En cours au Siège de l'ONU

Soixante et onzième session,
72e séance plénière – matin
AG/11895

Journée contre la discrimination raciale à l’Assemblée générale: « l’humanité n’a pas besoin d’élever les murs, elle doit plutôt élargir les ponts »

Après avoir rendu hommage au « géant de la scène diplomatique » qu’était Vitaly Churkin, le Représentant permanent de la Fédération de Russie, décédé, le 20 février dernier, l’Assemblée générale a commémoré ce matin la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale.  Le Ministre équatorien des affaires étrangères et de la mobilité humaine en a profité pour déclarer: « l’humanité n’a pas besoin d’élever des murs, elle doit plutôt élargir les ponts ».  Le Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, a appelé le monde à rejoindre la campagne « Ensemble-respect, sécurité et dignité pour tous ». 

« Nous sommes loin d’avoir gagné la lutte mondiale contre le racisme, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée », a diagnostiqué le Président de l’Assemblée générale, M. Peter Thomson, face à un monde où « les migrants et les réfugiés sont accueillis dans la suspicion, la peur et l’intolérance ».  Dans certains pays, les dernières élections ont été l’occasion de verser dans l’islamophobie, a dénoncé le représentant de l’Iran.  « Ne nous trompons pas, derrière les prétextes sécuritaires, se cachent bien souvent le racisme et la xénophobie », a mis en garde le représentant du Groupe des États d’Amérique latine et des Caraïbes (GRULAC).  « La construction de murs entre pays est une expression évidente de la discrimination et du rejet racial et ethnique », a-t-il tranché.  « L’humanité n’a pas besoin d’élever des murs, elle doit plutôt élargir les ponts », a conseillé le Ministre équatorien des affaires étrangères et de la mobilité humaine.

Dans un monde où 240 millions de personnes ont fui de chez elles, il nous faut un discours qui embrasse la diversité et considère les migrants comme une contribution et non comme un fardeau pour les économies, a plaidé la Représentante spéciale du Secrétaire général pour les migrations.  Comme tous les intervenants,  Mme Louise Arbour a dit attendre beaucoup du futur pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières.  Ce pacte est réclamé dans la Déclaration de New York sur les migrants et les réfugiés qui a été adoptée, en septembre dernier, offrant au Secrétaire général de l’ONU l’occasion de donner le coup d’envoi de la campagne « Ensemble-respect, sécurité et dignité pour tous »*. 

Aujourd’hui le successeur de M. Ban Ki-moon, M. Antònio Guterres, a lancé un cri de ralliement au profit d’une initiative qui « réunit les organismes du système des Nations Unies, les 193 États Membres de l’Organisation des Nations Unies, des entités du secteur privé et de la société civile, des établissements universitaires et des citoyens dans le cadre d’un partenariat mondial en vue de soutenir la diversité, la non-discrimination et l’acceptation des réfugiés et des migrants ». 

Les « rencontres » entre les migrants et les agents de l’ordre ont justement été évoquées par M. Mutuma Ruteere, Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination, de xénophobie et de l’intolérance; cette Journée internationale ayant pour thème « le profilage racial » ou « contrôle de faciès », à savoir une violation des droits de l’homme par sa nature discriminatoire et une pratique qui s’est propagée depuis les attentats terroristes aux États-Unis et en Europe**.  La communauté internationale a tous les instruments pour lutter et éliminer le profilage racial, a rappelé la Présidente du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, Mme Anastasia Crickley.

Avec les autres, elle a insisté sur la pertinence de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale de 1965 et celle de la Déclaration et du Plan d’action de Durban de 2001.  Le Président de l’Assemblée générale a aussi prôné la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 pour un avenir plus sûr, plus durable et plus prospère pour tous qui aide les gens à s’extirper de la condition qui les pousse à partir de chez eux.  

La Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale a été instaurée, en 1966, en souvenir des 69 manifestants pacifiques et non armés qui avaient été assassinés par la police sud-africaine à Sharpeville, en Afrique du Sud, le 21 mars 1960 –un événement qui a inspiré les peuples du monde entier à agir pour mettre fin au régime raciste de l’apartheid.

Les Présidents de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité ainsi que les représentants des cinq groupes régionaux et du pays hôte ont rendu hommage à la mémoire de Vitaly Churkin, Représentant permanent de la Fédération de la Russie, décédé brutalement à New York le 20 février 2017, à la veille de son soixante-cinquième anniversaire, après avoir passé 10 ans à l’ONU.

Le nom de l’Ambassadeur Churkin restera « indélébile » dans les annales des Nations Unies, a déclaré le Président de l’Assemblée générale, M. Peter Thomson, saluant ce « géant de la scène diplomatique », ce « véritable intellectuel » et « cet esprit brillant d’une accessibilité désarmante. ».  Même sur les profonds désaccords, il était toujours prêt à dialoguer, a acquiescé le représentant de la Malaisie.  Ses déclarations et son approche étaient inhabituelles mais toujours écoutées avec attention, a renchéri le délégué de la République de Moldova dont le pays a décerné à l’illustre disparu l’« Ordre du courage » pour son travail aux Nations Unies.

« C’est une perte irréparable, celle d’une grande personnalité et d’un homme doué d’un vrai sens de l’humour », a rappelé le représentant du Guatemala, et d’ailleurs, a poursuivi son homologue de Cabo Verde, « on a vu sur les réseaux sociaux, tout de suite après son décès, à quel point il était apprécié dans le monde entier ».  Admiré toujours et détesté parfois, il a su gagner l’amitié de tous, a ajouté le représentant de l’Allemagne qui a salué un homme qui a su laisser sa marque au Conseil de sécurité, en défendant la politique étrangère de son pays. 

Il défendait la position russe « avec doigté et humour », s’est souvenu le délégué du Royaume-Uni, en s’inclinant devant « un grand professionnel qui inspirait le respect ».  Vitaly Churkin nous manque, a avoué la représentante des États-Unis qui, pour illustrer le réalisme de l’ancien diplomate, a convoqué Tchekhov et sa critique « des théoriciens si férus de leur théorie qu’ils en oublient le but, à savoir l’application pratique ».  Vitaly Churkin n’oubliait jamais de mettre ses connaissances en pratique.  Moi qui ne l’ai que très peu connu, a dit le Secrétaire général de l’ONU, j’ai pu constater ses qualités « incroyables » de diplomate.  M. Antònio Guterres a confié qu’il chérira à jamais ce jour d’octobre où Vitaly Churkin a annoncé sa nomination à la tête du Secrétariat de l’ONU. 

La nouvelle de sa mort a secoué la Fédération de Russie tout entière, a conclu le représentant russe, commentant une « perte irremplaçable » pour la diplomatie de son pays, la perte d’un « modèle » dont on ne pouvait ignorer « ni le talent ni le professionnalisme ».  Le souvenir qui restera de lui est celui « d’un diplomate d’exception doté d’une personnalité extraordinaire ».

* together.un.org
** A/HRC/29/46

ÉLIMINATION DU RACISME, DE LA DISCRIMINATION RACIALE, DE LA XÉNOPHOBIE ET DE L’INTOLÉRANCE QUI Y EST ASSOCIÉE: SÉANCE COMMÉMORATIVE À L’OCCASION DE LA JOURNÉE INTERNATIONALE POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

M. PETER THOMSON, Président de l’Assemblée générale, a dit que la célébration de la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale offre l’occasion de réfléchir aux erreurs du passé et de renouveler notre détermination à ne pas les répéter. 

L’Assemblée générale a proclamé le 21 mars « Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale » sous l’impulsion de l’Afrique du Sud qui voulait graver dans les mémoires les injustices de l’apartheid.  La date du 21 mars est celle où 69 personnes ont été tuées par la police lors de la manifestation pacifique de Sharpeville.  Le Président de l’Assemblée a salué le leadership mondial de l’Afrique du Sud dans la lutte contre le racisme. 

Un coup d’œil sur le monde fait voir combien nous sommes loin d’avoir gagné la lutte mondiale contre le racisme, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, a-t-il reconnu.  En dépit du fait que la migration mondiale est une caractéristique de l’histoire humaine et que les migrants et les réfugiés ont en fait été forcés de fuir, ils sont accueillis dans la suspicion, la peur et l’intolérance. 

À un moment où le monde doit faire appel à toute son empathie et son humanité face à la plus grande crise humanitaire et de réfugiés depuis la Seconde Guerre Mondiale, nous voyons des crimes de haine contre les demandeurs d’asile, des attaques contre les lieux de culte et des menaces contre les migrants et les minorités. 

Nous devons réaffirmer notre foi dans la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, plus de 50 ans après son adoption par l’Assemblée générale et notre engagement en faveur de la Déclaration de Durban et de son Plan d’action.

En ces temps difficiles, la Déclaration universelle des droits de l’homme nous appelle à contrer le racisme, la xénophobie et la haine partout où nous les voyons.  Les gens conscients devraient défendre le pluralisme et l’entente transculturelle partout où les conditions l’exigent.

Les dirigeants politiques doivent être des modèles de tolérance et de respect envers les migrants.  Nous devons promouvoir une éducation multiculturelle dans nos écoles, renforcer le respect de la diversité et comprendre les contributions positives des migrants et des réfugiés à nos sociétés et à nos économies. 

Nous devons également appuyer la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 pour un avenir plus sûr, plus durable et plus prospère pour tous qui aide les gens à s’extirper de la condition qui les pousse à fuir de chez eux. 

Il faut donc lutter contre l’extrême pauvreté et pour des sociétés pacifiques et inclusives, la prospérité, la réduction des inégalités, l’accès à l’éducation et la protection de l’environnement naturel. 

Finalement, nous devons utiliser l’occasion historique de faire avancer les négociations sur le pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières pour affirmer notre respect universel des droits des migrants.

Le Secrétaire général de l’ONU, M. ANTÓNIO GUTERRES, a salué le leadership de l’Afrique du Sud dans la lutte commune contre la discrimination raciale.  Il a relevé que 57 ans après les évènements de Sharpeville, il semble que nous vivions dans un monde de plus en plus intolérant et toujours plus divisé.  La discrimination et la violence augmentent.  Les gens sont ciblés en raison de leur race, leur nationalité, leur origine ethnique, leur religion ou encore leur orientation sexuelle.  Les frontières sont fermées et le régime international de protection des réfugiés est sapé, a déploré M. Guterres.  « En cette période de bouleversement et de changement, a-t-il noté, il est facile de représenter les communautés vulnérables comme la cause des problèmes. »  Il a ainsi expliqué que « les migrants sont devenus des boucs émissaires commodes », tandis que la xénophobie se généralise.  Dans le même temps, les femmes et les filles des communautés minoritaires sont souvent ciblées et de nombreuses minorités sont victimes du profilage racial de la part des autorités.  Le Secrétaire général a stigmatisé le fait que trop souvent, la haine, les stéréotypes et la stigmatisation se normalisent.  Les visages des extrêmes se retrouvent désormais au centre de nombreux systèmes politiques.

Et pourtant, en dépit de cette image sombre, il y a de nombreux rayons d’espoir, s’est-il réjoui en parlant de millions de personnes qui se prononcent contre le racisme et l’intolérance.  En outre, de nombreuses communautés ont ouvert leurs cœurs et leurs portes aux réfugiés et aux migrants, reconnaissant et appréciant de fait la migration comme une partie de la solution à nos problèmes mondiaux.  Aujourd’hui est un jour idéal pour nous engager à poursuivre nos progrès et faire encore plus, à travailler encore plus fort pour combler les divisions, lutter contre l’intolérance et protéger les droits humains de tous, a-t-il souhaité avant de préciser que ce jour est aussi un rappel de nos obligations communes.

Le droit international exige des États qu’ils prennent des mesures efficaces pour prévenir et éliminer la discrimination pour tous les motifs et dans tous les domaines de la vie civile, économique, politique, sociale et culturelle, a-t-il rappelé.  De ce fait, les États doivent être vigilants et répondre immédiatement et de manière appropriée, notamment en interdisant l’incitation à la haine raciale, nationale et religieuse et en mettant fin au profilage racial.  Ils doivent maintenir l’intégrité du régime international de protection des réfugiés.  « Les politiciens et les dirigeants doivent parler haut et fort contre les discours de haine », a déclaré le Secrétaire général, ajoutant que chacun de nous doit défendre les droits de l’homme.  À ce propos, il a salué les organisations de la société civile du monde entier qui nous rappellent qu’il faut faire mieux et plus.  Nous avons tous un rôle à jouer et la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale souligne notre responsabilité collective, a jugé M. Guterres qui a estimé qu’après tout, la discrimination raciale déstabilise les sociétés, ébranle les démocraties et érode la légitimité des gouvernements.  Il a expliqué qu’en agissant ensemble pour mettre fin à la discrimination, nous pouvons faire grandir l’humanité dans son ensemble.

Il a par ailleurs souligné qu’au fur et à mesure que les sociétés deviendront multiethniques, multireligieuses et multiculturelles, nous aurons besoin d’investissements politiques, culturels et économiques plus importants pour favoriser l’intégration et la cohésion, conformément aux objectifs de développement durable.  Il a conclu en invitant la communauté internationale à lutter contre l’intolérance et la discrimination en rejoignant la campagne mondiale « Ensemble–respect, sécurité et dignité pour tous ».

Mme LOUISE ARBOUR, Représentante spéciale du Secrétaire général pour les migrations, a déclaré que la Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants et les prochaines négociations sur un pacte mondial indiquent comment embrasser la diversité à un moment où plus de 240 millions de personnes sont hors de chez elles.  Elle a dénoncé l’hostilité généralisée contre les migrants, tout en notant leurs contributions positives pour éclipser la tendance à les diaboliser comme cause de tous les maux de la société.

Pour répondre à cette intolérance, a-t-elle suggéré, il faut un discours plus ouvert et plus équilibré qui embrasse la diversité et considère les migrants comme une contribution et non comme un fardeau pour les économies.  Les migrants sont en fait des ponts entre les pays d’origine, de transit et de destination.  Ils favorisent l’innovation et propulsent les sociétés vers l’avant plutôt que vers l’arrière.  Comme des sociétés pluralistes sont la norme et non l’exception, Mme Arbour a déclaré que son travail est d’appuyer la campagne « Ensemble–respect, sécurité et dignité pour tous », ce nouveau dialogue sur les réfugiés et les migrants pour favoriser la cohésion sociale tout en luttant contre les stéréotypes négatifs et la propagande.

Mme ANASTASIA CRICKLEY, Présidente du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, a déclaré que même si des progrès avaient été réalisés, y compris les engagements des États et des groupes de la société civile, le racisme persiste.  La discrimination raciale reste un phénomène insidieux, souvent ciblé sur les migrants et les réfugiés.  Le profilage racial qui est peut être considéré comme une tentative de protéger la société a pourtant fait du tort aux groupes vulnérables.  Les migrants et les réfugiés qui apportent des contributions positives se heurtent aux efforts persistants pour les stigmatiser et diviser les sociétés.  Les États doivent reconnaître le racisme et prendre des mesures pour y mettre fin.

Mme Crickley a ajouté que la communauté internationale dispose déjà des instruments des droits de l’homme pour lutter et éliminer le profilage racial.  Des recommandations générales appellent les États à veiller à ce que les efforts de lutte contre le terrorisme respectent les droits de l’homme.  Des efforts doivent être faits à tous les niveaux et un leadership fort doit guider les actions et s’attaquer aux causes profondes de l’incitation à la haine.  La migration est un moyen de lutter contre le racisme dans tous les pays, a-t-elle déclaré.  Elle a également demandé à tous les États qui ne l’ont pas encore fait de signer et de ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

M. MUTUMA RUTEERE, Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée, a rappelé que le monde avait hérité d’un consensus global sur les valeurs des droits de l’homme et, en particulier, sur l’aversion de la discrimination basée sur la race, la couleur et l’origine ethnique.  Il a aussi remarqué que, à notre époque, nous en savons plus les uns sur les autres qu’à aucune autre période de l’histoire, grâce à la télévision, à Internet et aux voyages en avion qui ont fait tomber les obstacles physiques qui isolaient auparavant les régions.  Il a néanmoins constaté que l’intolérance, les préjugés et la discrimination hantaient toujours un monde où les valeurs des droits de l’homme sont mises à l’épreuve dans le cadre de la migration.  C’est pour cela que les États Membres ont adopté la Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants, a-t-il rappelé.

En sa qualité de Rapporteur spécial, depuis 2011, il a dit avoir étudié le phénomène du racisme partout dans le monde et constaté qu’il persiste et parfois s’aggrave.   Il a dénoncé en particulier les rencontres entre les migrants et les institutions de maintien de l’ordre qui ont mis en danger l’intégrité du système juridique international des droits de l’homme.  Il s’est appuyé sur son rapport thématique présenté au Conseil des droits de l’homme en juin 2015, dans lequel il avait traité le problème du profilage racial, une pratique qu’il a jugée discriminatoire par nature.  Pour de nombreux migrants, a-t-il observé, ce profilage a conduit à des arrestations et à des fouilles sans raison objective, une situation qui se prolonge parfois en détention et en poursuites judiciaires illégales et injustes, et même en violences.  Ce sont dans les aéroports, les gares de train et de bus que ce profilage est pratiqué le plus souvent.  En outre, a-t-il ajouté, les nouvelles technologies qui établissent des « profils à risque » pour certains groupes ethniques augmentent les possibilités de profilage et risquent d’en faire un outil permanent pour les systèmes d’immigration et de contrôle des frontières.

La question du profilage est à mettre en lien avec les mesures législatives qui interdisent la discrimination ethnique et raciale, a poursuivi le Rapporteur spécial.  Il a estimé que les organes de contrôle et d’enquête devraient pouvoir se saisir des allégations de profilage racial et ethnique, et faire des recommandations en vue de changer les politiques.  M. Ruteere a en outre fait remarquer que le problème du profilage persiste car ses victimes sont partiellement invisibles.  Il faudrait des données ventilées par ethnicité, race, genre et autre catégorie pertinente.  Les données sont cruciales, notamment pour évaluer les incidences des mesures existantes et élaborer des politiques bien conçues pour redresser la situation.  Avant de conclure, M. Ruteere a prévenu que la migration et la peur du terrorisme avaient exacerbé les mouvements xénophobes qui se retrouvent maintenant au cœur de la vie politique, alors qu’ils restaient auparavant en marge.  Il a lancé un appel pour que la justice ne soit pas réservée à ceux qui appartiennent aux mêmes groupes et communautés que nous, mais pour qu’elle soit appliquée aussi aux étrangers.

Au nom du Groupe des États d’Afrique, M. FIALHO ROCHA (Cabo Verde), a dit que la Déclaration et le Programme d’action de Durban sont les documents qui doivent guider la lutte contre le racisme dans le monde.  Le Groupe des États d’Afrique réaffirme l’importance de la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine (2015-2024), qui vise à mobiliser la communauté internationale autour de la protection des droits et libertés de ces personnes, a ajouté le représentant qui a invité tous les gouvernements à lutter contre les différentes formes de discrimination, tout en veillant à ce que les victimes aient accès aux juridictions appropriées pour réclamer réparation.  Il a rappelé aussi que la diaspora doit être vue comme « la sixième région d’Afrique ».

Le représentant s’est par ailleurs dit inquiet de l’utilisation des technologies de l’information et des communications (TIC) d’une manière contraire aux droits de l’homme.  Internet devrait au contraire servir d’outil de protection de ces droits humains.  Quant à l’éducation, elle pourrait conduire, si elle est de qualité, à une société plus harmonieuse et soucieuse de la compréhension mutuelle.  Après avoir condamné toutes les formes de discrimination, y compris celles contre les migrants et autres demandeurs d’asile, le représentant a plaidé pour la convocation d’une autre conférence mondiale contre le racisme.

Au nom du Groupe des États d’Asie et du Pacifique, M. MUSTAPHA KAMAL ROSDI (Malaisie) a dit que les pays de sa région connaissent aussi des mouvements de population causant parfois des violences et des affrontements.  Ces mouvements présentent des défis à la société notamment dans les domaines de l’intégration sociale et de l’éducation. Mais ce ne sont pas les seules difficultés qui existent, a ajouté le représentant en citant le profilage racial, la xénophobie et l’intolérance.

Il a exhorté les gouvernements à abolir les lois discriminatoires et à endiguer le profilage racial en mettant en œuvre les instruments internationaux des droits de l’homme.  Les États doivent respecter leurs obligations de travailler ensemble et de lutter contre la discrimination raciale.  Les progrès obtenus ne sont pas éternels, étant donné que la xénophobie et l’intolérance persistent.  Pour y remédier, il faut trouver des solutions aux revendications sociales et sensibiliser les jeunes à la diversité du monde.

Au nom du Groupe des États d’Europe orientale, M. VLAD LUPAN (Moldova) a indiqué que le respect des traditions et des valeurs culturelles des autres était essentiel pour gagner la lutte contre le racisme et les discriminations.  Il a souligné l’importance de la coopération internationale dans la mise en œuvre des instruments multilatéraux de protection des droits de l’homme.  Il faut développer des mécanismes internationaux pour faire face ensemble aux difficultés communes, a-t-il plaidé, tout en soulignant que le cadre normatif des Nations Unies est justement approprié pour une telle coopération.  Il a aussi estimé que la commémoration de la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale devrait rappeler aux États Membres la nécessité de renforcer la lutte pour édifier des sociétés inclusives qui ne laissent personne sur le côté.

Il reste beaucoup à faire pour éliminer complètement la discrimination raciale et l’oppression dans notre vie quotidienne, a estimé M. JORGE SKINNER-KLÉE (Guatemala), au nom du Groupe des États d’Amérique latine et des Caraïbes (GRULAC).  La plupart des pays de cette région sont composés de peuples multiethniques, multiculturels et multilingues, a-t-il rappelé.  La participation de ces peuples est essentielle pour parvenir à des sociétés justes et inclusives, et pour réaliser les objectifs de développement durable.

Le GRULAC est déterminé à promouvoir la pleine intégration de toutes les personnes dans la société, quels que soient la race, l’origine, l’ethnicité, la nationalité, la situation migratoire, le sexe, ou l’âge, a réaffirmé le représentant.  La tolérance et le respect sont l’antidote à toutes les pratiques odieuses qui ont récemment augmenté dans le monde, a-t-il recommandé. 

Selon le représentant, « la construction de murs entre les pays est une expression évidente de la discrimination et du rejet racial et ethnique ».  Fier de la diversité qui fait la force de l’Amérique latine et des Caraïbes, il s’est dit « très préoccupé par les campagnes politiques basées sur la discrimination et le racisme ».

Il a constaté que les familles migrantes font très souvent l’objet de mesures qui portent atteinte à leurs droits de l’homme fondamentaux, pour des prétextes sécuritaires.  « Ne nous trompons pas », a-t-il lancé, « derrière ces discours se cachent le racisme et la xénophobie ».

Le GRULAC, a assuré le représentant, reste engagé dans un processus de négociations intergouvernementales en vue d’adopter un pacte global pour des migrations sûres, ordonnées et régulières.

M. SCULZ (Allemagne) a exhorté, s’agissant du thème de cette année sur « Le profilage racial et l’incitation à la haine, dans le contexte de migrations », les États à adopter des lois pour interdire cette pratique, à donner des formations et à assurer le suivi.  Il a rappelé que le cadre de mise en œuvre reste la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.  Les États Membres doivent respecter leurs engagements dans le cadre de la Convention.  Le représentant a souligné l’importance de la prévention, de l’éducation, des mesures concrètes pour éliminer la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance.  Soulignant également l’importance du rôle de la société civile, il a noté la tendance à la hausse de la discrimination et de l’intolérance, en particulier contre les réfugiés et les migrants.  Pour lui, les sociétés doivent reconnaitre la diversité comme source d’avancement et de progrès sociaux. 

M. GUILLAUME JEAN SÉBASTIEN LONG, Ministre des affaires étrangères et de la mobilité humaine de l’Équateur, a rappelé que les droits de l’homme ne peuvent pas être foulés aux pieds au nom de la souveraineté nationale et précisé que le respect de ces droits doit résister à toutes les pressions électorales internes.  Ce principe doit s’appliquer aux migrants qui se trouvent en situation de vulnérabilité extrême.  « L’humanité n’a pas besoin d’élever des murs, elle doit plutôt élargir les ponts », a-t-il dit.  Pour ne plus avoir de problèmes de déplacements humains forcés, il a plaidé pour que l’on élimine les conditions qui génèrent la guerre et la misère, ce qui exige des relations internationales plus justes et un financement du développement plus adéquat.

M. Long a assuré que son pays défendait les migrants et indiqué que les étrangers qui résident depuis plus de cinq ans en Équateur pouvaient voter et devenir fonctionnaires.  « Nous avons accueilli 60 000 réfugiés », a-t-il dit en précisant que la majorité était des Colombiens qui fuyaient le conflit dans leur pays.  Il a également parlé des Équatoriens expulsés à la fin du siècle dernier à cause de la crise financière et économique causée par des « banquiers irresponsables et sans scrupules ».  Au cours des 10 dernières années, le Gouvernement du Président Correa a apporté un soutien aux citoyens qui résident dans d’autres pays, a-t-il indiqué, notamment les Équatoriens touchés par la crise des prêts hypothécaires en Espagne.  Ainsi, depuis 2010, le Gouvernement a aidé 158 000 Équatoriens en situation de vulnérabilité à l’étranger, tout en adoptant des mesures de réinsertion pour ceux qui veulent rentrer au pays.

Mme SUSAN SHABANGU, Ministre de la condition féminine de l’Afrique du Sud, a rappelé que le 21 mars 1960, 69 Sud-Africains avaient succombé à la brutalité du régime de l’apartheid, alors qu’ils manifestaient contre des lois d’oppression.  Elle a rappelé que l’essence de la commémoration de cette Journée internationale renvoie aux injustices historiques du racisme et de leur héritage que sont l’esclavage, la traite des esclaves, le commerce triangulaire, le colonialisme et l’apartheid.  « Les injustices historiques ne doivent pas être oubliées », a-t-elle insisté en citant les prescriptions de la Déclaration et du Programme d’action de Durban.

Elle a ensuite déploré le fait qu’au niveau mondial, on note la montée de sentiments antimigrants.  La xénophobie initiée par les États n’est pas tolérable, a-t-elle affirmé en notant que l’Afrique du Sud n’est pas une exception en ce qui concerne les défis inhérents à l’édification d’une société inclusive, égalitaire et tolérante.  Elle a expliqué que la démocratie constitutionnelle sud-africaine est fondée sur le principe de la non-discrimination et a assuré que son pays continue de développer des lois et politiques en vue d’assurer le respect, la promotion, la protection et la réalisation de tous les droits humains et des libertés fondamentales, avec une tolérance zéro pour les violations, y compris les cas de xénophobie contre les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile.

Mme Shabangu a en outre déclaré que le profilage racial des migrants conduit à des politiques, pratiques et comportements discriminatoires à leur endroit.  Elle a invité la communauté internationale à faire respecter les droits des migrants, quel que soit leur statut.  Cela pourrait passer par la mise en place du pacte mondial sur des migrations sûres, ordonnées et régulières.  La représentante a ensuite regretté le fait que les discours de haine soient propagés à travers les médias sociaux et autres plateformes, ciblant particulièrement les migrants et les réfugiés.  Elle a appelé à des lois qui criminalisent ces actes, rappelant que son pays fait partie des défenseurs, au sein du Conseil des droits de l’homme, de l’idée d’établir des protocoles additionnels à la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.  Ces protocoles porteraient, entre autres, sur la xénophobie et l’incitation à la haine.

M. GHOLAMALI KHOSHROO (Iran) a constaté aussi la montée de la xénophobie et de l’intolérance partout dans le monde.  Il a dénoncé les discours de certains dirigeants politiques qui manipulent l’opinion publique.  Dans certains pays, les dernières élections ont été l’occasion de verser dans l’islamophobie.  La responsabilité de l’ONU et des États Membres ne peut être exagérée dans ces cas, a ajouté le représentant qui a regretté que la publication d’un rapport dénonçant l’apartheid pratiqué par Israël n’ait pas été possible, ce qui montre que la lutte contre l’apartheid est impossible aux Nations Unies.

M. ALEXIS LAMEK (France) a indiqué que dans son pays, la liberté d’expression est un droit inaliénable, mais qu’elle est assujettie à des restrictions comme toutes les libertés comme la parole raciste qui ne peut être librement exprimée.  L’intolérance antisémite et antimusulmane et les autres formes d’intolérance sont toutes dénoncées par les autorités françaises, a-t-il indiqué.  Cette lutte a été érigée en cause nationale depuis les attentats de Charlie Hebdo de janvier 2015, a-t-il souligné, en plaidant pour le respect de la Convention contre la discrimination raciale.

Mme ANA SILVIA RODRÍGUEZ ABASCAL (Cuba) s’est dite préoccupée du fait que de nombreux pays et régions du monde sont victimes d’une xénophobie et d’un racisme « sophistiqués et modernes ».  Il est temps de mettre fin à la discrimination raciale.  Elle doit être éliminée grâce à des mesures efficaces qui permettent de lutter contre les causes de ces phénomènes.  Il faut plus particulièrement interdire le profilage ethnique dans les forces de l’ordre et mener des études sur leurs conséquences  afin de promouvoir des mesures et donner la priorité qu’elle mérite à la lutte contre la discrimination raciale.  Le pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières devra être une occasion de relever les défis de la discrimination raciale et de renforcer la coopération internationale.

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