L’Assemblée générale célèbre le dixième anniversaire de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones
L’Assemblée générale a célébré, aujourd’hui, le dixième anniversaire de l’adoption de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, l’occasion pour de nombreux dignitaires, dont le Président de la Bolivie, de faire le bilan des progrès réalisés, mais aussi des défis qui persistent dans l’application de cet instrument juridique, considéré par beaucoup comme un « cadre universel de survie et de dignité des peuples autochtones ».
Lors de cette manifestation spéciale, la Rapporteuse spéciale sur les droits des peuples autochtones, Mme Victoria Tauli-Corpuz, a notamment constaté qu’outre l’adoption, par plusieurs pays, de lois et de politiques nationales qui protègent les droits des peuples autochtones, la Déclaration a permis d’autonomiser les peuples autochtones qui sont devenus mieux organisés et mieux équipés dans leurs efforts pour affirmer et revendiquer leurs droits.
« Des protecteurs de l’eau, à Standing Rock, aux États-Unis, aux défenseurs des droits des peuples autochtones qui militent du Népal au Mexique, tous se mobilisent pour faire du consentement préalable, libre et éclairé des communautés une réalité », s’est notamment félicité le Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme, M. Andrew Gilmour, qui s’est toutefois inquiété de la destruction continue des terres autochtones par les industries extractives.
M. Albert Barume, Président du Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones, a toutefois constaté qu’en dépit « d’efforts timides » pour mettre en œuvre la Déclaration, les conditions de vie de la majorité des peuples autochtones ne se sont pas améliorées en 10 ans, s’inquiétant notamment de la prévalence de la pauvreté parmi ces communautés, des taux élevés de suicide et de toxicomanie dont souffrent les jeunes, de la surreprésentation des autochtones dans les populations carcérales, sans oublier le nombre disproportionnellement élevé d’actes de violences sexuelles dont sont victimes les femmes.
Pour surmonter les défis à la mise en œuvre de la Déclaration, M. Barume a notamment jugé nécessaire de s’attaquer aux discriminations structurelles profondément ancrées dans les lois, politiques et programmes, ainsi que l’opinion politique et les paradigmes éducatifs et de développement qui perpétuent la marginalisation des peuples autochtones.
De nombreuses préoccupations ont également été formulées au sujet de la criminalisation des militants autochtones, à l’instar de la Présidente de l’Instance permanente sur les questions autochtones, Mme Mariam Wallet Aboubakrine, qui s’est notamment alarmée du fait que 281 défenseurs des droits fonciers autochtones ont été tués en 2016, comparativement à 185 en 2015. Aussi a-t-elle appelé à redoubler d’efforts pour protéger les droits des défenseurs des droits fonciers autochtones et à faciliter leur accès à la justice.
Venu, de son côté, souligner l’importance que constitue, pour les luttes des mouvements autochtones, ce dixième anniversaire de la signature de la Déclaration, le Président de la Bolivie a vu dans la lutte pour les droits des peuples autochtones, une lutte contre le « capitalisme morbide » et la surexploitation des ressources de la planète.
M. Evo Morales a appelé à organiser cette lutte au niveau mondial et à parvenir à l’autodétermination de l’ensemble des peuples, un combat qui revient, selon lui, à choisir entre « la planète et la mort ».
La Déclaration sur les droits des peuples autochtones a été adoptée le 13 septembre 2007 par l’Assemblée générale, après près de deux décennies de négociations.
Comme l’a rappelé M. Barume, cet instrument ne consacre pas de nouveaux droits ni de traitements préférentiels aux peuples autochtones, mais réaffirme des droits déjà consacrés par d’autres instruments juridiques internationaux et garantit, pour les peuples autochtones, d’y avoir accès d’une manière équitable et respectueuse de leur culture.
MANIFESTATION DE HAUT NIVEAU COMMÉMORANT LE DIXIÈME ANNIVERSAIRE DE L’ADOPTION DE LA DÉCLARATION DES NATIONS UNIES SUR LES DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES
Déclarations
M. PRASAD BHATTARAI, Vice-Président de l’Assemblée générale, au nom de M. PETER THOMSON, Président de l’Assemblée générale, a reconnu que la voie vers la réalisation de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones n’est pas facile. Les peuples autochtones continuent de faire face à une vulnérabilité extraordinaire. Nombre d’entre eux souffrent du déni de leurs droits de l’homme les plus fondamentaux, tandis que d’autres sont victimes de la pauvreté, la marginalisation, les inégalités et l’exclusion sociale. En outre, la mondialisation et l’urbanisation ont changé les modes de vie des communautés autochtones, apportant la culture de la gentrification et contribuant à la perte irréparable de l’histoire, des croyances et des langues autochtones.
M. Bhattarai a s’est également inquiété du fait que les terres ancestrales et les eaux qui ont fourni aux peuples autochtones leurs moyens de subsistance, sont dramatiquement touchées par les changements climatiques, provoquant une profonde insécurité et du désespoir. Dans ce contexte, il a souligné que pour atteindre les objectifs de la Déclaration, des mesures spécifiques doivent être prises pour transformer ses idéaux en actions significatives.
Cela exige d’examiner soigneusement les contraintes persistances qui entravent nos progrès, de tirer des enseignements de l’expérience d’autrui, et d’utiliser des données pour élaborer des plans d’actions, des politiques, des stratégies et d’autres mesures. Ces efforts doivent promouvoir, protéger et assurer la pleine réalisation de l’ensemble des droits des peuples autochtones.
Le Vice-Président de l’Assemblée générale a notamment voulu que ces efforts servent à prévenir et éliminer toutes les formes de violence et de discrimination dont sont victimes les peuples autochtones, notamment en s’attaquant aux discriminations dont sont l’objet les femmes, les enfants, les jeunes, les personnes âgées et les personnes handicapées. Ces efforts doivent aussi sensibiliser aux cultures, à l’histoire et aux langues autochtones et appuyer leurs efforts pour préserver leur héritage.
M. Bhattarai a aussi réclamé plus d’efforts pour autonomiser les peuples autochtones afin de leur permettre de participer aux processus de prise de décisions les concernant, y compris aux Nations Unies, et de s’assurer que la mise en œuvre du Programme de développement à l’horizon 2030 ne laisse pas les peuples autochtones de côté et en fasse des acteurs importants du développement durable. Nous devons ainsi trouver des occasions pour aller de l’avant dans la réalisation de ces agendas supplémentaires de manière coordonnée, efficace et efficiente, a indiqué le Vice-Président.
Dans une longue intervention, le Président de la Bolivie, Evo Morales, a salué l’importance que constitue, pour les luttes des mouvements autochtones, ce dixième anniversaire de la signature de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.
Il a expliqué que la lutte pour les droits des peuples autochtones était une lutte contre le « capitalisme morbide » et la surexploitation des ressources de la planète. Il a appelé à organiser cette lutte au niveau mondial et à parvenir à l’autodétermination de l’ensemble des peuples, ce qui, a-t-il affirmé, revient à choisir entre « la planète et la mort ».
« Après les politiques de génocide post-1492, est arrivée la colonisation avec la tentative d’effacer nos identités et langues » a rappelé M. Morales, pour qui le néo-colonialisme est « la culture de la mort ». Pour illustrer ses propos, il a notamment indiqué qu’en Iraq, un million de personnes ont perdu la vie depuis l’invasion de ce pays en 2003, que 400 000 personnes ont été tuées en Syrie depuis six ans et 50 000 en Libye.
Mettant ensuite l’accent sur les inégalités produites par le monde capitaliste, le Président bolivien a noté que les huit personnes les plus riches du monde cumulent autant de richesse que les 3,5 milliards des personnes les plus pauvres. Il a ajouté que plus d’un milliard de personnes dans le monde n'ont pas accès à l’électricité, que 3 milliards dépendent du bois pour cuisiner et se chauffer, et que 1,8 milliard de personnes n’ont pas accès à l’eau potable. Dans ce contexte, il s’est dit scandalisé par la tendance mondiale à favoriser la privatisation de l’eau.
Illustrant les succès de son combat anticapitaliste, depuis son arrivée au pouvoir il y a 11 ans, le Président Morales a déclaré que l’État bolivien est « passé d’un état colonial à un État plurinational » pour se libérer de l’analphabétisme, des bases militaires américaines et des contraintes imposées par le Fonds monétaire international. Il a notamment précisé que le taux de pauvreté dans son pays a chuté de 38% à 6% entre 2006 et 2016. Le Chef d’État de la Bolivie a appelé le monde à s’inspirer de cette lutte pour que cessent le pillage des connaissances autochtones et les discriminations et pour que l’accès aux services de base soit reconnu comme un droit de l’homme. Au niveau international, il a appelé à l’avènement d’un multilatéralisme qui impose la résolution pacifique de tous les différends et à la création d’un monde sans monarchie, ni anarchie financière.
Mme KYUNG-WHA KANG, Conseillère principale du Secrétaire général pour les politiques, a déclaré que la mise en œuvre de la Déclaration doit être complète et indivisible, soulignant que l’ensemble de ses articles sont essentiels pour surmonter la marginalisation, l’exclusion et la discrimination dont souffrent les peuples autochtones. Elle a constaté que depuis son adoption en 2007, certains progrès ont été réalisés pour mettre en œuvre la Déclaration, celle-ci ayant notamment été utilisée par des tribunaux et permis d’insuffler un élan en faveur de l’action politique qui, a-t-elle relevé, s’est notamment concrétisé par la création de plans nationaux d’action.
Mme Kang s’est toutefois inquiétée des nombreux défis qui persistent, à commencer par le manque de représentation politique, la marginalisation économique et la pauvreté, le manque d’accès aux services sociaux, et la discrimination. Elle a aussi pointé du doigt la fragmentation des cadres juridiques et de certaines approches. En outre, les conflits dont sont l’objet les terres et territoires appartenant aux autochtones et leur manque de représentation dans les processus de paix sont particulièrement préoccupants.
La Conseillère spéciale a également noté que l’écart entre les principes de la Déclaration et la réalité qui prévaut sur le terrain est particulièrement criant en ce qui concerne les femmes autochtones. La discrimination dont elles sont l’objet n’est souvent pas signalée et elles sont écartées des discussions et des processus de prise de décisions, s’est-elle notamment inquiétée.
Mme Kang a ensuite passé en revue les différents outils dont dispose l’ONU pour surmonter ces obstacles. Outre l’Instance permanente sur les questions autochtones, le Rapporteur spécial sur les peuples autochtones et le Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones, un plan d’action à l’échelle du système a été lancé au mois d’avril dernier, et des consultations sont en cours pour renforcer la participation des représentants et institutions autochtones aux travaux de l’ONU. Elle a ajouté que la relation intime qu’entretiennent de nombreuses communautés autochtones avec leurs terres, ainsi que leur savoir et leurs pratiques, sont d’une importance notable alors que la communauté internationale met en œuvre les objectifs de développement durable.
M. ANDREW GILMOUR, Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme, a constaté que malgré l’existence de nombreux obstacles, différents mouvements autochtones étaient en train de faire de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones une réalité. Des protecteurs de l’eau, à Standing Rock, aux États-Unis, aux défenseurs des droits des peuples autochtones qui militent du Népal au Mexique, tous se mobilisent pour faire du consentement préalable, libre et éclairé des communautés une réalité, s’est-il félicité. M. Gilmour s’est toutefois inquiété du fait que les industries extractives continuent de détruire les terres autochtones et de considérer les populations autochtones non pas comme un atout essentiel, mais comme un obstacle. Il a aussi condamné le meurtre de défenseurs des droits de l’homme.
Le Sous-Secrétaire général a souligné que les peuples autochtones doivent pouvoir affirmer et jouir de leurs droits et que leurs interactions avec les autorités doivent être exemptes de harcèlements et de représailles. Il a aussi appelé le secteur privé à prendre conscience des principes consacrés par la Déclaration et à intégrer cette information dans les programmes d’études commerciales.
Le haut fonctionnaire a ensuite parlé du travail réalisé par les organes des Nations Unies pour promouvoir les droits des peuples autochtones, citant notamment le Mécanisme d’experts et le Fonds de contributions volontaires pour les peuples autochtones. Il a aussi précisé que son Bureau appuie la création de plans d’action nationaux.
Mme MARIAM WALLET ABOUBAKRINE, Présidente de l’Instance permanente sur les questions autochtones, a rappelé que la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones est le fruit de deux décennies de négociations semées d’embuches. Elle a défini cette Déclaration comme un cadre universel de survie et de dignité des peuples autochtones qui apporte une vision distincte du développement économique et social. « Si nous avons vu quelques progrès depuis la signature, il y a 10 ans de la Déclaration, les peuples autochtones continuent de faire face à la marginalisation et l’exclusion », a regretté Mme Aboubakrine. Elle s’est notamment alarmée du fait que 281 défenseurs des droits fonciers autochtones ont été tués en 2016, comparativement à 185 en 2015. Elle a appelé à protéger les droits des défenseurs des droits fonciers autochtones et à faciliter leur accès à la justice. Si des cadres législatifs ont été élaborés dans certains pays en faveur de la protection des autochtones, davantage d’efforts sont toutefois nécessaires, a-t-elle dit. Elle a estimé que le Programme de développement durable à l’horizon 2030 représente une immense opportunité pour répondre aux intérêts des peuples autochtones. Elle a aussi dit la nécessité de mettre l’accent sur les droits des femmes et des jeunes autochtones.
Mme VICTORIA TAULI-CORPUZ, Rapporteuse spéciale sur les droits des peuples autochtones, a constaté que des progrès ont été réalisés dans la mise en œuvre de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones, citant notamment l’adoption, par plusieurs pays, de lois et de politiques nationales qui protègent les droits des peuples autochtones. Des progrès ont également été réalisés au sein du système des Nations Unies grâce à la création de politiques, de programmes et de projets qui leur sont dédiés.
Des références aux normes établies dans la Déclaration ont été utilisées à plusieurs reprises par différents tribunaux, et sont aussi référencées par les directives des Nations Unies relatives aux entreprises et aux droits de l’homme, ainsi que dans les décisions de la Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et la Convention sur la diversité biologique, entre autres. Le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et les objectifs de développement durable comportent aussi des cibles et des indicateurs concernant les peuples autochtones.
En outre, différents mouvements de peuples autochtones ont pu être renforcés dans plusieurs régions du monde. La Déclaration, s’est-elle félicitée, est un outil qui a permis d’autonomiser les peuples autochtones qui sont devenus mieux organisés et mieux équipés dans leurs efforts pour affirmer et revendiquer leurs droits.
Ces progrès se voient cependant confrontés à plusieurs obstacles, les peuples autochtones se voyant dépouillé de leur droit de s’organiser librement et de renforcer leurs capacités à affirmer et revendiquer leurs droits. Mme Tauli-Corpuz s’est également inquiétée de la criminalisation des militants autochtones, dénonçant par ailleurs un manque de volonté politique à mettre en œuvre les recommandations formulées par différents processus multilatéraux ainsi que les décisions rendues par des tribunaux régionaux qui sont favorables aux peuples autochtones.
Mme Tauli-Corpuz a estimé que la meilleure façon de célébrer le dixième anniversaire de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones est d’identifier et de confronter, de façon honnête, les défis qui entravent sa pleine mise en œuvre effective à tous les niveaux. Elle a notamment jugé impératif d’appliquer et d’assurer le suivi des recommandations formulées à l’intention des peuples autochtones lors de différents processus multilatéraux, y compris le document final de la Conférence mondiale sur les peuples autochtones, le Programme de développement durable à l’horizon 2030, les commentaires généraux des organes de traités des Nations Unies, les recommandations de l’Examen périodique universel du Conseil des droits de l’homme et les décisions favorables des tribunaux régionaux comme la Cour interaméricaine des droits de l’homme et la Cour africaine des droits de l’homme.
Face à la complexité des crises économiques, environnementales, politiques et sociales qu’affronte le monde, la Rapporteuse a souligné qu’il est temps, pour les États et le système de l’ONU, de se joindre aux communautés autochtones pour trouver une solution à ces défis. Le respect et la mise en œuvre des droits consacrés par la Déclaration est une solution à long terme pour atteindre un monde juste et durable, a-t-elle notamment affirmé.
M. ALBERT BARUME, Président et Rapporteur du Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones, a indiqué que l’adoption, en 2007, de la Déclaration était la culmination des efforts déployés pour combattre des siècles de discrimination particulièrement sévère dont ont été l’objet des peuples et des nations entières, contraints de vivre dans le désespoir, l’esprit brutalisé, leur culture avilie, leur mode de vie dénigré et leur humanité même l’objet de mépris.
M. Barume a vu dans la Déclaration un « cadre juridique réparateur », permettant de rétablir la confiance entre les peuples autochtones et l’État de tracer une feuille de route vers la réconciliation et de jeter les bases pour un nouveau type de partenariat entre les autochtones et les États, fondé sur la confiance et le respect mutuel, les droits et la coopération. Il a souligné que la Déclaration ne doit en aucun cas être considérée comme un instrument qui consacre des nouveaux droits ou un traitement préférentiel aux peuples autochtones. Ce n’est rien de plus qu’un instrument international qui réaffirme des droits déjà consacrés par d’autres instruments juridiques internationaux et qui garantit, pour les peuples autochtones, d’y avoir accès d’une manière équitable et respectueuse de leur culture, a-t-il expliqué.
Le Président du Mécanisme d’experts a ensuite passé en revue les principaux accomplissements réalisés depuis l’adoption de la Déclaration. Il a notamment parlé des « efforts timides » pour intégrer le texte dans les cadres juridiques et politiques nationaux par l’intermédiaire de réformes juridiques, la création d’institutions spécifiques ou encore la tenue d’un dialogue constructif avec les communautés autochtones. Il a aussi constaté qu’un nombre croissant d’institutions nationales de défense des droits de l’homme ont lancé des programmes spécifiques sur les droits des peuples autochtones, et que des tribunaux ont rendu des décisions historiques en ce qui concerne les droits des peuples autochtones. En outre, s’est-il félicité, les peuples autochtones jouent un rôle de chef de file pour mettre en œuvre la Déclaration et en faire un instrument de « développement autonome ».
Cependant, a enchaîné M. Barume, les conditions de vie de la majorité des peuples autochtones ne se sont pas améliorées depuis l’adoption de la Déclaration. Ils continuent de vivre parmi les segments les plus pauvres de la société, les jeunes, disproportionnellement non éduqués, souffrent de taux élevés de suicide et de toxicomanie, tandis que les femmes continuent d’être victimes d’un nombre disproportionnellement élevé d’actes de violences sexuelles. Les personnes autochtones handicapées font face à des défis similaires, les autochtones sont surreprésentés dans les populations carcérales et leurs terres et ressources continuent d’être saisies.
Parmi les défis qui entravent la pleine mise en œuvre de la Déclaration, M. Barume a notamment relevé que cet Instrument n’est toujours pas pleinement intégré aux cadres juridiques et politiques nationaux. Il a souligné que l’application de la Déclaration nécessite de s’attaquer aux discriminations structurelles qui, a-t-il affirmé, sont profondément ancrées dans les lois, politiques et programmes, ainsi que l’opinion politique, les livres d’histoire et les paradigmes éducatifs et de développement qui perpétuent la marginalisation des peuples autochtones.
Il a aussi relevé que de nombreux acteurs nationaux font face à des défis en ce qui concerne la capacité des politiques, des fonctionnaires, du secteur privé et des médias, entre autres, à comprendre la complexité et la spécificité des droits consacrés par la Déclaration. Certains prétendent toujours que la Déclaration n’est pas une valeur ajoutée et n’a pas de pertinence dans un contexte national, s’est–il notamment inquiété.
M. Barume a, en outre, déploré que l’opinion publique et sa perception des peuples autochtones continuent d’être caractérisées par des vues stéréotypées, des comportements méprisants et des idées négatives préconçues au sujet de leur mode de vie et de production, leurs économies et leur rôle dans la société.
Enfin, il a appelé à accorder une attention particulière, au sein des communautés autochtones, aux jeunes, aux personnes handicapées, aux femmes et aux peuples autochtones touchés par les conflits
La représentante autochtone pour la région Asie, Mme JOAN CARLING, a regretté que le Gouvernement du Japon continue de nier le statut de peuple autochtone originel des Okinawais. « Le seul moyen de sauver l’humanité est de favoriser un dialogue interculturel traitant à pied d’égalité toutes les connaissances, y compris les connaissances ancestrales », a insisté, à son tour, le représentant autochtone pour la région Amérique du Sud, Amérique centrale et les Caraïbes, M. LUIS MACAS.
Le représentant autochtone pour la région Amérique du Nord a, lui, indiqué que le passage transitoire de chaque être humain sur Terre dépendait étroitement des ressources naturelles, l’eau au premier chef. Il s’en est pris à certains concepts, comme l’intégrité territoriale, utilisés par les États pour délimiter des frontières, alors que l’intégrité territoriale de la terre devrait unir toute l’espèce humaine. La survie de l’espèce humaine est aujourd’hui menacée, a-t-il martelé. Enfin, il a demandé que la Déclaration devienne une convention juridiquement contraignante. « C’est à vous d’agir. »
Même son de cloche du côté du représentant autochtone pour la région Pacifique qui a salué le changement d’attitude des Nations Unies, qui se sont engagées à défendre les droits de ces peuples et à ne plus entériner les conquêtes militaires faites à leur détriment. « Nous devons maintenant passer de la rhétorique aux actes », a-t-il dit, en exhortant à agir. « Continuez de promouvoir la Déclaration, de défendre vos droits et de porter vos vêtements traditionnels. »
De son côté, la Ministre de la Commission nationale pour le développement des peuples autochtones du Mexique, Mme NUVIA MAYORGA, qui s’exprimait au nom du Groupe des Amis des peuples autochtones, a lancé un appel pour que l’ONU réaffirme son engagement pour éliminer les injustices historiques commises contre les peuples autochtones. La communauté internationale doit payer sa dette aux peuples autochtones et aux personnes d’ascendance africaine, a renchéri Mme DEVONNEY MCDAVIS, Présidente du Conseil régional de la côte nord-caribéenne du Nicaragua.
Les délégations ont détaillé les actions prises par leur pays pour répondre aux appels des peuples autochtones et mettre en œuvre la Déclaration, « une véritable avancée historique », pour le délégué de l’OIT. Le Ministre adjoint de l’Afrique du Sud chargé des affaires coutumières, M. KOPENG OBED BAPELA, a ainsi déclaré que son pays veillait à assurer une meilleure participation des peuples autochtones aux décisions les concernant et à lutter contre les discriminations qui les frappent. Il a également insisté sur l’importance de la question foncière -97% des ressources économiques étant toujours concentrées entre les mains d’une minorité blanche– tandis que le délégué du Népal a rappelé qu’un certain nombre de postes au sein de l’administration et de l’armée étaient réservés aux membres des peuples autochtones.
Le Secrétaire d’État du Ministère suédois pour la culture et la démocratie, M. PER OLSSON FRIDH, a souligné l’importance de la Convention nordique sami récemment négociée et rappelé que la Constitution suédoise avait été amendée pour reconnaître les droits des peuples autochtones. « C’est une question de justice et de dignité. » Un point de vue partagé par le Secrétaire permanent du Ministère de la justice de la Finlande, M. ASKO VÄLIMAA, qui a souligné l’engagement de son pays pour que le peuple sami puisse jouir de ses droits et participer au débat national.
Le délégué du Danemark a, lui, détaillé les efforts de son pays pour une autonomisation politique du Groenland, alors que la représentante de la Nouvelle-Zélande a indiqué que son pays veillait à renforcer sa relation avec les Maoris dans le droit fil de la Déclaration et du Traité de Waitangi. Son homologue de l’Australie, Mme RACHEL O’CONNER, a mentionné la mise en place d’un réseau pour l’autonomisation des peuples autochtones, notamment les aborigènes, dans son pays, tandis que le délégué de l’Estonie a rappelé que son pays était un contributeur régulier au Fonds volontaire pour les peuples autochtones. Son homologue des États-Unis a souligné l’engagement de son pays visant à promouvoir la « résilience » des communautés autochtones, confrontées à de graves difficultés. « Nous voulons abattre les barrières qui s’opposent à la prospérité de ces communautés. »
L’Équateur continuera ses efforts pour créer des espaces de dialogue avec les peuples autochtones et régler sa dette vis-à-vis d’eux, a dit le délégué de ce pays. Les foyers autochtones disposant d’un accès aux réseaux d’assainissement est ainsi passé de 36% à plus de 63%, a-t-il indiqué, tandis que le délégué du Brésil a indiqué qu’il y avait 3 000 écoles autochtones et 20 000 élèves autochtones au Brésil.
Le délégué de l’Équateur a également demandé l’adoption d’un instrument international visant à sanctionner les grandes multinationales qui bafouent les droits et intérêts économiques des peuples autochtones. Les Philippines ont lancé cette année un programme pour la répartition des terres des peuples autochtones et remédier à la cupidité de certains acteurs commerciaux, a soutenu le délégué de ce pays.
La déléguée de la Hongrie a indiqué que son pays allait accueillir une conférence visant à dresser un parallèle entre les luttes des peuples autochtones et celles des minorités, tandis que son homologue de la Chine a affirmé qu’il ne fallait pas confondre minorités et peuples autochtones. La représentante de l’Union européenne a, elle, indiqué que l’un des axes principaux de son action visait à protéger les droits des défendeurs des peuples autochtones. L’Union appuie également le développement d’un « navigateur autochtone » qui est un outil, à disposition des peuples autochtones à travers le monde, visant à la collecte de données sur les droits humains et le développement de ces peuples, a-t-elle dit.
De son côté, la représentante des peuples autochtones de la Fédération de Russie a noté que les peuples autochtones dans son pays bénéficiaient de droits supplémentaires par rapport aux autres citoyens russes, notamment des droits collectifs. Les peuples autochtones doivent définir les voies de leur développement, personne ne devant prendre les décisions à leur place, a-t-elle dit. « Nous devons tous unir nos efforts. »
Un ton œcuménique battu en brèche par la Première Ministre adjointe de l’information de l’Ukraine, Mme EMINE AIYARIVNA DZAHAPAROVA, qui a raconté l’histoire tragique des Tatars de Crimée, récemment annexée par la Fédération de Russie. Notre objectif est de nous débarrasser de l’occupation illégale russe, a-t-elle martelé. Elle a rappelé le génocide perpétré par Staline contre les Tatars de Crimée et indiqué qu’un projet de loi visant à reconnaître les Tatars comme peuple autochtone d’Ukraine avait été déposé devant le Parlement ukrainien.
Rien n’avait été fait pour les Tatars, avant que la Crimée ne fasse partie de la Fédération de Russie, a réagi le délégué de la Fédération de Russie, M. IGOR BARINOV, qui a indiqué que la langue tatare était désormais une langue officielle dans son pays. Enfin, répondant à une déclaration prononcée ce matin, la déléguée du Japon a déclaré que les protestations contre le projet de construction à Okinawa devaient se dérouler dans le respect des lois japonaises.