Forum politique de haut niveau sur le développement durable,
7e & 8e séances – matin & après-midi 
ECOSOC/6783

Forum politique de haut niveau: les pays vulnérables ont aussi des chances sur lesquelles s’appuyer pour réaliser le Programme 2030

Quelles que soient les difficultés spécifiques des pays les moins avancés (PMA), des pays en développement sans littoral, des petits États insulaires en développement (PEID), des pays en conflit et postconflit, il est évident que chacun a des chances sur lesquelles on peut s’appuyer pour réaliser les objectifs de développement durable, a estimé aujourd’hui le Conseiller spécial sur le développement durable du Groupe d’experts indépendants sur les PMA (South Centre).    

Les situations particulières et les défis liés à la collecte de données nécessaires à une bonne mise en œuvre des 17 objectifs et 169 cibles du Programme de développement durable à l’horizon 2030 ont été au centre des débats de ce quatrième jour du Forum politique de haut niveau du Conseil économique et social (ECOSOC).  

Les pays les moins avancés (PMA) ont exposé leurs difficultés à faire face à des défis transfrontaliers ou à parvenir aux 7% de croissance nécessaires à la réalisation des objectifs de développement durable.  Ils ont exhorté la communauté internationale à les aider à diversifier leurs économies et développer leurs infrastructures.  Les pays à revenu intermédiaire, dont la grande diversité a été soulignée, ont, une nouvelle fois, dénoncé le caractère « injuste » du critère PIB par habitant, qui ne tenant compte de leurs vulnérabilités, leur barre l’accès aux prêts concessionnels.

La variété de ces situations a fait dire au Directeur adjoint de l’Institut français sur la recherche pour le développement (IRD), que nous sommes tous des ressortissants de pays avec des spécificités, des fragilités et des défis particuliers.  Tout le monde a des chances à exploiter pour aller de l’avant, mais il faut mobiliser la volonté politique et « faire vite » car « les données empiriques nous enseignent que la fenêtre d’opportunité est en train de se fermer rapidement », a prévenu le Conseiller spécial sur le développement durable du Groupe d’experts indépendants sur les PMA.

C’est la situation particulière des petits États insulaires en développement (PEID) qui a été le plus longuement débattue, le lien entre les « Orientations de Samoa » et le Programme de 2030 étant présenté comme une « symbiose » par le représentant de la Jamaïque.  Du fait de leur petite taille, de leur éloignement, de leurs ressources limitées et de leur exposition et aux chocs économiques externes et aux défis environnementaux, alors même qu’ils ne sont en rien responsables des changements climatiques, ces pays sont considérés comme un cas spécial depuis le Sommet de Rio de 1992.  

Comme l’ont rappelé les Maldives, l’important est désormais de mobiliser les moyens nécessaires à la mise en œuvre des objectifs de développement durable.  À cet égard, les PEID ont dit attendre avec intérêt les conclusions du Corps commun d’inspection sur la manière dont le système des Nations Unies peut les assister; la Coordonnatrice exécutive de Rio+20 de la Barbade ironisant: les discussions sur la mobilisation des ressources nationales, en particulier fiscales, dans des pays qui comptent parfois moins de 100 000 habitants, est « presque académique et peu concrète ».  Quand à attirer les investisseurs privés étrangers, la Directrice exécutive du Partenariat insulaire mondial a reconnu ne pas en avoir encore trouvé les moyens. 

Les PEID ont également mis en avant leurs grandes difficultés à collecter des statistiques, à la fois du fait de systèmes nationaux très limités et de la dispersion de la population.  Or, disposer de services de statistiques capables de collecter de manière faible les données ventilées nécessaires à un bon suivi du Programme 2030 est une des cibles de l’objectif 17, consacré au « renforcement des moyens de mettre en œuvre le Partenariat mondial pour le développement durable et le revitaliser ». 

La collecte de données est un enjeu de taille car la Commission de statistiques de l’ONU a prévu 230 indicateurs pour assurer le suivi du Programme 2030, au niveau international, ce qui représente un véritable défi pour les bureaux nationaux de statistiques puisque, dans l’idéal, leurs données devraient constituer la base de tous les indicateurs internationaux et de la coordination au niveau de l’ONU. 

Ce défi a suscité de nombreuses inquiétudes, amenant le représentant de la Malaisie à demander si les pays devaient soumettre des rapports sur chacun des 230 indicateurs.  « Non », chaque pays doit les adapter à sa propre réalité ou, comme le Monténégro, les introduire progressivement dans leur système national.  Ces indicateurs ne sont que des « références », a d’ailleurs tempéré le représentant de la Chine.  

Demain, vendredi 15 juillet à partir de 10 heures, le Forum politique de haut niveau tiendra d’autres tables rondes consacrées à la mise en œuvre du Programme 2030 au plan national et au niveau régional, avant une séance de bilan en fin de journée.

FORUM POLITIQUE DE HAUT NIVEAU SUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE

Table ronde 1: « Mécanismes nationaux pour le suivi des progrès et les rapports sur la mise en œuvre des objectifs de développement durable »

Présidée par M. JÜRG LAUBER (Suisse), cette première table ronde a examiné les voies et les approches pour un suivi systématique et efficace de la mise en œuvre des objectifs de développement durable au niveau national, y compris les problèmes de collecte et d’exploitation des statistiques et des indicateurs, et ceux du renforcement des capacités et de la coopération.

Le modérateur, M. JOHANNES PAUL JÜTTING, Directeur du Secrétariat de Paris21 de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), a expliqué que Paris21 a été créé il y a 16 ans pour aider, en particulier les pays en développement, à évaluer la mise en œuvre des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) et à bâtir des capacités statistiques nationales.  On a appris beaucoup, a reconnu le modérateur, et des progrès importants ont été faits dans la disponibilité des données mais aussi avec les plans nationaux pour le développement des statistiques qui sont la base de systèmes statistiques dans la plupart des pays en développement.  Mais, a-t-il avoué, des fossés subsistent en matière de données et de capacités. 

Aujourd’hui, deux tiers des naissances ne sont pas enregistrées surtout celles des filles.  Avec ses 17 objectifs, ses 169 cibles et ses 230  indicateurs, le Programme de développement durable à l’horizon 2030 est un véritable défi pour les bureaux nationaux de statistiques.  Le problème n’est pas seulement la disponibilité des données mais aussi leur fréquence, leur granularité et leur ventilation.  Pour identifier ceux qui sont « laissés sur le côté », il faut des données plus nombreuses, de meilleure qualité et produites au niveau national pour informer les décideurs politiques.  La question est de savoir ce qu’il faut faire, sachant que l’intérêt pour les données et les mesures est énorme, ce qui n’était pas le cas pour les OMD, et que la révolution des données est bien réelle avec des innovations telles que la collecte par téléphonie mobile, imagerie par satellite ou géocodification.  Alors, quels sont les défis?  Quelles sont les pratiques exemplaires pour surmonter ces défis?  Quelles sont les mesures concrètes à prendre pour renforcer les capacités nationales?     

Dans un pays comme les Philippines, a estimé Mme LISA GRACE S. BERSALES, Chef de l’Autorité philippine des statistiques, où le système des statistiques a permis au Gouvernement de prendre des décisions éclairées, le défi est de coordonner les différents mécanismes de collecte de données et de renforcer les bureaux locaux des statistiques pour générer des indicateurs spécifiques et s’assurer que personne n’est laissé sur le côté.

En effet par leur nature même, les statistiques peuvent créer la confiance, a estimé M. PALI LEHOHLA, Statisticien en chef de l’Afrique du Sud.  Les statisticiens, qui avaient le sentiment ne pas être reconnus, sont désormais au travail et offrent des indicateurs qui naturellement doivent être affinés.   

C’est précisément « la confiance », a acquiescé M. SIMON ULRICH, Directeur général du Bureau fédéral des statistiques de la Suisse, qui doit prévaloir dans la collaboration entre le Forum politique de haut niveau sur le développement durable et la Commission de statistiques de l’ONU.  Dans la mise en œuvre du Programme 2030, la culture du dialogue, de la coopération et de la « co-construction » sera essentielle.  En toutes choses, il faut une implication claire des bureaux nationaux de statistiques, les données nationales devant être la base de tous les indicateurs internationaux et de la coordination au niveau de l’ONU.

Au Monténégro, ce sont quelque 241 indicateurs qui seront introduits dans l’évaluation de la mise en œuvre du Programme 2030, a indiqué M. MILORAD ŠĆEPANOVIĆ, Directeur général des affaires multilatérales du Ministère des affaires étrangères du Monténégro.  La complexité des objectifs de développement durable et le nombre des  indicateurs a conduit à une analyse globale du système national laquelle a montré que sur les 241 indicateurs, 27 sont déjà suivis et 35 le sont partiellement.  Entre 2016 et 2024, ce sont 119 des 230 indicateurs de la Commission de statistiques de l’ONU qui seront introduits dans le système national.  En outre, des indicateurs plus complexes seront également introduits pour améliorer les politiques nationales de développement durable d’ici à 2030. 

Le Directeur général a aussi mentionné que 36 autres indicateurs élaborés par des organisations internationales pertinentes seront également intégrés pour mesurer les progrès de la mise en œuvre du Plan national pour le développement des statistiques.  Il a reconnu que la création de systèmes si complexes de suivi et de présentation des informations exige le renforcement des capacités humaines pour améliorer la compilation des données et leur exploitation.  Il faudra aussi revoir la structure institutionnelle et les programmes de travail des producteurs de statistiques. 

Dans cette « centralité » des statistiques, il ne faut pas oublier, a mis en garde la Directrice générale au Ministère des affaires étrangères et du commerce de Samoa, de tenir compte de tous les facteurs, en particulier les caractéristiques des petits États insulaires en développement.  Mme PESETA NOUMEA SIMI a jugé nécessaire de « contextualiser » et de « localiser » les statistiques qui, à ce stade, ne s’avèrent pas toujours pertinents dans certains pays.  Son homologue des Îles Cook, a souligné la difficulté pour un pays comme le sien, éparpillé en plusieurs petites îles sur un vaste territoire, à collecter des données fiables et ventilées. 

Le débat qui a suivi s’est articulé autour de la question posée par le représentant de la Malaisie qui a demandé si les pays doivent soumettre des rapports sur chacun des 230 indicateurs de la Commission de statistiques de l’ONU.  Non, a répondu la Chef de l’Autorité des statistiques des Philippines.  Il faut respecter les priorités de chaque pays et, à ce propos, les 230 indicateurs ne concernent que le suivi mondial.  Les pays doivent les adapter à leur propre réalité, avec l’aide, le cas échéant, du Groupe d'experts sur les indicateurs de développement durable.  Les pays développés doivent aider les pays en développement à renforcer leurs capacités statistiques, qui ne sont que des « références », a souligné le représentant de la Chine.  

Au Viet Nam, a signalé sa représentante, sur les 230 indicateurs de la Commission de statistiques, 141 n’ont jamais donné lieu à une collecte de données et 106 souffriront de la difficulté à réunir des données fiables.  Son homologue de l’Estonie a attiré l’attention sur les technologies de l’information et des communications qui pourraient faciliter le travail.  Eurostat, a dit la représentante de l’Union européenne, jouera un rôle actif dans le suivi de la mise en œuvre du Programme 2030 dans les pays de l’Union.  

La collecte et l’exploitation de données accessibles, opportunes, fiables et désagrégées doit être au centre des agendas nationaux pour avoir des rapports de mise en œuvre conformes aux 230 indicateurs de l’ONU, a prévenu Mme CARLA MUCAVI, Directrice du Bureau newyorkais de l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).  Il reviendra aux agences internationales de faire en sorte que les données soient comparables d’un pays à l’autre et qu’elles soient ventilées aux niveaux régional et international.  Les partenariats joueront un rôle important pour renforcer les capacités statistiques nationales, faire avancer le développement méthodologique du Cadre mondial d’indicateurs et appuyer la coordination avec les autres parties prenantes.  La FAO, a rappelé la Directrice, est chargée de compiler les données sur plus de 20 indicateurs sur 230, liés aux objectifs de développement durable 2, 5, 6, 12, 14 et 15, relatifs à la faim, à l’égalité des sexes, à l’eau et à l’assainissement, aux modes de consommation et de production, aux ressources marines et aux institutions efficaces.

Table ronde 2: « Assurer le succès du Programme 2030 pour les petits États insulaires en développement, donner suite aux modalités d’action accélérées des petits États insulaires en développement (SAMOA) »

Sur la base des « Orientations de Samoa « adoptées lors de la troisième Conférence internationale sur les petits États insulaires en développement (PEID), en septembre 2014, le Programme 2030 a appelé à accorder une attention particulière à ces États qui souffrent de vulnérabilités spécifiques s’agissant de leur développement durable.  Ces États sont en effet confrontés à divers défis du fait de leur petite taille, de leur éloignement, de leurs ressources limitées et de leur exposition aux défis environnementaux mondiaux et aux chocs économiques externes.  M. SVEN JÜRGENSON (Estonie), Vice-Président du Conseil économique et social (ECOSOC), qui présidait la table ronde, a voulu que les participants se concentrent sur le lien entre ces deux importants documents, en « symbiose » selon le représentant de la Jamaïque, au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM).  Quels sont les problèmes rencontrés dans leur mise en œuvre? a demandé M. Jürgenson.        

Les deux documents, a rappelé M. ANOTE TONG, ancien Président de Kiribati, se fondent sur le principe fondamental de « ne laisser personne sur le côté ».  Or, ce risque existe pour tous les petits États insulaires en développement, pour lesquels les changements climatiques représentent sans doute le défi le plus important.  Ne pas s’attaquer à ce phénomène conduira à l’échec les objectifs de développement durable, a-t-il estimé.  L’impact négatif est déjà ressenti: un seul cyclone a détruit tous les progrès réalisés par les Tuvalu.  Pour M. Tong, il faut une approche moins fragmentaire pour renforcer la résilience des PEID et s’il est exact que, sans partenariat, ces pays ne pourront concrétiser les objectifs fixés, il faut néanmoins modifier le type des partenariats, en s’écartant de l’idée que les PEID ne seraient que des pourvoyeurs de matières premières.  Leurs ressources sont limitées, notamment dans le secteur de la pêche, et ces pays ont besoin de taux de retour plus importants.

Deux articles scientifiques de l’Université d’Hawaï ont été invoqués par M. DAVID SMITH, de l’Institut pour le développement durable de l'Université des Indes occidentales.  Le premier met en évidence que le climat commencera à changer de manière significative en 2038 sous les tropiques et plutôt vers 2053 ailleurs.  Le second montre qu’une augmentation de 1,5 degré de la température mondiale –objectif réclamé par les PEID– aurait des effets qui resteraient dans la limite extrême du régime climatique actuel, alors qu’une augmentation de 2 degrés –l’objectif officiellement retenu- ferait entrer le monde dans un schéma climatique totalement inédit. 

Les objectifs de développement durable faisant écho aux « Orientations de Samoa », il est parfaitement inutile de mettre en place des mécanismes de mise en œuvre distincts, a poursuivi le professeur.  Il a suggéré de se concentrer sur la question de l’énergie durable, qui permet d’aborder divers points tels que l’efficacité énergétique, la réduction de la part de l’énergie dans l’économie ou encore celle des importations d’énergie.  Pour M. Smith, le Fonds vert pour le climat est appelé à jouer un rôle très important mais il faudra aussi accorder un rôle important à l’objectif 14 du Programme 2030 sur l’exploitation durable des océans, des mers et des ressources marines.  Or, a-t-il ajouté, toutes les études montrent que les barrières de corail sont menacées, alors qu’elles sont essentielles au développement des petits États insulaires en développement.  Concernant le financement et en particulier l’assistance extérieure, M. Smith s’est demandé si le fait de catégoriser les pays en fonction du PIB par habitant était un bon moyen.  Utilisons plutôt comme base de calcul, l’indice de développement humain.

Les objectifs de développement durable sont l’occasion de faire mieux, a poursuivi Mme JUSTINA LANGIDRIK, Secrétaire en chef des Îles Marshall, en soulignant que les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) n’avaient jamais vraiment été intégrés dans les plans régionaux et nationaux.  Elle a aussi relevé que les « Orientations de Samoa », négociées avant les objectifs de développement durable, ne prévoient pas d’indicateurs.  Il faut harmoniser les approches et s’assurer que les objectifs de développement durable seront bien mis en œuvre et garantiront des changements réels en faveur des plus vulnérables.  Ils doivent compléter les efforts nationaux et non être vus comme un processus parallèle descendant de l’international au national.  

Elle a en outre estimé que commencer la mise en œuvre simultanée de tous les objectifs de développement durable représenterait une « surcharge de travail insupportable » pour un État comme le sien qui compte environ 60 000 habitants répartis sur une surface comparable à celle du Mexique.  Laissons aux États le soin de soin d’adopter leur approche nationale, éventuellement séquencée, de la mise en œuvre des objectifs de développement durable, a-t-elle conseillé, en plaidant pour que soient rapidement entamées des discussions avec les partenaires bilatéraux sur la manière d’intégrer les ODD dans les programmes d’assistance. 

Il faut parler de la mobilisation des ressources, a estimé Mme KATE BROWN, Directrice exécutive du Partenariat insulaire mondial.  À l’heure actuelle, il n’y a pas assez de ressources pour réaliser les objectifs de développement durable dans les petits États insulaires en développement. Le défi est de trouver les moyens de convaincre le secteur privé d’investir dans ces pays et, à ce jour, on ne les pas encore trouvés.  Il ne s’agit pas de trouver un modèle mondial applicable à tous mais un modèle spécifique pour les PEID.  Il faut réfléchir à la manière de travailler ensemble pour concrétiser certaines solutions proposées, comme les partenariats public-privé.  Il y a énormément d’idées et d’initiatives en cours mais la question est aussi de savoir comment mesurer leur efficacité, a précisé Mme Brown.

L’important est désormais de mobiliser les moyens nécessaires à la mise en œuvre des objectifs de développement durable, a estimé le représentant des Maldives, au nom de l’Alliance des petits États insulaires, en appelant à la cohérence avec l’Accord de Paris sur le climat, le Cadre d’action de Sendai sur la réduction des risques de catastrophe et le Programme d’action d’Addis-Abeba sur le financement du développement.  La discussion sur la mobilisation des ressources nationales, en particulier fiscales, dans des pays qui comptent parfois moins de 100 000 habitants est « presque académique et peu concrète », s’est désolée la modératrice, Mme ELIZABETH THOMPSON, Coordonnatrice exécutive de Rio+20 et ancienne Ministre de l’énergie et de l’environnement de la Barbade.  Elle a souligné que l’assiette fiscale de ces pays est très réduite, de même que celle du secteur privé, en général limitée à quelques petites ou moyennes entreprises.  Dès lors, comment attirer les investissements nécessaires à la réalisation des objectifs de développement durable?

Il faut parler de l’attractivité financière des petits États insulaires, parfois considérés par les investisseurs comme « à risque » du fait de leur exposition aux aléas climatiques, a expliqué la représentante de Belize.  Elle a ajouté que ces États sont par nature très ouverts au commerce mondial et dépendent donc beaucoup de l’économie mondiale mais aussi des mesures de régulation financière prises par de grands États.  Le représentant de l’Australie a rappelé que son pays travaille avec les institutions financières internationales pour créer dans toute la région du Pacifique un climat des affaires favorable aux entreprises.  Après avoir présenté son pays comme le premier argentier des « Orientations de Samoa », le représentant de l’Italie, un pays qui n’est certes pas un petit État insulaire en développement mais qui est largement entouré d’eau et qui en dépend pour de nombreuses activités, a rappelé le partenariat avec les PEID du Pacifique depuis 2007.  L’Italie a mobilisé en tout plus de 20 millions de dollars et vient de lancer un partenariat du même type avec les petits États insulaires des Caraïbes.

Au nom des 12 petits États insulaires en développement du Pacifique représentés au Nations Unies, le représentant de la Micronésie a insisté sur l’importance des partenariats pour renforcer les capacités nationales.  Il a dit attendre avec intérêt les conclusions du Corps commun d’inspection sur la manière dont le système des Nations Unies peut assister les PEID.  Le représentant de l’Australie, « grand État insulaire ayant beaucoup de petits États insulaires en développement comme voisins et amis », a appuyé l’appel à l’assistance du système des Nations Unies.  Son homologue du Kazakhstan a annoncé qu’Astana accueillera prochainement une conférence sur l’énergie du futur et que son gouvernement est prêt à aider les PEID à participer à la manifestation.

La représentante de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a rappelé que les « Orientations de Samoa » lui fixent comme mandat de faciliter le développement d’un programme d’action pour la sécurité alimentaire et la nutrition.  La FAO soutient la Conférence des Nations Unies sur les océans qui sera coorganisée en juillet 2017 par la Suède et les Fidji.  L’objectif 14 du Programme 2030 sur l’exploitation durable des océans, des mers et des ressources marines est essentiel pour assurer la sécurité alimentaire et la nutrition dans les PEID.  La FAO y contribue par son « Initiative croissance bleue », qui cherche à canaliser le potentiel productif des océans de manière durable.  Les petits États insulaires en développement ne sont pas responsables des changements climatiques mais sont ceux qui vont en payer le prix le plus élevé, a encore rappelé la représentante.

Table ronde 3: « Pays faisant face à des difficultés particulières »

Présidée par M. HECTOR ALEJANDRO PALMA CERNA (Honduras) en sa qualité de Vice-président de l’ECOSOC, cette table-ronde s’est concentrée sur les besoins spécifiques des pays les moins avancés (PMA), des pays en développement sans littoral, des petits États insulaires en développement (PEID) et des pays en conflit ou postconflit.      

M. DAVID STEVEN, Chargé de recherche et Directeur adjoint du Centre de la Coopération internationale, de l’Université de New York, a insisté sur l’urgence qu’il y a à conjuguer l’universalité des 17 objectifs et 169 cibles du Programme 2030 avec les spécificités nationales.  « Ne laisser personne sur le côté » est un impératif « majeur » mais aussi une nouvelle démarche qui devrait servir à analyser les obstacles rencontrés par les pays et les personnes les plus vulnérables, en faisant en sorte que les obstacles soient traduits en chances, a-t-il estimé.  Chaque pays a ses chances et il faut des stratégies pour les aider à exploiter ses chances tout en gérant au mieux leurs problèmes.   

Au-delà des moyens et des ressources, les intervenants ont mis l’accent sur la cohérence nécessaire entre les différentes politiques et initiatives.  Alors que plusieurs intervenants plaidaient, une nouvelle fois, pour que les pays ne soient plus catégorisés en fonction de leur PIB par habitant, M. JEAN-MARC CHÂTAIGNER, Directeur adjoint de l’Institut français sur la recherche pour le développement (IRD), a prôné la définition d’un nouvel indicateur synthétique pour mesurer l’état de développement des pays vulnérables.  « Tenir compte des spécificités des pays vulnérables permet de sélectionner les priorités sur lesquelles il faut se concentrer, dans un tout. »  La grande diversité des pays à revenu intermédiaire a été mise en avant par M. CLAUDIO HUEPE MINOLETTI, Professeur et Coordonnateur du Centre de l’énergie et du développement durable de l’Université Diego Portales.

Dans un monde en constante mutation, il faut un terrain d’entente pour mieux comprendre les vulnérabilités, a acquiescé le Chargé de recherche et Directeur adjoint du Centre de la coopération internationale.  Il faut une coopération mieux adaptée aux objectifs de développement durable et se fixer 2019 comme date butoir intermédiaire, car nous ne pouvons attendre 2030 pour faire le point, a-t-il insisté.  Pour lutter contre les vulnérabilités, il faut « former, former et encore former », a lancé le professeur, avant d’appeler à investir dans la recherche, la science et le savoir pour trouver les « Einstein » africains et asiatiques qui nous permettront de faire face aux défis des changements climatiques et du développement durable. 

Quelles que soient les difficultés spécifiques de ces pays, il est évident que chacun a ses chances sur lesquelles on peut s’appuyer pour accélérer le développement durable », a dit M. YOUBA SOKONA, Conseiller spécial sur le développement durable du Groupe d’experts indépendant sur les PMA (South Centre).  Mais il faut faire vite et stimuler la volonté politique, a-t-il prévenu, car « les données empiriques nous enseignent que la fenêtre d’opportunité est en train de se fermer rapidement ».

Nous sommes tous des ressortissants de pays qui ont des spécificités, des fragilités et des défis particuliers, qu’il s’agisse des pays développés ou des pays en développement », a estimé le Directeur adjoint de l’Institut français sur la recherche pour le développement (IRD), avant d’appeler à la solidarité internationale pour réduire les disparités dans le domaine de la recherche, des données et du savoir.  Toute situation de pauvreté influe sur le reste du monde.

Donnant l’exemple de la gestion de l’eau entre Israéliens, Jordaniens et Palestiniens, Mme MARINA DJERNAES, Directrice de EcoPeace Center of Environmental Peacebuilding, EcoPeace Moyen Orient, a présenté une démarche qui s’appuie sur les médias pour créer une véritable prise de conscience des communautés et une réaction politique.  C’est aux gouvernements qu’il revient la responsabilité de créer un environnement propice à l’appropriation locale des objectifs de développement durable, a poursuivi M. STEPHEN CHACHA TUMBO, Fondateur de la Fondation africaine de philanthropie et Membre du Groupe de travail des organisations de la société civile.  Il faut communiquer dans les langues parlées par les acteurs locaux et éviter la fragmentation des efforts.        

Réagissant à l’intervention du représentant du Bangladesh sur la difficulté des PMA à faire face à des défis transfrontaliers, la Directrice de EcoPeace Center of Environmental Peacebuilding, EcoPeace Moyen-Orient a estimé que seule une mobilisation internationale des ressources permettra d’aider les PAM à faire face à de tels défis, dont la gestion commune de l’eau d’eau.  La représentante du groupe des femmes, originaire des Fidji, a parlé de « la justice climatique » qui serait est au cœur de tous « nos problèmes ».  Elle a rappelé le lien direct entre changements climatiques et insécurité alimentaire.  Une des choses qui retarde la croissance économique dans les pays vulnérables est l’absence des femmes dans la population active », a mis en garde le Coordonnateur du Centre de l’énergie et du développement durable de l’Université Diego Portales.

Sans vouloir contredire ces propos, la représentante des Bahamas a tout de même insisté, au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), sur l’aide internationale pour atteindre les objectifs de développement durable, dont la réduction de la dette et l’augmentation de l’aide publique au développement (APD).  La mobilisation des ressources nationales ne devrait pas empêcher celles d’autres moyens dont l’APD, a renchéri le représentant du grand groupe des jeunes.  Il faut saisir toute la valeur ajoutée qu’offrent les jeunes en matière d’initiatives, de créativité et d’imagination, a plaidé le Fondateur de l’« Afrique Philanthropic Foundation ». 

Justement, face à la fragilité des économies africaines lourdement dépendantes des produits de base, la représentante du Rwanda, à l’instar de celui du Tchad, a exhorté la communauté internationale à aider ces pays à diversifier leurs économies et développer leurs infrastructures pour qu’ils puissent atteindre les 7% de croissance indispensables à la réalisation des objectifs de développement durable.  En la matière, a reconnu la représentante de la Suède, l’APD est très importante pour stimuler l’investissement privé, moteur du développement et de la croissance.  

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