L’Assemblée générale demande à la Cour internationale de Justice un avis consultatif sur l’archipel des Chagos, opposant Maurice et le Royaume-Uni
L’Assemblée générale a adopté, aujourd’hui, une résolution dans laquelle elle demande à la Cour internationale de Justice (CIJ) de donner un avis consultatif sur deux questions concernant les effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos du territoire de Maurice en 1965, une résolution qualifiée par le représentant du Royaume-Uni, qui administre l’archipel, de « précédent terrible ».
Par cette résolution*, adoptée par 94 voix pour, 15 voix contre et 65 absentions, l’Assemblée demande à la CIJ de donner un avis consultatif pour déterminer si le processus de décolonisation a été « validement mené à bien lorsque Maurice a obtenu son indépendance en 1968, à la suite de la séparation de l’archipel des Chagos de son territoire et au regard du droit international ». Elle lui demande aussi de se prononcer sur les conséquences en droit international « du maintien de l’archipel des Chagos sous l’administration du Royaume-Uni, notamment en ce qui concerne l’impossibilité pour Maurice d’y mener un programme de réinstallation pour ses ressortissants, en particulier ceux d’origine chagossienne ».
Commentant « une distraction », « un obstacle aux discussions bilatérales » et « un précédent terrible pour l’Assemblée générale et la Cour », le représentant du Royaume-Uni s’est d’abord étonné que la résolution lie les anciens habitants de l’archipel à la question de la souveraineté britannique, parce que, durant les trois séries de pourparlers bilatéraux engagées depuis le mois de septembre, Maurice n’y a fait que de « légères allusions », se concentrant plutôt sur le transfert de souveraineté.
Le fait est, a souligné le représentant, que nous avons négocié en 1965 le détachement de l’archipel avec les représentants élus de Maurice, les mêmes avec lesquels nous négocions séparément l’indépendance du pays. Pour les Chagos, ils ont négocié une compensation que le Royaume-Uni a payée. Ils ont aussi négocié des droits et obtenu l’engagement de récupérer l’archipel quand il ne sera plus nécessaire à la stratégie de défense britannique.
Justement, le dernier survivant des participants à la Conférence constitutionnelle de 1965 était là aujourd’hui. Le Ministre mauricien de la défense, M. Anerood Jugnauth, a tranché: « le consentement de la colonie de Maurice –si consentement il y a eu– ne saurait justifier une violation de la Charte des Nations Unies ». En tant qu’État indépendant, a-t-il martelé, Maurice n’a jamais conclu d’accord sur le « démembrement » de son territoire.
Ce « démembrement » obtenu sous la contrainte, sans le consentement des Mauriciens et avec le déplacement des habitants de l’archipel, a été réalisé en violation du droit des peuples à l’autodétermination et des droits de l’homme. « Aucune compensation financière » ne saurait justifier la violation de ces principes », a ajouté le Ministre.
Il a rappelé que l’ONU avait donné au Royaume-Uni jusqu’à juin 2017 pour finaliser les pourparlers, lesquels ont été vains, car le Royaume-Uni a refusé de fixer une date butoir, « voire a refusé de parler de décolonisation ». « Nous ne pouvons pas nous engager », a confirmé le représentant britannique. L’archipel des Chagos fait depuis 1966 l’objet d’un accord de coopération militaire avec les États-Unis. Nous ne pouvons pas, 19 ans avant la fin de l’accord, prédire ce que sera notre stratégie de défense, s’est-il expliqué.
La base de Diego Garcia, a-t-il tenu à souligner, contribue « de manière essentielle » à la sécurité et à la stabilité régionales et internationales, en particulier l’océan Indien, dont Maurice. Elle joue un rôle « critique » dans la lutte contre les défis les plus complexes et les plus urgents du XXIe siècle comme le terrorisme, la criminalité internationale, la piraterie ou toute autre forme d’instabilité, a insisté le représentant, en répétant que quand le territoire ne sera plus nécessaire, sa souveraineté passera à Maurice. Il a aussi pronostiqué que la CIJ ne se saisira pas de l’affaire parce qu’elle concerne un différend bilatéral entre deux États Membres de l’ONU.
L’Article 94 de la Charte des Nations Unies dispose que « l’Assemblée générale ou le Conseil de sécurité peut demander à la Cour internationale de Justice un avis consultatif sur toute question juridique ». L’avis consultatif est différent des arrêts que la CIJ peut rendre sur des différends territoriaux soumis par les États parties et couverts par le chapitre IV du Statut de la Cour.
« Demander un avis consultatif à la Cour ne menace ni la paix ni la sécurité », a déclaré le Ministre mauricien de la défense, assurant le Royaume-Uni et les États-Unis qu’un contrôle effectif de Maurice sur l’archipel des Chagos ne représenterait en aucune façon une menace sur la base militaire de Diego Garcia, des assurances que le représentant du Royaume-Uni a jugées « sans crédibilité », voyant dans la démarche de Maurice et de l’Assemblée générale une tentative de contourner le principe « essentiel » selon lequel un État n’est pas obligé, sans son consentement, de voir ses différends bilatéraux soumis à un règlement judiciaire.
Le Secrétariat de l’ONU a indiqué que, sur la base des derniers avis consultatifs, la saisine de la CIJ devrait coûter entre 450 000 et 600 000 dollars.
En début de séance, l’Assemblée a rendu hommage à la mémoire du Président de Vanuatu, Baldwin Lonsdale, décédé le 17 juin 2017 à l’âge de 67 ans dans l’exercice de ses fonctions, qu’il occupait depuis 2014. Le Président de l’Assemblée a salué la mémoire d’un « homme honoré dans tout le Pacifique pour son dévouement en faveur de son peuple ». Plusieurs délégations ont vu en lui « un champion de la lutte contre les changements climatiques » qui a « servi son peuple avec dignité ». Le représentant de Vanuatu a remercié la communauté internationale pour ces témoignages de sympathie envers le défunt, qu’il a qualifié de « chantre de l’état de droit ».
* A/71/L.73
DEMANDE D’AVIS CONSULTATIF DE LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE SUR LES EFFETS JURIDIQUES DE LA SÉPARATION DE L’ARCHIPEL DES CHAGOS DE MAURICE EN 1965: PROJET DE RÉSOLUTION (A/71/L.73)
Déclarations
Au nom du Groupe des États d’Afrique, M. RAYMOND SERGE BALÉ (Congo), a présenté le projet de résolution et expliqué que ce texte entend concourir à la décolonisation « totale » de l’Afrique. Le texte, a-t-il dit, fait suite à une résolution de l’Union africaine qui dénonce comme « illégale » l’autorité britannique sur l’archipel des Chagos. Constatant depuis plus de cinq décennies, qu’il n’y a pas « de chance de progrès » sur cette question, le Groupe des États d’Afrique a décidé de demander à l’Assemblée générale de saisir la Cour internationale de Justice (CIJ). Un vote « oui » serait un vote en faveur de la Charte des Nations Unies, a déclaré le représentant.
Rappelant qu’il est le dernier survivant des participants à la Conférence constitutionnelle de Maurice, qui, tenue à Londres en 1965, a ouvert la voie à l’indépendance du pays en 1968, M. ANEROOD JUGNAUTH, Ministre de la défense de Maurice, s’est dit bien placé pour rendre compte des circonstances du démembrement de l’archipel des Chagos avant l’indépendance.
« Je parle au nom des Mauriciens originaires de l’archipel des Chagos qui en ont été expulsés de force », a-t-il tonné, parlant d’un l’archipel qui faisait partie du territoire de Maurice depuis le XVIIIe siècle, à l’époque où Maurice était une colonie française. La France a gouverné l’archipel des Chagos comme s’il dépendait de Maurice, avant de céder les deux territoires au Royaume-Uni en 1810.
L’administration de l’archipel des Chagos comme un territoire mauricien s’est poursuivie sans interruption durant la période coloniale britannique jusqu’à son « démembrement illégal », le 8 novembre 1965. Cela s’est produit, a dénoncé le Ministre, en violation flagrante du droit international et de la résolution 1514 (XV) sur la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, adoptée le 14 décembre 1960 par l’Assemblée générale.
Le Ministre a insisté sur le fait que la nature « illégale » du démembrement avait été reconnue et confirmée par l’Assemblée générale, dans sa résolution 2066 (XX), du 16 décembre 1965. L’Assemblée y invite le Gouvernement du Royaume-Uni à prendre des mesures effectives en vue de la mise en œuvre immédiate et complète de la résolution 1514 (XV), « à l’exclusion de toute mesure emportant démembrement du territoire de Maurice ou violation de son intégrité territoriale ». Par la suite, l’Assemblée a réitéré sa position à plusieurs reprises, dans ses résolutions 2232 (XXI), du 20 décembre 1966, et 2357 (XXII), du 19 décembre 1967.
Pourtant, a déploré le Ministre, le processus de décolonisation de Maurice est toujours incomplet. « Plus de 30 ans après le démembrement de l’archipel des Chagos, des vérités choquantes sur les circonstances de ce démembrement viennent de faire surface », a déclaré le représentant, précisant que des notes internes jusqu’ici inconnues du Ministère britannique des affaires étrangères, rédigées entre 1965 et 1966, ont été retrouvées. Ces notes démontrent la « volonté délibérée » du Royaume-Uni de mettre l’ONU face à un « fait accompli » et « d’induire en erreur la communauté internationale sur la nature de la population de l’archipel ».
Selon ces notes internes, il apparaît que les habitants de l’archipel ont été « cyniquement » qualifiés de « Tarzan » et de « Vendredi », dans le seul but de se dérober à l’examen minutieux des Nations Unies sur la nature « illégale » du démembrement. À l’appui de son argumentaire, le Ministre a cité le contenu d’une note interne adressée par le Secrétaire colonial britannique à son Premier Ministre en 1965, dans laquelle il déclare: « Il est donc important que nous soyons en mesure de mettre les Nations Unies devant un fait accompli. »
Ces faits nouveaux, a estimé le Ministre, devraient suffire à une nouvelle interprétation de ce qui s’est produit en 1965. Le démembrement du territoire de Maurice sous la contrainte, sans le consentement des Mauriciens, et le déplacement des habitants de l’archipel ont été réalisés en violation du droit des peuples à l’autodétermination et des droits de l’homme. « Aucune compensation financière » ne saurait justifier la violation de ces principes, a-t-il ajouté.
La position du Royaume-Uni semble être en effet que Maurice a donné son accord en acceptant une compensation financière. Or, « le consentement de la colonie de Maurice –si consentement il y a eu– ne saurait justifier une violation de la Charte », s’est justifié le Ministre, ajoutant qu’« en tant qu’État indépendant », Maurice n’a jamais conclu d’accord sur le démembrement.
Le Ministre a rappelé que l’ONU avait donné au Royaume-Uni jusqu’à juin 2017 pour entamer des négociations sur le processus de décolonisation. Trois séries de pourparlers ont eu lieu mais ils ont été vains, car le Royaume-Uni a refusé de fixer une date pour parachever le processus, « voire a refusé de parler de décolonisation ».
Le Ministre a par conséquent appuyé le projet de résolution demandant un avis de la Cour internationale de Justice (CIJ) sur la question de savoir si « le processus de décolonisation a été validement mené à bien lorsque Maurice a obtenu son indépendance en 1968 ».
« Demander un avis consultatif à la Cour ne menace ni la paix ni la sécurité », a déclaré le Ministre, assurant le Royaume-Uni et les États-Unis qu’un contrôle effectif de Maurice sur l’archipel des Chagos ne représenterait en aucune façon une menace sur la base militaire de Diego Garcia. Il s’est dit prêt à conclure un accord à long terme avec les parties concernées sur ce point.
« Laissons les Nations Unies accomplir leur mandat concernant la décolonisation! » a déclaré, en conclusion, le Ministre de la défense de Maurice.
Au nom du Mouvement des pays non alignés, M. RAFAEL DARÍO RAMÍREZ CARREÑO (Venezuela) a rappelé qu’en 2016, les chefs d’État et de gouvernement du Mouvement, réunis à leur dix-septième Sommet dans l’île de Margarita, au Venezuela, avaient déjà indiqué que l’archipel des Chagos est un territoire mauricien et promis de voter en faveur de la résolution.
Au nom de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), M. ISMAEL ABRAÃO GASPAR MARTINS (Angola) a rappelé que l’un des objectifs fondateurs de la Communauté est d’œuvrer à la décolonisation totale. Il a fait un rappel historique des faits entourant l’archipel des Chagos, relevant notamment que ce territoire a été retiré de Maurice avant son indépendance. Il a demandé à toutes les délégations de voter en faveur de ce texte pour « faire triompher » le droit international et la Charte des Nations Unies.
« En septembre dernier, vous avez demandé au Royaume-Uni et à Maurice d’entamer des négociations bilatérales sur l’archipel des Chagos, que nous administrons, comme territoire britannique de l’océan Indien », a rappelé M. MATTHEW RYCROFT (Royaume-Uni), avant d’ajouter: « nous l’avons fait de bonne foi ». Cette semaine encore, les ministres des deux pays se sont rencontrés à New York pour poursuivre leur dialogue bilatéral.
« Vous aviez raison, car nous devrions avoir pour règle de discuter de manière bilatérale pour régler des affaires bilatérales », a insisté le représentant, voulant que la question reste bilatérale. Il a donc regretté que cette question ait abouti à l’Assemblée générale et s’est dit triste qu’un différend entre deux États Membres de l’ONU, deux partenaires du Commonwealth, ait passé le seuil de cette salle. Une voie constructive est toujours possible et le Royaume-Uni appelle au retrait du projet de résolution pour la garder ouverte, a dit le représentant.
Il ne s’agit pas d’une « question de décolonisation », a-t-il poursuivi. Maurice est devenue indépendante en 1968, en vertu d’un accord mutuel entre son Conseil des ministres et le Gouvernement britannique. Dans des discussions séparées avec le Conseil des ministres, Maurice avait déjà accepté le détachement de l’archipel des Chagos, un accord qu’il a respecté jusque dans les années 80. Ainsi, pendant des années, l’Assemblée générale n’a jamais entendu parler de la question.
« Pourtant, nous voilà aujourd’hui », s’est étonné le représentant, se demandant: « Combien d’autres questions bilatérales laissées par l’histoire pourraient atterrir de cette façon à l’Assemblée générale? » Le projet de résolution, a-t-il prévenu, pourrait créer un précédent que beaucoup viendraient à regretter.
Nous ne doutons pas, a-t-il dit, du droit de l’Assemblée générale de demander un avis consultatif à la CIJ sur une question juridique. Mais le fait que l’Assemblée n’ait jamais examiné cette question pendant des années montre que le débat d’aujourd’hui a été convoqué pour de toutes autres raisons. C’est une tentative de Maurice de contourner un principe « essentiel »: le principe selon lequel un État n’est pas obligé, sans son consentement, de voir ses différends bilatéraux soumis à un règlement judiciaire. « Nous ne donnons pas et ne donnerons jamais ce consentement, car nous savons ce sur quoi nous nous sommes mis d’accord avec Maurice. »
La CIJ, a prédit le représentant, ne se saisira pas de l’affaire parce qu’elle concerne un différend bilatéral entre deux États Membres de l’ONU. Le représentant a appelé tous ceux qui ont l’intention de s’abstenir de voter contre le projet de résolution, « précisément parce qu’il s’agit d’une affaire bilatérale ».
Depuis septembre dernier, a-t-il expliqué, trois séries de pourparlers bilatéraux ont été engagées. Ces pourparlers ont été infructueux, mais le Royaume-Uni y tient toujours. Il a fait de nombreuses propositions à Maurice et déjà, dès 1965, il avait pris l’engagement « contraignant » de céder à Maurice la souveraineté sur l’archipel des Chagos quand il ne servira plus aux objectifs de défense. Plus récemment, le Royaume-Uni a offert, sans préjudice de sa souveraineté, un cadre de gestion commune de toutes les îles à l’exception de Diego Garcia. Il a aussi offert des formes stratégiques et tactiques de coopération en matière de sécurité. « Je regrette donc que Maurice n’ait pas accepté ces offres parce qu’elles auraient pu créer un climat de confiance et donner à Maurice le droit de regard concret et direct sur l’archipel qu’il n’a jamais eu. »
Le représentant s’est d’ailleurs dit surpris que le projet lie les anciens habitants de l’archipel à la question de la souveraineté britannique parce que, durant les pourparlers, Maurice n’y a fait que de « légères allusions », se concentrant plutôt sur le transfert de souveraineté. Tous les gouvernements britanniques qui se sont succédé ont exprimé leurs regrets quant à la manière dont les Chagossiens ont été retirés du « Territoire britannique de l’océan Indien » dans les années 60 et 70. En 1973, le Gouvernement a donné des fonds au Gouvernement mauricien pour financer leur réinstallation. En 1982, d’autres fonds ont été alloués et plus récemment, le Gouvernement a commandité une étude indépendante et mené des consultations populaires qui ont conclu à une réelle aspiration au retour mais une aspiration qui s’affaiblit quand les gens comprennent ce que serait leur vie dans des îles très isolées et à basse altitude. Le Gouvernement a donc renoncé à la réinstallation, après avoir réfléchi à la faisabilité, aux coûts et aux intérêts en matière de défense et de sécurité.
Le Gouvernement, a précisé le représentant, a préféré injecter quelque 50 millions de dollars pour améliorer la vie des Chagossiens dans les communautés où ils vivent aujourd’hui, que ce soit à Maurice, aux Seychelles ou au Royaume-Uni. La priorité de Maurice n’a jamais été le sort des Chagossiens mais plutôt la souveraineté sur l’archipel, en pressant le Royaume-Uni de fixer une date. « Nous ne pouvons pas nous engager », a confirmé le représentant, à cause de l’accord de 1965. Le « Territoire britannique de l’océan Indien », s’est-il expliqué, a été créé pour des raisons de sécurité et, en 1966, un accord a été conclu avec les États-Unis sur une utilisation commune d’un territoire qui fait une contribution « essentielle » à la sécurité et à la stabilité régionales et internationales, en particulier l’océan Indien, dont Maurice. La base militaire joue un rôle « critique » dans la lutte contre les défis les plus complexes et les plus urgents du XXIe siècle comme le terrorisme, la criminalité internationale, la piraterie ou toute autre forme d’instabilité.
L’accord avec les États-Unis prend fin en 2036 et nous ne pouvons pas, 19 ans avant, prédire ce que seront nos objectifs de défense, a insisté le représentant, jugeant que les assurances de Maurice manquent de crédibilité, contrairement à celles du Royaume-Uni qui ne cesse de dire que quand le territoire ne sera plus nécessaire aux objectifs de défense, sa souveraineté passera à Maurice. Le Royaume-Uni n’a pas hésité à le faire avec les Seychelles, a affirmé le représentant.
Le fait est, a-t-il conclu, que nous avons négocié le détachement de l’archipel avec les représentants élus de Maurice, les mêmes avec lesquels nous négocions séparément l’indépendance de leur pays. Ces représentants avaient l’autorité de négocier et nous avons conclu un accord avec eux. Sur l’archipel des Chagos, ils ont négocié une compensation que le Royaume-Uni a payée. Ils ont négocié les droits et l’engagement de récupérer les îles quand elles ne seront plus nécessaires à la défense. Notre engagement, a précisé le représentant, ne veut pas dire que nous ne sommes pas sûrs de notre souveraineté. Nous voulons discuter avec nos partenaires de cette question bilatérale qui nous divise. Il s’agit en effet d’une question bilatérale qui relève de discussions bilatérales, a-t-il répété. Elle n’est pas matière à une demande d’avis consultatif à la CIJ par l’Assemblée générale, a-t-il insisté, avant d’annoncer un vote contre le projet de résolution et de prévenir qu’un avis consultatif serait « une distraction », « un obstacle aux discussions bilatérales » et « un précédent terrible pour l’Assemblée générale et la Cour ».
La représentante des États-Unis a rappelé que son pays a reconnu la souveraineté du Royaume-Uni sur l’archipel des Chagos en 1984, les deux ayant une base militaire « importante » sur le territoire. Maurice, s’est impatientée la représentante, essaye de faire croire à une question de décolonisation alors qu’il s’agit bien d’un « différend bilatéral ». « On ne peut pas demander l’avis de la CIJ quand les deux parties n’adhérent pas à la démarche », a-t-elle argué, affirmant que cela créerait un précédent grave et que ce processus empièterait sur les efforts bilatéraux en cours. Le Royaume-Uni a fait des offres généreuses et Maurice veut maintenant se soustraire aux efforts bilatéraux, a-t-elle dénoncé, avant d’annoncer un vote contre.
Le représentant de l’Inde a rappelé que l’Inde a toujours été, depuis son indépendance en 1947, un fervent défenseur de la décolonisation. L’Inde a toujours soutenu la quête de Maurice de rétablir sa souveraineté sur l’archipel. L’Inde vote pour.
L’Égypte aussi, a dit son représentant, conformément à la position du Groupe des États d’Afrique et du Mouvement des pays non alignés. L’archipel des Chagos constitue l’un des derniers chantiers de la décolonisation.
Le vote « oui » est « un impératif historique en solidarité avec une nation africaine sœur », s’est expliqué, à son tour, le représentant du Kenya. Les violations et les exactions qui ont marqué l’histoire de cet archipel exigent de tous les États qu’ils votent en faveur du texte, a-t-il plaidé, en ajoutant: « Tout ce que nous demandons c’est l’avis de la CIJ, est-ce si difficile? »
Nous appuyons la position de Maurice et demandons à toutes les parties de régler la question par le dialogue, a déclaré le représentant de la République-Unie de Tanzanie.
Reprenant la parole, le représentant du Royaume-Uni a insisté, une nouvelle fois, sur le fait que la question de l’archipel des Chagos relève exclusivement d’un différend bilatéral. L’Assemblée générale est instrumentalisée et contribuer à contourner le principe selon lequel un avis consultatif à la Cour ne peut être demandé sans le consentement de toutes les parties concernées. « C’est un précédent très malheureux. »
« C’est un précédent dangereux », a acquiescé son homologue des États-Unis face à une question « purement bilatérale ».
Le représentant du Chili s’est dissocié du Mouvement des pays non alignés, estimant que le différend entre Maurice et le Royaume-Uni doit être réglé de façon bilatérale. Nous nous abstenons, a-t-il annoncé.
Malgré son engagement « sans faille » en faveur de la décolonisation, la Croatie, a dit son représentant, vote contre pour « laisser sa chance aux négociations bilatérales ».
Il est regrettable que ces négociations n’aient pas abouti, a avoué le représentant de la France, rappelant que tous les recours bilatéraux ne sont pas épuisés. La France ne peut donc voter en faveur du projet de résolution.
Nous voterons pour, a contré le représentant de Trinité-et-Tobago.
Le représentant de l’Australie a estimé qu’il n’est pas approprié de demander l’avis consultatif de la CIJ pour déterminer les droits et intérêts des États Membres. La base militaire de Diego Garcia joue un rôle crucial dans la lutte mondiale contre le terrorisme et il est de l’intérêt de tous les États de lever toute équivoque sur le statut de la base, au risque de saper sa contribution à la paix et la sécurité internationales, a plaidé le représentant.
Son homologue de l’Uruguay a exhorté les deux parties à poursuivre leur dialogue. Cette question est une question bilatérale, a souligné la représentante de l’Allemagne, notant que l’une des parties ne souhaite pas impliquer la CIJ dans le règlement du différend. S’étant abstenu lors du vote, le délégué de la Chine a appelé, à son tour, à la poursuite des consultations bilatérales. La recherche de solutions doit rester au niveau bilatéral, a acquiescé le représentant du Mexique, en rappelant tout de même que la CIJ est bien l’organe approprié pour statuer sur les différends entre États. Mais pas au stade actuel, a estimé son homologue de la Nouvelle-Zélande. Les différends bilatéraux ne relèvent de la CIJ que quand les parties sont en négociation, a ajouté le représentant de la Suède.
La question n’a rien à voir avec un différend territorial, a précisé le délégué d’El Salvador. Nous sommes devant des questions de décolonisation sur lesquelles la CIJ a déjà statué. Mais le règlement des différends par la CIJ, a nuancé le représentant du Canada, exige le consentement des deux parties. Hors dans ce cas, ce principe n’a pas été respecté. Privilégions les négociations bilatérales, a encouragé son homologue du Portugal, la CIJ ne devant pas s’impliquer dans des affaires bilatérales, a ajouté le représentant d’Israël. Les deux parties doivent poursuivre le dialogue, a concédé le délégué du Brésil, mais un vote en faveur de la résolution veut dire que l’on demande à un organe de l’ONU, la CIJ, de donner un avis non contraignant propre à guider les deux parties vers le règlement de leur différend. Qu’elles se concentrent donc sur les négociations bilatérales, a conclu le représentant du Myanmar, avant que son homologue de l’Indonésie ne souligne l’intégrité territoriale est un droit « inaliénable » de tout État indépendant. Les parties doivent avoir un calendrier, a-t-il estimé, souhaitant l’avènement d’une solution acceptable par tous.