En cours au Siège de l'ONU

Soixante-douzième session,
23e séance – matin
AG/SHC/4207

Terrorisme, indépendance des juges et des avocats et sanctions économiques animent les débats de la Troisième Commission

La Troisième Commission a poursuivi, aujourd’hui, l’examen de son point consacré à la promotion et à la protection des droits de l’homme en dialoguant avec la Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, Mme Fionnuala Ní Aoláin; le Rapporteur spécial sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme, M. Idriss Jazairy; et le Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats, M. Diego García-Sayán.

Alors que, depuis le début de l’année, plusieurs pays dont l’Afghanistan, le Nigéria, la Syrie, le Cameroun, le Kenya, le Pakistan, le Royaume-Uni et la France ont été touchés par des actes terroristes meurtriers ayant détruit des vies humaines et des infrastructures, la question est de savoir comment lutter contre ce phénomène devenu mondial, tout en respectant le droit international et les droits de l’homme, dans le contexte où la pratique des lois d’exception et de sécurité nationale se développe et finit par s’incorporer au droit commun.

Sans y répondre explicitement, Mme Ní Aoláin, qui présentait son premier rapport devant la Commission, a rappelé que les États ont le devoir de se conformer au droit international, y compris dans le cadre de la lutte antiterroriste.  Ils doivent donc respecter les droits de l’homme, protéger la société civile, et adopter une approche de genre dans leurs politiques de lutte contre le terrorisme, a-t-elle précisé, ajoutant qu’en tant que Rapporteuse spéciale, experte et praticienne du droit, elle veillerait à ce que les États respectent leurs obligations.

Tout en reconnaissant cette responsabilité, des délégations, à l’instar de celle de la Belgique, de la Suisse et des États-Unis ont souligné que, la lutte contre le terrorisme se trouvant à l’intersection de plusieurs domaines juridiques, il fallait trouver un équilibre entre la lutte antiterroriste et le besoin de promouvoir et protéger les droits fondamentaux.  À leurs yeux, une lutte efficace exige donc que l’on se fonde sur l’état de droit, sans quoi les violations des droits de l’homme pourraient accroître les risques terroristes.

Par sa nature juridique et politique, la question de la lutte contre le terrorisme est complexe et doit donc être abordée avec prudence.  C’est même l’un des sujets les plus difficiles à traiter au sein des Nations Unies, a déclaré la représentante de la Fédération de Russie, qui a ajouté que les groupes terroristes étaient soutenus par des parrains et que certains organes des Nations Unies semblent vouloir protéger certains éléments terroristes.  Son homologue du Kenya a invité à la prudence lorsque l’on parle des femmes et de la société civile, dans la mesure où certaines femmes commettent des actes terroristes et où des éléments extrémistes usurpent l’espace des droits de l’homme pour perpétrer leurs actes.

Autre sujet « très sensible sur le plan politique »: les sanctions décidées unilatéralement par des États.  Alors que les sanctions réciproques entre la Fédération de Russie et l’Union européenne leur ont coûté respectivement 55 et 100 milliards de dollars, M. Idriss Jazairy a jugé que ces mesures n’avaient « aucun sens » et risquaient d’engendrer des catastrophes si les grands pays continuent d’adopter en permanence la loi du talion.

Il a été rejoint par des pays qui subissent de telles sanctions, notamment ceux appartenant au Mouvement des pays non alignés, dont Cuba, le Soudan ou la République islamique d’Iran, ainsi que par la Fédération de Russie.  Ces sanctions sont « une question de vie ou de mort », des « actes illicites » qui provoquent un « nombre incalculable » de pertes en vies humaines et « ne doivent pas devenir des mesures punitives à l’égard des peuples », ont-ils dit, appelant à étudier le droit aux réparations pour les victimes.

À l’origine de nombre de ces sanctions unilatérales, les États-Unis ont en revanche rejeté la base qui sous-entend le mandat du Rapporteur spécial, estimant que ces mesures étaient « appropriées, efficaces et légitimes », et qu’elles respectaient « pleinement » le droit international et la Charte de l’ONU.  Bien que membre du Mouvement des pays non alignés, l’Arabie saoudite a en partie soutenu cette approche, se prononçant même en faveur des sanctions contre l’Iran, notamment pour contrer ses « agissements hostiles » au Yémen.

L’indépendance des juges et des avocats a suscité moins de polémique.  Dans son rapport, M. García-Sayán note que les pays autrefois dits du « tiers-monde » ne sont pas les seuls affectés par les tentatives d’interférence de la part des pouvoirs.  Pire, il y a de plus en plus de liens entre crime organisé et pouvoir judiciaire, à tel point que la corruption s’est transformée, non seulement en un problème récurrent, mais croissant partout dans le monde, comme le montre une enquête de l’organisation Transparency International de 2013 réalisée dans 95 pays, où il apparaît que le pouvoir judiciaire est perçu comme l’institution la plus corrompue, après la police.

Lutter contre ce phénomène implique donc que les États prennent des mesures anticorruption de façon à en réduire les effets sur les droits de l’homme, d’autant que ce fléau prive les sociétés de ressources qui pourraient être affectées dans d’autres secteurs, ont estimé l’Union européenne et les États-Unis.  Cela dit, les mesures proposées doivent être prises dans un esprit de coopération, tenir compte des instruments régissant la lutte contre la corruption et le crime organisé, des spécificités nationales, sans violer la souveraineté des États, ont insisté par exemple Cuba et la Fédération de Russie.

La Troisième Commission poursuivra ses travaux vendredi 20 octobre, à partir de 10 heures, avec l’audition d’autres titulaires de mandat de procédures spéciales.

PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME (A/72/40 ET A/C.3/72/9 (à paraître))

Questions relatives aux droits de l’homme, y compris les divers moyens de mieux assurer l’exercice effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales

Situations relatives aux droits de l’homme et rapports des rapporteurs et représentants spéciaux

Déclarations liminaires, suivies de dialogues interactifs

Mme FIONNUALA NÍ AOLÁIN, Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, qui présentait son premier rapport en tant que titulaire de ce mandat, a commencé par dresser la liste des pays qui ont été victimes d’actes terroristes depuis le début de l’année.  Elle a cité dans l’ordre, l’Afghanistan, le Nigéria, la Syrie, le Cameroun, le Kenya, le Pakistan, le Royaume-Uni et la France.  Cette liste est courte et ne représente qu’une fraction des vies qui ont été perdues et des infrastructures détruites, a expliqué la Rapporteuse spéciale, ajoutant qu’en tant qu’Irlandaise ayant grandi à Belfast, elle connaît les dégâts que peut causer le terrorisme sur les vies.

Revenant à son mandat, Mme Ní Aoláin a dit avoir identifié quatre domaines de questions sur lesquelles elle souhaite se pencher.  Le premier est la prolifération de régimes d’état d’urgence et la normalisation de lois d’exception et de sécurité nationale dans les cadres législatifs et administratifs des États.  Le deuxième concerne la nécessité de clarifier la relation entre les régimes de sécurité nationale et les régimes du droit international, du droit international humanitaire ainsi que la conformité des mesures nationales de lutte antiterroriste avec ces régimes internationaux.  Le troisième est la promotion d’une approche de genre dans les dispositions antiterroristes.  Le dernier porte sur la protection des droits de la société civile lorsqu’il s’agit de réglementer la lutte antiterroriste.

Développant ses idées, Mme Ní Aoláin a dit avoir observé que divers pays prennent de plus en plus de lois exceptionnelles au motif de lutter contre le terrorisme, et que ces lois finissent par entrer dans le droit commun.  Tenant compte des risques et dérives de telles pratiques, il est primordial de se pencher sur ces phénomènes et de souligner qu’ils posent des problèmes, sans pour autant apporter de solutions.  Les droits de l’homme ne doivent pas être secondaires et demeurent partie intégrante du succès à long terme de la lutte antiterroriste, a rappelé la Rapporteuse spéciale.

En tant que spécialiste et praticienne du droit, Mme Ní Aoláin entend, dans le cadre de son mandat, identifier de manière systématique les irrégularités des lois et mesures antiterroristes lorsqu’elles existent et de les analyser dans le contexte des obligations internationales des États.  Elle constate en effet que se développent de plus en plus des « zones grises », domaines dans lesquels les États ne respectent pas le droit international.  En tant que Rapporteuse spéciale, son travail consiste à rappeler aux États leurs obligations, a-t-elle estimé.

La Rapporteuse spéciale observe aussi que la société civile, bien que partenaire cruciale pour les droits de l’homme et la lutte contre le terrorisme, est pourtant réprimée dans nombre de pays et ses activités contrôlées dans le cadre de lois sur la sécurité.  La détention, le harcèlement, l’assassinat de journalistes, d’avocats, d’activistes ou de défenseures des droits de l’homme ne sont pas acceptables et ne peuvent être légitimés sous couvert de doctrines de sécurité nationale.

Enfin, Mme Ní Aoláin a annoncé son souhait de se pencher sur une approche de genre en ce qui concerne la lutte contre le terrorisme, dans le contexte où le Comité contre le terrorisme a souligné, à sa session de 2015, le rôle des femmes dans la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent et alors que la résolution 2242 du Conseil de sécurité a souligné l’impact du terrorisme sur les femmes.  Pour la Rapporteuse spéciale, cette approche de genre ne peut plus être ignorée ou marginalisée, notamment lorsque des mesures antiterroristes finissent par réduire l’espace des droits et libertés des femmes.

Le Maroc a souhaité connaître l’avis de la Rapporteuse spéciale sur l’impact du terrorisme sur les droits de l’homme et en particulier sur les droits des victimes.

L’Union européenne a estimé que la responsabilité des États était de protéger les individus en toute circonstance tout en veillant à ce que les droits de l’homme soient respectés à tout moment, y compris en cas d’acte terroriste.  Elle a en outre souhaité avoir des précisions sur l’approche sexospécifique présentée par la Rapporteuse spéciale dans son exposé.

La Belgique a estimé qu’il fallait trouver un meilleur équilibre entre la lutte antiterroriste et le besoin de promouvoir et protéger les droits fondamentaux.  Elle a aussi partagé l’évaluation sur la possibilité de concilier des mesures antiterroristes efficaces et une société ouverte et inclusive.  Précisant travailler sur ces thèmes avec le Conseil de l’Europe, elle a souhaité savoir si la Rapporteuse spéciale envisageait de consulter cette institution dans le cadre de son mandat.  L’Irlande a souhaité savoir comment les États pouvaient assurer la liberté d’expression dans le contexte de la lutte antiterroriste.  La France a demandé quelles actions la Rapporteuse spéciale recommande pour contrecarrer les dérives qu’elle décrit dans son rapport, notamment dans les pays qui appliquent la peine de mort pour les actes de terrorisme. 

Le Royaume-Uni a souhaité savoir quel rôle pouvait jouer la société civile dans la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent.  En outre, quel appui les États peuvent-ils apporter à la Rapporteuse spéciale pour étudier cette question dans le cadre de son mandat.  La Norvège a, elle aussi, demandé à avoir d’autres détails sur le rôle que joue, aux yeux des États et du mandat, la société civile pour empêcher l’extrémisme violent et la radicalisation.    

La Suisse a constaté que la lutte contre le terrorisme se trouvait à l’intersection de plusieurs domaines juridiques et concernait au premier chef le droit international humanitaire.  Elle a souhaité avoir une illustration de la lutte menée dans le cadre de ce droit.

Les États-Unis ont jugé que la protection des droits de l’homme joue un rôle capital pour lutter contre le terrorisme et l’extrémisme violent.  À leurs yeux, une lutte efficace dans ce domaine exige que l’on se fonde sur l’état de droit car les violations des droits de l’homme accroissent le risque terroriste.  De fait, les forces de sécurité doivent respecter les droits de l’homme et les plans nationaux doivent être compatibles avec les obligations internationales des États.  Les États-Unis ont souhaité avoir des exemples de bonnes pratiques pour assurer la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales en ce qui concerne la société civile.

Le Mexique a salué les quatre thèmes mis en avant par la Rapporteuse spéciale pour protéger les droits de l’homme dans la lutte antiterroriste.  Dans ce contexte, le Mexique souhaite savoir ce que les États doivent faire pour renforcer le rôle des femmes dans les processus antiterroristes et quelles mesures concrètes pourraient encourager la participation de la société civile dans cette lutte.

Le Qatar a qualifié la lutte antiterroriste de « pilier essentiel » des Nations Unies et s’est engagé à poursuivre son action dans ce sens en adoptant une stratégie qui prenne en compte les droits de l’homme. 

Le Kenya s’est dit d’accord avec l’Union européenne qui affirme que les droits de l’homme sont essentiels mais il a jugé qu’il fallait les considérer dans une approche de légitimité.  Il faut aussi être prudent lorsqu’on aborde la question de la parité car des femmes ont été des auteurs d’actes terroristes.  Le Kenya demande à savoir comment faire face aux différents éléments terroristes et extrémistes qui usurpent l’espace des droits de l’homme pour perpétrer leurs actes.

Pour la Fédération de Russie, le thème de la lutte contre le terrorisme est l’un des plus difficiles à traiter pour les Nations Unies.  La coopération dans ce domaine doit se fonder sur le respect strict du droit international, et notamment des normes liées aux droits de l’homme.  Dans ce cadre, la Fédération de Russie demande que la responsabilisation des terroristes et de leurs parrains soit assurée et qu’une action concertée soit menée contre l’idéologie terroriste.  Elle a aussi jugé « inacceptable » de voir certains organes des Nations Unies se concentrer sur la protection de certains éléments terroristes.

Cuba a souligné l’importance d’un renforcement de l’architecture institutionnelle des droits de l’homme pour lutter contre le terrorisme et a demandé à en savoir plus sur les propositions du mandat à ce sujet. 

Les Maldives ont condamné le récent attentat terroriste perpétré à Mogadiscio, en Somalie, et rappelé les efforts qu’elles mènent au plan intérieur pour lutter contre cette menace.  Notant que leur politique est soutenue par un régime juridique qui se fonde sur la Constitution, sur le Code pénal et sur diverses lois, elles ont jugé nécessaire d’intégrer la perspective hommes-femmes dans ce cadre.  Elles ont souhaité connaître les recommandations de la Rapporteuse spéciale à ce sujet. 

L’Iraq a souligné que ses forces de sécurité avaient mené une guerre contre les groupes terroristes et continuaient de libérer les régions du pays de ce fléau.  Il a ajouté qu’en coopération avec les organisations internationales, il avait mis en place des mesures antiterroristes et des plans stratégiques visant en premier lieu à épargner des vies civiles, tout en essayant d’administrer la justice correctement. 

L’Arabie saoudite a demandé à la Rapporteuse spéciale, quelle est, selon elle, la sanction convenable à appliquer à des individus qui ont commis le crime de terrorisme et touché des familles, femmes et des enfants.  Ne méritent-ils pas eux-aussi la même sanction que celle qu’ils ont infligée.

Les Pays-Bas, qui coprésideront bientôt avec le Maroc le Forum  mondial de lutte contre le terrorisme, ont rappelé aux États leur obligation de respecter le droit international dans le cadre la lutte contre le terrorisme.

Dans ses réponses, Mme Ní Aoláin, Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, a rappelé que les victimes du terrorisme avaient des droits comme l’ont réaffirmé plusieurs forums internationaux de même que des juridictions internationales telles que la Cour interaméricaine des droits de l’homme.  En plus des condoléances qu’on leur présente souvent, elles ont notamment un droit à la réparation.  Les victimes doivent aussi être intégrées aux processus de lutte antiterroriste et la mémoire des actes dont elles ont été victimes doit être préservée et entretenue.

En ce qui concerne la société civile, la Rapporteuse spéciale estime que les États doivent accepter ses droits et cesser toute mesure répressive contre elle, au risque de se limiter dans la lutte antiterroriste.  S’agissant de l’approche de genre, elle a convenu avec le Kenya qu’il ne fallait pas voir les femmes uniquement comme des victimes du terrorisme: elles sont parfois également impliquées dans les actes de terrorisme et les processus de radicalisation.  C’est pour cela aussi qu’il faut aussi les cibler dans les programmes de prévention, a-t-elle dit.

M. DIEGO GARCÍA-SAYÁN, Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats, a rappelé que son mandat avait été établi en 1994, entre autres, dans le but de suivre les dénonciations d’interférences et d’attaques contre l’indépendance du pouvoir judiciaire, les avocats et les fonctionnaires judiciaires, identifier et enregistrer ces attaques ainsi que d’étudier des questions de principe, ceci afin de protéger et d’améliorer l’indépendance des juges, avocats et fonctionnaires judiciaires.  Constatant des évolutions importantes ces 20 dernières années, le Rapporteur spécial a cependant déploré la persistance et la reproduction de vieilles menaces et tentations du pouvoir politique d’interférer avec l’indépendance des juges et avocats.  Les États faisant partie de ce que l’on appelait alors « le tiers-monde » ne sont pas les seuls affectés, a précisé M. García-Sayán.

M. García-Sayán a expliqué avoir soumis, en juin de cette année, au Conseil des droits de l’homme son premier rapport en tant que Rapporteur spécial sur la question, occasion pour lui de présenter les sujets principaux sur lesquels il entendait se pencher durant son mandat.  Il a également fait mention d’une mission conjointe à Sri Lanka avec le Rapporteur Spécial des Nations Unies contre la torture, ainsi que de sa visite en Pologne la semaine prochaine, et a remercié le Maroc pour avoir répondu positivement à sa demande de visite pour 2018.  Il a, dans le même sens, remercié l’Algérie, le Guatemala et le Honduras de leurs invitations.  

En raison de la menace que représente, pour l’indépendance et l’impartialité des juges et avocats, la corruption judiciaire liée au crime organisé, M. García-Sayán a identifié ce point particulier comme une des priorités à suivre durant son mandat.  Insistant sur les liens entre crime, délinquance organisée et indépendance judiciaire, il a fait référence au fait que la corruption avait un impact direct sur les droits de l’homme et que cette dernière amenait comme conséquences la discrimination quant à l’accès aux services, désavantageant les populations les plus marginalisées.  Au niveau judiciaire, la corruption s’est transformée non seulement en un problème récurrent mais croissant partout dans le monde, indépendamment du niveau de développement des pays ou de leurs niveaux de consolidation démocratique.

Le rapport explore tous les aspects essentiels de l’impact du crime organisé sur la corruption judiciaire, de façon à poser les bases pour encadrer et encourager le débat futur et l’échange d’informations sur le sujet, a expliqué M. García-Sayán, qui a ensuite développé trois aspects en particulier: les causes et facteurs qui génèrent la corruption judiciaire, l’ampleur de la corruption et son impact sur le système judiciaire et sur la société en général ainsi que les principales modalités et tactiques utilisées par le crime organisé pour assujettir et neutraliser la justice.

Le Rapporteur spécial a ensuite mis l’accent sur la double perspective qu’il juge nécessaire à l’approche de la corruption dans les systèmes judiciaires.  Il a cité la responsabilité, qui « ne peut être déléguée » des systèmes judiciaires d’investir et de poursuivre tous les espaces de corruption de l’État et de la société tout en s’attaquant à la prévention de la corruption de ceux qui travaillent au sein même de ces systèmes judiciaires, et ce, de façon à ce que l’entité à laquelle revient la tâche d’enquêter et de traiter les plaintes de corruption soit, elle-même, exempte de telles pratiques.

Reprenant les chiffres d’une enquête de Transparency International de 2013 réalisée dans 95 pays, le Rapporteur spécial a déclaré que le pouvoir judiciaire y était perçu comme l’institution la plus corrompue, après la police.  Et d’insister sur le fait que les juges et les avocats pouvaient être un filtre à travers duquel les activités du crime organisé pouvaient obtenir une apparence de légalité et obtenir l’impunité, faisant de la justice et de l’indépendance des juges et avocats des victimes potentielles et récurrentes du crime organisé.  M. García-Sayán a également insisté sur l’importance de la coopération internationale pour combattre le crime organisé et la corruption des systèmes judiciaires dans le monde qui en découle.  Il a aussi mentionné la nécessité de mettre en place des mesures préventives et des réponses internes pour protéger les systèmes judiciaires de la corruption.

Enfin, le Rapporteur spécial a présenté les conclusions de son rapport et les trois mesures phares qu’il contient.  Il recommande ainsi que les États réalisent des études et assurent un suivi permanent et des analyses périodiques des causes et conséquences de la corruption pour évaluer ce qui doit être fait pour combattre et prévenir l’influence du crime organisé sur les États.  En deuxième lieu, les États doivent garantir l’existence de recours institutionnels et budgétaires adéquats pour permettre au personnel des systèmes judiciaire de remplir leurs fonctions de manière indépendante.  Enfin, les États doivent garantir que le personnel travaillant dans les systèmes judiciaires reçoive formations et spécialisations continues en matière d’éthique et de prévention de la corruption.

Lors du dialogue interactif avec le Rapporteur spécial, l’Union européenne a apporté un soutien sans réserve aux travaux de M. García-Sayán, estimant que le fléau de la corruption prive les sociétés de ressources qui pourraient être affectées dans d’autres secteurs.  Saluant les conseils de transparence et de suivi des responsabilités des juges contenues dans le rapport, l’Union européenne a souhaité avoir des exemples de bonnes pratiques qui permettraient de mettre en œuvre ces mesures sans mettre en danger l’indépendance des juges.

Les États-Unis se sont dits d’accord avec les conclusions du Rapporteur spécial, estimant eux aussi que la corruption sape les capacités nationales des États, qui ne peuvent plus défendre les libertés fondamentales.  Ils ont estimé que les législations sur le renforcement des mesures judiciaires restaient une « partie critique » pour lutter contre la corruption nationale et transnationale et ont salué à ce sujet les recommandations du rapport concernant le système judiciaire du Venezuela.

La Colombie a rappelé que l’accord de paix conclu entre le Gouvernement et les Forces armées révolutionnaires de Colombie-Armée populaire (FARC-EP) prévoit la désignation d’une cinquantaine de juristes et magistrats qui devront veiller à la justice dans le cadre de cet accord.  Le Guatemala a estimé que le renforcement de l’état de droit, l’élimination de la pauvreté, la lutte contre les inégalités, notamment entre les sexes, et la promotion d’une société inclusive étaient des mesures nécessaires pour lutter contre la corruption et l’impunité.  Il a également rappelé son engagement à renforcer ses capacités nationales pour mener des enquêtes et traduire en justice les auteurs d’actes de corruption.  Il a enfin remercié le Rapporteur spécial pour sa prochaine visite.

Cuba a souhaité qu’il soit tenu compte des instruments qui régissent la lutte contre la corruption et le crime organisé, en coopération avec les organes pertinents et le Secrétariat de l’ONU.  Cuba demande aussi que les travaux des procédures spéciales respectent les particularismes nationaux, qui doivent être pris en compte par le Rapporteur spécial.

La Fédération de Russie a dit prendre la question de la corruption à cœur et avoir une expérience à partager avec les autres pays qui le souhaitent, car elle estime que lutter contre ce phénomène requiert une coopération internationale.  Cependant, cette lutte ne signifie pas qu’on doive imposer des normes et pressions contraires aux spécificités nationales de chaque État, d’autant que l’expérience prouve que cette méthode a souvent des effets délétères et contreproductifs. 

Les Maldives ont fait valoir que les lois et les réglementations nationales adoptées démocratiquement doivent être défendues en permanence.  À leur échelle, la Constitution des Maldives, les actes judiciaires et les réglementations gérant les professions juridiques font partie d’un ensemble holistique permettant d’assurer l’indépendance des juges et des avocats. 

Le Qatar a souligné l’importance de la lutte contre la corruption, instrument essentiel pour protéger les droits fondamentaux.  Affirmant avoir réussi à atteindre des résultats notables dans ce domaine, il a souhaité connaître les solutions supplémentaires qu’avance le Rapporteur spécial pour la mise en œuvre de ses recommandations. 

Le Kenya a protesté « le plus fermement possible » quant à la manière dont ce dialogue est géré, jugeant impossible d’avoir un dialogue profond alors qu’il s’agit de « lutter en permanence contre le temps ».  Il a aussi exprimé son « profond regret » à l’égard de la déclaration faite par le Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats en lien avec les élections au Kenya et avec la situation de son système judiciaire.

Dans ses réponses, M. García-Sayán, Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats, est revenu sur le fait que la justice est victime de la corruption et du crime organisé, alors même qu’elle est l’outil dont disposent les sociétés pour affronter cette menace.  Il s’est dit d’accord sur le fait qu’il n’existe pas de modèle unique pour faire face au fléau de la corruption ni de modèle unique d’organisation de la justice.  Cependant, a-t-il ajouté, bien que l’organisation des systèmes judiciaires puisse prendre des formes différentes, il existe des idées de base qui, sur le fond, peuvent aider tous les États à la promotion de l’indépendance judiciaire.

En référence aux propos de la Colombie, le Rapporteur spécial a insisté sur l’importance de la participation de la société civile dans tous les processus de sélection des juges.  Pour lui, les comités qui désignent les juges doivent tenir compte des avis de la population.  Ce processus doit être transparent et des entretiens publics doivent être mis en place pour que toute la société connaisse les qualités et défauts des candidats.

Le Rapporteur spécial a également mentionné l’importance de la Convention des Nations Unies contre la corruption, estimant qu’elle ne se limite pas à déclarer des principes généraux mais comporte au contraire des obligations « très concrètes » sur la manière dont on peut améliorer la coopération entre les juges et les procureurs.  M. García-Sayán a dit avoir constaté que le niveau de prise de conscience des juges et des procureurs dans la majorité des pays n’était pas suffisamment lié aux obligations prévues dans la Convention.

Le Rapporteur spécial a également insisté sur la collaboration entre les procureurs au plan international, estimant qu’elle est en train de devenir une réalité et qui permettra d’échanger des éléments d’information entre différentes enquêtes dans différents pays, ce qui devrait profiter à l’avancement des enquêtes au niveau international.

M. IDRISS JAZAIRY, Rapporteur spécial sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme, présentant son troisième rapport en tant que titulaire de ce mandat, a rappelé que, dans sa résolution 71/193, l’Assemblée générale avait pris note de son précédent rapport, dans lequel il proposait une série de mesures, parmi lesquelles l’établissement d’un registre consolidé des mesures coercitives unilatérales en vigueur, l’élaboration puis l’adoption par l’Assemblée générale d’une déclaration sur les mesures coercitives unilatérales et l’état de droit ou encore la création d’une commission ad hoc de compensation pour les victimes de ces mesures. 

Le rapport de cette année porte sur l’extraterritorialité en relation avec les sanctions unilatérales, a expliqué M. Jazairy, et ce, suite à la demande exprimée par le Conseil des droits de l’homme dans sa résolution 34/13, qui l’invitait à promouvoir la responsabilité et les réparations dans le domaine des mesures coercitives unilatérales.

Sur ce point, le Rapporteur spécial a tenu à faire la différence, d’un point de vue légal, entre la question de l’extraterritorialité des sanctions en termes d’application extraterritoriale de mesures adoptées par un État et la question de l’extraterritorialité des obligations relatives aux droits de l’homme, laquelle se réfère à l’extension des obligations extraterritoriales des États émetteurs de sanctions. 

Sur le premier point, il est généralement entendu que l’extraterritorialité des sanctions prises par un État est illégale au regard du droit international, a affirmé M. Jazairy, qui a expliqué que seules les mesures prises au titre du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies par le Conseil de sécurité sont légales et s’imposent à tous les États.  Cette compréhension est reflétée dans diverses résolutions des Nations Unies et a été reprise par une vaste majorité d’États et d’organisations régionales, comme l’Union européenne avec son Blocking status de 1996 qui portait sur la protection contre les effets de l’application extraterritoriale d’une législation adoptée par un pays tiers.

De toute évidence, a poursuivi le Rapporteur spécial, en plus d’être illégales, les sanctions unilatérales ont le potentiel d’affecter le droit au développement des pays ciblés.  Les effets extraterritoriaux accroissent ce potentiel néfaste et peuvent par exemple porter atteinte aux capacités de l’État visé ayant accès aux marchés internationaux pour, y compris à, lever des fonds.  Cela dit, ces effets peuvent être évités si, par exemple, un pays tiers refuse d’appliquer les sanctions décidées par un autre pays, a déclaré le Rapporteur spécial, indiquant que, du coup, il faudrait étudier les moyens de protéger cet État tiers des représailles de l’État émetteur de sanctions.  C’est pourquoi, compte tenu de toutes ces questions et de leurs imbrications juridiques, M. Jazairy recommande dans son rapport que la Commission du droit international reprenne son travail sur la juridiction extraterritoriale, qu’elle avait lancée en 2006.

Le rapport contient également un bilan des différents régimes de sanctions affectant certains pays, notamment le Bélarus, Cuba, la République populaire démocratique de Corée, la République islamique d’Iran, l’État de Palestine et la bande de Gaza, le Myanmar, le Yémen, le Qatar, la Fédération de Russie, le Soudan et le Venezuela, a encore fait observer M. Jazairy.  Le Rapporteur spécial s’est par ailleurs félicité que le Gouvernement des États-Unis ait supprimé, dans les derniers jours du mandat du Président Barack Obama, les sanctions qu’il faisait peser sur le Soudan depuis 20 ans.  Mais il s’est dit inquiet de l’élargissement des sanctions à l’encontre de la Fédération de Russie et des conséquences sur son économie.

Lors du dialogue avec M. Jazairy, Rapporteur spécial sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme, le Venezuela, au nom du Mouvement des pays non alignés, a fait part de la satisfaction du Mouvement face au rapport, estimant qu’il mettait bien en exergue les mesures à mettre en œuvre pour réduire les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme.  Ces dernières peuvent saper la Charte des Nations Unies, du droit international et des droits de l’homme, estime le Mouvement, qui est préoccupé par l’imposition de ces mesures qui font obstacle au bien-être des populations. 

L’Égypte s’est elle aussi déclarée en plein accord avec le Rapporteur spécial, constatant que les mesures coercitives unilatérales ont des effets négatifs dans de nombreux domaines, à commencer par les droits de l’homme.  L’Afrique du Sud s’est prononcée pour une réévaluation permanente du recours trop fréquent par certains États aux mesures coercitives unilatérales.  Elle a également dénoncé la motivation politique de ces mesures et s’est interrogée sur le rôle joué par les entreprises dans le contexte des dispositifs de sanctions.  L’Algérie a estimé que les législations et mesures nationales visant à dissuader des pays tiers par la force doivent être condamnées car elles constituent des actes illicites au regard du droit international.  Elle a également souhaité que les États tiennent compte de la responsabilisation des uns par rapport aux autres, avec l’appui d’instruments internationaux contraignants.  Dans ce contexte, elle a souhaité savoir comment l’Assemblée générale pouvait progresser sur ce point dans le cadre de la promotion et de la protection des droits de l’homme.

En revanche, les États-Unis ont déclaré « rejeter catégoriquement » la base qui sous-entend le mandat sur l’utilisation des mesures coercitives unilatérales et ont affirmé que ce type de mesures ne viole aucunement les droits fondamentaux.  Malheureusement, ont-ils déploré, certains coupables de violations des droits de l’homme accusent ces sanctions d’en être à l’origine et essaient de dévier l’attention de la communauté internationale pour légitimer leurs actions.  Les États-Unis espèrent que le Rapporteur spécial condamnera les actions menées par des États comme la Russie, la République populaire démocratique de Corée et le Venezuela, qui constituent une menace pour la paix et la sécurité.  Ils affirment que les mesures coercitives unilatérales qu’ils ont prises sont « appropriées, efficaces et légitimes », et « respectent pleinement » le droit international et la Charte de l’ONU.

Le Soudan a estimé que les mesures coercitives unilatérales représentaient une « question de vie ou de mort » pour le monde en développement et en particulier pour les pays les moins avancés.  Soulignant l’impact négatif des sanctions internationales, il a remercié l’Administration américaine pour la levée « louable et attendue » de ses mesures unilatérales.  

Cuba a rappelé qu’en tant que pays soumis depuis des décennies à un blocus économique et financier, il connaissait les dommages provoqués par les mesures coercitives unilatérales.  Cuba s’oppose à ces mesures « particulièrement contraires » au droit international, à la Charte de l’ONU et aux normes qui régissent les relations entre les États.  Notant que ces mesures font aussi obstacles au développement économique et social et au plein exercice des droits de l’homme, Cuba a souhaité connaître l’avis du Rapporteur spécial sur les mesures que pourraient prendre l’Assemblée générale et le Conseil des droits de l’homme en la matière.

La Fédération de Russie estime que les sanctions sont un des instruments les plus puissants dont la communauté internationale dispose pour régler des situations de crise.  Toutefois, a-t-elle relevé, bien que le Conseil de sécurité soit le seul organe des Nations Unies à disposer de prérogatives en la matière, des mesures sont prises pour le contourner, ce qui « torpille » les efforts de la communauté internationale et viole le droit international et les droits de l’homme.  Pour la Fédération de Russie, il ne faut pas laisser les sanctions devenir des mesures punitives à l’égard des peuples, comme c’est le cas en Crimée.  Selon elle, cette utilisation des sanctions pour résoudre des questions politiques est une « voie sans issue ».

L’Arabie saoudite a déclaré qu’en ce qui concerne l’État de Palestine, elle condamnait toute forme d’occupation israélienne et appelait la communauté internationale à condamner ces agissements contraires au droit international.  Elle s’est par ailleurs prononcée en faveur de toute sanction ou mesure qui permettrait de contrer les « agissements hostiles » de l’Iran, notamment au Yémen.  La République islamique d’Iran a répliqué en dénonçant la « déclaration infondée » de l’Arabie saoudite, laquelle impose des mesures coercitives unilatérales au Yémen.  Ces mesures violent le droit international et le droit coutumier et ont des effets négatifs pour l’exercice des droits de l’homme des populations civiles, estime la République islamique d’Iran.  En tant que pays ciblé par des sanctions, la République islamique d’Iran est préoccupée par les effets de ces mesures sur le droit au développement et souhaite savoir quel rôle pourrait jouer l’Assemblée générale à l’avenir pour faire cesser ces « actes illicites ».  Elle a aussi demandé à connaître les voies de recours et d’indemnisation financière prévues pour les victimes.

Les Émirats arabes unis ont regretté que le Rapporteur spécial ne reconnaisse pas qu’il n’a pas été en mesure d’évaluer les impacts négatifs des sanctions imposées au Qatar par une coalition d’États du Golfe.  Ils constatent que le rapport fait une « évaluation hypothétique » de la question, sans prendre en compte les mesures prises pour améliorer le bien-être des populations, notamment en faisant reculer le terrorisme.  Le Qatar a, pour sa part, fait savoir qu’il subissait des mesures coercitives unilatérales telles la fermeture de l’espace aérien et le blocage des ports, appliquées sous des « prétextes fallacieux ».  Dans ces conditions, le Qatar a invité le Rapporteur spécial à mesurer l’impact de ces mesures sur l’ensemble des couches de sa population, tout en attirant l’attention sur le fait qu’il a pris des mesures pour garantir le respect des besoins de ses ressortissants et des ressortissants étrangers.  Bahreïn a estimé que les mesures prises à l’encontre du Qatar ne constituaient pas un blocus, ajoutant que Bahreïn avait fait usage de ses droits souverains pour contrer l’appui apporté par le Qatar au terrorisme.  Bahreïn a cependant tenu à réaffirmer son respect du peuple du Qatar, lequel est une « extension » du peuple du Royaume.

La République populaire démocratique de Corée (RPDC) a déclaré maintenir sa position de principe contre les mesures économiques imposées à des États souverains.  Elle a rappelé qu’elle se voyait imposer de telles mesures économiques unilatérales depuis 70 ans, ce qui a provoqué un « nombre incalculable » de pertes de vies humaines.  Soulignant le fait que les sanctions unilatérales se fondent sur le principe du « deux poids, deux mesures » et affirmant qu’elles constituent un « génocide » à l’encontre du peuple nord-coréen, la RPDC a appelé à la levée immédiate de ces sanctions « inhumaines et immorales ». 

La République arabe syrienne a salué un rapport « ambitieux » et a réitéré son opposition à l’usage de mesures unilatérales coercitives comme mesures d’ingérence dans les affaires d’autres pays.  Évoquant la crise humanitaire au Yémen, elle a qualifié de « paradoxe » le fait que les mesures prises par le « régime saoudien » aient visé des pays voisins, y compris le Qatar, alors qu’ils sont partenaires dans le « bain de sang » perpétré au Yémen et en Syrie.  Saluant le fait que l’Union européenne a approuvé la levée du blocus imposé aux Palestiniens de la bande de Gaza, la République arabe syrienne a souhaité savoir ce qui était prévu pour la levée des blocus visant son territoire et ceux de la RPDC et du Venezuela.

Dans ses réponses, M. Jazairy, Rapporteur spécial sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme, a insisté sur la difficulté de son mandat, qui est « très sensible sur le plan politique » et s’est félicité de la proposition qui consiste à mettre en place un registre aux Nations Unies concernant les mesures coercitives unilatérales.  En attendant que ces dernières soient éliminées, a-t-il expliqué, il faut au moins rassembler les propositions essentielles obligatoires en la matière.

Il a ensuite défendu son mandat, notamment face aux États-Unis qui le rejettent, expliquant qu’il était « innocent » et que ce n’était pas lui qui avait établi les conditions de ce mandat pour lequel il avait été élu, mais l’Assemblée générale.  Il a insisté sur le fait qu’il ne défendait personne, qu’il ne prenait pas partie et que tout ce qui l’intéressait était de réduire au minimum les souffrances ayant un impact sur les droits de l’homme.  « Je ne préjuge de rien, ni de qui a tort, ni de qui a raison, je ne cherche qu’à régler les problèmes tout en réduisant les effets négatifs pour les groupes les plus vulnérables » s’est-il défendu.  Et d’ajouter que, s’il se contentait de ne pas faire de propositions, il n’aurait pas accompli sa tâche. 

De même, dans le cas de l’Ukraine et de la Crimée, le Rapporteur spécial a dit respecter la résolution de l’Assemblée générale sur la Crimée.  Il s’est dit partisan d’une « diplomatie tranquille », ajoutant: « Je veux que les gens se parlent ».  M. Jazairy a expliqué que tout ce qui l’intéressait était que les pays trouvent un compromis à leurs différends, insistant sur l’importance de continuer le processus de négociations entre parties en parallèle au processus de sanction.  Beaucoup de cas peuvent être résolus en essayant de répondre aux sensibilités des uns et des autres afin de combler les écarts entre les différentes positions, a-t-il estimé, tout en déplorant que l’on parle « depuis 20 ans » de certaines situations sans voir de progrès.

Le Rapporteur spécial a estimé que l’on était actuellement « à un moment charnière ».  Certains grands pays se posent des questions, a-t-il noté.  Citant en exemple l’échange de sanctions réciproques entre l’Union européenne et la Fédération de Russie, il a estimé qu’en trois ans la Fédération de Russie avait « perdu 55 milliards de dollars et le secteur agricole de l’Union européenne 100 milliards », ce qui, a-t-il insisté « n’a aucun sens ».  Pour M. Jazairy, « soit nous sommes à l’aube d’un monde où les grandes puissances adopteront en permanence la loi du talion », ce qui va « engendrer des catastrophes », « soit on choisit la voie du Soudan ».  Le Rapporteur spécial a cité à plusieurs reprises la levée des sanctions américaines à l’encontre du Soudan, qualifiant le processus qui avait permis d’y parvenir à « tour de force ».

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