant note de la déclaration publiée par les ministres de la culture qui ont participé à la conférence internationale tenue à Milan (Italie) les 31 juillet et 1er août 2015, sur le thème « La culture, instrument de dialogue entre les peuples », ainsi que de la Conférence internationale sur les victimes de violences ethniques et religieuses au Moyen-Orient, tenue à Paris le 8 septembre 2015, et de la Conférence internationale sur la protection du patrimoine en péril, tenue à Abou Dhabi le 3 décembre 2016, et de la Déclaration qui en est issue,

Saluant le rôle central joué, d’une part, par l’UNESCO dans la protection du patrimoine culturel et la promotion de la culture comme instrument de rapprochement des peuples et vecteur de dialogue, notamment dans le cadre de la campagne « Unis pour le patrimoine », d’autre part, par l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) et INTERPOL dans la prévention et la lutte contre le trafic de biens culturels et les infractions connexes sous toutes leurs formes et tous leurs aspects, y compris en favorisant une large coopération policière et judiciaire et en sensibilisant le public à ce phénomène,

Saluant également le rôle joué par l’Équipe d’appui analytique et de surveillance des sanctions du Comité du Conseil de sécurité faisant suite aux résolutions 1267, 1989 et 2253 concernant l’EIIL (Daech) et Al-Qaida, pour recenser et appeler l’attention sur les problèmes que pose le lien entre commerce illicite de biens culturels et financement du terrorisme comme indiqué dans les résolutions 2199 (2015) et 2253 (2015), et accueillant avec satisfaction les directives publiées par le Groupe d’action financière (GAFI) sur la recommandation 5 concernant la criminalisation du financement du terrorisme, conformément à ces résolutions,

Se déclarant à cet égard préoccupé par le fait que les terroristes et leurs partisans continuent d’utiliser, dans une société mondialisée, les technologies de l’information et des communications, en particulier Internet, pour faciliter des actes de terrorisme, et condamnant le fait qu’ils les utilisent pour commettre des actes de terrorisme à travers le commerce illicite de biens culturels,

Soulignant qu’il importe que toutes les entités compétentes des Nations Unies coordonnent leurs efforts tout en s’acquittant de leurs mandats respectifs,

Prenant note de la décision prise récemment par la Cour pénale internationale de condamner, pour la première fois, pour crimes de guerre un prévenu qui a délibérément commis des attaques directes contre des édifices religieux et des monuments et bâtiments historiques,

1.    Déplore et condamne la destruction illégale du patrimoine culturel, notamment la destruction de sites et d’objets religieux, ainsi que le pillage et le trafic de biens culturels provenant de sites archéologiques, de musées, de bibliothèques, d’archives et d’autres sites, en période de conflit armé, notamment par des groupes terroristes;

2.    Rappelle qu’il condamne tout échange commercial direct ou indirect avec l’EIIL, le Front el-Nosra et tous les autres individus, groupes, entreprises et entités associés à Al-Qaida, et réaffirme que ce type de transaction pourrait être considéré comme un appui financier à des entités désignées par le Comité du Conseil de sécurité faisant suite aux résolutions 1267, 1989 et 2253 concernant l’EIIL (Daech) et Al-Qaida et pourrait conduire celui-ci à inscrire de nouveaux noms sur la Liste;

3.    Condamne également les campagnes systématiques de fouilles illégales, le saccage et le pillage du patrimoine culturel, commis en particulier par l’EIIL, Al-Qaida et les personnes, groupes, entreprises et entités qui leur sont associés;

4.    Affirme que le fait de lancer une attaque contre des sites et des bâtiments consacrés à la religion, à l’enseignement, à l’art, à la science ou à la bienfaisance, ou contre des monuments historiques peuvent constituer, dans certaines circonstances et en vertu du droit international, un crime de guerre et que les auteurs de ce genre d’attaque doivent être traduits en justice;

5.    Souligne que c’est aux États Membres qu’il incombe au premier chef de protéger leur patrimoine culturel et que les initiatives qu’ils prennent dans ce sens en période de conflit armé doivent être mises en œuvre dans le respect de la Charte, notamment de ses buts et principes, et du droit international, ainsi que de la souveraineté de tous les États;

6.    Invite, à cet égard, l’Organisation des Nations Unies et toutes les autres organisations compétentes à continuer de fournir aux États Membres, à leur demande et en fonction des besoins qu’ils auront identifiés, toute l’assistance nécessaire;

7.    Encourage tous les États Membres qui ne l’ont pas encore fait à envisager de ratifier la Convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé du 14 mai 1954, et ses protocoles, ainsi que les autres conventions internationales pertinentes,

8.    Prie les États Membres de prendre les mesures voulues pour empêcher et combattre le commerce illicite et le trafic des biens culturels et des autres objets ayant une valeur archéologique, historique, culturelle, scientifique ou religieuse qui ont été enlevés en période de conflit armé, notamment par des groupes terroristes, en frappant par exemple d’interdiction le commerce transnational de ces objets illicites lorsque les États ont de bonnes raisons de croire qu’ils ont été enlevés en période de conflit armé, notamment par des groupes terroristes et que leur origine n’est ni clairement identifiée ni certifiée, permettant ainsi qu’ils soient restitués, en particulier les objets illégalement enlevés d’Iraq depuis le 6 août 1990 et de Syrie depuis le 15 mars 2011, et rappelle à cet égard que les États doivent veiller à ce que des fonds et autres avoirs financiers ou ressources économiques ne soient mis, directement ou indirectement, par leurs nationaux ou par des personnes se trouvant sur leur territoire, à la disposition de l’EIIL et des personnes, groupes, entités ou entreprises associés à l’EIIL ou à Al-Qaida, conformément aux résolutions pertinentes;

9.    Prie instamment les États Membres de prendre au niveau national, autant que de besoin et conformément aux obligations et aux engagements créés par le droit international et les instruments nationaux, des mesures législatives et opérationnelles efficaces pour empêcher et combattre le trafic de biens culturels et les infractions connexes, notamment en envisageant d’ériger en infraction grave, au sens de l’article 2 b) de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, les activités dont pourraient tirer profit les groupes criminels organisés, les terroristes ou les groupes terroristes;

10.   Encourage les États Membres à proposer des listes de l’EIIL, Al-Qaida et des personnes, groupes, entreprises et entités impliqués dans le commerce illicite des biens culturels qui seront examinées par le Comité du Conseil de sécurité faisant suite aux résolutions 1267, 1989 et 2253 concernant l’EIIL (Daech) et Al-Qaida, qui répondent aux critères de désignation énoncés dans les résolutions 1267 (1999), 1989 (2011) et 2253 (2015);

11.   Prie instamment les États Membres d’élaborer, notamment, à la demande, avec l’aide de l’ONUDC, en coopération avec l’UNESCO et INTERPOL, selon qu’il conviendra, une large coopération policière et judiciaire pour empêcher et combattre, sous toutes leurs formes et tous leurs aspects, le trafic de biens culturels et les infractions connexes dont tirent ou pourraient tirer profit les groupes criminels organisés, les terroristes ou les groupes terroristes;

12.   Invite les États Membres à solliciter et à fournir une coopération concernant les enquêtes, les poursuites, la saisie, la confiscation et les procédures judiciaires, ainsi que le retour, la restitution ou le rapatriement des biens culturels qui font l’objet d’un trafic, qui ont été exportés ou importés illicitement, qui ont été volés ou pillés, qui proviennent de fouilles illicites ou qui font l’objet d’un commerce illicite, par les voies appropriées et conformément à leurs cadres juridiques internes, à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et aux Protocoles s’y rapportant, ainsi qu’aux accords bilatéraux, sous-régionaux et régionaux pertinents;

13.   Se félicite des mesures prises par l’UNESCO dans le cadre de son mandat pour protéger et préserver le patrimoine culturel en péril et des mesures visant à assurer la protection de la culture et la promotion du pluralisme culturel en cas de conflit armé, et engage les États Membres à appuyer de telles mesures;

14.   Encourage les États Membres à renforcer, le cas échéant, la coopération bilatérale, sous-régionale et régionale par des initiatives conjointes dans le domaine d’application des programmes pertinents de l’UNESCO;

15.   Prend note de la constitution du fonds d’urgence de l’UNESCO pour le patrimoine ainsi que de celle, annoncée le 3 décembre 2016 à Abou Dhabi, du fonds international pour la protection du patrimoine culturel en péril en période de conflit armé, et des autres initiatives menées dans ce cadre, et engage les États Membres à verser des contributions financières afin d’appuyer les opérations d’urgence et de prévention, la lutte contre le trafic de biens culturels, ainsi que d’entreprendre tous les efforts appropriés pour la récupération du patrimoine culturel, dans l’esprit des principes consacrés par les conventions de l’UNESCO;

16.   Engage également les États Membres à prendre des mesures préventives pour sauvegarder, en période de conflit armé, les biens culturels propres à chaque pays et les autres éléments de leur patrimoine culturel revêtant une importance nationale, y compris, s’il y a lieu, par des activités de documentation et de regroupement de leurs biens culturels dans un réseau de « refuges » sur leur territoire afin d’assurer leur protection, tout en prenant en considération les spécificités culturelles, historiques, et géographiques du patrimoine culturel devant être protégé, et prend note du projet de plan d’action de l’UNESCO, qui contient plusieurs propositions visant à faciliter ces activités;

17.   Demande aux États Membres d’envisager l’adoption des mesures ci-après, en vue de prévenir et combattre le trafic de biens culturels illicitement pris et exportés, notamment par des groupes terroristes, en période de conflit armé:

a)    Établir aux niveaux local et national des inventaires du patrimoine et des biens culturels, notamment sous forme numérique lorsque c’est possible, ou améliorer ces inventaires, et les rendre facilement accessibles aux autorités et organismes pertinents, selon qu’il conviendra;

b)    Adopter des dispositions réglementaires appropriées et efficaces, conformes aux normes internationales, régissant l’exportation et l’importation de biens culturels y compris, s’il y a lieu, la certification d’origine;

c)    Promouvoir la Nomenclature du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises de l’Organisation mondiale des douanes et contribuer à sa mise à jour;

d)    Établir s’il y a lieu, conformément à la législation et aux procédures nationales, des services spécialisés au sein des administrations centrale et locales, engager du personnel spécialisé dans l’administration des douanes et la police et doter ce personnel, ainsi que les représentants du ministère public, de moyens efficaces et d’une formation adéquate;

e)    Établir des procédures et, le cas échéant, créer des bases de données en vue de recueillir des informations sur les activités criminelles liées aux biens culturels, ainsi que sur les biens culturels illicitement exhumés de sites archéologiques, exportés, importés ou commercialisés, ou encore volés, faisant l’objet d’un trafic ou disparus;

f)    Utiliser la base de données d’INTERPOL sur les œuvres d’art volées, la base de données de l’UNESCO sur les législations nationales du patrimoine culturel et la plateforme ARCHEO de l’OMD ainsi que d’autres bases de données pertinentes établies au niveau national, y contribuer, et communiquer, le cas échéant, des données et informations pertinentes au portail SHERLOC de l’ONUDC en ce qui concerne les enquêtes et les poursuites relatives aux crimes considérés et leurs résultats, et à l’Équipe d’appui analytique et de surveillance des sanctions en ce qui concerne les saisies de biens culturels;

g)    Encourager les musées, les associations professionnelles et les acteurs du marché des antiquités à convenir de normes concernant la certification de la provenance et le devoir de diligence différenciée et de toute disposition propre à prévenir le commerce de biens culturels volés ou illicitement mis sur le marché;

h)    Fournir aux parties prenantes et associations du secteur qui relèvent de leur juridiction les listes dont ils disposent au niveau national de sites archéologiques, musées et entrepôts de lieux d’excavation se trouvant dans les territoires contrôlés par l’EIIL ou tout autre groupe inscrit sur la liste établie par le Comité du Conseil de sécurité faisant suite aux résolutions 1267, 1989 et 2253 concernant l’EIIL (Daech) et Al-Qaida;

i)    Mettre sur pied des programmes d’enseignement, à tous les niveaux, sur la protection du patrimoine culturel et sensibiliser le public au problème du trafic illicite de biens culturels et à la question de sa prévention;

j)    Prendre des dispositions appropriées en vue d’inventorier les biens culturels et autres articles ayant une valeur archéologique, historique, culturelle, scientifique ou religieuse qui ont été enlevés, déplacés ou transférés de zones de conflit armé, et assurer la coordination avec les organismes des Nations Unies et les acteurs internationaux compétents en vue d’assurer le retour en toute sécurité de tous les articles inventoriés;

18.   Engage les États Membres ainsi que les organismes des Nations Unies compétents, conformément à leur mandat respectif, et les acteurs internationaux qui peuvent le faire, à fournir une assistance en matière de déminage des sites et objets culturels à la demande des États touchés.

19.   Affirme qu’il peut expressément charger les opérations de maintien de la paix des Nations Unies, agissant à la demande expresse du Conseil de sécurité et conformément à leurs règles d’engagement, d’aider le cas échéant les autorités compétentes, à la demande de celles-ci, à protéger en collaboration avec l’UNESCO le patrimoine culturel contre la destruction, les fouilles illicites, le pillage et la contrebande en période de conflit armé, et que lesdites opérations de maintien de la paix doivent agir avec prudence lorsqu’elles interviennent à proximité de sites culturels et historiques;

20.   Demande à l’UNESCO, à l’ONUDC, à INTERPOL, à l’OMD et aux autres organisations internationales compétentes de s’employer selon qu’il conviendra et dans le cadre de leurs mandats respectifs à aider les États Membres dans les efforts qu’ils déploient pour prévenir et combattre la destruction et le pillage ainsi que le trafic de biens culturels sous toutes ses formes;

21.   Prie l’Équipe d’appui analytique et de surveillance des sanctions du Comité du Conseil de sécurité faisant suite au résolutions 1267, 1989 et 2253 concernant l’EIIL (Daech) et Al-Qaida de continuer, dans le cadre de son mandat actuel, de fournir au Comité des informations pertinentes concernant le commerce illicite de biens culturels;

22.   Prie également le Secrétaire général, agissant avec l’appui de l’ONUDC, de l’UNESCO et de l’Équipe d’appui analytique et de surveillance des sanctions du Comité du Conseil de sécurité faisant suite aux résolutions 1267, 1989 et 2253 concernant l’EIIL (Daech) et Al-Qaida, ainsi que d’autres organismes des Nations Unies compétents, de lui présenter avant la fin de l’année un rapport sur l’application de la présente résolution;

23.   Décide de rester activement saisi de la question.

Déclarations

Après avoir présenté ses sincères condoléances au Gouvernement et au peuple britanniques pour les victimes faites par le terrorisme à Londres, M. JEFFREY FELTMAN, Secrétaire général adjoint aux affaires politiques, a déclaré qu’aujourd’hui, les terroristes, tout particulièrement dans les situations de conflit armé, ne détruisent pas seulement des vies, mais aussi des sites historiques et des artefacts. 

En effet, la destruction délibérée de l’héritage culturel et le trafic d’objets d’art, ou ayant une importance religieuse ou culturelle, prennent pour cible des individus et des communautés pour des raisons culturelles et religieuses.  « La protection de l’héritage, dès lors, n’est pas seulement une question culturelle; il s’agit aussi d’un impératif de sécurité et humanitaire », a résumé le haut fonctionnaire. 

Les groupes terroristes comme Daech exploitent des sites culturels pour financer leurs activités tout en renforçant leurs liens avec les réseaux de criminalité organisée, a expliqué le Secrétaire général adjoint. 

Aussi la résolution adoptée ce matin vise-t-elle à renforcer la coopération internationale pour priver les terroristes de leurs moyens de financement, mais aussi pour protéger l’héritage culturel comme symbole de la compréhension et du respect de toutes les religions, croyances et civilisations.   

« Protéger l’héritage culturel exige de nous de déployer tous les efforts possibles pour mettre en œuvre le cadre juridique international et normatif et renforcer la coopération internationale », a préconisé M. Feltman.

Cela exige également une réponse judiciaire de façon à prévenir le trafic illicite de biens culturels en désorganisant les réseaux criminels et terroristes, y compris par des actions de lutte contre la corruption et le blanchiment  d’argent, et pour traduire les auteurs en justice.   

Pour M. Feltman, enfin, il faut mettre l’accent sur la coopération dans les enquêtes et dans l’échange d’informations, et associer les partenaires des secteurs publics et privés, notamment les marchands d’art et le secteur touristique, pour promouvoir l’intégrité de la chaîne d’approvisionnement et mettre fin au trafic illicite de biens culturels.

Mme IRINA BOKOVA, Directrice générale de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), a exprimé sa « vive émotion » après l’adoption de cette « résolution historique, qui marque une prise de conscience essentielle du rôle du patrimoine pour la paix et la sécurité ».  « La force des armes ne suffit pas à vaincre l’extrémisme violent.  La recherche de la paix passe aussi par la culture, l’éducation, la prévention, la transmission du patrimoine: tel est le message de cette résolution historique, et son immense portée », a-t-elle déclaré, en concluant son intervention, faite en français.

Mme Bokova l’avait entamée en faisant référence aux pyramides d’Égypte, à l’île de Gorée au Sénégal, à la ville de Potosi en Bolivie, au Fujisan du Japon, à la place Rouge de Moscou, tous inscrits au Patrimoine mondial de l’UNESCO.  « Le patrimoine, c’est notre identité », il « raconte l’histoire des peuples dans leur diversité » et « incarne des repères et les valeurs qui définissent notre humanité commune, qui assurent la cohésion des sociétés, et certains ont donné leur vie pour les défendre », a-t-elle dit.

Mme Bokova a cité lе poète allemand Heinrich Heine, pour qui « partout où les hommes brûlent des livres et la culture, ils finissent par brûler d’autres hommes ».  « La destruction délibérée du patrimoine est un crime de guerre - c’est devenu une tactique de guerre, dans une stratégie globale de nettoyage culturel », a-t-elle expliqué, ajoutant: « La protection du patrimoine est plus qu’un enjeu culturel: c’est un impératif de sécurité, inséparable de la protection des vies humaines. »

La Directrice générale a souligné que le patrimoine démontrait que le dialogue des cultures existait.  « Il raconte notre histoire passée et propose un avenir commun.  Les extrémistes violents le savent, et c’est pour cette raison qu’ils cherchent à lе détruire. »

En adoptant la résolution 2199 (2015), qui interdit le commerce des biens culturels en provenance d’Iraq et de Syrie, le Conseil de sécurité a frappé l’extrémisme violent au cœur de son financement, et confie à l’UNESCO, avec INTERPOL, la responsabilité de mener la lutte contre le trafic des antiquités.  « Cette résolution a déjà produit des résultats importants », a-t-elle dit.

Pour Mme Bokova, qui a remercié la France et l’Italie pour cette initiative, « la résolution d’aujourd’hui représente une avancée capitale, qui dessine une nouvelle vision des liens entre paix et patrimoine ». 

La Directrice générale de l’UNESCO a salué le Conseil de sécurité d’avoir intégré la protection du patrimoine dans le mandat des forces de maintien de la paix, « car lorsque le patrimoine est en première ligne des conflits, il doit être en première ligne de la paix ».  

L’UNESCO travaille avec la Cour pénale internationale (CPI) pour mettre un terme à l’impunité des crimes de guerre contre la culture, a-t-elle dit, précisant que cette coopération avait permis la condamnation du responsable de la destruction des mausolées de Tombouctou.

M. YURY FEDOTOV, Directeur exécutif de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), a jugé que l’action était plus que jamais urgente pour remédier à la destruction et au trafic de biens culturels, générateurs de revenus pour les groupes terroristes.  L’ONUDC coopère étroitement avec l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), INTERPOL et l’Organisation mondiale des douanes (OMD) pour renforcer la réponse nationale, régionale et internationale, a-t-il dit, en insistant sur l’expertise technique de son Office.

M. Fedotov a affirmé que le soutien de l’ONUDC aux États Membres trouvait son fondement dans la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, la Convention des Nations Unies contre la corruption et la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme.  

Ces conventions, qui ont été rejointes par quasiment tous les États Membres, sont un cadre à disposition de la communauté internationale pour prévenir et punir le trafic de biens culturels et aider à leur restitution, a-t-il dit.  M. Fedotov a estimé que la bonne mise en œuvre de la Convention des Nations Unies contre la corruption était particulièrement importante, dans la mesure où le trafic s’appuie sur des fonctionnaires corrompus et des receleurs pour le passage des frontières et la vente des biens.

« Nous avons les traités, les outils, les lignes directrices et le matériel de formation mais nous devons opérationnaliser ces engagements plus efficacement, tandis que les États Membres doivent apporter davantage de ressources dans un esprit de responsabilité partagée. »  

M. Fedotov a indiqué que l’ONUDC visait à faire la lumière sur toutes les dimensions de cette activité criminelle, afin d’aider la communauté internationale à élaborer une réponse ciblée et commune.  L’Office cherche à financer, avec l’UNESCO, une étude globale visant à identifier les principales routes de trafic et les modus operandi et à déterminer les défis que les pays doivent relever s’agissant de la réponse pénale, a déclaré le Directeur exécutif.  « J’espère que nous pouvons compter sur votre soutien. »

M. FABRIZIO PARRULLI, général de brigade et commandant de la Section des carabiniers italiens pour la protection des biens culturels, a déclaré avoir enquêté sur près de 800 000 œuvres d’art et 35 000 individus, indiquant que plus d’un millier d’entre eux avaient fait l’objet d’une détention. 

Toutefois, a-t-il dit, l’assistance prêtée par INTERPOL ne suffit pas à contrer ce phénomène, en raison de la nature complexe des crimes commis.  C’est la raison pour laquelle le général de brigade a demandé une expertise unique, en notant que la seule façon de protéger le patrimoine culturel est la coopération entre États et organisations internationales et régionales.

« Nous plaidons fermement pour la coopération internationale et l’application de la loi », a-t-il dit, ajoutant que les carabiniers italiens avaient récupéré des milliers d’artefacts et ouvert des enquêtes ayant permis le rapatriement de biens culturels spoliés.  

Les carabiniers ont également aidé d’autres forces armées à retrouver des biens volés.  Pour parvenir à des résultats concluants, il est essentiel de partager pratiques optimales et leçons apprises, a-t-il insisté, ajoutant que les carabiniers disposaient d’une base de données, « notre outil le plus puissant », qui contient plus de 1,2 million d’images couvertes par des enquêtes.  

Il a également affirmé que des formations étaient ouvertes aux pays tiers intéressés, rappelant à nouveau l’importance des liens bilatéraux avec d’autres États pour protéger le patrimoine.

En outre, le général de brigade a fait valoir l’existence en Italie d’« Unis pour le patrimoine », une équipe spéciale établie au lendemain de la « terrible série de séismes » ayant secoué son pays, et chargée d’évaluer les risques et de quantifier les dégâts, de prêter une assistance pour le transport sûr de biens culturels endommagés, et d’empêcher leur trafic illicite. 

M. Parrulli a annoncé que conjointement avec l’UNESCO, « nous œuvrons au déploiement de cette équipe sous bannière de l’ONU » dans des zones de conflit.

« Nous sommes réunis ce matin au Conseil de Sécurité, au cœur de la ville-monde symbolisant la modernité, à l’ombre des tours mortes, pour reprendre le titre de l’album d’Art Spiegelman.  Mais nous sommes aussi ce matin, par l’objet de notre réunion, à l’ombre perdue des bouddhas de Вamiyân dont la puissance silencieuse a été saccagée par le souffle des explosifs.  Nous répondons à l’appel des manuscrits et mausolées de Tombouctou, des colosses de pierres, et des taureaux androcéphales. » 

Par cette introduction, Mme AUDREY AZOULAY, Ministre de la culture et de la communication de la France, dont le pays est coauteur, avec l’Italie, de la résolution, a montré que « l’acharnement délibéré contre le patrimoine de l’humanité procède d’une volonté d’anéantissement de la mémoire, de négation du passé, de spoliation de l’histoire ».  « C’est la même volonté destructrice qui vise dans leur chair des femmes, des hommes, des enfants mais aussi dans la pierre, dans l’argile, les trésors du patrimoine, les musées. »

« Nous devons à ces peuples, à ces femmes et à ces hommes le respect de leur passé; nous devons transmettre leur histoire à nos enfants et aux enfants de nos enfants car elle appartient au patrimoine commun de l’humanité.  Nous devons secourir tous ceux qui, au prix parfois de leur vie, cherchent à maintenir hors de la nuit ces trésors de l’humanité. »

Pour Mme Azoulay, l’UNESCO « joue un rôle essentiel dans la protection du patrimoine et la promotion de la diversité des cultures comme instrument de paix, comme conscience morale de l’humanité pour rappeler que la culture relie les hommes à leur histoire, à leur territoire ».  Son mandat, a-t-elle dit, « est plus que jamais pertinent dans un monde où les valeurs qu’elle incarne depuis sa création sont souvent remises en cause ».

La Ministre française a estimé que la protection du patrimoine était « un enjeu de civilisation, un enjeu éthique, qui doit nous rassembler dans la diversité de nos appartenances, car c’est bien ce que nous avons de commun qui est menacé ».  C’est également « un enjeu de sécurité, car pendant le conflit, le trafic illicite des biens culturels pillés finance les réseaux terroristes et constitue un facteur de développement des conflits armés ».  

De même, après le conflit, « le patrimoine joue encore un rôle majeur dans le rétablissement de la paix car c’est un facteur de résilience et de rassemblement pour des populations meurtries ».  « La communauté internationale doit pour toutes ces raisons se mobiliser; c’est une exigence humaniste, une cause juste et un levier essentiel de paix durable. »

Selon Mme Azoulay, le texte « est un projet complet et équilibré qui témoigne de la mobilisation pleine et entière de la communauté internationale au plus haut niveau ».  Il aborde la question de la mise en danger du patrimoine en situation de conflit armé en traitant pour la première fois de l’ensemble des menaces: la destruction, les vols, le trafic, sans limitation géographique, et que celles-ci soient le fait de groupes terroristes listés ou d’autres groupes armés.

I1 fait explicitement le lien avec le financement des groupes terroristes par le trafic de biens culturels, et renforce les dispositifs opérationnels mis en place à cet égard par les résolutions précédentes du Conseil de sécurité.  Il prend également mieux en compte la connexion entre les groupes terroristes et la criminalité organisée.

La Ministre a fait également mention de la Conférence internationale d’Abou Dhabi sur la protection du patrimoine culturel en péril que son pays et les Émirats arabes unis ont organisée en décembre 2016.  Elle a souligné que la France financerait à hauteur de 30 millions de dollars le fonds annoncé lors de cette conférence, lequel atteint déjà plus de 75 millions de dollars.  Ce fonds, a-t-elle dit, permettra de financer dès le deuxième semestre de cette année des projets en matière d’actions préventives ou d’urgence, de lutte contre le trafic illicite de biens culturels ainsi que de réhabilitation du patrimoine endommagé.

M. VINCENZO AMENDOLA, Sous-Secrétaire d’État pour les affaires étrangères et la coopération internationale de l’Italie, a indiqué que la destruction du patrimoine par des groupes terroristes était une attaque contre le passé et l’avenir des peuples.  Cela peut constituer un crime contre l’humanité, a-t-il dit.  

Il a affirmé que la protection du patrimoine était un pilier de longue date de la politique étrangère de l’Italie, qui a apporté son appui au travail de l’UNESCO.  En tant que Présidente du G7, l’Italie convoquera la première réunion des ministres de la culture du Groupe pour discuter de la sauvegarde du patrimoine en Iraq, a-t-il affirmé.

M. Amendola a appelé le Conseil à prêter davantage d’attention à la protection du patrimoine culturel, estimant qu’il s’agissait là d’un domaine où il pouvait parler d’une seule voix et faire montre d’unité.  

Le Ministre italien a salué la nature historique de la résolution adoptée ce jour, laquelle contient des mesures concrètes pour lutter contre la destruction des biens culturels et conjugue à la fois prévention et répression de ce phénomène.  « Intégrer la dimension culturelle dans la réponse aux situations de conflit est un impératif moral mais aussi politique et sécuritaire », a-t-il déclaré.  

Jugeant crucial de mettre fin à l’impunité, le Ministre a souligné, en conclusion, l’importance de la récente condamnation du responsable de la destruction des mausolées de Tombouctou prononcée par la Cour pénale internationale (CPI).

M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie) s’est félicité de l’initiative prise par la France et l’Italie, considérant que la résolution adoptée aujourd’hui représentait une avancée dans la protection des biens culturels, avant d’encourager les États Membres à sa mise en œuvre. 

Affirmant que la destruction des biens culturels était comparable à un acte de terrorisme, le représentant a déclaré que cette définition intégrait aussi à ses yeux la destruction de biens culturels par les États et qu’il était nécessaire de se pencher sur les causes profondes d’un tel phénomène. 

M. Llorentty Solíz a regretté de constater qu’en dépit de la mise en place de mesures efficaces, Daech avait réussi à financer ses activités.  Selon lui, la mise en œuvre de la présente résolution ne doit pas se limiter à la protection des biens culturels, mais s’appliquer aussi à la réhabilitation de ceux qui ont été endommagés, comme à Palmyre, tandis que la résolution 69/196, a-t-il rappelé, encourage les États à mettre en œuvre les directives de justice pénale pour la prévention des « crimes culturels ».

M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) a indiqué que la menace contre le patrimoine religieux en raison d’un conflit armé était la plus aiguë depuis la Seconde Guerre mondiale.  Cinquante-cinq sites culturels sont aujourd’hui en péril en raison de conflits armés, la plupart se trouvant au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, a-t-il dit.  Le délégué a salué les efforts de l’UNESCO pour préserver le site de Palmyre et d’autres sites syriens.

Il a souligné l’importance de ratifier les conventions internationales pertinentes dans le domaine de la protection du patrimoine culturel et de verser des contributions au Fonds d’urgence de l’UNESCO.  Des unités de police spécialisées devraient être créées et la réponse pénale devrait être renforcée, a-t-il affirmé.  

En conclusion, le délégué du Kazakhstan a redit la détermination de son pays à protéger le patrimoine culturel.

M. VOLODYMYR YELCHENKO (Ukraine) a indiqué que les objets appartenant au patrimoine de son pays étaient détruits ou extraits illicitement aux fins de trafic, en particulier vers la Fédération de Russie.  Cela est la résultante de la tentative d’annexion de la Crimée et de l’intervention militaire russe dans le Donbass, a-t-il affirmé.  Jugeant que les États n’étaient pas les seuls auteurs de tels crimes, le délégué a dénoncé le véritable « génocide culturel » commis par les groupes terroristes en Syrie, en Iraq, en Libye, au Mali ou bien en Afghanistan.  Ils cherchent à réécrire l’histoire en effaçant des chapitres entiers de la mémoire collective des peuples, a-t-il déclaré.

Le délégué a souligné l’importance de certains éléments de la résolution adoptée ce jour, citant la responsabilité première des États dans la protection de leur patrimoine culturel, la création d’inventaires de biens culturels ayant été illicitement extraits de zones de conflits et la nécessité de traduire en justice les responsables de crimes.

En conclusion, M. Yelchenko a salué le récent jugement de la Cour pénale internationale (CPI) condamnant pour crimes de guerre un individu ayant mené une attaque délibérée contre le patrimoine religieux et historique d’un pays.

M. OLOF SKOOG (Suède) a dit que la « beauté de notre monde » disparaissait avec la destruction du patrimoine culturel.  La destruction des mausolées de Tombouctou ou de mosquées à Mossoul sont des actes iconoclastes et cyniques, a-t-il affirmé.  Il a rappelé que les groupes terroristes finançaient leurs activités avec les revenus générés par le trafic illicite de biens culturels, lequel pourrait constituer un crime de guerre.

Les États doivent traduire en justice les responsables, a estimé M. Skoog, en se félicitant à ce titre du récent jugement de la Cour pénale internationale (CPI).  Il a précisé que la Suède avait renforcé ses capacités de police pour lutter contre le trafic illicite de biens culturels et lancé une campagne de sensibilisation du public.

Le délégué a souligné le rôle de chef de file de l’UNESCO pour préserver le patrimoine en période de conflit armé.  Il est crucial que les actions de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), de l’UNESCO et d’INTERPOL se complètent mutuellement, a poursuivi le délégué suédois.

En conclusion, M. Skoog a estimé que la résolution de ce jour était un pas en avant et a salué l’initiative visant à créer un réseau de « refuges » pour assurer la protection des biens culturels.

M. ELBIO ROSSELLI (Uruguay) s’est opposé à la spoliation et au trafic de biens culturels, se félicitant de l’existence de l’initiative « Unis pour le patrimoine » sous le leadership de l’UNESCO et de la recommandation par le Conseil de sécurité dans sa résolution de la création d’un réseau de « refuges » pour assurer la protection des biens culturels sur les territoires des pays en conflit afin d’assurer leur protection. 

Pour le représentant de l’Uruguay, le patrimoine culturel incarne « l’identité de notre humanité commune ».

M. AMR ABDELLATIF ABOULATTA (Égypte) a dit que le patrimoine culturel n’était pas moins important pour les États concernés « que la terre et l’honneur ».  L’Égypte, dotée d’un patrimoine précieux, apprécié de tous, en connaît l’importance, a-t-il poursuivi.  

Le délégué est revenu sur certains principes et restrictions contenus dans la résolution, sans lesquels l’Égypte n’aurait pas pu se joindre au consensus.  Parmi ces principes, le délégué a cité la réaffirmation du rôle premier de chaque État dans la préservation de son patrimoine culturel et le respect de la souveraineté des États.

La création d’un réseau de « refuges » pour des biens culturels ne peut se faire que par l’entremise des États concernés, a-t-il déclaré.  Il a rejeté toute ingérence dans les affaires intérieures d’un État sous prétexte de protéger son patrimoine culturel, avant de souligner le refus de certains États de restituer des biens culturels appartenant à d’autres pays.

Il est essentiel de dresser une liste des biens transférés illégalement en période de conflit armé afin d’œuvrer à leur restitution, a-t-il estimé.

En conclusion, M. Aboulatta a regretté que la question de la protection du patrimoine dans les zones soumises à une occupation étrangère n’ait pas pu, « pour des raisons politiques », être incluse dans la résolution.

M. EVGENY T. ZAGAYNOV (Fédération de Russie) a regretté de constater que le trafic de biens culturels demeurait l’une des principales sources de financement de Daech.  Il a tenu à rappeler que c’est à la demande de Moscou que des amendements en lien avec cette question avaient été apportés aux normes du Groupe d’action financière (GAFI), chargé de lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. 

S’il s’est félicité de l’adoption de la résolution, le représentant a jugé important d’œuvrer à la création d’un « régime » qui permettrait de liquider toutes les sources de financement des groupes terroristes, plaidant pour un embargo sur le commerce avec Daech.  Il a appelé tous les États à communiquer toutes les données relatives aux terroristes dont ils disposent, en accordant la priorité à l’action sur le terrain.  

Ainsi, dans la cité syrienne de Palmyre, « conquise, détruite, puis libérée », la première mesure à prendre doit être d’effacer toutes les « traces » de ceux ayant fait de ce site historique un lieu de destructions et de souffrances, et notamment les mines qui infestent ses sols. 

Pour faire cause commune, a souligné la délégation russe, des investissements financiers seront nécessaires.  Si elle s’est félicitée du rôle important joué par l’UNESCO, elle a toutefois souligné la nécessité d’éviter les doublons, faisant allusion à l’annonce de la création d’un fonds additionnel qui viendrait s’ajouter à ceux déjà existants. 

Réagissant enfin à l’intervention de l’Ukraine, le représentant russe a dit que celui-ci se servait de la question à l’ordre du jour pour mener une propagande contre son pays.

M. LIU JIEYI (Chine) a invité la communauté internationale à accroître son appui aux États concernés pour interrompre les voies de trafic illicite de biens culturels.  Les pays doivent mettre en place des mécanismes d’alerte précoce pour préserver les biens culturels en période de conflit armé, a-t-il dit.  

Le délégué de la Chine a tenu à réaffirmer le « caractère national » des biens culturels, avant d’inviter les États à lutter, dans le cadre de la résolution adoptée ce jour, en priorité contre les groupes terroristes qui constituent la principale menace pour le patrimoine culturel.

En conclusion, le représentant chinois a demandé un renforcement de la coopération internationale dans ce domaine et exhorté l’UNESCO et l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) à renforcer leurs liens.

Mme MICHELE J. SISON (États-Unis) a déclaré que la politique américaine contre la destruction de biens culturels était « parfaitement claire »: « nous la condamnons vigoureusement ».  La coopération intergouvernementale est absolument indispensable, a-t-elle dit, avant de préciser qu’elle avait permis de localiser Abu Sayyaf, qui a participé au trafic de biens culturels au nom de Daech.  

À chaque fois que cela est possible, a insisté la représentante, les États-Unis souhaitent voir de nouveaux canaux de coopération être mis en place pour assurer la « préservation des biens culturels pour les générations futures ».

M. TEKEDA ALEMU (Éthiopie) a dénoncé les attaques délibérées des groupes terroristes perpétrées contre le patrimoine culturel.  La résolution adoptée aujourd’hui a une véritable valeur ajoutée, en venant compléter les instruments juridiques existants, a-t-il dit.  Il a indiqué que la protection du patrimoine culturel en temps de conflit armé était une obligation en vertu du droit international.  Le Conseil ne peut pas rester indifférent face aux attaques des groupes terroristes contre un patrimoine qui « symbolise notre commune humanité », a-t-il affirmé.

Il a exhorté les États à poursuivre en justice les entités et individus responsables de trafic illicite de biens culturels, avant de rappeler que son pays s’était joint à l’initiative visant à soumettre la question de la préservation des biens culturels devant le Conseil des droits de l’homme.

Le Conseil de sécurité pourrait donner mandat aux missions de maintien de la paix de protéger le patrimoine religieux des attaques terroristes, sur le modèle du mandat de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), a-t-il proposé.

En conclusion, le délégué a rappelé que huit sites appartenant au patrimoine mondial de l’humanité se trouvaient en Éthiopie.

M. HIROSHI MINAMI (Japon) a estimé que la résolution qui venait d’être adoptée marquait « un pas en avant important ».  Il a vivement encouragé à l’universalisation des conventions et cadres juridiques internationaux pertinents, en demandant aux États Membres qui ne l’ont pas encore fait d’y adhérer. 

Se félicitant des activités de l’UNESCO, le Japon a annoncé qu’il s’apprêtait à faire une contribution d’un montant de 6,8 millions de dollars à son fonds pour la protection du patrimoine mondial culturel et naturel de valeur universelle exceptionnelle, dénommé « Fonds du patrimoine mondial ». 

Le représentant a souligné l’importance de l’archivage des données relatives aux biens culturels, qui faciliterait l’ouverture de poursuites pénales.  Il a également plaidé pour le partage des meilleures pratiques entre organisations internationales pertinentes.  « Voler ou détruire des biens culturels, c’est nous priver de notre passé », a-t-il ajouté en conclusion.

« L’humanité a été heurtée par les destructions de biens culturels par des groupes terroristes, en Syrie, au Mali, en Afghanistan ou bien encore en Iraq », a affirmé M. FODÉ SECK (Sénégal).  Il a rappelé que son pays avait contribué au lancement de la Déclaration de Saint-Pétersbourg de 2012 condamnant la destruction des mausolées au Mali.  Il faut dresser un inventaire des biens culturels illégalement soustraits des zones de conflit pour assurer leur traçabilité et in fine leur restitution, a-t-il indiqué, en souhaitant l’association des entités onusiennes, ainsi que des collectionneurs privés, à cet effort.

M. Seck a souligné la portée historique du jugement de la Cour pénale internationale (CPI) en date du 27 septembre 2016 considérant la destruction de patrimoine comme étant un crime de guerre et infligeant une peine de neuf années d’emprisonnement au responsable de la destruction de mausolées à Tombouctou.  Il s’agit là d’un bon précédent judiciaire international, a-t-il estimé.

Le délégué a invité l’ONU à apporter aux États qui en font la demande un appui à la mise en œuvre d’un réseau national de protection du patrimoine, avant d’appuyer le lancement d’un fonds mondial pour ladite protection en complément des fonds de l’UNESCO.

M. PETER WILSON (Royaume-Uni) s’est félicité de l’adoption unanime de cette résolution, rappelant que la destruction de sites culturels et religieux était un sujet qui intéresse tous les États Membres.  Ce texte, qui « franchit un pas dans la bonne direction », doit maintenant être mis en œuvre, a souligné le représentant, qui a annoncé que le Gouvernement britannique verserait 13 millions de dollars au Fonds du patrimoine mondial pour promouvoir divers projets, dont la rénovation du musée de Bassora.  

Rappelant ensuite que ce sont les hommes et femmes en uniforme qui se trouvent en première ligne pour protéger les biens culturels, M. Wilson a déclaré que l’armée britannique avait créé une unité spéciale chargée de sensibiliser ses soldats à cette question. 

Le délégué a en conclusion estimé que la condamnation, à neuf ans de prison, par la Cour pénale internationale (CPI), d’Ahmad Al Faqi Al Mahdi, un djihadiste qui a détruit en 2012 des mausolées classés au patrimoine mondial de l’humanité à Tombouctou, devait « servir d’avertissement » à tous ceux qui se livrent à la déprédation et au trafic de biens culturels dans le monde.

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