Assemblée générale: Les délégations saluent le travail du Tribunal pour l’ex-Yougoslavie et craignent la résurgence du révisionnisme
Les Présidents du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux ont fait aujourd’hui devant l’Assemblée générale le bilan annuel de leurs travaux, alors que des délégations ont dit craindre la résurgence du révisionnisme dans les Balkans.
Le Président du TPIY, M. Carmel Agius, qui a rappelé que le TPIY ferme ses portes en décembre de cette année, après 24 ans d’existence, a souligné qu’aucune des 161 personnes mises en accusation pour violations graves du droit international humanitaire ne manque à l’appel. Le Tribunal rendra ses derniers jugements sur les affaires Ratko Mladić, et Prlić et consorts à la fin du mois de novembre. En revanche, dans l’affaire d’outrage ouverte contre Petar Jojić et Vjerica Radeta aucun progrès n’a été enregistré depuis un an. Le Président a imputé cette situation à la Serbie, qui n’a pas exécuté les mandats d’arrêt. Il a espéré que même après la fermeture du Tribunal, le pays se saisira de cette occasion « pour montrer son attachement à la justice internationale ». La Serbie s’est défendue et a fait observer que, comme il ne s’agit pas d’un crime de guerre, les tribunaux serbes ont refusé l’extradition.
L’Union européenne, par la voix de la France, a vu là un retour de la Serbie à une « pratique de non-coopération », l’appelant, en tant que pays négociant son adhésion à l’Union européenne, à travailler sans plus tarder avec le Tribunal en vue de l’exécution des mandats d’arrêt, de même qu’avec le Mécanisme. L’Union européenne a ensuite vivement regretté les tendances observées chez un certain nombre de pays candidats à l’Union européenne, à nier les crimes commis durant le conflit dans l’ex-Yougoslavie et à refuser des faits pourtant établis dans les jugements du Tribunal. « L’apologie des crimes et le révisionnisme constituent sans aucun doute une menace à la stabilité de l’ensemble de la région », a souligné l’Union européenne, dont les craintes ont été partagées par la Slovénie et la Nouvelle-Zélande.
Si la plupart des délégations se sont globalement félicitées du travail accompli par le TPIY, la Fédération de Russie s’est montrée plus réservée, évoquant des lacunes et estimant qu’il reste encore à analyser son apport « en toute objectivité ».
En attendant, le Président du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux a fait part des défis liés à la reprise de toutes les fonctions résiduelles du TPIY et du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), qui a fermé ses portes en décembre 2015. M. Theodor Meron a indiqué que le Mécanisme a commencé son premier nouveau procès en juin, dans l’affaire Stanišić et Simatović.
Dans l’affaire Ngirabatware, la Chambre d’appel organisera une audience au cours des mois prochains. Elle est toujours saisie des appels interjetés dans les affaires Karadžić et Šešelj qui feront l’objet d’une audience le 13 décembre. La Chambre d’appel se tient aussi prête à connaître de tout recours dans l’affaire Mladić. Dans le même temps, les juges se tiennent également prêts à juger les huit derniers fugitifs mis en accusation par le TPIR. Les États-Unis ont dit avoir maintenu leur récompense de 5 millions de dollars pour toute information menant à l’appréhension de chacun des fugitifs. Tous les États qui offrent un havre de paix à ces fugitifs doivent honorer leur obligation et collaborer à leur arrestation, a insisté le Rwanda.
Il s’est surtout dit préoccupé par la « tendance alarmante » du Mécanisme international à procéder à des libérations anticipées, en dépit de la gravité des crimes commis. Le Mécanisme, a-t-il dénoncé, n’a même pas à prévenir les témoins et les victimes les plus concernés. Sa procédure ne prévoit pas de consultation avec les procureurs, les juges ou le Gouvernement du Rwanda. Le Mécanisme, a-t-il aussi dénoncé, ne fait rien pour empêcher les anciens détenus de retourner à leur idéologie sectaire et génocidaire. Ce sont là des signes alarmants que l’Assemblée générale ne saurait ignorer, car ils risquent de saper tous les jalons posés pour mettre fin à l’impunité, a prévenu le Rwanda, pour les crimes de guerre, le génocide et les crimes contre l’humanité.
La Turquie a dénoncé « les abus d’autorité » du Mécanisme. Les tentatives d’interférer avec l’indépendance d’un État Membre ne sont pas bienvenues, a-t-elle tranché, après que l’Union européenne eut pris note de la mise en liberté provisoire du juge Aydin Sefa Akay, grâce à laquelle la procédure de réexamen dans l’affaire Ngirabatware a pu redémarrer.
L’Assemblée générale reprendra ses travaux vendredi 20 octobre, à partir de 10 heures, avec une réunion sur le Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique et la Décennie pour faire reculer le paludisme dans les pays en développement.
NOTES DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE RAPPORT DU TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL POUR L’EX-YOUGOSLAVIE (TPIY) (A/72/266-S/2017/662) ET SUR LE MÉCANISME INTERNATIONAL APPELÉ À EXERCER LES FONCTIONS RÉSIDUELLES DES TRIBUNAUX PÉNAUX (A/72/261)
Déclarations
M. CARMEL AGIUS, Président du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie 1991 (TPIY), a présenté le vingt-quatrième rapport annuel du Tribunal, qui couvre la période entre le 1er août 2016 et le 31 juillet 2017, et qui est aussi le dernier, puisque le Tribunal doit fermer ses portes le 31 décembre 2017. M. Agius, qui présentait lui-même son second rapport, a chaleureusement remercié tous les juges et fonctionnaires qui travaillent d’arrache-pied pour finaliser les affaires en suspens dans les délais. « Nous pouvons tous nous montrer fiers de ce que le Tribunal a accompli depuis 1993 », a dit le Président, remerciant tous les États Membres de l’ONU pour leurs contributions à la justice internationale.
Au cours de l’année écoulée, le Tribunal a continué d’enregistrer des progrès importants dans cette dernière étape de la Stratégie d’achèvement de ses travaux, sanctionnée par les résolutions 1503 (2003) et 1534 (2004) du Conseil de sécurité. Aucune des 161 personnes mises en accusation pour violations graves du droit international humanitaire ne manque à l’appel, et seules deux affaires au fond sont encore en cours, une en première instance, qui concerne un accusé, et une en appel, qui en concerne six, explique en détail le rapport. Dans ces deux affaires, le jugement et l’arrêt devraient être rendus le 30 novembre 2017 au plus tard, les juges et les fonctionnaires travaillant sans relâche pour faire en sorte que toutes les activités judiciaires seront achevées en temps voulu, a souligné M. Agius.
Dans le dernier procès en première instance, à savoir l’affaire Le Procureur c. Ratko Mladić, le réquisitoire et la plaidoirie ont eu lieu en décembre 2016 et la Chambre de première instance se consacre pleinement au délibéré et à la rédaction du jugement. Ratko Mladić est accusé de 11 chefs de génocide, de crimes contre l’humanité et de violations des lois ou coutumes de la guerre, pour des actes commis en Bosnie-Herzégovine entre le 12 mai 1992 et le 30 novembre 1995.
En revanche, une affaire d’outrage est en souffrance, et le Président du TPIY a déploré qu’aucun progrès n’ait été enregistré depuis un an en raison de l’absence de coopération de la Serbie, qui n’a pas exécuté les mandats d’arrêt décernés contre les accusés, en dépit des différents rapports présentés au Conseil de sécurité. M. Agius a assuré qu’il veillera à ce que l’accusé soit traduit en justice, même après la fermeture du Tribunal, espérant que la Serbie se saisira de cette occasion « pour montrer son attachement à la justice internationale ».
Le Président est longuement revenu sur la fermeture du TPIY et sur les efforts déployés dans le cadre du plan de liquidation pour faciliter le transfert des fonctions au Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux. Il a voulu que l’on reconnaisse « l’immensité du travail qui a été réalisé », le plus grand accomplissement étant le rôle que le Tribunal a joué contre l’impunité. M. Agius a en effet rappelé que le Tribunal a ouvert la voie à des premières remarquables: il a été le premier tribunal pénal international depuis Nuremberg et Tokyo, le premier établi au titre du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, le premier à condamner un chef d’État, le premier à examiner les violences sexuelles dans un conflit, le premier à affirmer que la destruction du patrimoine culturel équivaut à un crime contre l’humanité. « Si le Tribunal s’est heurté à de nombreux défis, son dossier montrera qu’il a su être à la hauteur des enjeux. »
Ces derniers mois, le Tribunal a saisi toutes les occasions pour améliorer son image dans la région de l’ex-Yougoslavie et ailleurs, grâce à des « Dialogues sur l’héritage du TPIY », une série de manifestations liées à son héritage et à sa fermeture.
L’une des principales manifestations que le Tribunal a organisées dans ce cadre est la Conférence finale qui s’est tenue du 22 au 24 juin 2017 à Sarajevo, et qui a donné aux experts, praticiens et parties prenantes de la région et d’ailleurs, l’occasion de débattre des succès, des difficultés et de l’expérience du Tribunal et d’en tirer les enseignements. Dans cette phase de transition, le Bureau du Procureur a déployé des efforts pour renforcer les capacités des institutions judiciaires nationales. « Il reste des progrès à faire et il est nécessaire de continuer à apporter une aide aux acteurs sur le terrain », a fait observer le Président du TPIY.
Le Tribunal accueillera, le 18 décembre 2017 à son siège de La Haye, un ultime colloque de spécialistes qui sera suivi, le 19 décembre 2017, de la cérémonie officielle de clôture. En outre, une cérémonie officielle de commémoration se tiendra le 4 décembre 2017 à New York.
M. THEODOR MERON, Président du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux, a présenté le cinquième rapport annuel du Mécanisme, qui donne un aperçu de ses activités pendant la période allant du 1er juillet 2016 au 30 juin 2017. Le Mécanisme a été créé par le Conseil de sécurité dans sa résolution 1966 (2010) pour exercer un certain nombre de fonctions essentielles du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) et du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) après leur fermeture.
Pour M. Meron, la création du Mécanisme atteste « la reconnaissance que la justice va de pair avec certaines responsabilités immuables, qui persistent même après que les Tribunaux ont rendu leur dernier jugement ou arrêt », autrement dit « des responsabilités envers les victimes et les témoins vulnérables auxquels des mesures de protection ont été accordées pour faciliter leur déposition, envers les personnes condamnées qui purgent leur peine ou qui souhaitent demander sa révision, envers les États et les personnes qui ont fourni des informations sensibles, envers ces communautés qui veulent que les responsabilités soient établies dans leurs propres tribunaux pour les atrocités commises au Rwanda et dans l’ex-Yougoslavie ».
Si nous échouions, a prévenu le Président du Mécanisme, ce serait un échec pour la justice internationale, qui pourrait réduire à néant tout ce qui a été bâti au cours du dernier quart de siècle. « Quelles victimes et quels témoins se manifesteront pour témoigner de ce qu’ils ont vu en Syrie, en Iraq et ou lors d’innombrables autres conflits, s’il apparaît que nous ne pouvons plus garantir les protections accordées aux victimes et aux témoins qui ont comparu devant le TPIR et le TPIY?
Quel État sera à l’avenir disposé à coopérer dans le cadre d’enquêtes si nous ne pouvons pas garantir la protection des informations confidentielles qui ont rendu possibles certains aspects essentiels du travail des Tribunaux ad hoc? Quelle sera la qualité de la justice rendue si, dans les années à venir, nous ne pouvons pas garantir que les conditions de détention des prisonniers continueront de respecter la dignité humaine? »
Le Président a indiqué que le Mécanisme a commencé son premier nouveau procès en juin, dans l’affaire Stanišić et Simatović. Dans l’affaire Ngirabatware, un collège de juges de la Chambre d’appel a été en mesure de reprendre son travail en juin et une audience sera organisée au cours des mois prochains. La Chambre d’appel du Mécanisme est toujours saisie des appels interjetés dans l’affaire Karadžić et dans l’affaire Šešelj et une audience a été convoquée dans cette dernière à la date du 13 décembre. La Chambre d’appel se tient prête à connaître de tout recours qui pourrait être formé après le prononcé par le TPIY du jugement dans l’affaire Mladić, prévu le mois prochain. Dans le même temps, les juges continuent d’examiner les requêtes et demandes et se tiennent prêts à juger les derniers fugitifs mis en accusation par le TPIR.
Le Mécanisme, qui a inauguré en novembre ses nouveaux locaux emblématiques à Arusha, ne pourra achever son mandat avec succès, efficacement et dans les meilleurs délais, sans le soutien et la coopération sans faille des États Membres, a prévenu le Président.
Également au nom du Canada et de l’Australie (groupe CANZ), M. FINNIAN CHESHIRE (Nouvelle-Zélande) a salué le travail du TPIY alors qu’il s’apprête à achever son travail. Le Tribunal, a-t-il dit, a su rendre justice malgré des procédures complexes et marqué son empreinte dans la région grâce à ses programmes de sensibilisation. Les deux Tribunaux, a souligné le représentant, laissent derrière eux un riche héritage qui montre ce que l’on peut obtenir lorsqu’on travaille ensemble à l’objectif commun de l’établissement des responsabilités et de la lutte contre l’impunité de ceux qui commettent des graves crimes, au regard du droit international, dans des situations de conflit complexes. Le représentant a dit attendre avec intérêt que le Mécanisme international exploite cet héritage.
M. Cheshire s’est donc dit préoccupé par les informations sur « le déni et le révisionnisme généralisés » qui entourent le travail des Tribunaux. La reconnaissance des crimes dont ont été saisis les deux Tribunaux, a-t-il souligné, est essentielle pour prévenir leur résurgence. Venant au Mécanisme international, M. Cheshire a rappelé le devoir de coopérer qui incombe à tous les États, en particulier ceux des régions concernées. S’il est vrai qu’il faut respecter la compétence des pouvoirs exécutif et judiciaire nationaux, il faut aussi insister sur le fait que la coopération est « obligatoire et inévitable », a-t-il tranché. Le succès des Tribunaux et la qualité de leur héritage dépendent, en grande partie, des efforts individuels et collectifs des États Membres, a conclu le représentant.
Au nom de l’Union européenne, M. ERIC CHABOUREAU (France) a constaté avec satisfaction que les prévisions du Tribunal en ce qui concerne l’achèvement des procédures judiciaires en cours dans l’affaire « Procureur contre Ratko Mladić, en première instance, et dans l’affaire Procureur contre M. Prlić et autres, en appel, restent inchangées et rendent ainsi possible de considérer que le Tribunal rendra ses jugements définitifs en novembre prochain. Il a espéré que la réduction du personnel ne compromettra pas la réalisation de cet objectif.
Le représentant s’est dit vivement préoccupé par le manque de coopération de la Serbie concernant les mandats d’arrêt émis par le Tribunal, car il marque un retour de la Serbie à une « pratique de non-coopération » pour ce qui est de l’arrestation et du transfèrement des inculpés. L’absence d’un jugement constituerait un échec tant pour le Tribunal, dont l’achèvement du mandat empêcherait la fin de ces procédures, que pour la communauté internationale dans sa lutte contre l’impunité et pour la justice pénale internationale, a-t-il argué, avant d’appeler la Serbie, « en tant que pays négociant son adhésion à l’Union européenne » à travailler sans plus tarder avec le Tribunal.
La coopération pleine et entière avec le Tribunal et avec le Mécanisme international reste essentielle, a insisté M. Chaboureau, qui a encore demandé à la Serbie sa pleine coopération, y compris en acceptant sans réserve et en mettant en œuvre les jugements et décisions rendus par le TPIY. Dans la perspective de la fermeture du Tribunal, l’Union européenne attache une grande importance à la liquidation, en douceur, de l’actif et du passif du Tribunal ainsi qu’à la transition vers le Mécanisme, a ajouté le représentant. Il a également félicité le Tribunal pour les « bons résultats obtenus » dans la parité au sein du personnel, pour la collaboration du Bureau du Procureur avec ses homologues des pays concernés et pour l’aide au renforcement de l’indépendance et de l’impartialité des systèmes judiciaires nationaux pour qu’ils puissent procéder aux poursuites contre les crimes graves.
Le représentant a ensuite regretté vivement, en dépit de quelques progrès constatés par le Procureur en ce qui concerne les poursuites lancées par les autorités judiciaires des États de l’ex-Yougoslavie, les tendances observées chez un certain nombre de pays candidats à l’Union européenne, à nier les crimes commis durant le conflit dans l’ex-Yougoslavie et à refuser des faits pourtant établis dans les jugements du Tribunal. « L’apologie des crimes et le révisionnisme constituent sans aucun doute une menace à la stabilité de l’ensemble de la région », a souligné M. Chaboureau.
Il a ensuite rendu hommage aux 7 000 personnes ainsi qu’aux 87 juges, 5 procureurs et 4 greffiers qui ont travaillé ces 24 dernières années au TPIY qui a « complètement rempli la mission » confiée par le Conseil de sécurité de ne pas laisser impunis les crimes graves. Il a insisté sur la contribution du Tribunal au maintien de la paix et de la stabilité de cette région.
S’agissant du Mécanisme international, il s’est réjoui de son étroite collaboration avec le Tribunal et salué le travail accompli. Il a pris note de la mise en liberté provisoire du juge Aydin Sefa Akay, grâce à laquelle la procédure de réexamen dans l’affaire Ngirabatware a pu redémarrer. Il a appelé à de nouvelles mesures d’urgence pour résoudre cette question dans le plein respect du droit international, en se félicitant également des efforts du Bureau du Procureur pour retrouver les huit fugitifs afin qu’ils soient jugés par le Mécanisme ou les juridictions rwandaises.
Mme DARJA BAVDAŽ-KURET (Slovénie) a exprimé sa gratitude au TPIY après 24 ans de travail, estimant qu’il faut désormais réfléchir à l’héritage de cet « outil sans pareil de la lutte contre l’impunité ». Elle a relevé que le TPIY a inspiré la notion de justice transitionnelle et souligné l’importance cruciale des campagnes de sensibilisation. « C’est une source d’inspiration pour d’autres tribunaux internationaux, y compris la Cour pénale internationale. »
La Slovénie a suivi de près les travaux du TPIY étant donné sa proximité géographique avec les pays de l’ex-Yougoslavie concernés. Hélas, a-t-elle déploré, la région est toujours empreinte de ressentiment et l’impunité persistante pour certains crimes ne fait que l’exacerber. La représentante s’est alarmée devant le nombre croissant des dénis et la montée du révisionnisme. La Slovénie, a-t-elle affirmé, essaie de contribuer à la réconciliation et à la stabilité dans la région des Balkans occidentaux, raison pour laquelle elle a toujours soutenu le Tribunal. La représentante a estimé qu’enseigner de façon objective l’histoire est également essentiel pour que l’avenir des jeunes ne soit pas « trop alourdi » par le passé. En ce sens, elle a salué l’idée du TPIY de créer des centres d’information dans les pays concernés.
Elle a répété qu’une coopération pleine et entière avec le TPIY est essentielle et prescrite par le droit international. Cette coopération, a-t-elle insisté, ne saurait être tributaire « d’un opportunisme politique ». Alors que le TPIY termine ses travaux, il est fondamental que les pays montrent leur attachement à la lutte contre l’impunité, et à cette fin, la coopération judiciaire jouera un rôle de premier plan. Comme les Tribunaux de Nuremberg et Tokyo, le TPIY laissera son empreinte et son héritage éclaircira des questions cruciales, a conclu la représentante.
M. ROBERT KAYINAMURA (Rwanda) a souligné que s’il est préoccupé du fait que le TPIR compte encore neuf fugitifs, dont trois sont d’une importance capitale, à savoir Félicien Kabuga, Protais Mpiranya et Augustin Bizimana, le Rwanda salue tout de même les efforts du Procureur et le renforcement de l’unité chargée de traquer les fugitifs. Il a espéré que ces efforts conduiront à des « résultats tangibles » et loué, d’autre part, « l’excellente relation » entre le Bureau du Procureur du Mécanisme international et le Bureau du Procureur du Rwanda. Il a relancé un appel aux États pour qu’ils collaborent avec ces entités à l’arrestation de tous les génocidaires, conformément à la résolution 2150. Il a exhorté « tous les États Membres qui offrent un havre de paix à ces fugitifs d’honorer leur obligation en vertu de la Convention sur le génocide ».
Rappelant la mission confiée par le Conseil de sécurité au TPIR, il a invoqué l’expérience de son pays pour dire que cette mission n’a pas été remplie: la plupart « des cerveaux » du génocide de 1994 contre les Tutsis sont toujours en liberté. Le représentant s’est dit préoccupé par la « tendance alarmante » aux libérations anticipées en dépit de la gravité des crimes commis. Si les règles de procédure du Mécanisme sur la commutation des peines et la grâce sont claires, la pratique ne permet ni transparence ni recours. Le Mécanisme n’a même pas à prévenir les témoins et les victimes les plus concernés de la libération prochaine de leur bourreau. La procédure en vigueur ne prévoit pas de consultation avec les procureurs, les juges ou le Gouvernement du Rwanda, alors que la règle de procédures et celle de la preuve stipulent clairement que le Gouvernement rwandais doit être prévenu de toute demande de libération anticipée. Les preuves sont là, a affirmé M. Kayinamura: certains bénéficiaires de la libération anticipée ont déjà repris leur idéologie génocidaire, dans une impunité totale.
Le Mécanisme, a-t-il aussi dénoncé, ne pose aucune condition aux détenus. En réalité, dans les procédures de libération anticipée et de réduction des peines, il n’y a rien pour empêcher les détenus de promouvoir une idéologie sectaire et génocidaire. Ce sont là des signes alarmants que l’Assemblée générale ne saurait ignorer, car ils risquent de saper tous les jalons posés au cours de ces dernières décennies pour mettre fin à l’impunité pour les crimes de guerre, le génocide et les crimes contre l’humanité. Le représentant a aussi relevé qu’aucune décision n’a été prise dans les affaires renvoyées aux tribunaux français, il y a 10 ans maintenant. Ces retards constants sont « un déni de justice » qui rend difficile de croire en la crédibilité de l’engagement déclaré en faveur de la justice internationale et de la protection de tous les droits de l’homme, notamment le droit à la justice, a-t-il martelé.
M. ČEDOMIR BACKOVIĆ (Serbie) a fait remarquer que les objectifs communs des États Membres relatifs aux principes du droit pénal international et du droit humanitaire ont fait prendre deux voies dans la lutte contre l’impunité pour les crimes les plus graves: d’un côté, les États Membres renoncent à une part significative de leurs compétences au profit des Tribunaux pénaux internationaux et, d’autre part, ils travaillent à renforcer les mécanismes spéciaux dans leurs propres systèmes nationaux afin qu’ils puissent juger des crimes internationaux. En ce qui concerne la Serbie, a poursuivi le représentant, il est difficile de nier qu’il s’agit probablement du seul pays à avoir rempli son rôle sur ces deux voies. La Serbie s’est acquittée de ses obligations envers le TPIY dans la législation et dans la mise en œuvre, a assuré le représentant. Elle a remis 45 prévenus au Tribunal sur un total de 46, dont l’un s’est suicidé.
Outre les chiffres, M. Backović a souligné que presque tous les prévenus étaient des officiers de haut rang, ce qui montre que la Serbie a coopéré avec le Tribunal sans conditions. Elle a aussi permis l’accès aux documents et aux archives. Elle a fait en sorte que 759 témoins aient pu témoigner librement malgré le devoir de réserve en ce qui concerne les militaires. Actuellement, les autorités serbes ne suivent qu’une affaire de mise en liberté provisoire.
Le Gouvernement a toujours travaillé à l’amélioration de son système judiciaire, a souligné le représentant. Il a établi un mécanisme de surveillance, qui contribuera à la dynamique de la réforme, et il s’efforce de renforcer les capacités du Bureau du Procureur s’agissant des crimes de guerre. En outre, le Ministère de la justice prépare l’adoption d’une nouvelle stratégie pour la protection des victimes et des témoins.
Quant à la coopération et la réconciliation régionale, que la Serbie soutient, le représentant a précisé qu’aucune requête n’avait été refusée à la Bosnie-Herzégovine et à la Croatie. Il a déploré que certains faits soient ignorés dans le rapport, et que l’indépendance de certains tribunaux soit interprétée comme un manque de volonté politique. Quant à l’affaire d’outrage en suspens, il ne s’agit pas d’un crime de guerre. Les tribunaux ont donc refusé l’extradition car ce n’est pas prévu dans la loi serbe. « L’état de droit ne peut être défendu en violant l’état de droit », a-t-il lancé.
Le TPIY a terminé son mandat mais on ne peut pas dire qu’il a accompli sa mission, a conclu M. Backović, citant la durée moyenne des procédures, le non-respect des garanties pour les accusés. Il a conclu en appelant à travailler ensemble pour défendre les valeurs fondamentales et la stabilité dans la région.
M. PABLO ADRIÁN ARROCHA OLABUENAGA (Mexique) a exprimé sa reconnaissance au TPIY pour 24 années de travail remarquable qui le place à l’origine d’un tournant historique de la jurisprudence en vertu du Chapitre VII de la Charte. En effet, sa jurisprudence a « immensément contribué à l’interprétation et à l’évolution du droit pénal international », a-t-il souligné, ajoutant que jusqu’à l’établissement du TPIY par le Conseil de sécurité, le droit international reposait « exclusivement sur l’héritage des tribunaux de Nuremberg et de l’Extrême-Orient ». Il a salué le fait que le Tribunal ait réussi à enquêter et à juger 161 personnes et qu’il ne compte aucun fugitif, ce qui est un exemple pour tous les tribunaux qui suivront. Le représentant a aussi reconnu les progrès accomplis par le Mécanisme international, notamment dans la protection des témoins et des victimes, et la préservation du patrimoine laissé par le TPIY.
Mme BELEN SAPAG MUÑOZ DE LA PEÑA (Chili) a déclaré qu’en cette année charnière de la Stratégie d’achèvement, le Chili regrette que l’appel à une coopération internationale contre l’inaction dans l’exécution des mandats d’arrêt ne soit pas pleinement entendu. Une coopération pleine et entière avec les tribunaux et avec leurs autorités est toujours cruciale, a-t-elle affirmé. Elle a salué les « Dialogues pour l’héritage » du TPIY, comme un effort supplémentaire pour rapprocher le Tribunal de la région et faire reconnaître publiquement les succès accomplis dans l’établissement des responsabilités, la fin de l’impunité et le développement progressif des normes du droit international. La représentante a aussi salué les efforts du Mécanisme international visant à s’attaquer aux affaires en suspens. Elle a dit partager les priorités du Bureau du Procureur pour finir les procès ouverts, localiser, arrêter les huit fugitifs du TPIR et aider les juridictions nationales à juger les crimes commis en ex-Yougoslavie et au Rwanda.
M. EVGENY T. ZAGAYNOV (Fédération de Russie) a rappelé qu’après la fermeture du TPIY, il restera encore à analyser son apport en toute objectivité. D’emblée, il a dit ne pas voir en quoi l’affaire de l’outrage retarderait l’achèvement des travaux qui ont été marqués par des problèmes et des lacunes. Le représentant a espéré que la durée du travail du Mécanisme sera détaillée dans les prochains rapports et voulu savoir ce que celui-ci fait pour renforcer les capacités nationales. Aux yeux du Conseil de sécurité, a souligné le représentant, le mandat du Mécanisme est « temporaire ». Ce Mécanisme ne saurait en aucun cas devenir un nouveau tribunal international. Le Mécanisme doit se contenter de traiter les affaires en suspens dans les délais.
M. CARLOS ALBERTO GARCÍA REYES (Guatemala) a remercié les juges et le personnel du TPIY pour leurs efforts déployés dans les dernières affaires avant la fermeture et la diligence avec laquelle ils mènent le processus de liquidation. Il s’est également félicité des initiatives pour consolider l’image du TPIY dans la région de l’ex-Yougoslavie et au-delà et s’est prononcé pour l’intégration, dans la mesure du possible, des peines prononcées par le Tribunal dans les jurisprudences nationales des pays de l’ex-Yougoslavie, pour que les tribunaux puissent soutenir les efforts de la société civile s’agissant de l’établissement des responsabilités et de la réconciliation. Le Tribunal a démontré, a ajouté le représentant, qu’il est possible et nécessaire de juger les affaires à fort impact, parmi lesquelles les cas de violence sexiste et fondée sur le sexe. Le Tribunal devrait également s’assurer que les citoyens de la région aient accès, dans toutes les langues locales, à un registre permanent des crimes commis durant le conflit dans les Balkans pour prévenir leur résurgence. Il est également important que les autorités de chaque État de l’ex-Yougoslavie, la société civile et les Nations Unies n’oublient pas les victimes, afin de mieux promouvoir la justice, perfectionner les systèmes pénaux et poursuivre la lutte contre les crimes graves.
M. CARLOS TRUJILLO (États-Unis) a indiqué qu’alors que le TPIY s’apprête à fermer ses portes en décembre, les États-Unis demeurent attachés à son indépendance et à un transfert réussi de ses fonctions au Mécanisme international. Le représentant a néanmoins souligné que beaucoup reste à faire dans la recherche de la justice et la réconciliation notamment pour ce qui a trait au respect des obligations nationales en vue de résoudre les affaires en souffrance. Il a applaudi le fait que le Tribunal tente de s’en tenir au calendrier fixé. Concernant le prochain jugement dans l’affaire Prlić contre six officiers de haut rang de la Bosnie-Herzégovine, le représentant a insisté sur l’indépendance du Tribunal. Dans l’affaire Mladić, il a considéré qu’il s’agit là d’une bonne manière de finir en beauté le travail du Tribunal. Dans ces deux affaires, a précisé le représentant, nous parlons de crimes individuels et d’un procès contre un pays. Il s’est dit inquiet de certaines déclarations faites dans la région qui ont un impact négatif sur la poursuite de la justice. Il a regretté le manque de coopération de la Serbie dans l’exécution des mandats d’arrêt pour outrage.
Il a applaudi les efforts du Mécanisme international et annoncé que son pays maintient sa récompense de 5 millions de dollars pour toute information menant à l’arrestation de chacun des huit fugitifs. Le représentant a exhorté tous les pays de la région des Grands Lacs à coopérer aux efforts visant à appréhender ces fugitifs.