Accusé de bloquer les organisations des droits de l’homme, le Comité des ONG clôt sa session en accordant près de 300 statuts consultatifs auprès de l’ECOSOC
Le Comité chargé des ONG a clôturé aujourd’hui sa session de 2016, après avoir répondu favorablement à près de 300 demandes de statut consultatif auprès du Conseil économique et social (ECOSOC) et reporté sa décision sur le même nombre de dossiers, dans un exercice qui, entamé le 23 mai, a été marqué par des accusations d’opposition aux ONG des droits de l’homme, de politisation et de polarisation.
Les ONG suisses « RESO-Femmes -Réseau d’engagement et de soutien aux organisations de femmes » et « Commission électrotechnique internationale » et leur consœur indonésienne « Yayasan Cinta Anak Bangsa » ont été les trois seules à accéder au statut consultatif général auprès du Conseil économique et social (ECOSOC). Ainsi reconnues comme « grandes ONG internationales » dont les domaines d’action couvrent la majorité des points contenus dans l’agenda de l’ECOSOC et de ses organes subsidiaires, ces trois organisations sont désormais habilitées à soumettre au Conseil des communications écrites et des pétitions et à proposer l’inscription de points à l’ordre du jour.
Parmi les quelque 300 ONG qui ont obtenu leur statut consultatif spécial auprès de l’ECOSOC, il faut citer la Néerlandaise « International Federation of Thanatologists Associations FIAT-IFTA » dont la demande de reclassement a été acceptée. L’ONG était auparavant dans la « Liste », à savoir parmi les organisations qui ne peuvent soumettre à l’ECOSOC que des communications écrites compte tenu de leur tendance à travailler d’une manière plus technique et/ou restreinte. Dans son nouveau statut consultatif spécial, l’ONG néerlandaise peut désormais soumettre, en plus des communications écrites, des pétitions parce qu’elle est reconnue comme étant concernée par plusieurs activités de l’ECOSOC.
La chance qu’ont eue ces ONG d’obtenir une réponse favorable à leur demande de statut consultatif n’a pas été partagée par toutes. L’Américaine « Committee to Protect Journalists, Inc. » s’est heurtée au refus du Comité après un vote. L’ONG, qui promeut la liberté de la presse dans le monde et qui défend le droit des journalistes à couvrir l’actualité sans crainte de représailles, s’est vue critiquée par l’Afrique du Sud pour ne pas avoir de position claire sur l’incitation à la haine interdite par l’article 20 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Cette ONG est « politisée » et « gouvernementale », a ajouté le Soudan, après que la Fédération de Russie lui eut reproché de ne condamner les violations des droits de l’homme que lorsqu’elles sont commises dans les pays qui ont des relations difficiles avec les États-Unis.
Un refus et plus de 300 dossiers reportés dont celui de l’ONG canadienne « Youth Coalition for Sexual and Reproductive Rights (YCSRR) », après cinq ans et deux votes: il n’a en pas fallu plus à la Directrice d’« International service For Human Rights » pour, au nom de 230 ONG, accuser le Comité d’user de « tactiques procédurières » pour retarder voire empêcher l’octroi d’un statut consultatif aux organisations des droits de l’homme. Mme Eleanor Openshaw a demandé au Comité de travailler de manière « apolitique, juste, transparente, non discriminatoire, cohérente et rapide ». Elle a regretté que le Comité se fasse trop souvent l’écho des restrictions imposées de plus en plus à la société civile dans leur pays, alors que ces restrictions rendent justement plus « cruciales encore » leur accès à l’ONU.
Ces « insinuations » ont été jugées « inacceptables » par l’Afrique du Sud alors que la Fédération de Russie a vu là une tendance « très inquiétante » de certains pays à utiliser les ONG pour servir leurs intérêts politiques lorsqu’ils n’y arrivent pas par la force. Les États-Unis ont plutôt perçu une détermination à « intimer le silence à la société civile » et défendu le droit de chaque État de communiquer sur les travaux « publics » du Comité. Ils répondaient ainsi aux accusations de l’Afrique du Sud qui, regrettant « les fortes tensions et polarisations », dénonçait les messages véhiculés sur les réseaux sociaux contre certains des 19 membres du Comité.
Aujourd’hui encore, l’Union européenne et l’Australie, au nom du Canada, de la Nouvelle-Zélande et de la Suisse, ont rappelé l’importance de la voix des ONG pour le travail de l’ONU. Ils ont, à leur tour, dénoncé la tendance de certains États à s’opposer aux ONG spécialistes des droits de l’homme et à l’instar du représentant du Mexique, ils ont estimé qu’une retransmission en ligne des débats du Comité apporterait la « transparence » nécessaire à une bonne qualité de travail. Dans ce contexte, l’Arménie, État observateur, a accusé l’Azerbaïdjan de multiplier les questions pour décourager les ONG arméniennes.
Le Comité, qui se réunira le 10 juin pour adopter son rapport final, tiendra sa prochaine session* du 30 janvier au 8 février 2017, puis du 22 mai au 31 mai 2017.
EXAMEN DES NOUVELLES DEMANDES D’ADMISSION AU STATUT CONSULTATIF ET NOUVELLES DEMANDES DE RECLASSEMENT
Octroi du statut consultatif
- Association Civil Hecho por Nosotros (Argentine)
- Dayemi Foundation (Bengladesh)
- Sanad Charity Foundation (Soudan)
- Action on Disability and Development (Royaume-Uni)
- Advocacy Initiative for Development (AID) (États-Unis)
- BJD Reinsurance Consulting, LLC (États-Unis)
- Campagne Internationale pour l'Abolition des Armes Nucléaires (Suisse)
- Differenza Donna - Associazione di donne contro la violenza alle Donne – ONLUS (Italie)
- Dreikönigsaktion - Hilfswerk der Katholischen Jungschar (Autriche)
- Geo Expertise Association (Suisse)
- Global Zero (États-Unis)
- HackerNest (Canada)
- Institute for International Women's Rights - Manitoba Inc. (Canada)
- Intercontinental Network for the Promotion of the Social Solidarity Economy (Canada)
- Kehitysyhteistyöjärjestöjen EU-yhdistys KEHYS ry, EU-plattformen för finländska biständsorganisationer KEHYS rf (Finlande)
- Profugo (États-Unis)
- Red Iberoamericana de Organizaciones No Gubernamentales que Trabajan en Drogodependencias – RIOD (Espagne)
- Restored (Royaume-Uni)
- World Association for Supported Employment (Pays-Bas)
- DRCNet Foundation, Inc. (États-Unis)
- International Breathwork Foundation (Pays-Bas)
- International Center for Advocates Against Discrimination (ICAAD), Inc. (États-Unis)
- Latin American Mining Monitoring Programme (Royaume-Uni)
Report de la décision en attendant les réponses aux questions supplémentaires du Comité
Reprenant l’examen des nouvelles demandes d’admission au statut consultatif, le Comité a décidé de reporter sa décision sur les demandes de ECO-FAWN (Inde) dans l’attente de précisions financières sollicitées par le représentant de l’Inde et de Akhil Bharatiya Human Rights Organisation (Inde) dans l’attente des mêmes précisions demandées cette fois par le représentant du Pakistan.
Les ONG nigérianes Centre for Peace, Culture and Environmental Studies; Change Managers International Network Limited by Guarantee; Girls Education Mission International; Medical Women’s Association of Nigeria; et Society to Heighten Awareness of Women and Children Abuse devront dire à la représentante de l’Afrique du Sud dans quels autres pays hors du Nigéria elles mènent leurs activités, et Int’l Center for Women Empowerment and Child Dev., quelles sont ses sources de financement.
Le Comité a reporté sa décision sur la demande de Creaters Union of Arab (Egypt), de Danjuma Alta Eye Foundation (Nigeria) et de Femmes unies pour un avenir meilleur (Togo), compte des questions posées par les représentants du Soudan, de l’Azerbaïdjan et du Nicaragua.
Le représentant du Pakistan a aussi demandé pourquoi Gulshan-e-John (Pakistan) a soumis sa demande sous cette appellation, alors qu’elle a changé de nom en 2011. International Human Rights Protector’s Group (Inde) a été privée par le représentant de la Chine d’utiliser la terminologie officielle de la province chinoise de Taiwan. Celui de l’Inde a voulu savoir à quelles activités de l’ONU cette ONG a participé.
Poursuivant sa série de questions, le représentant du Pakistan s’est interrogé sur le nombre de personnes formées et les sources de financement des centres de formation de The Voice Society (Pakistan). Peut-on avoir la liste complète des 55 pays où Yay Gender Harmony (Indonésie) mène ses activités, a demandé la représentante de l’Iran. Quelles sont les relations entre cette ONG et les associations des droits de l’homme en Indonésie? Quelles activités a-t-elle menée en Inde, ces deux dernières années? a ajouté le représentant de l’Inde. Comment Action Against Hunger USA (États-Unis) peut-elle maintenir son indépendance alors que 90% de son budget vient du Gouvernement américain, s’est inquiété le représentant de la Chine. Celui du Soudan a demandé à Arab-European Center of Human Rights and International Law (AECHRIL) (Norvège) des détails sur ses trois divisions, y compris en Jordanie et au Royaume-Uni.
La représentante du Nicaragua a demandé à Asistencia Legal por los Derechos Humanos, Asociación Civil (Mexique) une liste des réunions de l’Organisation des États américains auxquelles elle a participé. Celui du Soudan a voulu savoir de Bahrain Center for Human Rights (Danemark) ses projets sur l’ouverture de nouveaux bureaux. La représentante de l’Iran a demandé à Center of Political Analysis and Information Security (Fédération du Russie) si ses membres sont aussi au Gouvernement.
La représentante de l’Afrique du Sud a voulu plus de précisions de la part de Citizens’ Alliance for North Korean Human Rights (République de Corée) notamment en sur ses programmes d’intégration des groupes défavorisés dans la société. Celle de la Chine a demandé à Database Center for North Korean Human Rights (NKDB) (République de Corée) ses sources d’informations sur la République populaire démocratique de Corée. La représentante de l’Iran a voulu en savoir plus sur les projets qu’Euro-Mediterranean Human Rights Network (Danemark) a lancés en 2015 sur la protection des migrants dans la région.
Celle de la Turquie a demandé la liste des organisations qui coopèrent avec Forum Droghe Associazione Movimento per il Contenimento dei Danni (Italie). La représentante de l’Iran a exigé que Hazar Strateji Enstitüsü Derneği (Turquie) donne des précisions sur ses projets en 2014 et en 2015. Quelles sont les sources de financement de HealthBridge Foundation of Canada (Canada) a voulu savoir la représentante de l’Afrique du Sud. Elle a aussi demandé à Jus Cogens (États-Unis) pourquoi elle ne travaille que sur les droits socioéconomiques.
La représentante de la Turquie a demandé à Landsrådet for Norges barne- og ungdomsorganisasjoner (Norvège) la nature de sa participation aux activités parallèles de la Troisième Commission chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles. Celui de l’Azerbaïdjan a demandé à Mangfoldhuset (Norvège) la liste des donateurs du secteur privé et le montant de leur contribution.
Celle de l’Afrique du Sud a voulu des précisions sur les projets de NK Watch (République de Corée) dans le domaine de l’éducation. La représentante de la Chine a prié Novant Health, Inc. (États-Unis) d’utiliser la terminologie appropriée pour la province chinoise de Taïwan. Elle a aussi demandé à Vang Pao Peace Institute (États-Unis) si elle était enregistrée en Thaïlande et en République démocratique populaire lao.
Quel est le programme de travail de Women With Disabilities Australia Inc. (Australie), a demandé la représentante du Nicaragua? Son homologue de l’Inde a voulu des précisions sur le financement du programme quinquennal de cette ONG. La représentante du Nicaragua a aussi demandé dans quels pays Womens Voices Now Inc. (États-Unis) travaille. Celui de l’Azerbaïdjan a exigé de "SEG" Civil Society Support Center NGO (Arménie) la liste de ses partenaires à l’étranger.
Il a aussi a souhaité des précisions sur les activités de Society Without Violence Non-Governmental Organization (Arménie), avant de s’opposer à ce que la délégation arménienne, observatrice au Comité, intervienne. Avec la permission du Comité, cette dernière a dénoncé la tendance du représentant azerbaïdjanais à freiner l’examen des dossiers présentées par les d’ONG arméniennes, en multipliant des questions.
La représentante de l’Afrique du Sud a demandé des précisions sur l’appui apporté par Fair Trials International (Royaume-Uni) aux prisonniers en Afrique. Celle du Nicaragua a voulu connaître les partenaires de Fundación Acción Pro Derechos Humanos (Espagne). Celle de la Chine a demandé des précisions sur la contribution de Multidisciplinary Association for Psychedelic Studies (États-Unis) et de Partnership for change (Norvège) aux efforts des Nations Unies en matière de lutte contre la drogue et le crime et notamment dans le cadre de la session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies sur la drogue en 2016. Le représentant de la Chine a aussi demandé à Peace Brigades International (Royaume-Uni) ce que pourrait être sa contribution au travail de l’ECOSOC. Celle du Nicaragua a voulu avoir la liste des projets menés en 2015 par Sex & Samfund (Danemark). Quel est le lien entre l’environnement et la santé sexuelle? s’est interrogée la représentante de l’Afrique du Sud.
Son homologue de la Fédération de Russie a demandé des précisions sur les activités de The Andrey Rylkov Foundation for Health and Social Justice (Fédération de Russie). La représentante de l’Iran a voulu savoir si Universal Rights Group (Suisse) a des projets dans des pays particuliers. Son homologue de l’Inde a demandé si l’ONG a effectué un travail pour le Bureau du Haut-Commissaire aux droits de l’homme. Le représentant de l’Afrique du Sud a demandé à World Association for Sexual Health (Royaume-Uni) si le but est de remplacer les droits de l’homme par les droits sexuels.