En cours au Siège de l'ONU

Soixante-douzième session,
61e séance plénière – matin
AG/11983

Dans une résolution inédite, l’Assemblée condamne « avec la plus grande fermeté » tous les actes de violence contre des sites religieux

Dans une résolution inédite* présentée par l’Égypte et adoptée aujourd’hui sans vote, l’Assemblée générale condamne « avec la plus grande fermeté » tous les actes ou toutes les menaces de violence, de destruction, de déprédation ou autres risques dirigés contre des sites religieux, qui continuent de se produire dans le monde.

Le texte intitulé « Conséquences sur la culture de paix des actes terroristes dirigés contre les sites religieux » intervient après les attentats terroristes « abjects » perpétrés le 24 novembre 2017 en Égypte, dans le nord du Sinaï, faisant au moins 305 morts, dont 27 enfants, parmi des fidèles réunis en prières.

C’est l’attentat le plus brutal et le plus barbare de l’histoire du pays, a affirmé l’Égypte.  Après avoir rappelé que cet attentat n’est pas le premier du genre et que d’autres avaient déjà sciemment ciblé des lieux de culte chrétiens et musulmans, l’Égypte a mis l’accent sur le caractère sacré des lieux de culte et sur la nécessité de les protéger dans les quatre coins du monde, conformément à la culture de paix.

Dans sa résolution, l’Assemblée générale exhorte tous les États à prendre toutes les mesures appropriées pour combattre la haine, l’intolérance et les actes de violence, y compris ceux qui sont motivés par l’extrémisme religieux, et promouvoir la compréhension, la tolérance et le respect dans les domaines auxquels se rapporte la liberté de religion ou de conviction.

Plusieurs des 11 délégations, qui ont pris la parole aujourd’hui, ont regretté un texte présenté sans réelles consultations préalables, pourtant « au cœur du multilatéralisme ».  « Le dialogue est l’essence même de la notion de culture de paix », a ainsi rappelé le Brésil.  Par conséquent, les amendements proposés pour renforcer la résolution n’ont pas été pris en compte, ont dénoncé les États-Unis.  Le Canada s’est dissocié du consensus, arguant de « formulations non agréées » et de la « référence exclusive » à l’extrémisme religieux, « ce qui est contraire à l’accord auquel les délégations étaient parvenues sur la notion de culture de paix ». 

La Suisse a refusé de coparrainer la résolution, accusant le texte de ne pas refléter « une grande partie du langage développé par la communauté internationale en matière de lutte contre le terrorisme ».  C’est notamment le cas, a précisé la Suisse, des obligations imposées par le droit international, y compris les droits de l’homme, le droit international humanitaire et le droit des réfugiés, dont le respect est pourtant essentiel pour la prévention de l’extrémisme violent.

Toujours ce matin, l’Assemblée a suivi les recommandations de sa Cinquième Commission chargée des questions administratives et budgétaires et approuvé le rapport d’activités** du Bureau des services de contrôle interne (BSCI) pour la période du 1er juillet 2016 au 30 juin 2017; le rapport du Comité consultatif indépendant pour les questions d’audit pour la période du 1er août 2016 au 31 juillet 2017; et les rapports du Corps Commun d’inspection sur l’état de la fonction d’audit interne dans le système des Nations Unies et sur les évaluations des organismes des Nations Unies conduites par les donateurs.

L’Assemblée, qui a aussi approuvé le projet de calendrier*** des conférences et des réunions de l’ONU pour 2018 et 2019, poursuivra ses travaux lundi 4 décembre, à partir de 10 heures, pour se prononcer sur les recommandations de sa Première Commission chargée du désarmement et de la sécurité internationale.

*A/72/L.20

**A/72/610

***A/72/611

CULTURE DE PAIX

Présentation du projet de résolution relatif aux conséquences sur la culture de paix des actes terroristes dirigés contre des sites religieux (A/72/L.20)

Le représentant de l’Égypte a exprimé sa gratitude au Président de l’Assemblée générale et aux différents régionaux pour leurs efforts dans la préparation du projet de résolution.

L’ignoble attentat terroriste perpétré vendredi dernier contre des fidèles qui priaient à la mosquée Arrawda, dans la ville égyptienne d’Arich, a fait 310 morts, dont 27 enfants, et des centaines de blessés.  Il s’agit, a précisé le représentant, de l’attentat le plus brutal et le plus barbare de l’histoire de l’Égypte.  Après avoir rappelé que cet attentat n’est pas le premier du genre et que d’autres avaient déjà sciemment ciblé des lieux de culte chrétiens et musulmans en Égypte, le représentant a mis l’accent sur le caractère sacré des lieux de culte et sur la nécessité de les protéger dans les quatre coins du monde et conformément à la culture de paix.

Saluant l’appui particulier des groupes des pays arabes et africains au projet de résolution, il a indiqué que le texte se base, en grande partie, sur des paragraphes consensuels d’ores et déjà adoptés par divers organes des Nations Unies.  Le représentant a souligné qu’il incombe au premier chef aux États de protéger les civils, de condamner ces crimes injustifiables, la haine religieuse et l’incitation à la haine, dans la presse écrite ou tout autre moyen d’information.  Il a encouragé l’ensemble de la communauté internationale à envoyer, d’urgence, un message fort et uni condamnant de tels actes criminels, faisant front contre les attentats terroristes ignominieux et appuyant la préservation des lieux religieux et sacrés.  Il a aussi voulu une promotion des valeurs universelles de coexistence pacifique et de tolérance, partagées par toutes les civilisations et cultures, conformément à la culture de paix.

Explications de vote

Au nom du Groupe des États d’Afrique, la représentante du Ghana a souligné que notre monde connaît de plus en plus d’attentats terroristes, l’extrémisme et l’intégrisme sapant les valeurs de la culture de paix.  Les conséquences du terrorisme en termes de vies humaines et de pertes économiques sont très importantes, a-t-elle insisté, se félicitant que la résolution permette d’envoyer un message fort pour condamner toutes les formes de terrorisme.  Elle est aussi l’occasion de renforcer l’engagement effectif des Nations Unies pour combattre ce fléau.

Les actes perpétrés contre des lieux de culte, comme les derniers en Égypte et au Nigéria, devraient préoccuper la communauté internationale, a insisté la représentante, car ils risquent d’attiser la haine et la violence.  Des mesures sont nécessaires pour préserver ces lieux et la liberté religieuse, a-t-elle insisté.  Elle a aussi réaffirmé la décision prise à cette session visant à encourager les États Membres à prendre des mesures en faveur de la tolérance et du dialogue.  On dit souvent, et il est bon de le répéter, que la paix n’est pas seulement l’absence de conflit, a conclu la représentante.  La paix exige une dynamique positive dans toutes les sociétés, dans un esprit d’entente et de coopération.

Le représentant du Canada a réitéré ses condoléances au peuple égyptien et condamné, dans les termes les plus fermes, l’attentat terroriste de vendredi dernier en Égypte.  Il a néanmoins émis des réserves sur la rapidité avec laquelle le projet de résolution a été présenté, le processus de consultation n’ayant pas été propice à l’inclusion d’éléments que le Canada jugeait importants.  Ainsi, le texte ne mentionne pas les droits de l’homme et s’appuie sur des formulations non agréées, a-t-il précisé, en exprimant sa préoccupation devant la référence exclusive, au paragraphe 6 du dispositif, à l’extrémisme religieux, ce qui est contraire à l’accord auquel les délégations étaient parvenues sur la notion de « culture de paix ».  Le Canada se dissocie donc du consensus.

Le représentant de la Norvège a souscrit à l’engagement de l’Égypte de lutter contre le terrorisme mais a considéré que les efforts ne sauraient porter leurs fruits sans un cadre de travail bien défini sur la protection des droits de l’homme. 

Le représentant des États-Unis a condamné le récent attentat terroriste en Égypte, répétant que la communauté internationale ne saurait tolérer les groupes terroristes.  Il a soutenu une action unifiée, avant de regretter que la résolution ait été adoptée sans réelles consultations préalables et que les amendements proposés par différentes délégations n’aient pas été pris en compte, alors que cela aurait permis de renforcer la résolution.

Son homologue de la Syrie a dit s’être rallié au consensus car son pays appuie tout effort visant à contrer le terrorisme.  La Syrie, a-t-il affirmé, a été un des tout premiers pays à souffrir de ces actes de haine, les groupes terroristes ayant ciblé toutes les institutions et les infrastructures, y compris les hôpitaux et les lieux de culte.  Ces groupes terroristes ont essayé d’imposer leur idéologie radicale qui n’a aucun lien avec l’humanisme.

L’escalade de ce type d’attentats, ces dernières années, est la preuve de l’intensification du terrorisme, a estimé le représentant qui a dénoncé une absence de volonté politique pour mettre un terme à ce fléau: les pays occidentaux n’y ont pas consacré suffisamment de moyens.  Le représentant a demandé que l’on évite de politiser le débat et d’utiliser des critères différents selon les pays.  Sans réelle coopération, l’on risque des ingérences dans les affaires intérieures des États, en violation des principes de la Charte, a insisté le représentant, dénonçant « les manœuvres occidentales » contre certains pays dans sa région.

Il a condamné avec fermeté l’attentat perpétré dans le Sinaï et a présenté ses sincères condoléances aux familles des victimes et à la société égyptienne.  Tous les Syriens s’efforceront de poursuivre la lutte contre le terrorisme et reconstruiront leur pays, « en mieux », a-t-il conclu.

Le représentant de la Suisse a sévèrement condamné l’horrible et inacceptable attaque contre une mosquée du Sinaï et soutenu l’Égypte dans cette épreuve douloureuse.  Il a jugé primordial que les responsables de ces crimes rendent compte de leurs actes.  Du fait de sa complexité, le phénomène terroriste se prête mal aux réponses conçues hâtivement, a prévenu le représentant, qui a regretté que le texte n’ait pas fait l’objet d’un processus de négociation et qu’une grande partie du langage développé par la communauté internationale en matière de lutte contre le terrorisme ne soit pas reflété dans la résolution.  C’est notamment le cas des obligations imposées par le droit international, y compris les droits de l’homme, le droit international humanitaire et le droit des réfugiés, dont le respect est pourtant essentiel pour la prévention de l’extrémisme violent.  Pour ces raisons, la Suisse a déclaré ne pas être en mesure de coparrainer le texte. 

Le représentant du Brésil a également présenté ses plus sincères condoléances aux familles et proches des victimes de l’attentat qui visait des fidèles, d’où l’importance d’une condamnation unanime.  Cependant, il n’est pas dans l’intérêt de l’Assemblée générale de se prononcer sur un texte présenté, sans processus préalable de consultations, lequel processus est au cœur du multilatéralisme.  Il faut veiller à ce que la lutte contre le terrorisme soit conforme au droit international, au droit humanitaire et aux droits de l’homme, a souligné, à son tour, le représentant, avant d’insister sur le fait que le fond du texte aurait pu être renforcé par des consultations.  « Le dialogue est l’essence même de la notion de culture de paix. »

Le représentant de la République islamique d’Iran a condamné tous les attentats, dont celui du Sinaï.  Les terroristes veulent se rappeler à notre souvenir après des défaites cuisantes, a-t-il dit, en appelant à la vigilance.

Son homologue d’Israël a présenté ses condoléances au peuple égyptien et, soulignant que son pays a subi également beaucoup d’attentats, a mis l’accent sur la nécessité de rester unis contre ce fléau.

Personne ne doit perdre la vie à cause de sa religion, a déclaré la représentante de l’Union européenne, assurant que l’Union ne ménagera aucun effort pour lutter contre le terrorisme.  Elle a, à son tour, regretté que la résolution ait omis des références importantes au droit international, au droit international humanitaire et aux droits de l’homme.  La primauté de l’état de droit et la protection des droits de l’homme sont essentielles et constituent des objectifs complémentaires de la communauté internationale.  

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