Troisième Commission: l’examen de la situation des droits de l’homme par pays donne lieu à de vives attaques contre les procédures spéciales
Alors que la Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles, poursuivait aujourd’hui son examen de la situation des droits de l’homme dans différents pays, un large groupe de délégations ont rappelé leur opposition au principe même des mandats de pays, jugés politisés, sélectifs, intrusifs et irrespectueux de la souveraineté des États dès lors qu’ils étaient créés sans leur accord. Plusieurs ont estimé que la Troisième Commission n’était pas le lieu pour les examiner et que ces questions devraient être traitées au Conseil des droits de l’homme, dans le cadre de l’Examen périodique universel.
Ont été visés aujourd’hui par ces attaques -déjà exprimées hier à propos de la République islamique d’Iran et du Myanmar– les trois Rapporteurs spéciaux sur la situation des droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée (RPDC), en Érythrée et au Bélarus –respectivement M. Tomas Ojea Quintana, Mme Sheila B. Keetharuth et M. Miklós Haraszti- ainsi que le Président de la Commission d’enquête sur le Burundi, M. Fatsah Ouguergouz.
Les présentations de ces quatre titulaires de mandats de procédures spéciales ont néanmoins permis de constater l’étendue du chemin restant à parcourir pour arriver à une normalisation.
À propos de la RPDC, M. Quintana a regretté d’avoir à continuer d’identifier des « schémas de graves violations des droits de l’homme ». Il s’est aussi déclaré préoccupé par les conséquences des sanctions du Conseil de sécurité sur des secteurs vitaux de l’économie et par la rhétorique guerrière qu’entretiennent le Gouvernement nord-coréen et ceux d’autres pays. M. Haraszti a, pour sa part, constaté qu’en dépit d’une période de « détente » et de changements « cosmétiques » après les arrestations massives de manifestants en 2010, le Bélarus avait repris sa politique de répression vis-à-vis des voix critiques.
S’agissant de la situation en Érythrée, Mme Sheila B. Keetharuth a noté qu’en l’absence de constitution, d’assemblée législative et de système judiciaire indépendant, des questions continuaient de se poser dans ce pays sur les conditions de détention, les morts en prison, les exécutions extrajudiciaires, la détention arbitraire ou les brèches dans la liberté d’expression, de religion et de croyance. Elle a ajouté que l’Érythrée jouissait en outre d’une impunité totale pour les violations commises dans le passé, dont certaines relèvent du crime contre l’humanité, notamment des cas d’esclavage, de disparitions forcées et de torture.
Quant au Burundi, M. Ouguergouz a estimé que les violations des droits de l’homme constatées depuis avril dans ce pays pourraient être constitutives de crimes contre l’humanité, tels que définis par le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI). Rappelant que le retrait du Burundi de la CPI prenait effet ce jeudi à minuit, il a assuré que la Cour restait compétente pour reconnaître tout crime de droit international commis pendant la période considérée et lui a recommandé d’ouvrir une enquête à ce sujet.
À l’exception de la RPDC, dont le représentant n’a pas pris la parole lors de la présentation du rapport de M. Quintana, chacun des États concernés a vigoureusement dénoncé le rapport qui le visait, l’accusant d’être partial, déséquilibré, politiquement motivé ou encore mal renseigné, d’autant qu’aucune des procédures spéciales en cause n’avait été autorisée à se rendre dans le pays relevant de son mandat. L’Érythrée a estimé que le mandat de Mme Keetharuth provenait de « pays hostiles », le représentant du Burundi a dénoncé « un véritable ragoût de mensonges et de manipulations » visant à déstabiliser son pays et son homologue du Bélarus y a vu un exemple des « pratiques délétères du Conseil des droits de l’homme ».
Les pays concernés n’ont pas été les seuls, loin s’en faut, à critiquer les différentes procédures spéciales lors des dialogues interactifs successifs. Comme la veille, le Venezuela a insisté au nom du Mouvement des pays non alignés sur le fait que les questions relatives aux droits de l’homme devraient être abordées dans un contexte global, « sans politisation ni sélectivité ou esprit de confrontation et dans le respect de la souveraineté des États ».
Pour un grand nombre de délégations, notamment la Fédération de Russie, la République arabe syrienne, la Chine, Cuba, l’Égypte, l’Algérie ou encore la République démocratique populaire lao, seul le Conseil des droits de l’homme, par le biais du mécanisme de l’Examen périodique universel (EPU), dispose de la légitimité nécessaire pour examiner la situation des droits de l’homme, et ce, dans tous les États. Ces pays ont dénoncé les rapports de pays comme allant à l’encontre de la Charte des Nations Unies, qualifiant ces outils de « contreproductifs et inefficaces ».
Les deux autres Rapporteuses spéciales qui sont intervenues aujourd’hui –Mme Agnès Callamard, sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, et Mme Urmila Bhoola, sur les formes contemporaines d’esclavage- n’ont pas été soumises aux mêmes critiques avec leurs mandats thématiques. Elles n’en ont pas moins décrit des situations sombres.
Mme Bhoola a ainsi rappelé que, d’après l’Organisation internationale du Travail (OIT), plus de 40 millions de personnes, dont 25% d’enfants, étaient victimes de formes contemporaines d’esclavage en 2016, alors que 150 milliards de dollars de profits étaient réalisés par le secteur privé grâce au travail forcé. Ces chiffres mettent, selon elle, en lumière l’urgence d’une action globale visant à faire respecter et à protéger les droits des victimes.
Pour sa part Mme Callamard a présenté un rapport consacré à la « mort illégale de réfugiés et de migrants, en expliquant que ce phénomène était encore peu documenté. Combien sont exécutés, tués, noyés ou ont perdu la vie des suites de déshydratation ou de faim? Combien ont été torturés, sont morts de désespoir ou se sont vus refuser des traitements pouvant les sauver?, s’est-elle interrogée, recommandant que le pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières et le pacte mondial sur les réfugiés incorporent des mécanismes de prévention et de réponse à la privation arbitraire de la vie des migrants.
Demain, vendredi 27 octobre, la Troisième Commission poursuivra à partir de 10 heures son dialogue avec plusieurs titulaires de mandat de procédures spéciales.
PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME (A/72/40 ET A/C.3/72/9)
Questions relatives aux droits de l’homme, y compris les divers moyens de mieux assurer l’exercice effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales
Situations relatives aux droits de l’homme et rapports des rapporteurs et représentants spéciaux
Déclarations liminaires, suivies de dialogues interactifs
M. TOMAS OJEA QUINTANA, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée (RPDC), a déclaré que, depuis sa dernière intervention devant l’Assemblée générale en 2016, la communauté internationale avait été le témoin d’une exacerbation sans précédent des tensions au sein de la péninsule coréenne.
Déplorant que la RPDC continue de rejeter son mandat et ses demandes de visite sur le terrain, le Rapporteur spécial a expliqué avoir cependant effectué des missions en République de Corée, au Japon, au Cambodge et au Saint-Siège, afin de pouvoir poursuivre ses investigations.
Présentant les conclusions de son rapport, M. Quintana a mentionné qu’entre janvier et septembre 2017, le pays avait tiré 19 missiles balistiques, ce qui a entraîné l’adoption de trois résolutions par le Conseil de sécurité ainsi que la prise de mesures unilatérales de la part de certains États Membres.
Le Rapporteur spécial s’est déclaré inquiet des conséquences des sanctions du Conseil de sécurité sur des secteurs vitaux de l’économie du pays et des conséquences directes que cela aurait sur la jouissance des droits de l’homme dans le pays. L’Histoire montre que les sanctions peuvent avoir un impact dévastateur sur les populations civiles, a-t-il insisté.
M. Quintana s’est également dit préoccupé par la rhétorique guerrière qu’entretiennent le Gouvernement de la RPDC et ceux d’autres pays. Il a rappelé que la communauté internationale devait veiller à ce que cette situation ne se transforme pas en conflit armé, ajoutant que la poursuite de la dénucléarisation ne pouvait pas se faire au risque d’une guerre nucléaire.
Le Rapporteur spécial a réaffirmé que toute politique d’isolement de la RPDC par la communauté internationale entraînerait une détérioration de la situation des droits de l’homme dans le pays, tout en insistant sur le fait que le Gouvernement de la RPDC avait la responsabilité première de protéger et de promouvoir les droits de l’homme dans le pays. M. Quintana a, à ce propos, regretté d’avoir à continuer d’identifier des schémas de graves violations des droits de l’homme dans le pays.
Revenant sur la séparation de familles coréennes qui continue de prendre de nouvelles formes et d’affecter de nouvelles catégories de victimes, le Rapporteur spécial a mentionné le refoulement de Coréens par la Chine, qui entraîne une augmentation du nombre d’enfants de père chinois et de mère coréenne non reconnus. De même, il a fait allusion aux enlèvements par la RPDC de citoyens de la République de Corée, dont les familles sont toujours sans nouvelles.
Le Rapporteur spécial a également mentionné la corruption et le rôle que cette dernière jouait dans la société, ainsi que la surveillance et le contrôle de l’information et de la communication par le Ministère de la sécurité d’État.
Reconnaissant cependant une amélioration de la situation, le Rapporteur spécial a fait état de l’amélioration de la coopération du pays avec les mécanismes des droits de l’homme des Nations Unies. Il a ainsi relevé qu’en 2016 la RPDC avait ratifié son cinquième traité des droits de l’homme, la Convention relative aux droits des personnes handicapées, et avait autorisé, en mai 2017, le Rapporteur spécial sur ces droits à se rendre dans le pays.
Au début du dialogue avec M. Tomas Ojea Quintana, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée, le Venezuela, s’exprimant au nom du Mouvement des pays non alignés, a insisté sur le fait que les questions relatives aux droits de l’homme devraient être abordées dans un contexte global, sans politisation ni sélectivité ou esprit de confrontation et dans le respect de la souveraineté des États.
Un peu plus tard, Cuba, à son tour, a fait valoir qu’il n’appuyait pas les mandats de pays établis sans le consentement des pays concernés et s’est élevé contre un rapport motivé politiquement. Pour Cuba, le régime de sanctions ne favorise pas les droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée (RPDC) et constitue une violation des droits de la population nord-coréenne. Cuba n’entend pas suivre le « chemin du châtiment » choisi par le Conseil de sécurité et appelle au dialogue et à la coopération avec la RPDC.
Dans le même sens, la République islamique d’Iran a réaffirmé sa position de principe contre les mandats de pays, estimant que ce système viole la Charte des Nations Unies et les principes d’objectivité et de neutralité. Elle a, elle aussi, exprimé sa préoccupation quant à l’impact des sanctions sur la population civile de la RPDC. La République arabe syrienne a, elle aussi, dénoncé une ingérence dans les affaires de la RPDC, jugeant en outre regrettable que le Rapporteur spécial ait outrepassé son mandat, en s’intéressant à des questions de politique intérieure. Elle a elle aussi plaidé en faveur de la poursuite d’un dialogue « équilibré et sans politisation » avec la RPDC. L’Algérie s’est, quant à elle, déclarée préoccupée par le nombre croissant de rapports soumis à la Troisième Commission, estimant à son tour que l’Examen périodique universel était un outil plus utile pour l’amélioration des droits fondamentaux.
La République de Corée a déploré les continuelles violations des droits de l’homme en RPDC et a exprimé le souhait que la coopération avec les mécanismes des Nations Unies des droits de l’homme s’améliore.
Le Japon a fait état de sa véritable préoccupation face à l’attitude de la RPDC, qui préfère allouer ses ressources au développement de son arsenal nucléaire plutôt qu’à la protection de sa population. Il a déclaré attendre du Rapporteur spécial qu’il évalue les mesures prises pour rendre certaines personnes responsables de la situation en matière de droits de l’homme. Il a aussi voulu connaître l’avis du Rapporteur spécial quant à une utilisation optimale du Bureau de Séoul du Haut-Commissariat des droits de l’homme.
Les États-Unis ont regretté que la RPDC refuse de s’engager avec le Rapporteur spécial et observé que des violations graves des droits de l’homme continuent d’être signalées dans ce pays. Ils ont notamment cité le traitement infligé aux individus rapatriés de force de la Chine et les détentions extrajudiciaires pratiquées par le régime nord-coréen. Cette situation nécessite, selon eux, des actions urgentes de la part de l’Assemblée générale. À ce sujet, ils aimeraient savoir quelles mesures sont prises par les Nations Unies pour venir en aide aux personnes les plus vulnérables en RPDC.
Le Royaume-Uni a parlé de la « situation effrayante » en matière de droits de l’homme et a appelé le régime nord-coréen à redonner une dignité à sa population plutôt que de continuer à développer son système d’armes nucléaires. Il l’a également exhorté à offrir au Rapporteur spécial un accès pour évaluer la situation sur le terrain. L’Allemagne juge, elle aussi, déplorable la situation des droits de l’homme en RPDC et a appelé le pays à s’engager dans un dialogue constructif. Elle a demandé ce que les Nations Unies pouvaient faire pour améliorer la condition des travailleurs coréens migrants à l’étranger.
L’Australie reste préoccupée par les violations des droits de l’homme en RPDC et regrette que ce pays semble préférer les armes balistiques à la protection de son peuple. Jugeant important de continuer de prendre en considération les informations permettant d’étayer le rapport de la Commission d’enquête, elle a demandé à savoir comment le Rapporteur spécial évaluait la situation.
La Suisse reste préoccupée par la récurrence des violations des droits en RPDC et a souligné l’importance d’encourager le dialogue tout en assurant la traduction en justice des auteurs de ces violations. Tout en notant avec satisfaction que la RPDC avait pris des mesures pour s’engager dans certains mécanismes des droits de l’homme, la Suisse a déploré son refus de coopérer avec le Rapporteur spécial. Elle aimerait savoir comment obtenir la collaboration de la RPDC et quelle est l’approche de M. Quintana quant à une mise en œuvre des recommandations faites à l’occasion de l’Examen périodique universel.
L’Union européenne a noté que de nombreuses visites de porteurs de mandats spéciaux en RPDC avaient été bloquées et a demandé de quelle manière la collecte d’informations indépendante pouvait être améliorée.
L’Irlande estime que le Conseil de sécurité devrait référer la situation en RPDC et les violations des droits de l’homme qui y ont cours à la Cour pénale internationale. Étant donné la détérioration de la situation des droits de l’homme dans le pays et la poursuite des sanctions internationales liées aux activités balistiques du régime, elle aimerait savoir comment la communauté internationale peut fournir un soutien adéquat pour s’assurer que les sanctions n’ont pas d’effet sur la population de la RPDC.
La Norvège a noté avec satisfaction que la RPDC avait ratifié la Convention relative aux droits des personnes handicapées et l’a appelée à adhérer à tous les traités relatifs aux droits de l’homme. Si elle partage les préoccupations du Conseil de sécurité, elle juge qu’isoler le pays peut avoir des effets délétères sur la population. Elle a souhaité savoir comment mieux évaluer la situation. Bien que préoccupées par les violations systématiques des droits de l’homme en RPDC, les Maldives saluent, elles aussi, la ratification par ce pays de la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Elles appellent le Gouvernement de la RPDC à coopérer avec les mécanismes des Nations Unies et le Rapporteur spécial, au lieu d’amasser des armes de destruction massive.
La République tchèque a demandé quelles initiatives pourraient être explorées pour améliorer la collaboration entre la RPDC et l’ONU.
L’Argentine a demandé quelles mesures pouvaient prendre la communauté internationale pour permettre un suivi effectif aux recommandations et conclusions du Conseil des droits de l’homme et du Groupe d’experts indépendants.
La Fédération de Russie a déclaré que la seule approche constructive possible avec la RPDC était celle de la coopération et du dialogue et que, n’en déplaise à certains acteurs, c’était la seule à même de permettre d’atteindre des résultats. La République démocratique populaire lao a appelé elle aussi à un dialogue constructif avec la RPDC et a encouragé celle-ci à collaborer avec d’autres pays.
Dans ses réponses aux délégations, M. Tomas Ojea Quintana, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée, a déploré que le dialogue ne soit pas total, du fait de l’absence du représentant de la RPDC. Il a expliqué que le grand défi, pour lui, consistait à accéder aux informations sur la situation actuelle en RPDC. Quant aux mesures à adopter, le Rapporteur spécial a rappelé que ses prédécesseurs avaient demandé que le Conseil de sécurité saisisse la Cour pénale internationale pour constater que c’était là « une option que le Conseil de sécurité n’a pas retenue », bien que les sanctions soient à ses yeux arrivées à leur point extrême. À propos des effets négatifs du régime de sanctions, il a expliqué avoir rencontré à New York les personnes chargées du dossier et avoir recommandé au Groupe d’experts chargé de la mise en œuvre des sanctions d’élargir et d’étendre ses connaissances techniques sur leur impact négatif.
M. Quintana a par ailleurs estimé que le travail de la Commission d’enquête sur les droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée « avance », insistant sur le fait que les informations recueillies devaient être impartiales et complètes, car elles allaient être contestées.
Mme SHEILA B. KEETHARUTH, Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme en Érythrée, a rappelé que, par sa résolution 35/35, adoptée sans vote, le Conseil des droits de l’homme avait renouvelé, en juin dernier, son mandat pour une année supplémentaire, avec pour mission d’assurer le suivi de la mise en œuvre des recommandations de la Commission d’enquête sur la situation des droits de l’homme en Érythrée, publiées dans le rapport de juin 2016, et celles qu’elle avait, elle-même, formulées dans son rapport présenté en juin dernier. Pour l’instant, elle entend se concentrer sur les éléments clefs et faire une mise à jour, en août prochain, sur les évolutions majeures survenues sur le terrain des droits de l’homme en Érythrée.
Mme Keetharuth a estimé que, depuis juin dernier, la situation des droits de l’homme dans le pays avait connu quelques progrès. L’Érythrée est ainsi devenue l’un des deux pays africains à avoir atteint la phase critique de financement, de préparation et d’intervention en matière de sécurité sanitaire en cas de pandémie, comme le montre le rapport du Groupe de travail sur le financement de la préparation. Asmara, sa capitale, a également été inscrite à la liste du Comité du patrimoine mondial de l’UNESCO.
Cependant, des points de préoccupation persistent, a fait observer la Rapporteuse spéciale, qui a notamment cité la durée du service national, qui reste indéfinie à ce jour, au-delà des 18 mois prévus par la législation. En outre, le pays n’a toujours pas de constitution, pas plus que d’assemblée législative et ne connaît pas d’indépendance du secteur judiciaire, ni de protection face au mauvais usage de la force publique. Les questions portant par ailleurs sur les conditions de détention, la mort dans ces prisons, les exécutions extrajudiciaires, la détention arbitraire ou les brèches dans la liberté d’expression, de religion et de croyance sont également des points qui restent encore à résoudre. L’un des problèmes identifiés par la Rapporteuse spéciale est le manque de volonté politique, notamment pour ce qui est de mettre fin aux arrestations arbitraires.
L’Érythrée continue en outre de connaître une impunité totale pour les violations des droits de l’homme commises dans le passé, dont certaines relèvent du crime contre l’humanité, notamment des cas d’esclavage, de disparitions forcées, de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, a poursuivi la Rapporteuse spéciale. La Commission d’enquête avait recommandé l’établissement de mécanismes indépendants pour faire la lumière sur ces actes et fournir des réparations aux victimes. La Rapporteuse spéciale a dit n’être pas informée qu’une telle démarche ait été entreprise par les autorités, tout en ajoutant que la lutte contre l’impunité devait demeurer la priorité absolue. À cet égard, elle a estimé que la compétence universelle pourrait représenter un des moyens de répondre à ce défi, puisqu’en 2016, pas moins de 13 pays s’étaient saisis de 47 cas sur le fondement du principe de compétence universelle.
Par ailleurs, le nombre de jeunes fuyant le pays ne cesse de croître. Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), environ 100 personnes fuiraient le pays chaque jour. Officiellement, il y avait 21 215 réfugiés érythréens en Éthiopie en 2016. Rien que depuis le début de l’année, 20 000 sont déjà arrivés, dont 46% sont âgés de 18 à 24 ans selon l’OIM. L’Érythrée connaît également des problèmes en matière de droit à la propriété. La communauté grecque d’Asmara ayant vu des biens en sa possession depuis des décennies être confisqués par le Gouvernement, dont le bâtiment du consulat honoraire de Grèce.
Face à cette situation, la Rapporteuse spéciale a invité les États Membres et la communauté internationale dans son ensemble à évaluer la situation des droits de l’homme dans ce pays, ajoutant que le Gouvernement devrait montrer des signes d’engagement et prendre des mesures spécifiques, notamment en mettant en place des cadres judiciaires indépendants et transparents, en cessant les pratiques d’arrestations, de détention ou de torture, en mettant un terme aux discriminations ethniques et religieuses ou encore en interdisant la servitude domestique des filles et femmes.
Intervenant au titre de pays concerné, le représentant de l’Érythrée a dénoncé le contenu du rapport de Mme Sheila B. Keetharuth, estimant que le mandat de la Rapporteuse spéciale provenait de « pays hostiles » à l’Érythrée, qui agissent ainsi pour l’isoler « sous prétexte de préoccupations sur les droits de l’homme ». Il a indiqué à cet égard que l’Érythrée rejetait « toute activité à motif politique ». Le délégué a également observé que, de l’aveu même de la Rapporteuse spéciale, ce rapport n’avait pas été avalisé par le Conseil des droits de l’homme.
Face aux difficultés, l’Érythrée a fait preuve de résilience et est devenue un pays sûr et stable, a fait valoir le représentant, rappelant qu’il lui avait fallu répondre aux exigences de l’édification d’un pays. Or, a-t-il déploré, « notre recherche de paix et de dignité a été attaquée ». La situation des droits de l’homme dans le pays est, selon lui, rendue « opaque » par les conclusions de la Rapporteuse spéciale, qui donnent une « image irréaliste » de l’Érythrée. En effet, a-t-il poursuivi, les données ont été produites de façon sélective et les défis du pays ont été passés sous silence. En outre, le rapport préconise des mesures « sévères et indues », a-t-il encore regretté, jugeant que ce document manque des « normes minimales de professionnalisme ».
Rappelant avoir, à de nombreuses occasions, dénoncé l’impartialité de la Rapporteuse spéciale, le représentant a assuré que son pays était néanmoins disposé à partager des informations avec elle afin de promouvoir le dialogue multilatéral. À cet égard, a-t-il fait valoir, certains pays travaillent avec l’Érythrée pour faire avancer des démarches positives en matière de droits de l’homme. Il a encore rappelé que son pays avait adhéré à nombre de traités internationaux et régionaux dans le domaine des droits de l’homme et avait présenté des rapports au Comité des droits de l’enfant et des communications à l’Organisation internationale du Travail (OIT). L’Érythrée entend aussi respecter les deux Pactes internationaux sur les droits de l’homme, auxquels elle a accédé après son indépendance.
Affirmant que le droit était renforcé par l’égalité devant la loi, le représentant a assuré que le système judiciaire de son pays incluait toutes les parties prenantes. Il a aussi mis l’accent sur l’éducation, assurant qu’elle avait été élargie pour que personne ne soit laissé-pour-compte. Il a enfin rappelé l’engagement de l’Érythrée en faveur de la réalisation des objectifs de développement.
En conclusion, le représentant a affirmé que l’Éthiopie voisine était connue pour ses violations flagrantes des droits de l’homme. Il s’est ainsi posé la question de savoir si les violations recensées par la Rapporteuse spéciale n’étaient pas en fait causées par l’Éthiopie. Il s’est aussi interrogé sur l’utilité de ces examens de pays. Il est, selon lui, important de ne pas saper le mécanisme de l’Examen périodique universel avec des mandats prétendument chargés de promouvoir les droits de l’homme.
Lors du dialogue interactif avec Mme Sheila B. Keetharuth, Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme en Érythrée, toute une série de délégations -Cuba, le Nicaragua, le Bélarus, la Chine, le Burundi, l’Inde, le Venezuela, le Pakistan, l’Égypte, le Zimbabwe, la République islamique d’Iran et la Fédération de Russie- ont critiqué le mandat de Mme Keetharuth, affirmant que seuls le Conseil des droits de l’homme et le mécanisme de l’Examen périodique universel (EPU) étaient légitimes comme outil d’examen de la situation des droits de l’homme dans les États. Tous ont dénoncé les procédures spéciales des rapports de pays comme allant à l’encontre de la Charte des Nations Unies et comme un outil « contreproductif et inefficace », ainsi que toute sélectivité et politisation de l’examen des droits de l’homme.
Djibouti a pour sa part exigé la libération immédiate des 13 prisonniers djiboutiens détenus en Érythrée depuis 2008. La Somalie a appuyé cette demande.
Les États-Unis ont fait état des réfugiés érythréens cherchant refuge sur leur territoire et ont appelé le Gouvernement de l’Érythrée à respecter sa Constitution et à développer un système judiciaire transparent et impartial. Le Royaume–Uni a affirmé que l’Érythrée devait mettre en pratique la loi qui limite à 18 mois le service national et s’est dit préoccupé par les souffrances des réfugiés érythréens.
L’Union européenne a déploré le refus permanent du pays au Rapporteur spécial et lui a demandé quels étaient ses objectifs pour son mandat.
La Norvège et l’Irlande ont toutes deux demandé comment les partenaires internationaux du pays pouvaient mieux travailler pour aider l’Érythrée. La Suisse a fait de même et a appelé l’Érythrée à collaborer avec les mécanismes de protection des droits de l’homme et à envisager à ce titre l’établissement d’un bureau du Conseil des droits de l’homme dans le pays.
La République tchèque a regretté que le Gouvernement érythréen n’ait pas organisé d’élections depuis 20 ans et que le pays ne compte qu’un seul parti politique. Elle a demandé comment la communauté internationale pourrait aider le pays à effectuer sa transition démocratique.
En réponse aux délégations, Mme Sheila B. Keetharuth, Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme en Érythrée, s’est félicitée de la coopération et des relations bilatérales entretenues par certains États avec l’Érythrée, y voyant de bonnes pratiques à pérenniser. Elle a toutefois estimé que ces relations devraient inclure un examen des droits de l’homme. Ce ne sont pas des questions à balayer d’un revers de la main, a-t-elle commenté, en demandant aux pays concernés de veiller à ce que les droits fondamentaux soient au cœur de leurs préoccupations.
Mme Keetharuth a en outre déclaré vouloir faire des droits religieux une priorité de son mandat. Se disant néanmoins consciente des efforts à réaliser, elle a estimé qu’un élément positif consisterait à libérer le père Antonios, assigné à domicile depuis plus de 10 ans. La Rapporteuse spéciale a ajouté que l’une des réussites de son mandat avait été de mettre la question des droits de l’homme en Érythrée à l’ordre du jour de la communauté internationale et d’avoir mis un coup de projecteur sur les violations.
La Rapporteuse spéciale a précisé qu’elle consacrerait la dernière année de son mandat à la question de la responsabilisation et s’attacherait à ce qu’un dialogue plus constructif se noue avec le pays. « J’ai passé les premières années à essayer de jeter des ponts, j’espère pouvoir enfin réussir à en construire un et qu’une main amicale soit tendue au mandat », a-t-elle dit.
Mme Keetharuth a estimé que l’Examen périodique universel, présenté par plusieurs délégations comme le mécanisme idoine s’agissant des droits de l’homme, n’était pas incompatible avec l’exercice de son mandat. Il faut voir celui qui est le plus utile et ne pas opposer ces deux possibilités, a-t-elle fait valoir.
La Rapporteuse spéciale a confirmé qu’on ignore le nombre de personnes privées de liberté en Érythrée, y compris dans le cadre de détentions arbitraires. Elle a encouragé l’Érythrée à se pencher sur le sujet et à essayer de mettre en œuvre des mécanismes pour que tout le monde ait accès à la justice. Il faut aussi que le droit à la participation à la vie politique soit mis en avant car c’est un droit fondamental, a-t-elle plaidé.
La Rapporteuse spéciale a enfin souhaité « rétablir la vérité » quant à ses travaux. Elle s’est ainsi dite attristée d’entendre que son rapport n’avait pas été soumis au Conseil des droits de l’homme. « Si cela n’avait pas été le cas, je ne disposerais pas de mandat pour effectuer ce travail », a-t-elle conclu.
Reprenant la parole, le représentant de l’Érythrée a indiqué que le Conseil des droits de l’homme avait, effectivement, « pris note » du rapport de Mme Keetharuth. Il a, d’autre part, dit constater avec regret que Djibouti ne s’occupait pas de ses propres affaires et s’ingérait dans celles de l’Érythrée. Tout en reconnaissant que des difficultés perdurent en Érythrée, il a accusé Djibouti d’être un pays régi par une famille, où des violations des droits de l’homme sont commises dans l’impunité. De plus, a-t-il dit, Djibouti ne cesse de mener des actes hostiles à l’égard de l’Érythrée. Relevant que « la charité commence chez soi », il a estimé que les normes régissant les droits de l’homme devaient être améliorées partout, y compris à Djibouti. En conclusion, il a assuré que la porte de l’Érythrée était ouverte et le resterait pour tous ceux qui veulent mener un dialogue honnête, dans le respect des droits de l’homme.
Djibouti a répliqué que le pays n’avait jamais fait l’objet d’aucune commission d’enquête concernant les droits de l’homme. Djibouti ne veut pas être comparé à des pays comme l’Érythrée, où des violations graves sont commises depuis 1991 et où la population est torturée et terrorisée, où ceux qui ont le courage de fuir sont froidement éliminés et où les proches des opposants subissent des représailles.
M. MIKLÓS HARASZTI, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Bélarus, a déclaré que les violentes et massives arrestations de manifestants pacifiques, en mars 2011, expliquaient les raisons de la création de son mandat par le Conseil des droits de l’homme en mars de cette année-là. Alors que les partenaires du Bélarus avaient ensuite observé une période de « détente », le pays a repris sa politique de répression vis-à-vis des voix critiques, a-t-il ensuite expliqué. En réalité, il n’y a pas eu de changement fondamental dans le système de gouvernance du Bélarus, mais de simples changements « cosmétiques » dans les méthodes appliquées par les autorités, a estimé le Rapporteur spécial.
M. Haraszti a ensuite indiqué que son rapport expliquait comment le Président actuel, M. Alexandre Loukachenko, avait construit une structure étatique qui consolide et protège son pouvoir. Même les progrès en matière de droits de l’homme servent cet objectif, a-t-il affirmé. Il y a un an, le Bélarus avait adopté un « soi-disant » plan d’action, composé d’une liste de 100 promesses visant à renforcer ou étendre des services déjà en vigueur, certaines dans la vie civique. Mais aucune action concrète n’a été prise à ce jour, d’autant que les autorités ont soigneusement mis de côté la longue liste de recommandations issues de l’Examen périodique universel et des organes de traités, portant sur l’amélioration de la situation des droits de l’homme et des droits civiques en particulier, a notamment affirmé le Rapporteur spécial.
Alors que l’an dernier, il avait pu se réjouir de deux bonnes nouvelles -la ratification de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et l’élection de deux membres de l’opposition au Parlement– le Rapporteur spécial a dit n’en avoir aucune à présenter cette année, à l’exception de l’enregistrement du mouvement « Dites la Vérité » ou encore de la soumission du rapport du Bélarus devant le Comité des droits de l’homme, mais avec 16 ans de retard.
Le rapport de M. Haraszti se concentre sur la concentration des pouvoirs et montre que le Gouvernement n’a pas hésité ces deux dernières décennies à adopter des mesures pour effectivement supprimer le libre exercice des droits civils et politiques.
Cette année, le Parlement a clairement montré sa logique: protéger le pouvoir absolu du Président, quitte à renier les derniers vestiges des libertés constitutionnelles, a encore affirmé le Rapporteur spécial. Or, cette concentration des pouvoirs a eu des conséquences dévastatrices tout au long des 23 ans de règne du Président, avec une opposition politique réduite au silence, une répression accrue sur les voix dissidentes ou le harcèlement et l’intimidation des médias. En raison des troubles en Ukraine, l’activisme civique est de plus en plus considéré comme une menace à la nation et des preuves de conspiration sont fabriquées, comme le montre le cas de la « Légion blanche » cette année, où des opposants politiques ont été arrêtés. De telles pratiques sont cycliques au Bélarus, a encore affirmé M. Haraszti.
Le Rapporteur spécial a également observé que le Président Loukachenko s’était engagé à revoir le très controversé décret no 19 à la suite des manifestations de mars dernier et de la vague d’arrestations qui s’en est suivie. Cela montre bien qu’il est capable de changer le cadre légal et les pratiques enracinées par un simple trait de plume, a estimé M. Haraszti. De ce fait et paradoxalement, la situation des droits de l’homme pourrait aussi changer pour le mieux dans ce pays grâce à la concentration des pouvoirs, a poursuivi le Rapporteur spécial, avant de lancer un appel aux autorités bélarussiennes pour qu’elles s’engagent avec son mandat, d’autant qu’il est dit prêt à les aider à mettre en œuvre leurs obligations et engagements avec les Nations Unies.
Le délégué du Bélarus a estimé que les travaux du Rapporteur spécial représentaient le pire exemple des « pratiques délétères du Conseil des droits de l’homme » et que l’absence de résultats concrets et les dépenses énormes encourues étaient la preuve directe que les mandats de pays du Conseil étaient négatifs. Il a déploré que le Rapporteur spécial n’ait pas noté les changements positifs survenus dans le pays, alors même que l’ONU y constate de façon « régulière » une amélioration des droits de l’homme dans le pays. Il a également dénoncé un conflit d’intérêt fondé sur des motivations « pernicieuses » du Rapporteur spécial pour garder son mandat.
Le Bélarus souhaite honorer ses obligations en matière de droits de l’homme pour parfaire ses politiques nationales, a assuré le représentant. Il a rappelé que le Bélarus avait adopté un plan d’action pour les droits de l’homme comme peu de pays dans le monde, et non un « soi-disant programme » comme l’a dit le Rapporteur spécial. Il a aussi mentionné que le Bélarus faisait partie d’un groupe de 33 pays qui, selon le Haut-Commissariat aux droits de l’homme, n’avait pas d’arriéré en matière de remise de rapports.
Le représentant a néanmoins reconnu des « points problématiques » dans le pays, comme il en existe « partout dans le monde ». Il a insisté sur le « dialogue ouvert » que mène le Bélarus avec, notamment, l’Union européenne, le Conseil de l’Europe et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, y voyant une « condition sine qua non » du succès des Nations Unies. Il a enfin demandé au Rapporteur spécial de mettre fin de « façon prématurée » au suivi de son mandat.
Lors du dialogue avec M. Miklós Haraszti, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Bélarus, de très nombreux pays ont de nouveau exprimé leur opposition au principe des rapports de pays sans autorisation préalable de ces derniers, à l’image du Venezuela, qui a regretté la partialité et la sélectivité de ces titulaires de mandat et jugé que la coopération et le dialogue restaient la meilleure façon de promouvoir les droits de l’homme. L’Érythrée a ainsi estimé que les droits de l’homme doivent être traités de façon juste dans tous les pays, ajoutant que le Conseil des droits de l’homme demeurait le meilleur endroit pour en assurer la promotion au niveau international. Inquiétude aussi du Burundi devant les rapports spécifiques par pays et leur utilisation à des fins politiques. Pour ce pays, seul l’Examen périodique universel (EPU) peut assurer la protection et la promotion des droits de l’homme au Bélarus et dans d’autres pays. C’est aussi la position de l’Azerbaïdjan, pour qui l’Examen périodique universel est un mécanisme efficace d’évaluation.
Cuba a, elle aussi, réaffirmé que l’Examen périodique universel constituait la meilleure façon d’établir les droits de l’homme dans les pays. Pour Cuba, l’exercice d’aujourd’hui a clairement une motivation politique et n’est pas compatible avec les travaux de la Troisième Commission. C’est aussi la position de la République démocratique populaire lao, convaincue que l’Examen périodique universel est l’instrument le plus approprié pour traiter de ce type de problématique, au Bélarus comme ailleurs.
De même, le Soudan a dit son désaccord face à la présentation de résolutions sur le Bélarus à la Troisième Commission et la République populaire démocratique de Corée s’est élevée contre une tentative de politisation de la situation au Bélarus et contre l’atteinte à la souveraineté d’un pays sous le prétexte des droits de l’homme.
Tout autant que son mandat, le Rapporteur spécial a été directement mis en cause. La Fédération de Russie a estimé que le Rapporteur spécial était motivé politiquement. Elle juge le rapport présenté risible, ajoutant qu’il manque de respect à l’égard d’un État souverain; il apporte une nouvelle preuve que les titulaires de mandats doivent répondre de leur mandat auprès du Conseil des droits de l’homme.
L’Ouzbékistan a constaté que le mandat de M. Haraszti n’était pas bien utilisé et qu’il n’était pas soutenu par tous les membres du Conseil des droits de l’homme. Assurant qu’on ne peut remplacer l’Examen périodique universel pour ce type de questions, il a ajouté que la résolution qui a créé ce mandat avait été contreproductive. Pour l’Ouzbékistan, la situation au Bélarus ne nécessite pas un suivi du Rapporteur spécial. La République islamique d’Iran s’est dite préoccupée par cette plateforme biaisée que représente le Rapporteur spécial et a estimé que le Bélarus ne méritait pas d’être ainsi examiné par un mandat spécial. C’est aussi l’avis du Turkménistan, convaincu que la situation du Bélarus ne nécessite pas d’action urgente de la part du Conseil des droits de l’homme. À preuve, le Bélarus collabore avec la plupart des mécanismes de droits de l’homme et avec des organisations internationales comme le Conseil de l’Europe et l’Union européenne. De même, la Chine a salué les progrès réalisés par le Bélarus dans la réalisation de son programme de protection des droits fondamentaux, jugeant que sa collaboration avec les mécanismes internationaux est un signe de sa volonté de coopération dans ce domaine.
C’est aussi l’avis du Kazakhstan, pour lequel la problématique des droits de l’homme ne peut être abordée de façon efficace que dans un esprit de respect. Pour ce pays, la coopération renforcée du Bélarus avec les mécanismes des droits de l’homme témoigne de sa volonté d’aller dans le bon sens. Le Pakistan s’est lui aussi dit convaincu que la protection des droits de l’homme s’appuyait sur une approche constructive et non politique. Il faut donc tenir compte de la collaboration du Bélarus avec les mécanismes internationaux et de son respect des normes pertinentes en matière de droits de l’homme. L’amélioration de la situation de droits de l’homme ne peut se faire qu’au travers du dialogue, a ajouté le Tadjikistan, qui soutient les efforts du Bélarus en matière de protection et de promotion des droits de l’homme. Quant à la République arabe syrienne, elle a fait savoir qu’à la place du Secrétaire général, elle aurait licencié le Rapporteur spécial pour son rapport qui est un cas flagrant d’ingérence dans les affaires du Bélarus. Le Rapporteur spécial a outrepassé son mandat et a insulté le Président souverain de ce pays, élu par la population en 2016, a-t-elle dénoncé.
En revanche, et même si elle s’est félicitée que le Bélarus soit partie à la plupart des instruments internationaux en matière de droits de l’homme et qu’il soumette des rapports périodiques, l’Inde a estimé que l’ambiance actuelle ne permettait pas le dialogue avec ce pays. De même, la Pologne, tout en saluant la ratification par le Bélarus de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, a demandé à son gouvernement de cesser ses représailles et ses attaques contre les manifestants. Elle a en outre demandé au Rapporteur spécial s’il avait perçu des signes de coopération future à la suite de sa visite en juillet.
La République tchèque a regretté que le Bélarus utilise la voie de la répression contre ceux qui défendent les droits fondamentaux. Elle a demandé au Rapporteur spécial s’il avait pu parler aux autorités bélarussiennes lors de sa visite. L’Union européenne s’est dite préoccupée par les conclusions du rapport sur le déni systématique des droits de l’homme au Bélarus. Jugeant que ce pays se doit de tenir ses engagements et d’instaurer la démocratie, elle a souhaité savoir comment encourager concrètement le Bélarus sur cette voie.
La Lituanie a jugé inadmissible que des journalistes soient détenus arbitrairement au Bélarus. Condamnant les violations systématiques des activités licites des défenseurs des droits de l’homme, elle aimerait savoir comment la communauté internationale peut aider ce pays à promouvoir les droits fondamentaux. L’Irlande partage les préoccupations exprimées sur les détentions arbitraires et a attiré l’attention sur le rôle des défenseurs des droits de l’homme au Bélarus. Le Royaume-Uni s’est lui aussi déclaré préoccupé par le traitement imposé aux manifestants et aux journalistes au Bélarus. Il a souhaité connaître les impressions du Rapporteur spécial à ce sujet, après sa visite dans le pays.
Les États-Unis ont jugé malheureux que le Bélarus refuse de coopérer avec le mandat de M. Haraszti et ne lui donne pas accès au pays. Ils se sont par ailleurs déclarés déçus par la nouvelle loi électorale et ont dit craindre que les prochaines élections ne soient pas équitables. La Suisse a elle aussi déploré le manque de coopération du Bélarus avec le mandat du Rapporteur spécial et a demandé à celui-ci où devrait commencer un vrai changement dans ce pays en matière de politique de droits de l’homme. L’Allemagne a souhaité savoir comment le Rapporteur spécial évaluait le potentiel du programme d’action sur les droits de l’homme adopté en 2016 par le Bélarus. La Norvège a plaidé pour un moratoire sur la peine de mort au Bélarus et a demandé comment faire pour faciliter l’accès du Rapporteur spécial à ce pays afin qu’il puisse s’acquitter de son mandat.
Le Bélarus a répondu aux délégations en déclarant qu’aujourd’hui étaient examinées des questions qui touchaient aux activités du Rapporteur spécial en sa qualité officielle et non à celles réalisées durant ses voyages privés, qui n’ont rien à voir avec le mandat du Rapporteur spécial.
M. Haraszti a répondu au Bélarus d’abord, puis aux questions des délégations. Concernant la visite privée au Bélarus à laquelle le représentant de ce pays venait de faire allusion et qui figure dans son rapport, le Rapporteur spécial a expliqué s’être rendu au Bélarus à l’invitation de l’Assemblée parlementaire de l’OLCU et non sur invitation du Bélarus puisque son mandat n’est toujours pas reconnu par le pays. Il a dit s’être entretenu sur place avec des activistes, des membres de la société civile et avoir également assisté à un procès « horrible » dans lequel étaient jugés des participants à des manifestations.
Le Rapporteur spécial s’est inscrit en faux après les propos de nombreuses délégations concernant le plan d’action adopté par le Bélarus. Il a expliqué que les recommandations faites à l’issue de l’Examen périodique universel n’avaient pas été prises en considération en ce qui concerne les droits civils et politiques, que ce soit en matière de dépénalisation ou de mesures répressives à l’encontre des médias. Revenant sur la question sur la peine de mort, il a expliqué qu’il allait examiner la question avec plus de détails.
En réponse aux questions portant sur les mesures à prendre pour aider la société civile dans ces circonstances « peu propices à leur développement », M. Haraszti a estimé que le plus important était de résister à la tendance internationale en cours, qui est de « dénoncer, de pointer du doigt, de bloquer tous les soutiens à la société civile ». À la République arabe syrienne, il a répondu que, s’il avait critiqué le Président du Bélarus dans son pays, il serait en prison à l’heure qu’il est. « Je ne le critique pas en tant qu’individu mais au titre de ma fonction » a-t-il insisté. Et d’expliquer qu’en tant que chef du pilier exécutif, le Chef de l’État possède énormément de compétences, qui lui confèrent un « pouvoir absolu », notamment par le biais de décrets. Cette situation ne permet pas une bonne gestion des droits de l’homme, a-t-il conclu.
Mme AGNÈS CALLAMARD, Rapporteuse spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, a dit être consciente de l’importance de son mandat dans le contexte international actuel et compte tenu que beaucoup de personnes comptent sur elle. Elle a ensuite dit avoir, dans ce cadre, adressé environ 130 communications aux États, en son nom propre mais aussi au nom d’autres mandats. Malheureusement, moins de 50% de ces recommandations ont reçu des réponses, a-t-elle déploré, appelant ces États à coopérer en répondant aux communications.
Mme Callamard a ensuite présenté son rapport, qui porte sur la mort illicite de migrants et réfugiés, en expliquant que ce phénomène était peu documenté. Combien sont exécutés, tués, noyés ou ont perdu la vie des suites de déshydratation ou de faim? Combien ont été torturés, sont morts de désespoir ou se sont vus refuser des traitements pouvant les sauver?, a-t-elle demandé, avant de répondre que nous n’en savons rien, en dépit des multiples efforts pour avoir des données, y compris de la part de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et de son projet Migrants disparus.
Le nombre de migrants à travers le monde est à son plus haut niveau historique, du fait notamment de ceux qui rejoignent leurs rangs sous la contrainte, forcés de quitter leurs foyers pour fuir la guerre, la pauvreté, la dégradation de l’environnement ou simplement pour trouver de meilleures opportunités, a ensuite rappelé la Rapporteuse spéciale. Ces migrants sont confrontés sur leur chemin à des violations de leurs droits humains, y compris fondamentaux, comme celui ne de pas être arbitrairement détenu ou tué. Or, dans son étude, Mme Callamard a dit avoir observé que nombre de pays appliquaient des politiques de contrôle de frontières qui, de manière implicite ou explicite, tolèrent le risque de mort pour les migrants. Ces politiques partagent au moins trois caractéristiques, à savoir la dissuasion, l’extraterritorialité et la militarisation. Le rapport montre le lien entre ces trois critères et le fait que les migrants peuvent mourir des conséquences de ces politiques.
La mort illicite de migrants impliquant des acteurs étatiques ou non étatiques déclenche rarement une enquête approfondie, a en outre affirmé Mme Callamard. Pourtant, certaines normes internationales sont particulièrement importantes lorsqu’elles sont appliquées aux morts illégales dans le contexte de mouvements massifs de population, y compris dans le cadre du trafic de migrants ou de traite des personnes. C’est aussi pour cela que le rapport met en évidence ces normes internationales et quelques bonnes pratiques en termes d’identification, de localisation de familles et de sépulture. Il contient également des recommandations aux États et aux acteurs internationaux, notamment que le pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières et le pacte mondial sur les réfugiés incorporent des mécanismes de prévention et de réponse à la privation arbitraire de la vie des migrants. La Rapporteuse spéciale recommande également que les organes régionaux et internationaux comme INTERPOL et l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) assistent les États pour les enquêtes concernant les cas graves de trafic de migrants. Elle recommande enfin aux États de coopérer pour établir des données régionales et internationales et pour mettre en place des mécanismes pour lier ces données aux efforts des familles de migrants disparus.
Lors du dialogue avec Mme Agnes Callamard, Rapporteuse spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, le Royaume-Uni a demandé comment dissuader les migrants d’entreprendre des voyages difficiles qui font le lit des trafiquants. L’Union européenne s’est déclarée préoccupée par le rôle des acteurs étatiques et non étatiques et a demandé comment la Rapporteuse spéciale comptait influer sur cette question dans le cadre de ses travaux. Elle a également demandé quelles mesures pouvaient être prises pour que les collectes de données soient exactes et comment elle comptait prendre en compte la perspective de genre. La France a demandé, elle aussi, quelles mesures pourraient prendre les États pour améliorer les pratiques en matière de collecte et de partage de données.
L’Algérie a insisté sur l’importance de s’attaquer aux causes profondes des migrations. Les Philippines se sont déclarées préoccupées par le sort de quelque 10 millions de Philippins travaillant à l’étranger, notamment dans des zones dangereuses. Rappelant que certains titulaires de mandat ne respectaient pas leur Code de conduite, elles ont appelé à davantage de rigueur et d’impartialité, avant de demander comment elles pouvaient appuyer les travaux de la Rapporteuse spéciale de façon à ce que son travail ne soit pas biaisé.
L’Australie a dit vouloir adresser un message clair aux passeurs: ils ne pourront pas envisager d’organiser de tels passages vers l’Australie. En même temps, l’Australie a assuré qu’elle éviterait les refoulements de migrants illégaux vers des endroits où ils seraient en danger.
S’exprimant au nom des pays nordiques, la Finlande a défendu l’obligation pour les États d’ouvrir des enquêtes en cas de décès illicite. Les pays nordiques comptent étudier les recommandations de la Rapporteuse spéciale. Ils souhaitent aussi savoir quelles mesures peuvent être prises pour protéger les enfants réfugiés et par quelles routes les migrants et réfugiés courent le plus de risque de mourir.
Dans ses réponses, Mme Agnes Callamard, Rapporteuse spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, a expliqué que, si elle ne s’était pas penchée sur les causes profondes des migrations, c’est que cette question ne relève pas de son mandat et qu’elle s’efforce de le respecter. Elle a ajouté que d’excellents rapports sur la question avaient déjà été publiés.
La Rapporteuse spéciale a aussi observé que les États investissaient beaucoup dans la lutte contre le trafic de migrants, mais très peu dans les cas de trafic accompagnés de la mort des migrants. Il faut donc que les États et les organisations internationales qui travaillent sur ce sujet comprennent que les enquêtes sur le trafic accompagné d’homicide doivent devenir une priorité, même s’il n’existe pas de réponses faciles. Pour l’instant, les solutions apportées ne sont pas suffisantes et restent locales, en raison du manque de volonté politique et de coopération entre États, a-t-elle estimé.
Mme Callamard a par ailleurs jugé difficile de faire état d’une voie de migration plus risquée qu’une autre car les migrants ou les trafiquants changent constamment de routes et s’adaptent aux changements. Mais ce sujet doit rester au cœur des préoccupations de la communauté internationale, car les migrants ont des droits. Malheureusement, les pays en mesure de les protéger ne le font pas toujours, prenant prétexte de leur souveraineté ou de questions de sécurité, a-t-elle conclu.
Mme URMILA BHOOLA, Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines d’esclavage, a déclaré avoir été encouragée par l’attention croissante accordée à la question dont relève son mandat. Pourtant, le seul critère permettant d’évaluer les luttes anti-esclavagistes est leur impact sur la vie et la dignité des personnes, a-t-elle expliqué.
Pour la Rapporteuse spéciale, les questions importantes à se poser sont donc: les lois offrent-elles une protection suffisante contre les formes extrêmes d’exploitation professionnelle et sexuelle? Les victimes ont-elles accès à des recours adéquats et efficaces? Existe-t-il suffisamment de mesures pour s’attaquer aux tendances socioéconomiques systémiques qui permettent l’exploitation à très grande échelle ?
Mme Bhoola a rappelé que, d’après l’Organisation internationale du Travail (OIT), plus de 40 millions de personnes, dont 25% d’enfants, étaient victimes de formes contemporaines d’esclavages en 2016. Ces chiffres mettent en lumière l’urgence d’une action globale visant à faire respecter et à protéger les droits des victimes, a-t-elle insisté.
Présentant les conclusions de son rapport, Mme Bhoola a expliqué que la prévalence de l’esclavage était le symptôme d’un effort global insuffisant pour réaliser les objectifs du Millénaire pour le développement. Malgré les progrès réalisés, les tendances socioéconomiques systémiques ont affaibli le développement durable centré sur les droits fondamentaux, a estimé la Rapporteuse spéciale. Celle-ci a insisté sur le Programme de développement durable à l’horizon 2030, estimant qu’avec les objectifs de développement durable, il fournissait un cadre pour permettre « l’accélération des efforts afin d’éradiquer les formes contemporaines d’esclavage ». Et d’insister sur les objectifs 8.7 -qui porte sur le travail forcé- et 16 sur –paix, justice et institutions efficaces.
Déplorant que les opportunités que présente le Programme 2030 pour les droits humains puissent être perdues si les ressources pour le mettre en œuvre n’étaient pas mobilisées par la communauté internationale, Mme Bhoola a insisté sur les 3 à 5 milliards de dollars manquant pour financer sa mise en œuvre.
Enfin, la Rapporteuse spéciale a expliqué que mettre un terme aux différentes formes contemporaines d’esclavage faisait partie intégrante de la lutte plus globale contre la pauvreté, le sous-développement et les inégalités de genre. Parmi les recommandations de son rapport, elle conseille de renforcer la collaboration et le partage de connaissances pour permettre la mise en œuvre de l’objectif 8.7, mais invite aussi les États Membres à améliorer encore leur législation nationale pour se conformer, entre autres, à la Convention relative à l’esclavage de 1926 ainsi qu’à la Convention supplémentaire relative à l’abolition de l’esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l’esclavage de 1957.
En conclusion, la Rapporteuse spéciale a rappelé que 150 milliards de dollars de profits étaient réalisés par le secteur privé grâce au travail forcé et a appelé les entreprises à respecter les droits fondamentaux en accord avec l’objectif 8.7.
Lors des échanges qui ont suivi la présentation de Mme Urmila Bhoola, Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines d’esclavage, le Qatar a dit ne ménager aucun effort pour lutter contre les formes contemporaines d’esclavage et de traite d’êtres humains. Il cherche toutefois à savoir de quels moyens disposent les États pour mettre ces politiques en place et en assurer le suivi. Le Maroc a demandé quelles étaient les bonnes pratiques en matière de coopération internationale pour lutter contre les formes contemporaines d’esclavage et de traite d’êtres humains.
Pour l’Afrique du Sud, lutter contre ces phénomènes implique de se pencher sur leurs causes profondes, dont la pauvreté. Pour l’Afrique du Sud, le développement peut être une manière de lutter contre les formes contemporaines d’esclavage et de traite d’êtres humains et souhaite avoir davantage d’informations sur ce point. L’Union européenne estime que les sources sont diverses. C’est pourquoi, elle plaide pour une mise en œuvre holistique du Programme de développement durable à l’horizon 2030. L’Union européenne a demandé à la Rapporteuse spéciale quel type de coopération elle suggère, et quels moyens de recours pour les victimes.
Le Royaume-Uni a mentionné les mesures qu’il a prises pour lutter contre les formes contemporaines d’esclavage et de traite. Il estime que les Nations Unies peuvent jouer un rôle, mais aimerait savoir de quelle manière. Pour le Liechtenstein, les Nations Unies devraient pouvoir aider les pays à perturber les activités d’esclavage et de traite d’êtres humains. Il a souhaité savoir comment le futur pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières devrait être formulé pour éviter que des personnes ne soient victimes de l’esclavage ou de la traite.
Visité en juillet dernier par la Rapporteuse spéciale, le Paraguay a assuré qu’il mettrait en œuvre ses recommandations et restait disposé à coopérer avec elle.
Après ces interventions, Mme Urmila Bhoola, Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines d’esclavage, a relevé que plusieurs initiatives nationales, régionales et internationales étaient prises pour lutter contre le phénomène, comme l’Alliance 8.7, et a appelé les États à coopérer avec cette dernière. Elle a aussi déclaré que nombre d’organes des Nations Unies disposaient d’éléments portant sur ces phénomènes et qui visent à aider les États à mettre en place les outils pertinents. Il faut simplement que les États s’en saisissent, a-t-elle assuré.
Quant aux causes profondes, un des moyens de lutter contre elles consisterait pour les États à faciliter la création de conditions propices au développement et à l’emploi, a affirmé la Rapporteuse spéciale. Les entreprises doivent de leur côté respecter leurs responsabilités vis-à-vis des droits de l’homme, de façon à éliminer l’esclavage des chaînes de production mondiale. Mme Bhoola a également invité les acteurs à coordonner leurs efforts et à mettre en commun leurs ressources.
M. FATSAH OUGUERGOUZ, Président de la Commission d’enquête sur le Burundi, a commencé par rappeler que sa Commission avait été créée par le Conseil des droits de l’homme, il y a un an, afin de mener une enquête approfondie sur les violations des droits de l’homme et les atteintes à ceux-ci commises dans ce pays depuis avril 2015. Au terme de sept mois d’enquête, a-t-il dit, la Commission est parvenue à la conclusion que certaines des violations constatées pourraient constituer des crimes de droit international. Le Conseil des droits de l’homme s’est déclaré préoccupé par les conclusions de la Commission et a décidé de prolonger son mandat d’un an, a-t-il ajouté, précisant que le Gouvernement burundais avait toujours refusé de coopérer à ces travaux malgré les invitations répétées de la Commission.
M. Ouguergouz a rappelé que la crise relative aux droits de l’homme au Burundi durait maintenant depuis deux ans et demi. La situation, déjà inquiétante lors des premières manifestations contre la candidature du Président Pierre Nkurunziza à l’élection présidentielle en avril 2016, s’est rapidement détériorée après la tentative de coup d’État de mai 2015. Selon les derniers chiffres du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, la population des réfugiés burundais suite à cette crise est estimée à 410 413 personnes, soit environ 4% de la population totale du pays.
Contrairement à ce qu’affirme le Gouvernement burundais, la situation des droits de l’homme ne s’est guère améliorée depuis cette crise, a poursuivi M. Ouguergouz, précisant que des violations et atteintes graves s’étaient poursuivies jusqu’en 2017 de manière tout aussi brutale, entretenues par des discours de haine de la part de hauts responsables.
Bien que n’ayant pu se rendre au Burundi en raison du refus du Gouvernement de lui donner accès au territoire, la Commission a pu recueillir plus de 500 témoignages, qui ont été analysés et corroborés. Sans s’ériger ni en juge ni en procureur, elle s’est acquittée de sa mission de manière rigoureuse et impartiale, a souligné son Président. Ce travail d’enquête a notamment fait l’objet d’un rapport de 20 pages qui a été présenté au Conseil des droits de l’homme, a-t-il précisé.
Les graves violations et atteintes aux droits de l’homme commises ont consisté essentiellement en des arrestations et détentions arbitraires, des exécutions extrajudiciaires, des actes de torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants, des viols et d’autres violences sexuelles et des disparitions forcées, a détaillé M. Ouguergouz. Il a ajouté que l’espace démocratique s’était par ailleurs rétréci, les dirigeants des principaux partis d’opposition et de nombreux journalistes étant aujourd’hui en exil ou sous le coup de mandats d’arrêt internationaux émis par le Burundi.
M. Ouguergouz a indiqué que les principaux auteurs de ces violations étaient des membres du service national de renseignement, de la police, de l’armée et de la ligue des jeunes du parti au pouvoir. Toutefois, a-t-il relevé, des atteintes ont également été commises par des groupes armés d’opposition, même si elles sont plus difficiles à documenter.
Pour le Président de la Commission, il existe des motifs raisonnables de croire que certaines des violations et atteintes graves documentées sont constitutives de crimes contre l’humanité, tels que définis par le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI). L’ampleur des violations, leur localisation, le profil et la pluralité des victimes et des auteurs présumés tendent à prouver qu’elles s’inscrivent dans le cadre d’une attaque généralisée, a-t-il poursuivi, soulignant que, conformément à son mandat, la Commission avait établi une liste non exhaustive d’auteurs présumés de ces crimes contre l’humanité.
À cet égard, M. Ouguergouz a rappelé que le retrait du Burundi du Statut de Rome prenait effet ce jour à minuit. La CPI est donc compétente pour reconnaître tout crime de droit international qui aurait été commis entre avril 2015 et ce jour, a-t-il fait remarquer. Sur cette base, la Commission a recommandé que la CPI ouvre une enquête sur de possibles crimes de droit international commis pendant cette période au Burundi, a-t-il conclu, appelant le Gouvernement burundais à lutter contre l’impunité dont jouissent les agents étatiques et à réformer en profondeur son système judiciaire.
Au titre de pays concerné, le représentant du Burundi a déclaré que, deux ans après la tentative de changement de régime par insurrection et coup d’État, son pays continue de « subir un harcèlement politico-diplomatique sans précédent » qui vise les mêmes objectifs par des moyens déguisés pour habiller diplomatiquement une « guerre humanitaire » contre le peuple du Burundi. Sans surprise et sans avoir été au Burundi, cette Commission d’enquête a produit un rapport biaisé, partial, déséquilibré et politiquement motivé, « un véritable ragoût de mensonges et de manipulations » visant à déstabiliser le Burundi. « Mon pays se réserve le droit de traduire devant la justice les auteurs de ce rapport pour diffamation et tentative de déstabilisation » du pays, a menacé le représentant.
Le représentant du Burundi a également reproché au rapport d’incriminer systématiquement le Gouvernement du Burundi tout en couvrant les crimes odieux commis par l’opposition radicale, alors que ces crimes sont pourtant revendiqués publiquement sur les chaînes de télévision internationales. Depuis son préambule jusqu’à son point final, le rapport ne contient aucun paragraphe sur ces crimes et leurs auteurs qui opèrent sous le parapluie protecteur de certains États extérieurs qui les hébergent et les protègent contre les poursuites judiciaires, a-t-il dit. En appui à sa déclaration, le représentant a présenté trois photos de personnes –l’une violée, l’autre tuée, la troisième brûlée vive- attribuant ces actes aux éléments de l’opposition qui, a-t-il assuré, les ont eux-mêmes revendiqués. Le rapport n’évoque aucun de ces cas, a-t-il fait observer. Il a demandé au Président de la Commission de se départir de son parti pris et de faire son travail avec honnêteté.
Le Burundi a expliqué à de nombreuses reprises pourquoi il n’a pas souhaité coopérer avec cette Commission, a ajouté le représentant, affirmant que celle-ci avait, dès le départ, publiquement affiché ses intentions en refusant de prendre en considération les arguments du Gouvernement et de les publier. Le Burundi croit qu’il ne peut y avoir meilleure illustration du manque de neutralité et d’indépendance de la Commission que sa tolérance délibérée des actes criminels commis par « les forces négatives » contre les civils, femmes et enfants compris. Par ailleurs, les paragraphes 106 et 107 du rapport appellent les pays de l’Union européenne qui appliquent des « sanctions injustes » contre le Burundi à les maintenir. Le Président de la Commission sort ainsi de façon flagrante de son mandat, a estimé le représentant, pour qui une telle recommandation montre bien que la Commission est un outil politique entre les mains de ces pays
Le représentant a encore déploré qu’à la dernière session du Conseil des droits de l’homme, en septembre dernier, et alors que le Groupe des États d’Afrique avait présenté un projet de résolution équilibré au titre de l’assistance technique et du renforcement des capacités dans le domaine des droits de l’homme, prenant en compte les préoccupations de l’Union européenne, cette dernière a décidé, « contre toute attente », de présenter sa propre résolution, conduisant le Conseil à adopter en moins de 24 heures et de façon inédite deux résolutions sur le Burundi, créant deux mécanismes aux mandats diamétralement opposés et financés par les États Membres. Quoi qu’il en soit, le Gouvernement du Burundi rejette ce rapport et ses conclusions. Il reste, pour sa part, engagé à promouvoir et protéger les droits de l’homme et redit que l’Examen périodique universel est le seul mécanisme pertinent en matière de droits de l’homme, a conclu le représentant.
Lors du débat avec M. Fatsah Ouguergouz, Président de la Commission d’enquête sur le Burundi, le Venezuela a répété une nouvelle fois, au nom du Mouvement des pays non alignés, que les questions relatives aux droits de l’homme devraient être abordées dans un contexte global et dans le cadre d’un dialogue constructif sans confrontation ni sélectivité. Il a reproché à la Troisième Commission d’exploiter les droits de l’homme à des fins politiques en violation des principes d’impartialité. Le Zimbabwe a dit partager la même position. Le Bélarus a déclaré que les procédures spéciales avaient été mises en place pour le bénéfice de leurs créateurs et ne prenaient pas en compte le bien des pays concernés. Ces mesures sont motivées politiquement, le rapport des mandats de pays est partial et déforme la véritable situation des droits de l’homme sur place, a-t-il ajouté. L’Inde aussi estime que les mandats de pays doivent être en accord avec les principes des Nations Unies.
La Chine s’est dite opposée à la création arbitraire d’une procédure spéciale sans l’accord du pays concerné et a souligné les efforts positifs déployés par le pays pour promouvoir la paix. L’Érythrée s’est prononcée contre les mandats de pays, jugés « contre-productifs », dans lesquels elle ne voit que perte de ressource et de temps. Pour la Fédération de Russie, les mandats de pays ne sont pas les plus utiles pour changer la situation sur le terrain. La Fédération de Russie est favorable à la coopération, aux initiatives régionales et à l’Examen périodique universel.
La République populaire démocratique de Corée et la République islamique d’Iran estiment, elles aussi, que le Conseil des droits de l’homme et l’Examen périodique universel sont les outils pertinents pour traiter des situations des droits de l’homme. L’Iran salue en outre la volonté de coopération du Burundi avec le mécanisme créé par la résolution du Groupe des États d’Afrique adoptée, en septembre dernier, à Genève.
L’Algérie a déploré pour sa part l’adoption par le Conseil des droits de l’homme, en septembre dernier, de deux résolutions différentes sur le Burundi et a demandé à ce que soient évitées les approches menant à la confrontation. Elle a rappelé que les mandats de pays ciblaient toujours les pays en développement et que c’était cette pratique de « deux poids, deux mesures » qui avait mené à la disparition de la Commission des droits de l’homme. L’Égypte a déploré, elle aussi, l’adoption de ces deux résolutions qui créent deux mandats antinomiques, ce qui est « inefficace ». Elle a également déploré le fait que le rapport se base sur les témoignages de réfugiés et ne prenne pas en compte le point de vue des autorités du pays.
Le Maroc est revenu sur la résolution du Groupe des États d’Afrique, regrettant qu’elle n’ait pas reçu le soutien de l’ensemble du Conseil des droits de l’homme alors qu’elle avait été l’objet de longues négociations. Citant les avantages de cette résolution, il a notamment mentionné qu’elle avait été acceptée par le Gouvernement du Burundi, qui avait ainsi indiqué sa volonté de coopérer avec le Conseil des droits de l’homme.
Cuba, qui a voté en faveur de la résolution du Groupe des États d’Afrique sur le Burundi le 30 septembre dernier à Genève, est d’avis qu’il faut appuyer les initiatives régionales et permettre de trouver une solution africaine à la crise burundaise. Le pays a également redit son opposition de principe aux mandats spécifiques de pays et considère que l’Examen périodique universel est le seul mécanisme pertinent en matière de droits de l’homme.
La Guinée équatoriale a fait observer que l’on ne pouvait demander au Burundi de coopérer avec la Commission d’enquête, tant qu’elle manque de crédibilité et de professionnalisme, en plus d’avoir été rejetée par le Burundi lors de sa création. Au lieu d’envisager de tel mécanisme, il aurait fallu obtenir la coopération du pays concerné. À cet égard, le mécanisme créé par la résolution présentée à Genève par le Groupe des États d’Afrique offre un cadre de résolution de la crise.
La République arabe syrienne a rejeté catégoriquement le rapport et a déclaré que la Commission était biaisée et qu’elle se basait sur des ressources non crédibles. L’objectif de cette Commission était de politiser les droits de l’homme au Burundi et de s’ingérer dans les affaires des pays et de mettre en œuvre des objectifs « sataniques » pour faire des droits de l’homme des armes pour combattre la législation des pays, a affirmé le représentant.
Le Pakistan a appelé à éviter les doublons entre le Conseil des droits de l’homme et la Troisième Commission. Il estime, lui aussi, que l’Examen périodique universel est le mécanisme pertinent pour examiner la situation des droits de l’homme dans les pays.
Djibouti s’est déclaré préoccupé face à la tendance à la politisation, et à la subjectivité qui prévaut face aux droits de l’homme et soutient l’idée que, pour poursuivre la protection des droits de l’homme, la coopération est nécessaire. Maurice a également estimé que montrer du doigt un pays n’est pas constructif. Ce rapport, en plus de manquer d’objectivité, n’est pas inclusif et n’a pas tenu compte des avis du Gouvernement.
La République-Unie de Tanzanie a déploré le fait que, sans visite sur le terrain, la Commission ne pouvait être sûre que les informations obtenues étaient crédibles. Elle s’est déclarée sceptique quant au rapport. Autre pays voisin du Burundi, le Rwanda s’est surtout dit préoccupé par les allégations de crimes contre l’humanité commis dans ce pays tels que rapportés par la Commission d’enquête. Il a demandé au Burundi de coopérer, et à la communauté internationale de régler cette crise par les moyens requis.
Le Botswana, qui s’est déclaré préoccupé par le tableau sombre tracé par le rapport, a déploré le manque de collaboration des autorités burundaises et a apporté son soutien à la Commission.
L’Union européenne s’est, elle aussi, déclarée préoccupée par la situation au Burundi et a appelé le Gouvernement à désarmer tous les groupes armés. Elle a demandé au Président de la Commission quelles étaient ses priorités pour la deuxième année de son mandat. Les Pays-Bas ont demandé au Président de la Commission comment il voyait la coopération entre son organe et le groupe des trois experts créés par le Conseil des droits de l’homme en septembre dernier, suite au projet de résolution présenté par l’Union européenne.
Dans ses réponses, M. Ouguergouz a déclaré ne pas être surpris par les propos enflammés et les accusations « graves » du représentant du Burundi. Prenant acte des « menaces » portées à l’encontre des membres de la Commission, et du fait qu’ils pouvaient être traduits en justice pour diffamation par le Burundi, il a répondu qu’il ne cèderait à aucune tentative d’intimidation.
M. Ouguergouz a ensuite expliqué avoir effectué son enquête sur la base de témoignages recueillis à l’étranger mais aussi sur le territoire burundais par différents canaux. Cette situation résulte de l’interdiction d’accès au territoire burundais qui lui a été signifiée par les autorités burundaises, aucun membre du Gouvernement de ce pays n’ayant par ailleurs répondu à ses demandes d’information.
À l’Union européenne, le Président de la Commission d’enquête a expliqué que la priorité de sa Commission, l’an prochain, serait d’approfondir ses enquêtes sur certaines allégations sur lesquelles il n’avait pas eu le temps de travailler. Il entend aussi se concentrer sur les allégations nouvelles qui lui sont parvenues après l’élaboration du rapport, et examiner la question des violations des droits économiques, sociaux et culturels.
Concluant à son tour, le représentant du Burundi a déclaré que son pays n’avait pas de leçons à recevoir du Rwanda, un pays qui emprisonne et torture, en plus de se dire « victime d’un génocide présumé », alors qu’il se rend lui-même coupable d’un « génocide présumé » qui a emporté six millions de personnes en République démocratique du Congo. S’adressant au Président de la Commission, il a dit qu’il avait mal compris ses propos. Le Burundi se réserve le droit souverain de le poursuivre en justice pour diffamation et pour tentative de déstabilisation, a-t-il redit, insistant sur « tentative de déstabilisation ». C’est le droit souverain du Burundi et il le fera, a-t-il assuré. Il lui a également dit qu’il se trouvait face à un public averti et intelligent, qui sait lire les rapports. Sur les quelque 28 délégations qui se sont exprimées, 23 ont critiqué son rapport, contre seulement 5 pays, qui sont certainement ceux pour lesquels il travaille, a-t-il conclu.
En réaction à cette intervention, le représentant du Rwanda a dit devoir prendre la parole suite à « la provocation du distingué représentant du Burundi ». Le Rwanda n’a fait que réagir à la présentation d’un rapport qui n’est pas le sien. « Arrêtez d’externaliser vos problèmes », a en outre lancé le représentant, ajoutant aussi qu’il « prenait note » que le Burundi nie le génocide du Rwanda devant cette « auguste assemblée ».