En cours au Siège de l'ONU

Soixante-douzième session , 
21e & 22e séances – matin & après-midi       
AG/SHC/4206

Troisième Commission: le droit au développement et sa délicate mise en œuvre au cœur du débat sur les droits de l’homme

La Troisième Commission a poursuivi, aujourd’hui, l’examen de son point consacré à la promotion et à la protection des droits de l’homme en dialoguant, parfois de manière houleuse, avec plusieurs titulaires de procédures spéciales et experts indépendants sur des questions liées à la participation et à l’autonomisation des individus et des peuples, à commencer par le droit au développement.

Objet de controverse récurrent entre les États occidentaux et les pays en développement, le droit au développement a dominé des échanges marqués notamment par les interventions de MM. Saad Alfarargi, Rapporteur spécial sur le droit au développement, Zamir Akram, Président-Rapporteur du Groupe de travail sur le droit au développement, et Alfred-Maurice de Zayas, Expert indépendant sur la promotion d’un ordre international démocratique et équitable.

Plus de 30 ans après l’adoption de la Déclaration sur le droit au développement, et bien qu’il soit reconnu dans la Déclaration et le Programme d’action d’Addis-Abeba, le Cadre de Sendaï pour la réduction des risques de catastrophe et dans l’Accord de Paris sur les changements climatiques, ce droit n’est toujours pas universellement reconnu et reste loin d’être mis en œuvre, a constaté M. Alfarargi.  Or, la réalité affrontée par des milliards de personnes montre l’urgence de revigorer le plaidoyer pour sa mise en œuvre, a-t-il estimé.    

En conformité avec la résolution 36/21 du Conseil des droits de l’homme adoptée en septembre dernier, le Rapporteur spécial s’est dit prêt à engager avec les États et organisations régionales un dialogue pour parvenir à l’objectif souhaité, affirmant travailler déjà dans ce sens avec le Groupe de travail sur le droit au développement. 

Dépassant le strict cadre de son rapport, M. Akram a précisé avoir tenu des consultations informelles durant la récente session du Conseil des droits de l’homme afin de faire progresser l’élaboration de critères et de normes pour la mise en œuvre du droit au développement.  Un droit ardemment soutenu par le Mouvement des pays non alignés mais pour lequel des États continuent d’exprimer des réserves, a-t-il reconnu.  

C’est ainsi que, tout en affirmant soutenir le droit au développement, l’Union européenne a souhaité que soient d’abord réunies des conditions favorables à sa réalisation, notamment la jouissance par tous de l’ensemble des droits civils et politiques.  Compte tenu des divergences internationales, elle a également jugé inopportune la création d’un instrument juridiquement contraignant, que demande en revanche l’Afrique du Sud.  Devant cette impasse, le Maroc a, quant à lui, plaidé pour une évaluation complète de la mise en œuvre du droit au développement, tandis que l’Érythrée jugeait que ce droit passe aussi par une levée des mesures coercitives unilatérales frappant les pays en développement.

Mentionné par la responsable des affaires intergouvernementales à la section des programmes d’appui et plaidoyer au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, Mme Hui Lu, le rapport du Secrétaire général sur le droit au développement avance des pistes pour dépasser les clivages actuels.  Il contient des recommandations relatives notamment au changement de l’ordre financier mondial, à l’élaboration de politiques économiques de développement ou encore à la création d’un environnement favorable, par le biais de la coopération internationale, et des modifications des règles commerciales et d’investissements.

À cet égard, M. de Zayas a présenté un rapport très critique à l’égard des institutions financières de Bretton Woods, dans lequel il appelle notamment le Fonds monétaire international à cesser de donner indûment la priorité à la croissance économique plutôt qu’à toutes autres considérations, parmi lesquelles les droits de l’homme et l’environnement, regrettant qu’il continue d’appuyer le « fondamentalisme de marché ».

Plusieurs autres rapports ont été présentés aujourd’hui à la Troisième Commission, notamment celui de M. Obiora Okafor, Expert indépendant sur les droits de l’homme et la solidarité internationale, qui inclut un projet de déclaration sur le droit à la solidarité internationale, dans la perspective de la réalisation de l’objectif 17 de développement durable, relatif aux partenariats.  Pour sa part, M. Surya Deva, Président du Groupe de travail sur la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises, a fait le point sur le troisième pilier des Principes directeurs des Nations Unies sur les entreprises et les droits de l’homme, lequel prévoit des voies de recours de réparations pour les victimes d’abus des droits de l’homme commis par des entreprises.

En ouvrant ce débat, M. Taye-Brook Zerihoun, Sous-Secrétaire général aux affaires politiques, avait de son côté tiré un bilan positif de l’assistance électorale fournie par les Nations Unies à ses États Membres.

Enfin, et bien que son rapport n’ait pas été cité par les procédures spéciales ni les membres du Secrétariat, l’Égypte a, par deux fois, –au nom d’un groupe multirégional puis en celui du Groupe des États d’Afrique– dénoncé l’Expert indépendant du Conseil des droits de l’homme sur la protection contre la violence et la discrimination fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre.  Son représentant a fustigé la création du mandat par un « vote marginal » sur une « notion controversée », insistant sur le respect des sensibilités des « 1,4 milliard de musulmans dans le monde ».

Demain, mercredi 18 octobre, la Troisième Commission poursuivra, à partir de 10 heures, son dialogue au titre de la protection et la promotion des droits de l’homme avec les rapporteurs spéciaux, les représentants spéciaux et les experts indépendants.

PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME (A/72/40 ET A/C.3/72/9 (à paraître))

Questions relatives aux droits de l’homme, y compris les divers moyens de mieux assurer l’exercice effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales

Situations relatives aux droits de l’homme et rapports des rapporteurs et représentants spéciaux

Déclarations liminaires, suivies d’une séance de questions

M. TAYÉ-BROOK ZERIHOUN, Sous-Secrétaire général aux affaires politiques, a présenté le rapport du Secrétaire général sur l’« Affermissement du rôle de l’Organisation des Nations Unies aux fins du renforcement de l’efficacité du principe d’élections périodiques et honnêtes et de l’action en faveur de la démocratisation » (A/72/260), en expliquant que celui-ci examine les évolutions intervenues dans le domaine des élections et de l’assistance électorale fournie par les Nations Unies à ses États Membres.

Une telle assistance a été apportée à environ un tiers des États Membres, à leur demande, ou sur la base d’un mandat du Conseil de sécurité, a expliqué M. Zerihoun.  Elle se traduit essentiellement par l’élaboration de programmes de renforcement des capacités nationales, conduits par le Département des affaires politiques (DPA), le Départements des opérations de maintien de la paix (DPKO), les missions des Nations Unies sur le terrain, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) mais également par d’autres partenaires des Nations Unies.

Le rapport, qui couvre les deux dernières années, montre donc que des progrès ont été faits et continuent d’être faits.  Le cadre politique intérieur des Nations Unies a été élargi, notamment avec un nombre croissant d’experts.  Une attention a été portée aux agences spécialisées et autres fonds et programmes des Nations Unies afin qu’ils soient à même de sélectionner des candidats qualifiés à ces postes.  Des succès ont également été obtenus en matière d’assistance technique et de renforcement des capacités nationales, notamment avec des activités menées en coopération avec la Ligue des États arabes, l’Organisation de la coopération islamique (OCI) et avec le secrétariat de la Communauté des Caraïbes (CARICOM).  La Division de l’assistance électorale du Département des affaires politiques a également maintenu le poste d’expert électoral senior des Nations Unies pour soutenir l’Union africaine dans les questions électorales, y compris la gestion de crises, a-t-il poursuivi. 

En ce qui concerne la participation et la représentation des femmes dans les processus électoraux, le pourcentage moyen de femmes élues dans les chambres parlementaires a doublé depuis 1997, passant ainsi de 12,4% à 23% en 2017.  M. Zerihoun a jugé ce résultat encourageant, mais fait observer qu’on reste loin des objectifs d’égalité entre les genres inscrits dans la Déclaration et le Programme d’action de Beijing.  Pour le Sous-Secrétaire général, aider les États à parvenir à une meilleure représentation des femmes dans les processus de prises de décisions doit rester un objectif de l’Organisation.  

Une autre priorité sur laquelle les Nations Unies doivent rester concentrées est la prévention des conflits dans les contextes électoraux, a poursuivi M. Zerihoun.  Les activités de l’Organisation peuvent être tournées autour du processus de conciliation ou de transition.  Elles doivent aussi s’attaquer aux causes profondes et structurelles des conflits, exclure la violence, garantir la participation de l’opposition et des groupes marginalisés, souligner la responsabilité des acteurs politiques et les engager dans des comportements constructifs ou encore aider à l’adoption de règles électorales acceptées par tous, a encore indiqué le Sous-Secrétaire général aux affaires politiques.

Mme HUI LU, responsable des affaires intergouvernementales à la Section des programmes d’appui et plaidoyer au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, a présenté une série de 15 rapports du Secrétaire général, en se concentrant sur quelques-uns.

Mme Hui a ainsi mentionné le rapport sur « La mondialisation et ses effets sur la pleine jouissance de tous les droits de l’homme » (A/72/132), qui résume les points de vues des Gouvernements de l ‘Algérie, de l’Argentine, de l’Iraq, de Madagascar, du Maroc, des Philippines, du Portugal, du Sénégal et de la Serbie sur des préoccupations et les sujets d’intérêts communs, notamment les migrations, les activités des entreprises transnationales et autres entreprises, la corruption ou  la bonne gouvernance et les objectifs du développement durable.  Le rapport conclut que la mondialisation est un processus multifacette qui a des effets positifs et négatifs sur les droits de l’homme.  Il contient une série de recommandations sur la manière de gérer les effets de la mondialisation sur la pleine jouissance des droits de l’homme. 

Mme Hui a aussi mentionné le « Rapport du Secrétaire général sur le droit au développement » (A/72/201), qui vient consolider un rapport présenté devant le Conseil des droits de l’homme en septembre dernier.  Il présente les vues du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et les récentes activités menées par lui sur la question du droit au développement, en plus d’analyser les effets de sa mise en œuvre au plan international.  Afin de résoudre les problèmes posés par cette question, le rapport contient des recommandations relatives notamment au changement de l’ordre financier mondial, à l’élaboration de politiques économiques de développement ou encore à la création d’un environnement favorable au droit au développement, par le biais de la coopération internationale et des changements dans les règles commerciales et d’investissements, entre autres. 

Un autre des autres rapports présentés porte sur « La sécurité des journalistes et la question de l’impunité » (A/72/290).  Il est axé sur la sécurité des journalistes femmes, compte tenu des risques particuliers qu’elles courent dans l’exercice de leur métier.  Le rapport suggère plusieurs mesures visant à renforcer leur sécurité et à lutter contre l’impunité pour les faits qui les touchent.  À cet égard, Mme Hui a indiqué qu’en juin dernier des consultations entre différents acteurs sur ce thème avaient été organisées par l’UNESCO et le Haut-Commissariat.  Un document final a été publié après ces consultations.

Mme Hui a également présenté des rapports portant notamment sur la « Lutte contre l’intolérance, les stéréotypes négatifs, la stigmatisation, la discrimination, l’incitation à la violence et la violence fondés sur la religion ou la conviction » (A/72/381), sur les « Droits de l’homme et diversité culturelle » (A/72/289), sur « Le rôle de l’ombudsman, du médiateur et des autres institutions nationales de défense des droits de l’homme dans la promotion et la protection des droits de l’homme » (A/72/230), sur la « Promotion effective de la Déclaration sur les droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques » (A/72/219) et un autre sur la « Protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste » (A/72/316), entre autres.   

Lors du dialogue interactif qui a suivi, l’Égypte, au nom d’un groupe multirégional, a déclaré que ces pays ne reconnaissaient pas le mandat de l’Expert indépendant du Conseil des droits de l’homme sur la protection contre la violence et la discrimination fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre.  Il a dénoncé la création du mandat par un « vote marginal » sur une « notion controversée ».  Le représentant a insisté sur l’importance du respect des sensibilités culturelles et historiques de tous les pays et des points de vue de chacun et notamment des « 1,4 milliard de musulmans dans le monde ».

S’exprimant ensuite du nom du Groupe des États d’Afrique, l’Égypte a tenu le même discours.  « Nous sommes univoques: nous ne reconnaissons pas le mandat de cette experte, son bureau ne jouit pas d’un consensus et a été établi avec une marge de vote très faible », a insisté l’Égypte.  Pour le Groupe des États d’Afrique, même si le Conseil des droits de l’homme a l’autorité pour créer des mandats de procédure spéciale, cette autorité ne doit pas aller au-delà du respect de la souveraineté des États.  Le Groupe des États d’Afrique appelle, lui aussi, au respect de la différence culturelle et des coutumes, religions et lois nationales.

L’Azerbaïdjan a affirmé que les informations du rapport du Secrétaire général sur la sécurité des journalistes et la question de l’impunité relatives au pays étaient inexactes.  L’Azerbaïdjan reconnaît la liberté des médias et des journalistes mais aucun individu n’est au-dessus de la loi.  Quelles que soient les circonstances, personne n’est exempt de ses responsabilités.  Pour l’Azerbaïdjan, les allégations du rapport qui le concernent « ne sont pas basées sur des faits et ne sont donc pas valides ».

Mme Liu, responsable des affaires intergouvernementales à la Section des programmes d’appui et plaidoyer au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, a dit avoir pris bonne note de la remarque de la délégation de l’Azerbaïdjan.  Elle a ajouté qu’elle allait y réfléchir et y revenir ultérieurement. 

Déclarations liminaires, suivies d’un dialogue interactif

M. OBIORA OKAFOR, Expert indépendant sur les droits de l’homme et la solidarité internationale, a présenté un rapport préparé par son prédécesseur, Mme Virginia Dandan, qui inclut un projet de déclaration sur le droit à la solidarité internationale, placé dans la perspective de la réalisation de l’objectif 17 de développement durable.  M. Okafor a expliqué avoir réalisé, grâce à ce mandat, la complémentarité des droits de l’homme et de la solidarité internationale.  C’est du reste sur cette « collaboration profonde » que s’était appuyée Mme Dandan dans la première phase des travaux du mandat, a-t-il rappelé.

La deuxième phase, a poursuivi l’Expert, lui a permis d’examiner en profondeur les normes fondamentales permettant de se concentrer sur le droit à la solidarité internationale, tandis que la troisième a consisté à consolider l’accès aux données pour que des consultations soient possibles et qu’une proposition de document puisse être lancée en vue d’une remise au Conseil des droits de l’homme.  M. Okafor a indiqué que le Conseil avait été saisi du document, fruit d’années de travail entre les États, la société civile et le milieu universitaire.  La phase suivante consistera à faire appliquer les dispositions du projet de déclaration aux travaux de mandat.

Revenant sur l’action de son prédécesseur, l’Expert indépendant a souligné que Mme Dandan avait aussi examiné l’applicabilité des normes en matière de droits de l’homme pour atteindre l’objectif 17 de développement durable, relatif aux partenariats, pour la réalisation des objectifs de développement durable.  Nous avons reconnu la nécessité d’un nouveau partenariat mondial pour aller vers davantage de solidarité, a insisté M. Okafor, qui a plaidé pour que ce partenariat se fasse en solidarité avec les plus pauvres et les plus vulnérables.  À cet égard, l’Expert indépendant a souligné l’importance de la solidarité préventive pour traiter les causes des inégalités et de la pauvreté dans les pays en développement, ajoutant qu’un bon partage des ressources constituait une clef pour le développement durable.

Comme le demande le projet de déclaration, il faut également que les objectifs financiers soient pris en considération et que les retombées du commerce soient mieux distribuées pour respecter les droits de l’homme, a poursuivi M. Okafor.  Le texte appelle en outre à davantage de cohérence politique, notamment pour s’assurer de la participation de toutes les parties prenantes, et se veut être une base pour les engagements internationaux, a encore précisé M. Okafor, qui a invité les États Membres à soutenir la proposition de déclaration et à créer un partenariat véritablement durable.  Avant de conclure, l’Expert a indiqué qu’il allait créer un groupe de négociations pour que le Conseil des droits de l’homme puisse adopter cette proposition de document. 

Lors du débat interactif avec l’Expert indépendant, le Venezuela, s’exprimant au nom du Mouvement des pays non alignés, a apporté le soutien du groupe au principe de solidarité dans les relations entre les nations, notamment sous la forme de la coopération Sud-Sud.  Le Mouvement des pays non alignés, qui se félicite de la réponse de la communauté internationale face aux pandémies et aux catastrophes naturelles, la considère comme un exemple qui doit être mis en avant.  Cuba a appuyé les propos du Venezuela et a salué la visite, en juillet dernier, de la précédente Experte indépendante sur le sujet, visite qualifiée de « positive ».

Le Qatar s’est déclaré convaincu que la coopération internationale doit fournir de l’assistance humanitaire au niveau local, mais également inclure des relations internationales, notamment commerciales, et la coexistence pacifique entre les États, tout en respectant la souveraineté de tous les États dans la réalisation des objectifs communs.

Le Maroc a dit partager l’avis de l’Expert indépendant: tous les droits de l’homme sont indivisibles et interdépendants.  Le Maroc, qui fonde sa politique internationale sur l’ouverture, la modération et le dialogue, exprime sa solidarité internationale par le biais de son action humanitaire, de sa coopération technique et de la coopération triangulaire ou Sud-Sud.  Le Maroc a demandé à M. Okafor quels moyens les États pouvaient mettre en œuvre en termes de solidarité préventive.

M. Okafor, Expert indépendant sur les droits de l’homme et la solidarité internationale, a dit n’avoir entendu qu’une seule réelle question, celle posée par le Maroc.  En réponse, il a expliqué qu’à ce jour, beaucoup d’exemples de ce type de solidarité avaient trait aux situations de catastrophe, notamment de catastrophes naturelles.  Souvent les États –même ceux qui n’ont pas subi directement de catastrophes– réagissent solidairement, font parvenir des ressources et des services de secours.  Toutefois, a poursuivi l’Expert indépendant, on peut imaginer une solidarité préventive allant au-delà des catastrophes et qui concernerait, par exemple, les effets des changements climatiques et les migrations. 

M. SURYA DEVA, Président du Groupe de travail sur la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises, a rappelé qu’en 2011, le Conseil des droits de l’homme avait unanimement adopté les Principes directeurs des Nations Unies sur les entreprises et les droits de l’homme, afin d’opérationnaliser le triptyque « protéger, respecter et réparer ».  En agissant ainsi, le Conseil des droits de l’homme créait la première norme internationale visant à prévenir et s’attaquer aux abus des droits de l’homme commis par les entreprises.  Ce document, formulé autour des trois piliers du triptyque, a servi de feuille de route pour les États et les entreprises afin de protéger les droits de l’homme et d’engager les entreprises à les respecter et à fournir des réparations en cas d’abus.  Le rapport présenté est axé sur le troisième pilier, à savoir la réparation et il cherche à connaître ce que signifie une réparation effective au sens de ces principes directeurs, a expliqué M. Deva.

M. Deva a expliqué que, depuis son précédent rapport, le Groupe de travail avait continué de recevoir des informations sur des abus des droits de l’homme en lien avec des entreprises.  Défenseurs des droits de l’homme, environnementalistes, travailleurs migrants, femmes, enfants, peuples autochtones et autres individus ont souffert des activités de ces entreprises et cette situation ne peut être ignorée. 

Le Groupe de travail se félicite cependant que des États aient pris des mesures pour améliorer leurs cadres normatifs sur la question des entreprises et des droits de l’homme.  Il a cité, en exemple, notamment l’Australie et le Royaume-Uni, qui ont respectivement lancé des enquêtes pour des allégations d’esclavage et adopté une loi contre l’esclavage en 2015.  À ces deux États s’ajoute une liste de 17 autres qui ont adopté des plans d’actions au cours des 12 derniers mois, dont la Belgique, le Chili, l’Italie, l’Espagne, la Suisse ou les États-Unis.  Le Groupe de travail salue ces progrès et se dit prêt à engager des consultations avec d’autres régions pour un échange des bonnes pratiques et des leçons tirées de l’expérience. 

M. Deva a fait observer que son rapport soulignait le besoin de réparations effectives, d’autant que le droit à la réparation est au cœur du droit international des droits de l’homme et une composante essentielle des principes directeurs des Nations Unies sur les droits de l’homme et les entreprises.  Le rapport établit ainsi un lien entre droit à la réparation et responsabilité des entreprises.  Il affirme aussi que les ayant droits doivent être au centre de tout le processus de réparation.  Ces dernières doivent tenir compte de l’expérience de chacune des victimes, être accessibles de manière adéquate et dans un délai raisonnable.  Les ayant droits, pour leur part, ne doivent pas avoir peur de se sentir victimes et doivent être capables de chercher et d’obtenir un « bouquet de réparations », dit également le rapport, entre autres points élaborés autour de cette question.

Lors du dialogue avec M. Deva, Président du Groupe de travail sur la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises, le Maroc a signalé les mesures mises en place par le pays, et notamment les campagnes de sensibilisation menées avec le patronat marocain pour « amener les entreprises à se soucier des droits de l’homme ».  À propos des moyens de recours et de réparation, le Maroc a demandé quelles bonnes pratiques pouvaient être mises en place par les entreprises et notamment les petites et moyennes entreprises, qui ont des moyens limités.

L’Afrique du Sud a insisté sur le lien entre protection des droits, d’un côté, et accès aux voies de recours et tolérance zéro pour l’impunité, de l’autre.  Le Gouvernement sud-africain a élaboré une norme dans le domaine du droit humanitaire et des droits de l’homme, mais estime qu’il est difficile d’assurer la responsabilité des entreprises transnationales sans bonne mise en œuvre des mesures de réparations.  L’Afrique du Sud souhaiterait des informations sur les mesures à prendre pour lutter contre l’impunité.

Cuba a insisté sur l’importance de traduire en justice les entreprises responsables de violation des droits de l’homme et a demandé comment le Groupe de travail concevait la consolidation des efforts internationaux en ce qui concerne les mécanismes de réparation pour les victimes de violations des droits de l’homme, notamment pour les entreprises étrangères.  Cuba aimerait connaître les suggestions du Groupe de travail pour faire face aux situations dans lesquelles des organes de règlement des différends tranchent en faveur des investisseurs et au détriment de l’État et de ses populations.

Les États-Unis ont dit soutenir les droits des entreprises privées à faire des affaires mais également soutenir la lutte contre les abus tels que la main-d’œuvre forcée.  Le rôle des recours nationaux est essentiel et de multiples recours doivent être mis à la disposition des détenteurs de droits.  Les États-Unis encouragent les entreprises à mettre au point des mesures pour créer des mécanismes de contact entre toutes les parties prenantes.

L’Union européenne s’est félicitée que le Groupe de travail se concentre sur la question des voies de recours, mais a insisté sur le fait qu’il fallait que ceux qui détiennent des droits puissent accéder à ces mécanismes de recours.  L’Union européenne demande donc des précisions sur les mesures pratiques à mettre en place pour garantir aux individus et communautés l’exercice effectif de leurs droits et l’accès aux voies de recours.  Elle souhaite également savoir ce que peut faire la société civile pour s’attaquer au déséquilibre actuel vis-à-vis des entreprises. 

La Chambre de commerce Internationale (CCI) a expliqué que le respect et la promotion des droits de l’homme étaient une priorité pour elle et qu’elle était engagée, avec ses six millions de membres, sur cette question importante.  La CCI pense qu’il n’existe pas de panacée mais se dit convaincue que les États jouent un rôle clef quand il s’agit des entreprises.

Le Mexique a expliqué avoir publié un programme sur les droits de l’homme dont la loi afférente sera bientôt promulguée.  Ce programme envisage la mise en place d’activités pour diffuser les mécanismes de recours, mais aussi la mise en place de mécanismes efficaces et accessibles.  Le Mexique a demandé quelles pratiques optimales pouvaient être identifiées pour le développement de recours face aux violations des droits de l’homme en matière de coopération entre les États.  Il a également demandé quelles mesures d’arbitrage en matière commerciale et d’investissement pouvaient permettre la réparation réelle des violations.

La Suisse s’est inquiétée des multiples menaces et attaques auxquelles sont soumis les défenseurs des droits de l’homme et qui « réduisent l’espace civique et la liberté d’expression ».  Elle a également appelé à renforcer le rôle du secteur privé dans le soutien aux droits de l’homme.  La Suisse soutient l’appel lancé pour que les droits de l’homme soient placés au centre de la contribution du secteur privé pour le développement durable.  La Suisse a pour sa part publié, en 2016, un plan d’action national qui comprend 50 mesures pour que les entreprises basées en Suisse respectent les droits de l’homme, sur le territoire du pays comme à l’étranger.

La Norvège a demandé à ce que le Président précise comment les titulaires de droits peuvent être consultés, en particulier dans des mécanismes non judiciaires.

Le Royaume-Uni a soutenu les travaux du Groupe du travail et réaffirmé l’importance de l’application des trois piliers des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme.  Notant que le succès de ces Principes directeurs dépend d’une approche commune par les multiples parties prenantes, il a estimé que l’accent devait être mis sur la prévention.

L’Espagne a estimé que le rapport du Groupe de travail représentait une référence au moment où se développe le troisième pilier dans les plans d’action nationaux.  Conformément au rapport présenté, le plan national espagnol souligne le rôle des défenseurs des droits de l’homme en lien avec les voies de recours et de réparations.  Observant que le rapport pose la question des attentes « peu raisonnables » de titulaires de droits en matière de réparations, elle a demandé au Président du Groupe de travail de développer cette question. 

La Fédération de Russie a jugé essentiel qu’un accès efficace aux voies de recours et de réparations soit offert aux titulaires de droits, quel que soit leur groupe.  S’agissant des violations commises par des entreprises, elle a estimé que le Groupe de travail devait se baser sur la victimisation des titulaires de droits.  Elle a toutefois noté que des titulaires de droits se retrouvaient victimes de certains groupes et a jugé que la question des défenseurs des droits n’était pas du ressort du Groupe de travail. 

Le Cameroun a fait valoir que les droits de l’homme et les droits économiques, sociaux et culturels devaient être traités sur un pied d’égalité.  Soulignant le rôle que peut jouer le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme pour contribuer à une meilleure connaissance des voies de recours, il a souhaité savoir ce que recommande le Groupe de travail pour accroître la responsabilité sociale des entreprises.

La Colombie a déclaré défendre une nouvelle culture des entreprises, respectueuse des droits de l’homme, et a souhaité la voir diffusée à toutes les strates de la société.  Rappelant avoir adopté, en 2015, un plan national d’action sur les droits de l’homme et les entreprises, la Colombie a jugé que la priorité, en termes d’accès aux voies de recours et de réparations, devrait être donnée aux secteurs de l’industrie agricole, de l’énergie minière et des infrastructures car ils présentent des risques plus élevés.  Elle a enfin indiqué que, dans la phase de reconstruction que traverse le pays, elle considère la participation de tous comme essentielle pour la mécanique des droits de l’homme et l’édification de la paix.

Dans sa réponse au Maroc, M. Deva, Président du Groupe de travail sur la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises, a estimé que toutes les situations ne pouvaient être identiques, tout en faisant observer qu’il existe souvent des liens entre les petites et moyennes entreprises et les grands groupes multinationaux, ce qui pose la question de la responsabilité des petites entreprises comme des grands groupes.

Le Président du Groupe de travail a en outre estimé que les Principes directeurs, quelle que soit leur dureté, devaient être mis en œuvre.  Pour que l’impunité soit combattue, il faut que les États Membres respectent leurs engagements.  Le rapport évoque de bonnes pratiques dans des contextes transnationaux, où des problèmes se font jour dans plusieurs pays.  

M. Deva a indiqué que le Forum de cette année se concentrerait sur les questions relatives à l’efficacité des voies de recours et aux réparations des titulaires de droits et a souhaité qu’un consensus se dégage pour apporter des améliorations.  Il a également souhaité que des orientations supplémentaires soient données aux entreprises, notamment lorsqu’il est question de sexospécificité.  Il a ajouté que son groupe de travail explorait la possibilité d’établir un réseau mondial d’avocats de défenseurs des droits et comptait agir dans ce sens lors du Forum.   

En réponse à Cuba, qui soulignait l’utilité des cadres mondiaux et régionaux pour traiter la question des voies de recours et de réparations, M. Deva a reconnu que certaines violations nationales par nature nécessitaient néanmoins une réaction internationale.

Évoquant par ailleurs les interrogations sur le rôle des victimes, le Président a indiqué que le Groupe de travail avait lancé un nouveau projet, sur l’accès aux recours et réparations dans les accords et investissements bilatéraux.  Il faut, selon lui, que les victimes puissent poursuivre en justice les investisseurs sans craindre des retombées négatives.

Face aux déséquilibres auxquels font face les titulaires de droits, M. Deva a estimé qu’ils devaient être pris à bras le corps par les organismes pertinents de l’ONU, à commencer par le déséquilibre linguistique.  Il a aussi encouragé l’Union européenne à prendre en considération les recommandations du rapport et à les mettre en œuvre.   

Sur la question des pratiques optimales identifiées pour le développement de recours en matière de coopération entre les États, M. Deva a renvoyé aux expériences des autres États.  Quant au recours à une cour d’arbitrage, il a souhaité que non seulement les investisseurs mais aussi les communautés touchées y aient accès.  

S’agissant de la consultation des titulaires de droits dans des mécanismes extrajudiciaires évoquée par la Norvège, M. Deva s’est prononcé en faveur d’études d’impact pour mesurer les éventuels préjudices que porterait une telle réforme aux personnes cherchant des voies de recours et de réparations.  Sur les voies de recours préventives, il a réaffirmé que la voie de recours constituait un « prisme » et qu’il existe une relation particulière entre les piliers 1, 2 et 3 des Principes directeurs.

À la Russie, M. Deva a répondu que la protection des défenseurs des droits de l’homme faisait effectivement partie de son mandat.  Il a toutefois indiqué que son groupe de travail n’en avait pas le monopole et qu’il existait un rapporteur spécial sur les défenseurs des droits de l’homme chargé, lui aussi, de se pencher  sur cette question.

À l’Espagne, il a confirmé que certains titulaires de droits avaient des attentes excessives mais il a jugé qu’il fallait trouver un équilibre entre les attentes objectives et subjectives. 

Enfin, répondant au Cameroun, M. Deva a précisé que son groupe de travail avait adressé des recommandations au Haut-Commissariat, notamment sur les questions des comptes à rendre, et collaborait étroitement avec le Conseil des droits de l’homme.  Dans ce cadre, a-t-il dit, le Groupe de travail fait tout son possible pour sensibiliser chacun à l’importance des Principes directeurs.    

Déclarations liminaires, suivies d’une séance de questions

M. ZAMIR AKRAM, Président-Rapporteur du Groupe de travail sur le droit au développement, a présenté le rapport de la dix-huitième session du Groupe de travail sur le droit au développement, qui s’est réuni du 3 au 7 avril 2017 à Genève.  Les États ont été invités à présenter volontairement des informations sur leurs efforts, bonnes pratiques et défis dans leur mise en œuvre des objectifs de développement durable, a-t-il expliqué.  Mentionnant l’Indonésie qui « a mené cette initiative », il a déclaré attendre avec impatience la participation d’autres États Membres.

Rappelant le projet présenté par le Mouvement des pays non alignés pour la mise en œuvre et la réalisation du droit au développement, M. Akram a expliqué que, si certains pays avaient soutenu cette initiative comme base de négociation pour l’avenir, d’autres avaient exprimé des réserves.  Il a ajouté qu’il avait tenu des consultations informelles durant la récente session du Conseil des droits de l’homme, afin de faire progresser l’élaboration de critères et de normes de mise en œuvre du droit au développement avant la prochaine session du Groupe de travail, l’an prochain.

Le Président-Rapporteur a fait observer que le Conseil des droits de l’homme, auquel il avait présenté son rapport, avait approuvé les recommandations du Groupe de travail en septembre par sa résolution 36/9.  Pour lui, le Conseil a ainsi encouragé les États Membres à s’engager dans des discussions constructives pour la pleine mise en œuvre de la Déclaration sur le droit au développement, reconnu le besoin de perspectives indépendantes et de conseil d’experts afin de renforcer le travail du Groupe de travail, et encouragé les organes des Nations Unies à considérer le droit au développement dans leur mise en œuvre du Programme 2030.

Malgré le travail effectué par le Groupe, des différences entre États Membres persistent sur le droit au développement, a néanmoins reconnu M. Akram.  Ainsi lors de la dernière session, un État s’est dissocié du travail du Groupe.  Le consensus que représentent les objectifs de développement durable devrait permettre de résoudre les différences de point de vue autour du droit au développement, a néanmoins estimé M. Akram en conclusion. 

Lors du débat interactif, le Venezuela, s’exprimant au nom du Mouvement des pays non alignés, a rappelé tous les documents internationaux et forums mondiaux qui reconnaissent et promeuvent le droit au développement, avant d’indiquer la disponibilité des États membres du Mouvement à faciliter les progrès en vue de la mise en œuvre du droit au développement.  Le Pakistan a déclaré attendre de la prochaine conférence sur le financement du développement, qui aura lieu le mois prochain à Doha au Qatar, qu’elle permette de voir comment mettre en œuvre le droit au développement. 

La République islamique d’Iran a également dit attendre de la communauté internationale, et en particulier du Conseil des droits de l’homme et de l’Assemblée générale, qu’elle accorde une importance capitale à ce droit.  C’est pourquoi, la République islamique d’Iran demande au Groupe de travail d’œuvrer avec d’autres titulaires de mandat des Nations Unies, et en particulier le Rapporteur spécial sur le droit au développement, afin de créer une approche holistique, globale et intégrée.

Le Maroc estime, pour sa part, que 30 ans après l’adoption de la Déclaration sur le droit au développement, la communauté internationale devrait faire une évaluation complète de sa mise en œuvre afin de vérifier si les objectifs ont été atteints.  Le Maroc déplore par ailleurs le manque de progrès sur cette question et souhaite savoir comment les mécanismes des droits de l’homme des Nations Unies peuvent contribuer à la mise en œuvre de ce droit. 

L’Afrique du Sud a, elle aussi, déploré les blocages sur cette question.  Elle est favorable à un instrument juridiquement contraignant et souhaite avoir des informations sur le rôle que peuvent jouer les entreprises et les entreprises transnationales pour la mise en œuvre du droit au développement.  L’Inde a souhaité savoir comment résister aux tentatives de réduire le droit au développement et comment l’intégrer à tous les efforts du système des Nations Unies.

L’Union européenne, qui appuie le droit au développement, estime pour sa part qu’il faut créer des conditions favorables à sa réalisation, notamment la jouissance par tous de tous les droits civils et politiques.  Elle estime donc qu’il revient en priorité aux États de veiller à la réalisation de ce droit.  Compte tenu des divergences internationales sur cette question, l’Union européenne n’est pas en faveur d’un instrument juridiquement contraignant mais est disponible pour poursuivre les discussions sur la question.  Mais l’Indonésie a déclaré que les États ne pouvaient assumer leurs responsabilités en matière de développement sans l’appui de la coopération internationale. 

L’Érythrée a déclaré que la mise en œuvre du droit passait par une levée et une interdiction des mesures coercitives unilatérales qui frappent les pays en développement.  Elle passe aussi par une réforme des instances mondiales et des règles du commerce international, en faveur des pays en développement. 

Dans ses réponses, M. Akram, Président-Rapporteur du Groupe de travail sur le droit au développement, a jugé très bonne la suggestion de la République islamique d’Iran portant sur un travail commun avec d’autres titulaires de mandat.  Le Groupe de travail l’applique d’ailleurs déjà avec le Rapporteur spécial sur le droit au développement et entend étendre cette coopération avec d’autres mécanismes du Conseil des droits de l’homme, d’autant que le droit au développement a été reconnu comme un droit inaliénable et lié avec d’autres droits.  Concernant les moyens novateurs utiles pour faire progresser les discussions, M. Akram a estimé que la priorité était de trouver un terrain d’entente commun sur les moyens de mettre en œuvre le droit au développement.  Pour lui, ce consensus existe en fait déjà au plan international, notamment dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030.    

M. SAAD ALFARARGI, Rapporteur spécial sur le droit au développement, a commencé par se dire heureux d’exercer ce mandat depuis sa création historique par la résolution 33/14 du Conseil des droits de l’homme qui, pour la première fois, établissait un mandat de Rapporteur spécial sur le droit au développement. 

M, Alfarargi a ensuite rappelé que la notion de droit au développement avait été pour la première fois mentionnée, en 1966, devant l’Assemblée générale, par l’ancien Ministre des affaires étrangère du Sénégal, M. Doudou Thiam, pour évoquer l’échec des pays nouvellement décolonisés à résoudre les déséquilibres croissants entre eux et les pays développés.  Par la suite, ce droit a été affirmé dans la Déclaration des Nations Unies sur le droit au développement en 1986, de même que dans la Déclaration sur l’environnement et le développement de 1992 à Rio.

Ce droit est en outre présent au paragraphe 10 de la première partie de la Déclaration et du Programme d’action de Vienne de 1993, avant que la Conférence mondiale sur les droits de l’homme ne le réaffirme en tant que droit à part entière, universel et inaliénable.  En 2015, il a été explicitement reconnu dans la Déclaration et le Programme d’action d’Addis-Abeba, le Cadre de Sendaï pour la réduction des risques de catastrophe et dans l’Accord de Paris sur les changements climatiques, a aussi rappelé M. Alfarargi, ajoutant que tous ces documents importants étaient ceux qui fondaient son mandat. 

Mais, plus de 30 ans après l’adoption de la Déclaration sur le droit au développement, le Rapporteur spécial observe que celui-ci n’est toujours pas universellement reconnu et reste très loin de sa mise en œuvre.  Or, la réalité affrontée par des milliards de personnes montre l’urgence de revigorer le plaidoyer pour sa mise en œuvre, a-t-il dit, ajoutant que le commerce à lui seul ne permettra pas de parvenir à cet objectif.  Alors que la résolution 36/21 du Conseil des droits de l’homme, adoptée le mois dernier, lui demande de tenir des consultations avec les États et organisations régionales, le Rapporteur spécial s’est dit prêt à engager avec eux un dialogue pour parvenir à l’objectif souhaité.  Il travaille déjà avec le Groupe de travail sur le droit au développement à l’élaboration des critères et sous-critères opérationnels pour la mise en œuvre de ce droit.

Revenant à son rapport, le premier qu’il présente devant la Troisième Commission, M. Alfarargi a indiqué avoir été encouragé par nombre de délégations lors de la présentation dudit rapport devant le Conseil des droits de l’homme.  Alors qu’il reconnaît la complexité et la sensibilité du sujet, ainsi que la nécessité d’éviter les doublons dans le système des Nations Unies, le rapport contient un aperçu des questions qu’il aimerait aborder dans le cadre de son mandat.  Sans savoir s’il pourra matériellement ou professionnellement étudier tous les domaines qu’il souhaite explorer, le Rapporteur spécial a conclu en réitérant son engagement à travailler avec tous les acteurs pertinents.

Lors du dialogue avec M. Alfarargi, Rapporteur spécial sur le droit au développement, l’Égypte, au nom du Groupe des États d’Afrique, a insisté sur l’importance du droit au développement, une « question prioritaire » pour l’Afrique.  Citant l’article 22 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, l’Égypte a rappelé que les États parties étaient liés par le droit au développement, dont elle a rappelé le caractère inaliénable.  Pour le Groupe des États d’Afrique, le droit au développement doit être reconnu davantage que comme une simple aspiration car il touche au devoir des États.

Déplorant une nouvelle fois que, 30 ans après la Déclaration sur le droit au développement, ce dernier ne soit toujours pas pleinement mis en œuvre, le Maroc a invité le Rapporteur spécial à continuer ses consultations et à agir avec tous les titulaires de mandat afin de garantir que son travail soit synchronisé et éviter tous les doublons.  Le Maroc a en outre souhaité connaître les meilleurs moyens pour revitaliser le plaidoyer en faveur du droit au développement et demande comment on pouvait œuvrer pour dépasser les divergences sur le plan conceptuel de la notion de droit au développement.

La Chine a déclaré que le droit au développement était inaliénable et regretté que son exercice reste en deçà des attentes.  Elle invite tous les États Membres à respecter la Charte des Nations Unies et les systèmes de développement des pays, à promouvoir un ordre politique international plus équitable, à œuvrer à rectifier les déséquilibres entre le Nord et le Sud, à mettre en pratique un développement axé sur les personnes dans tous les domaines des droits de l’homme et à faire de la promotion du droit au développement une priorité.  La Chine a aussi demandé ce que pensait le Rapporteur spécial des « changements dangereux » qui menacent, selon elle, le concept du droit au développement.

Pour les États-Unis, il est essentiel que tous les États respectent le bien être des personnes.  Toutefois, toute forme de développement, y compris durable, devrait être mise en place conformément au respect des droits fondamentaux.  Les objectifs de développement ne peuvent minimiser les droits de l’homme.

La République islamique d’Iran a expliqué qu’il existait suffisamment de documents au niveau intergouvernemental sur le plan normatif et que ce qui manque est la volonté politique des pays développés de faire de ce droit un droit pour tous., La République islamique d’Iran appelle à une coopération accrue entre le Rapporteur spécial sur le droit au développement et le Rapporteur spécial du Conseil des droits de l’homme sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme.

La Fédération de Russie a dit considérer le droit au développement comme étant une catégorie essentielle au développement, ce dernier étant la base de la lutte contre la pauvreté et permettant, entre autres, la protection des minorités.  Elle est opposée à l’imposition à des États souverains, par des forces extérieures, de systèmes de valeurs qui ne prennent pas en compte leurs traditions, ce qui conduit au conflit, à la misère et au déplacement de personnes en masse.

L’Afrique du Sud a dit espérer que les travaux du Rapporteur spécial permettront de renforcer le discours sur le droit au développement, tout en déplorant l’existence de lacunes dans l’opérationnalisation du droit au développement.  L’Afrique du Sud rappelle qu’elle souhaite l’adoption d’une convention sur le droit au développement.

Les Maldives ont estimé qu’à moins de réaliser le droit au développement, les progrès inscrits dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030 « resteront une réalité loin de nous ».

Cuba a déclaré que, compte tenu des blocages de certaines délégations, notamment des pays développés, pour la mise en œuvre du droit au développement, le Rapporteur spécial devrait préciser les obligations que doivent assumer ce groupe de pays.

L’Inde a souhaité savoir si le Rapporteur spécial dispose d’exemples de bonnes pratiques pour l’opérationnalisation du droit au développement.

Dans ses réponses, M. Alfarargi, Rapporteur spécial sur le droit au développement, a répété qu’il reconnaissait la complexité et la sensibilité du sujet sur le droit au développement.  Mais il observe aussi que le droit au développement est reconnu dans divers documents internationaux, dont la Déclaration des Nations Unies sur le droit au développement, adoptée à l’unanimité.  Pour avancer et aider à aller de l’avant, le Rapporteur spécial souhaite recueillir les points de vue des délégations.  Il juge en outre son mandat complémentaire d’autres mandats, estimant qu’il ne constitue pas un doublon en tant que tel.

Sur la question d’un instrument juridiquement contraignant relatif au droit au développement, le Rapporteur spécial a dit constater des divergences de vue.  Mais, n’étant en réalité ni pour ni contre, il souhaite collecter les avis des uns et des autres, et étudier les pratiques optimales des États, dans un esprit de coopération.

M. ALFRED-MAURICE DE ZAYAS, Expert indépendant sur la promotion d’un ordre international démocratique et équitable, a indiqué qu’après son rapport sur les politiques de la Banque mondiale, présenté le 13 septembre dernier devant le Conseil des droits de l’homme, il présentait cette fois un rapport sur le Fonds monétaire international (FMI) et aux conditions d’accès à ses prêts.  Dans ce nouveau rapport –son sixième et dernier devant l’Assemblée générale- l’Expert indépendant invite ces deux institutions à amender les articles de leur accord d’association avec les Nations Unies afin de mieux servir les buts et les principes de l’Organisation, certaines de leurs activités lui paraissant entrer en conflit avec les droits de l’homme et les objectifs de développement de l’ONU.  Il est aujourd’hui temps, a souligné M. De Zayas, que l’Assemblée générale propose des mesures pour amener la Banque mondiale et le FMI à tenir compte de ses vues de sorte qu’ils travaillent en faveur du développement et des droits de l’homme tout en aidant la communauté internationale à atteindre ses objectifs de développement durable.

Dans son rapport, M. De Zayas appelle également le FMI à cesser de donner indûment la priorité à la croissance économique plutôt qu’à toutes autres considérations, parmi lesquelles les droits de l’homme et l’environnement.  Il constate par ailleurs qu’en dépit d’articles et de séminaires éclairés de la part d’experts de la Banque mondiale et du FMI, les deux institutions continuent d’appuyer le « fondamentalisme de marché », si décrié par le prix Nobel Joseph Stiglitz.

À cet égard, M. de Zayas relève que les conditions de prêt strictes et sélectives imposées par le FMI, comme l’obligation pour les États d’enregistrer une croissance économique rapide, dissuade ces mêmes États de procéder à des investissements à long terme dans la santé, l’éducation et les infrastructures publiques.  De surcroît, note-t-il, l’absence de consensus mondial sur les moyens de restructuration des dettes souveraines signifie que les États qui ne sont pas en mesure de rembourser leurs emprunts risquent de sombrer dans des crises liées à leur dette, au prix d’une augmentation du chômage, d’une aggravation des conditions de travail, d’un accès réduit à une éducation de qualité et d’un affaiblissement de la protection de l’environnement.

De fait, a souligné M. de Zayas, le FMI devrait dorénavant conditionner ses prêts à un ensemble de mesures parmi lesquelles un moratoire sur les dépenses militaires pendant la durée du prêt, l’adoption de législations garantissant que les sociétés nationales et transnationales paient leurs impôts et interdisant les paradis fiscaux, l’imposition d’amendes aux personnes ou aux sociétés pratiquant l’évasion fiscale, avec obligation de rapatrier l’argent dissimulé dans des comptes offshore.  De telles mesures permettaient aux États de générer des revenus pouvant servir à rembourser les prêts consentis par le FMI et à calmer les inquiétudes légitimes des créanciers, a-t-il observé, ajoutant que les États pourraient ainsi continuer à respecter leurs obligations en matière de droit de l’homme et mettre en œuvre leurs objectifs de développement durable.

L’Expert indépendant recommande d’autre part que le FMI s’engage en faveur des initiatives de coopération fiscale internationale, notamment les échanges automatiques d’informations, prête assistance aux juridictions en développant leur capacité à faire face aux flux financiers illicites, contribue aux investissements publics dans l’éducation, l’économie de soins, l’eau et l’assainissement, soutienne des systèmes de retraite durables, fournisse une assistance technique aux États et garantisse la possibilité de recours et de réparations en cas d’abus à l’encontre des droits de l’homme. 

Remerciant le Conseil des droits de l’homme d’avoir créé ce mandat en faveur de la promotion d’un ordre international démocratique et équitable, objectif universel qui a déjà trouvé son expression dans de nombreuses résolutions de l’Assemblée générale, l’Expert indépendant a assuré que ce mandat continuerait de développer son potentiel dans le futur, en particulier face à des groupements intergouvernementaux comme le G7, le G20 et le Forum économique mondial, qui semblent parfois agir en dehors du contexte des Nations Unies.  Mais, dans l’immédiat, il doit aider à mettre au jour les causes de violations, telles que les inégalités chroniques, la persistance de privilèges et la culture de la violence, tout en offrant aux victimes des voies de recours de réparations.  Un titulaire de mandat doit avoir le courage de rompre le silence sur des sujets tabous, a-t-il conclu, en se disant honoré d’avoir servi les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme. 

Lors du dialogue avec l’Expert indépendant, l’Afrique du Sud a constaté, en accord avec l’Expert indépendant que la conditionnalité des prêts consentis par les institutions financières internationales avait des effets néfastes sur les droits de l’homme.  Elle a souhaité savoir comment mettre en cause la responsabilité de ces institutions.  Cuba aussi a critiqué les prêts sous conditions imposés notamment par le FMI.  Alors que M. de Zayas va quitter son poste, Cuba, qui avait été à l’origine de la résolution du Conseil des droits de l’homme sur le renouvellement du mandat de l’Expert indépendant, est impatient de travailler avec son successeur.   

Les Maldives ont estimé que les plans d’ajustement structurels imposés par le FMI n’amélioraient en rien les droits de l’homme et le développement, privant au contraire les États de capacités et les obligeant à réduire les budgets sociaux.  Les conséquences de ces politiques de rigueur économique sont dévastatrices en particulier pour les petits États insulaires en développement, estiment les Maldives, qui ont souhaité connaître l’avis de l’Expert indépendant sur la manière dont les institutions financières internationales pourraient mieux répondre aux besoins spécifiques des petits États insulaires en développement, victimes des changements climatiques. 

Le Maroc a demandé à M. de Zayas d’élaborer plus avant sur la nécessité de réformer les statuts du Fonds monétaire international.

M. de Zayas, Expert indépendant sur la promotion d’un ordre international démocratique et équitable, a pris note de tous les commentaires des délégations et a encouragé d’avance son successeur, qui sera nommé en mars 2018 à se pencher sur son rapport final.  Répondant au Maroc, il a expliqué qu’il avait inclu dans son rapport des tableaux synthétisant les rapports des procédures spéciales sur la pauvreté, sur le logement convenable, sur le droit de tous à jouir du niveau le plus élevé de santé physique et mentale, entre autres.  Tous ses rapports formulent en effet des recommandations très concrètes et applicables, a expliqué M. de Zayas.

Le Rapporteur spécial a ensuite expliqué que des articles des statuts du FMI et de la Banque Mondiale avaient déjà été amendés.  Ainsi, la Banque Mondiale s’est débarrassée de l’interprétation de l’article 4 de la section 10 sur les activités politiques.  M. de Zayas a également fait observer que son rapport mentionne un mea culpa du FMI.  Il a rappelé que les statuts des institutions de Bretton Woods dataient de 1944 et que le moment était venu de « moderniser tout cela » et de veiller à ce que, en cas de conflit, les droits de l’homme prévalent.

Pour le Rapporteur spécial, le meilleur moyen de s’assurer que le FMI travaille en faveur des droits de l’homme et du développement est, pour un État membre de cette institution, d’exercer des pressions sur place.  C’est à vous de présenter vos positions pour que vos intérêts aient plus de poids, a-t-il expliqué à l’Afrique du Sud, tout en reconnaissant que l’un des problèmes fondamentaux de ces deux institutions était la non-participation sur un pied d’égalité entre les pays.

Concernant les ajustements structurels imposés comme condition à des prêts, M. de Zayas a relevé que cette expression se retrouvait désormais rarement dans les documents du FMI parce qu’étant jugée trop « agressive ».  On parle maintenant de réduction de pauvreté et de croissance mais le principe essentiel ne change pas, il s’agit toujours d’un engagement en faveur de la privatisation, de la réduction des services sociaux et du nombre de fonctionnaires, a-t-il fait observer.

Les diagnostics et recommandations pour corriger les erreurs existent déjà mais « tout ce qui manque, c’est de passer aux actes », a déploré l’Expert indépendant, qui a ensuite lancé à titre de testament un appel à tous les juristes des États Membres pour qu’ils travaillent à la mise en œuvre de lois justes au niveau national plutôt que de se prendre pour les défenseurs des gouvernements en essayant à tout prix de leur éviter la responsabilité d’avoir à respecter le droit.  Il a conclu en réaffirmant son engagement personnel en faveur du renforcement des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme, les jugeant « riches et importantes ». 

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