Mise en œuvre du Nouveau Programme pour les villes: les États Membres sont unis dans leur volonté d’assurer une urbanisation durable
La réunion de haut niveau chargée d’examiner la mise en œuvre effective du Nouveau Programme pour les villes a pris fin aujourd’hui à l’Assemblée générale, après deux jours de tables rondes et de débats entre spécialistes des questions urbaines et membres du groupe d’experts chargé par le Secrétaire général des Nations Unies de revoir le fonctionnement d’ONU-Habitat.
« Il ressort clairement des discussions dont nous avons été témoins que les États Membres sont unis dans leur volonté d’assurer une contribution efficace d’ONU-Habitat et du système des Nations Unies dans son ensemble à l’avancement d’une urbanisation durable, telle que définie dans le Nouveau Programme pour les villes et les objectifs de développement durable », a déclaré en clôture de la réunion le Président de l’Assemblée générale, M. Peter Thomson, ajoutant que cette révision fait partie de la réforme de l’ONU visant à assurer un soutien adéquat au Programme de développement durable à l’horizon 2030.
Les discussions d’aujourd’hui ont porté sur le rôle du système des Nations Unies et de la collaboration multipartite dans la mise en œuvre du Nouveau Programme pour les villes et des objectifs de développement durable. En matinée, les participants à la première table ronde se sont prononcés en faveur d’un renforcement des capacités des autorités locales et d’investissements dans des infrastructures résilientes, avec le soutien des agences de l’ONU pertinentes. L’importance de la coordination entre les différentes institutions des Nations Unies a également été soulignée par plusieurs intervenants.
Lors de la seconde table ronde, les panélistes ont reconnu la contribution des partenariats avec le secteur privé dans la mise en application des programmes, à condition qu’ils apportent des avantages aux sociétés dans lesquelles ils opèrent et qu’ils agissent en collaboration avec les parties prenantes, notamment les villes. En outre, plusieurs participants ont souligné la nécessité de renforcer la coordination entre les agences de l’ONU et les gouvernements nationaux et locaux.
Hier, le Groupe indépendant de haut niveau chargé d’évaluer et d’accroître l’efficacité d’ONU-Habitat avait présenté le résultat de ses travaux, recommandant entre autres que cette agence concentre ses activités sur sa fonction normative plutôt que sur des tâches opérationnelles. À cette fin, le Groupe d’experts préconise la création de « UN-Urban », un mécanisme interinstitutions de coordination visant à renforcer le travail opérationnel sur l’urbanisation.
Certains ont plaidé pour le renforcement des fonctions actuelles d’ONU-Habitat plutôt que la création de structures parallèles, une réforme « évolutionnaire plutôt que révolutionnaire », selon les termes du représentant de la Fédération de Russie. Le Coprésident du Groupe indépendant a toutefois précisé que « UN-Urban » viserait à faciliter la transversalité dans le Nouveau Programme pour les villes. Il ne s’agit en aucun cas d’une nouvelle institution de l’ONU mais bien d’un mécanisme de coordination, a-t-il assuré.
« Il est clair que nombre de recommandations contenues dans le rapport du Groupe indépendant feront l’objet de discussions et de réflexions plus approfondies », a déclaré M. Peter Thomson.
La réunion de haut niveau fait suite à l’adoption, en octobre 2016, du Plan de Quito relatif à la mise en œuvre du Nouveau Programme pour les villes, un accord international visant à établir les bases d’un développement urbain durable, dans le contexte de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et de l’Accord de Paris sur les changements climatiques. Le Groupe d’experts a présenté son rapport (A/71/1006) en août 2017.
RÉUNION DE HAUT NIVEAU CHARGÉE D’EXAMINER LA MISE EN ŒUVRE EFFECTIVE DU NOUVEAU PROGRAMME POUR LES VILLES ET DU RÔLE D’ONU-HABITAT À CET ÉGARD
Tables rondes interactives sur le rôle d’ONU-Habitat dans la mise en œuvre effective du Nouveau Programme pour les villes
Pour traiter de la question à l’ordre du jour, les participants ont été invités à réfléchir tout d’abord au rôle que doit jouer le système des Nations Unies dans cette mise en œuvre, en envisageant une forme de coordination qui oblige les Nations Unies et toutes les parties prenantes à travailler ensemble.
Au préalable, la modératrice de la discussion, Mme MIN THU PHAM, de la Fondation des Nations Unies, a demandé aux agences de l’ONU représentées d’expliquer ce qu’elles ont déjà entrepris pour atteindre les objectifs de développement durable à la lumière du Nouveau Programme pour les villes.
La lutte contre la pauvreté et l’accompagnement pour une bonne gouvernance sont au cœur de la mission du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), a expliqué M. MAGDY MARTÍNEZ-SOLIMÁN, Administrateur adjoint et Directeur du Bureau des politiques et de l’appui aux programmes. Sur le terrain, le PNUD accorde une attention particulière aux gouvernements locaux, a-t-il dit en citant notamment des programmes de développement local et de renforcement des capacités des autorités locales pour que celles-ci soient en mesure de créer des emplois, de tenir des élections légitimes et de fournir des services de base.
Certaines agences contribuent en amont à identifier les problèmes existants, comme le Département des affaires économiques et sociales (DAES) qui mène des analyses, en produisant des statistiques et des données en lien avec l’urbanisation et la mise en œuvre des objectifs de développement durable. M. THOMAS GASS, Sous-Secrétaire général à la coordination des politiques et aux affaires interorganisations, a insisté à cet égard sur la nécessité de travailler de façon interconnectée, en faisant le lien entre les questions urbaines et rurales, comme le préconise le Programme d’action d’Addis-Abeba issu de la troisième Conférence internationale sur le financement du développement.
La Banque mondiale aide, elle, à repérer les lacunes de financement, a indiqué M. MAHMOUD MOHIELDIN, Premier Vice-Président pour le Programme de développement durable à l’horizon 2030, les relations avec les organismes des Nations Unies et les partenariats du Groupe de la Banque mondiale. Elle s’intéresse notamment au financement nécessaire pour arriver à fournir des logements abordables, sachant que les pays vont devoir consacrer 2% de leur PIB aux logements sociaux s’ils veulent réaliser les objectifs de développement durable. La Banque mondiale vise également à mobiliser 4 500 milliards de dollars pour construire des infrastructures résilientes, mais le financement ne sera pas facile. D’où la nécessité d’investir dans des infrastructures à long terme et de promouvoir les partenariats.
À ce sujet, le Bureau des Nations Unies pour les services d’appui aux projets (UNOPS), selon sa Directrice exécutive, Mme GRETE FAREMO, est prêt à travailler en partenariat avec les autres agences et parties prenantes sur la question des infrastructures durables. Il prépare en ce moment un mémorandum d’entente avec ONU-Habitat sur l’objectif de développement durable 11 sur « les villes et les établissements humains ouverts à tous, résilients et durables ». Mme Faremo a vanté l’engagement « unique en son genre » de l’UNOPS à contribuer au Nouveau Programme pour les villes, puisqu’il travaille pour la mise en œuvre effective de projets comme les constructions de route, d’écoles et de logements sociaux, en faisant participer la main d’œuvre et les entreprises locales.
Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés est, lui aussi, tout à fait disposé à créer des partenariats avec tous les organismes onusiens pour mettre en œuvre l’objectif 11, a assuré Mme GRÁINNE O’HARA, Directrice adjointe du Bureau de New York, car deux tiers des réfugiés et quatre cinquièmes des personnes déplacées dans le monde sont installés dans les villes.
Mme AISA KIRABO KACYIRA, Directrice exécutive adjointe d’ONU-Habitat, a reconnu qu’il fallait se tourner vers les organisations existantes comme le Haut-Commissariat pour les réfugiés en vue de réaliser le Nouveau Programme pour les villes, y voyant des « outils pour travailler ». Elle a demandé de veiller à une bonne coordination de ces efforts, pour éviter une concurrence inutile entre les agences de l’ONU, ce qu’ONU-Habitat est bien placé pour faire puisque neuf des 17 objectifs de développement durable ont un lien avec l’habitat.
Si le besoin de coordination est apparu évident au cours de la discussion, les intervenants ont également mis en lumière les difficultés de cet exercice face à des obstacles sur les plans financier, politique, organisationnel et opérationnel.
Pour le représentant de la Banque mondiale, la coordination est toujours « une question de vision, de financement, de planification et de suivi ». « Des questions de financement et de structures organisationnelles », a ajouté la représentante de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC).
De l’avis de la représentante d’ONU-Femmes, le défi principal est la mise en œuvre au niveau local. Selon elle, il faut aussi que les efforts de coordination tiennent compte de l’égalité des sexes et des droits des femmes et des enfants.
Le vrai défi, a continué le représentant du PNUD, est de savoir « comment travailler main dans la main ». C’est pourquoi il a recommandé de fixer des « politiques », estimant qu’il revenait à ONU-Habitat de les définir. La coordination exige aussi « un esprit plus constructif », a-t-il fait remarquer avant de plaider en faveur du renforcement du rôle et des ressources des coordinateurs résidents.
La discussion s’est élargie au rôle que peuvent jouer le secteur privé, la société civile et les autorités locales pour coordonner les efforts et se les approprier, comme l’a fait observer, notamment, le représentant de la Banque mondiale. Il a saisi cette occasion pour annoncer qu’un document conjoint de la Banque mondiale et de l’ONU serait publié en mars 2018 sur les causes de la violence urbaine et sur les moyens de la combattre.
« Nous ne pouvons plus aller dans les pays avec nos programmes et les imposer localement », a conclu le représentant du DAES, convaincu qu’il fallait mieux répondre aux attentes sur le terrain et accepter le leadership local. La représentante d’ONU-Habitat a assuré à ce sujet que le Nouveau Programme pour les villes avait prévu des outils pour la décentralisation, afin de mieux utiliser les ressources locales, mais que cela exigeait une approche coordonnée. Elle a estimé que le rôle de coordination d’ONU-Habitat devait donc être renforcé, afin d’être plus stratégique.
Pour la dernière table ronde de la session, centrée sur le rôle de la collaboration multipartite dans la mise en œuvre du Nouveau Programme pour les villes et des objectifs de développement durable, le panel regroupait, a souligné le modérateur, M. TOMAS ANKER CHRISTENSEN, Chef de cabinet du Bureau du Président de l’Assemblée générale pour la soixante et onzième session, des participants d’horizons divers mais qui ont en commun de travailler sur le terrain.
La Présidente de l’Assemblée générale des partenaires, Mme EUGENIE BIRCH, a d’emblée invité à reconnaître la contribution importante des partenariats avec le secteur privé dans la mise en application du Nouveau Programme pour les villes et la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Par exemple, a-t-elle continué, 16 groupes représentant des positions de consensus mais aussi des politiques individuelles se sont réunis pour participer à la réalisation des objectifs, en apportant leurs connaissances et expertises respectives. Ces partenariats, a ajouté Mme Birch, peuvent jouer un rôle dans l’évaluation de projets pilotes et dans le suivi des objectifs de développement durable, à l’aide d’indicateurs approuvés par les Nations Unies. Il est donc important de créer des plateformes multipartites qui rassemblent les parties prenantes œuvrant en vue d’atteindre des objectifs réalistes à l’aide d’un financement adéquat.
Il est également essentiel, selon M. HAZEM GALAL, membre du Global Future Council on Cities du Forum économique mondial, de mettre en place les conditions nécessaires afin de rassurer le secteur privé quant à la continuité des projets, peu importe les conditions sur le terrain, comme ce fut le cas au Forum économique mondial ainsi que pour la préparation du Plan de Quito relatif à la mise en œuvre du Nouveau Programme pour les villes. Si l’on veut que le secteur privé remplisse pleinement son rôle, il doit être impliqué en amont de la planification des projets, a-t-il ajouté.
Le secteur privé, a rappelé Mme MIRELLA AMALIA VITALE, Vice-Présidente du marketing, des communications et des affaires publiques du Rockwool Group, en plus de ses contributions financières à divers programmes, a contribué à la mise en place de nombreux traités et conventions partout dans le monde. Les partenariats public-privé, a-t-elle poursuivi, doivent être avantageux pour les citoyens et contribuer à la construction de sociétés agréables, ouvertes et inclusives, et pas seulement rechercher les profits. Le maire de Madrid, Mme MANUELA CARMENA, a été d’accord pour dire qu’il fallait développer des partenariats « public-privé » qui apportent des bénéfices sociaux et économiques aux citoyens.
Si l’action du secteur privé est axée sur les profits, elle doit également comporter des avantages pour les sociétés dans lesquelles il opère, a renchéri Mme MARÍA JOSÉ LUBERTINO, Directrice exécutive de l’Association des citoyens pour les droits de l’homme de l’Argentine, qui a qualifié de « très prometteur » la main tendue au secteur privé alors que, depuis trop longtemps, on le tient pour responsable de nombreux problèmes. Elle a en outre souligné que le secteur privé a un rôle à jouer afin de rendre les habitations plus sûres et plus résilientes, notamment par la construction de logements sociaux abordables, une question qui devrait être au cœur des discussions d’ONU-Habitat, selon le représentant des Philippines.
Pour M. AROMAR REVI, Directeur de l’Indian Institute for Human Settlements (Institut indien des établissements humains), l’objectif de fournir des services de base à cinq milliards de personne d’ici à 2030, de créer des millions de nouveaux emplois tout en limitant le réchauffement climatique à 2ºC est une tâche impossible sans la pleine participation des villes, des citoyens et des entreprises. Pour y parvenir, il est important que personne ne soit laissé de côté, mais aussi que nul endroit ne soit oublié, a-t-il estimé, rappelant que 25% du PIB provient du secteur informel. À cet égard, il a estimé qu’ONU-Habitat ne pouvait être la seule institution responsable de la mise en place du Nouveau Programme pour les villes et des objectifs de développement durable à l’horizon 2030, plaidant pour une forte coordination entre les agences de l’ONU et les gouvernements nationaux et locaux afin de fournir des services là où ils sont nécessaires. Pour ce faire, a-t-il argué, le Nouveau Programme pour les villes doit être doté d’une structure de gouvernance et d’un système de financement simples et efficaces, associant les parties prenantes, les citoyens et les autorités locales.
Les municipalités, comme les individus, ont, depuis toujours, une certaine autonomie dans la mise en œuvre de politiques, a souligné le maire de Madrid, pour qui le Nouveau Programme pour les villes doit tenir compte de la compétence des gouvernements locaux. Il faut avant tout éviter l’exclusion, a-t-elle poursuivi, ajoutant que tous doivent être considérés comme des citoyens à part entière sans distinction entre les sans-papiers et autres « personnes privées de droit ». « Nous devons créer une culture citoyenne », a insisté le maire, à l’aide des tribunaux garantissant le respect des règles et des procédures s’appliquant à tous, y compris le secteur privé. Toutefois, a prévenu le représentant du Qatar, nous devons éviter la création de communautés informelles permanentes dans la foulée du flux constant de réfugiés.
Pour le maire de Bangangté, au Cameroun, l’urbanisation n’est pas seulement une question d’infrastructures dans les villes mais aussi dans les régions rurales, d’où sont originaires les migrants économiques. Elle a donc conseillé d’inclure deux facteurs importants dans le Nouveau Programme pour les villes: le partenariat entre les élus locaux et le caractère spécifique des réseaux urbains.
Une autre raison pour laquelle la société civile doit faire entendre sa voix est que les institutions politiques ne fonctionnent pas toujours, a estimé la représentante du Rockwool Group. Elle a également fait valoir le rôle important des gouvernements locaux dans la mesure où l’État national a souvent d’autres priorités, ajoutant le besoin d’entamer une réflexion sur la façon de construire des villes sur la base de la diversité en conciliant les intérêts des différents groupes pour que personne ne soit laissé de côté. Elle a été d’avis que l’ONU devait créer un espace de dialogue entre les différentes parties prenantes afin de participer au renforcement d’ONU-Habitat. Celui-ci doit en effet pouvoir jouer pleinement son rôle dans le développement de l’urbanisation et des établissements humains.
L’hypothèse de voir ONU-Habitat réduit à des fonctions normatives a fait craindre au représentant des Philippines un impact négatif sur le terrain. Il a, lui aussi, plaidé pour une plus grande coordination entre les agences onusiennes et non onusiennes, entre les autorités locales et centrales, et entre les gouvernements et les agences onusiennes.