En cours au Siège de l'ONU

7875e séance – matin
CS/12703

Avec la fin des opérations de libération en vue, les jours de Daech en Iraq sont comptés, déclare le Représentant spécial

Le Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Iraq, M. Ján Kubiš, a indiqué, ce matin, devant le Conseil de sécurité, qu’avec la fin, « dans un avenir relativement court et prévisible », des opérations de libération en Iraq, les jours de Daech étaient « comptés ».  L’Iraq aura besoin d’un appui « continu, substantiel et durable » de la communauté internationale dans la période post-Daech, a-t-il dit.  S’exprimant après les délégués de l’Uruguay et de la Bolivie, le représentant iraquien a, lui, « regretté » le récent décret pris par le Président des États-Unis contre les ressortissants de sept pays, dont le sien.

« Trois mois après le début de l’opération militaire à Mossoul, les combats dans la partie orientale de la ville ont pris fin », a déclaré, à l’entame de son intervention, le Représentant spécial, qui présentait deux rapports du Secrétaire général*.  « Les progrès réguliers engrangés ne doivent pas cacher que les combats ont été et représenteront un défi massif, en particulier dans la vieille ville à l’ouest de Mossoul », a-t-il prévenu.

M. Kubiš, qui est également le Chef de la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq (MANUI), a assuré que les forces iraquiennes, « avec le soutien important de ses partenaires internationaux, en particulier les États-Unis », resteront engagées dans des opérations urbaines complexes.  Il a mis en garde contre toute « réduction abrupte » de l’engagement international après la défaite de Daech, afin de ne pas répéter les erreurs du passé qui ont eu de graves conséquences bien au-delà des frontières de l’Iraq.

Le Représentant spécial a souligné que le concept d’opérations humanitaires adopté par le Gouvernement iraquien donnait, d’une façon inédite, la priorité à la protection des civils, tant dans la planification que dans la conduite des opérations militaires, tirant, ce faisant, les leçons des erreurs précédemment commises.  La conduite des forces de sécurité au cours des opérations de libération a apaisé une grande partie -mais pas la totalité- de la population, a-t-il constaté.

Il a noté que la MANUI n’avait reçu aucune preuve de violations systématiques ou généralisées du droit international humanitaire et des droits de l’homme par les forces de sécurité.  « Toutefois, des actes criminels contre des civils et des prisonniers de guerre sont encore malheureusement commis », a-t-il dit tout en précisant que des enquêtes rapides étaient menées.

 

M. Kubiš a également indiqué que le contrôle des civils quittant les zones contrôlées par Daech semblait être mené « de manière transparente et dans le respect général des normes internationales ».  Il s’est dit, toutefois, inquiet face aux informations alarmantes faisant état du pillage de biens civils et de l’aide humanitaire par des groupes armés qui soutiennent les forces de sécurité iraquiennes, en particulier certains groupes de résistance locaux.

« La protection des civils, l’élimination des mesures susceptibles d’inciter les tensions sectaires et la prévention des actes de pillage et de vengeance à Mossoul, et également dans les autres régions libérées du pays, sont d’une importance capitale pour gagner les cœurs et les esprits de la population », a-t-il déclaré.  Il a estimé que ces mesures constituaient les premiers pas « d’un processus de réconciliation nationale et communautaire » et « dans la construction d’un Iraq renouvelé et véritablement unifié ».

« Le monde n’oubliera pas les crimes terribles commis par Daech », a affirmé M. Kubiš.  Il a souligné la nécessité d’établir un système judiciaire efficace, de rassembler les preuves des violations commises et de mettre en place des programmes spécifiques pour les femmes, ainsi que des programmes de déradicalisation pour les enfants qui ont été endoctrinés.  Il a aussi prôné le renforcement des dialogues intra et intercommunautaires sur la justice et les droits de l’homme.

Le Représentant spécial a demandé de porter une attention particulière aux besoins des minorités ethniques et religieuses qui ont été affectées de manière disproportionnée par le conflit.  Depuis 2003, l’Iraq a en effet perdu plus de la moitié de sa population issue de ces minorités, a-t-il remarqué, estimant que, sans une réponse adéquate, cette évolution risquait de se poursuivre même après la défaite de Daech.  Il a, en conséquence, souhaité que des « arrangements » soient pris pour répondre aux préoccupations sécuritaires des minorités.

« Au cours des derniers mois, j’ai montré à la direction de l’Alliance nationale iraquienne -le bloc parlementaire le plus important- la voie à suivre pour la période après Daech », a-t-il poursuivi.  Le Chef de la MANUI a salué l’Initiative de règlement national, adoptée le 30 octobre par l’Alliance nationale, qui est à son avis « un bon point de départ » dans le processus national de réconciliation facilité par l’ONU, et qui, en outre, a déjà suscité une vague d’intérêt au sein de tous les composantes et segments de la société iraquienne.

M. Kubiš a également donné des précisions sur le calendrier électoral: après des mois d’incertitude concernant les élections provinciales, le Premier Ministre a annoncé, le 17 janvier, que les élections pour les gouvernorats et les conseils de district devraient avoir lieu le 16 septembre.  Le Représentant spécial a appelé le Conseil des représentants à mettre en place « de toute urgence » le cadre juridique et institutionnel nécessaire pour la tenue de ces élections, qui est essentiel aux préparatifs de la Haute Commission électorale indépendante.

Passant à la question de la crise humanitaire, M. Kubiš a averti que celle-ci devrait se poursuivre « pendant des mois, voire des années », et ce, « bien que la campagne militaire visant à vaincre Daech en Iraq soit en passe d’être gagnée ».  Il a estimé à 985 millions de dollars la somme nécessaire, en 2017, pour répondre aux besoins des 5,8 millions d’Iraquiens les plus vulnérables, dont 331 millions de dollars pour la réponse humanitaire à Mossoul.

À cet égard, le Représentant spécial a rappelé, que lors de la précédente phase des opérations, environ 885 000 civils étaient restés chez eux, pour ceux qui se trouvaient dans les zones reprises par les forces de sécurité iraquiennes.  Il y a eu près de 190 000 personnes déplacées depuis la mi-octobre, bien moins que ce que les agents humanitaires craignaient, a-t-il dit, sachant en outre que près de 30 000 de ces personnes sont déjà retournées chez elles.

Enfin, M. Kubiš a abordé la question des nationaux du Koweït et d’États tiers disparus, ainsi que celle des biens koweïtiens disparus comme les archives nationales.  Il s’est félicité que le Gouvernement iraquien se montre déterminé à poursuivre le travail de localisation des personnes disparues.  Il a ajouté que plus de 6 000 livres koweïtiens devraient bientôt être remis officiellement au Koweït.  Il a conseillé de continuer à apporter un soutien à l’Iraq pour que le pays puisse honorer ses obligations internationales sur ce dossier.

S’exprimant à son tour, le représentant de l’Iraq a exprimé le regret de son gouvernement vis-à-vis du décret présidentiel signé le 27 janvier par le Président américain, M. Donald Trump, qui prévoit des restrictions s’appliquant aux ressortissants de sept pays, « dont un pays ami des États-Unis, qui lui est lié par des intérêts stratégiques ».  Il a jugé cette décision particulièrement « inopportune » au moment même où les forces iraquiennes réalisent des avancées importantes à Mossoul.

Il a indiqué, à cet égard, que 87 quartiers de la ville de Mossoul avaient été libérés à la suite de l’opération militaire lancée par les forces nationales iraquiennes, ouvrant ainsi la voie au retour des personnes déplacées.  Plus de 2 000 familles iraquiennes sont déjà rentrées dans la partie dite de la « rive gauche » reprise aux « criminels », a-t-il annoncé.

Le représentant iraquien s’est, par ailleurs, félicité du communiqué conjoint signé avec la Turquie « relatif au respect de l’intégrité et de la souveraineté territoriale de l’Iraq », en appelant de ses vœux à sa mise en œuvre pour renforcer la lutte contre le terrorisme et garantir la sécurité à la frontière entre les deux pays.  Enfin, il a fait part des appels à témoins diffusés par son gouvernement pour obtenir des informations sur les personnes disparues.   Des travaux d’excavation ont permis de mettre au jour 158 fosses dans la province de Karbala, même si, à cette date, aucune dépouille n’a été découverte.

De son côté, le représentant de la Bolivie a reconnu la lutte du Gouvernement contre Daech, avant de condamner fermement la violence et le terrorisme, en particulier à Mossoul.  Il a salué les efforts du Gouvernement iraquien en vue d’instaurer une paix durable en Iraq, avant d’appeler la communauté internationale à appuyer ces efforts ainsi que ceux du peuple iraquien dans leur lutte contre le terrorisme.

Enfin, le représentant de l’Uruguay s’est déclaré préoccupé par la situation humanitaire à Mossoul et par la découverte récente de plusieurs fosses communes dans la ville, ce qui démontre « l’absolu mépris » de Daech pour la vie humaine.  Il a réitéré l’urgente nécessité de mener la lutte contre le terrorisme dans le respect du droit international humanitaire et des droits de l’homme.  La réconciliation nationale doit être une priorité, a-t-il dit, en soulignant que l’opération militaire ne pouvait pas être une fin en soi.

* S/2017/73 et S/2017/75

 

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