Yémen: l’Envoyé spécial appelle les parties à s’engager dans le processus de paix afin de remédier à une situation « désespérée »
L’Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Yémen, M. Ismail Ould Cheikh Ahmed, a exhorté, ce matin, devant le Conseil de sécurité, les parties au conflit à donner la priorité à l’intérêt national et à s’engager dans le processus de paix afin de remédier à une situation dans le pays qu’il a qualifiée de « désespérée ». Le Coordonnateur des secours d’urgence, M. Stephen O’Brien, appuyé par le Directeur régional du Programme alimentaire mondial, M. Muhannad Hani, qui intervenait également ce matin, a indiqué que 21,2 millions de personnes ont besoin d’une assistance humanitaire, soit 80% de la population du Yémen.
L’Envoyé spécial a présenté les principaux éléments de la feuille de route qu’il a proposée aux parties pour mettre fin au conflit, notamment la formation d’un gouvernement d’unité nationale qui serait chargé de conduire le processus de transition. « J’ai été informé officieusement que les parties ont rejeté la feuille de route », a-t-il regretté. Si la plupart des délégations ont appuyé les efforts de l’Envoyé spécial, certaines d’entre elles ont dénoncé les agissements de puissances régionales qui se livrent à une véritable « guerre par procuration » au Yémen. D’autres encore ont condamné la poursuite des livraisons d’armes dans le pays.
« Ce que le Yémen vit aujourd’hui contredit les engagements pour la paix pris par les parties auprès des Nations Unies », a affirmé M. Ould Cheick Ahmed au début de son intervention. La situation sur le terrain, a-t-il averti, est très préoccupante en raison de l’escalade des hostilités, qui se sont poursuivies à un rythme alarmant ces dernières semaines. L’Envoyé spécial a ensuite détaillé la feuille de route qu’il a soumise aux parties, établie en application de la résolution 2216 (2015) du Conseil, et sur la base des résultats de la Conférence de dialogue national.
Cette feuille de route prévoit la création de comités militaires et de sécurité qui superviseraient les retraits et la remise d’armes à Sanaa, à Hodeida et à Taiz, a-t-il indiqué. Au titre des arrangements politiques provisoires, M. Ould Cheick Ahmed a cité la nomination d’un nouveau vice-président et la formation d’un gouvernement d’unité nationale « qui conduirait le processus de transition au Yémen et superviserait la reprise du dialogue politique, l’achèvement du processus constitutionnel et, enfin, la tenue d’élections ».
Le rejet de la feuille de route, qui bénéficie du large soutien de la communauté internationale, montre que l’élite politique au Yémen reste incapable de surmonter ses différences, a-t-il déploré. Appuyé par l’ensemble des délégations, l’Envoyé spécial a exhorté les parties à donner la priorité à la paix plutôt qu’aux considérations partisanes. « Les auteurs du coup d’État commis il y a deux ans » privilégient l’option militaire en « utilisant de missiles fabriqués en Iran », a, pour sa part, affirmé le délégué du Yémen. Il a accusé cette partie d’empêcher également la fourniture d’une aide humanitaire.
« La catastrophe humanitaire au Yémen est entièrement le fait des parties au conflit », a, de son côté, déclaré le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence. Depuis mars 2015, a-t-il affirmé, 10 000 enfants âgés de moins de 5 ans ont succombé à des maladies facilement évitables. « Le Yémen est à un pas de la famine », s’est-il alarmé, à l’instar de M. Hadi, qui a précisé que 14 millions de personnes étaient exposées à l’insécurité alimentaire dans le pays, dont sept millions étaient sévèrement touchées. Les deux responsables humanitaires ont regretté le sous-financement de l’aide.
À l’aune de cette situation « catastrophique », le délégué de la France s’est demandé « comment exercer une pression sur les parties yéménites au conflit afin qu’elles prennent leurs responsabilités ». Le Conseil de sécurité doit agir, a insisté le représentant de l’Ukraine. Porte-plume des projets de résolution sur la situation au Yémen, le représentant du Royaume-Uni a indiqué qu’il continuerait d’œuvrer à un texte appelant les parties à rétablir la cessation des hostilités, à revenir à la table des négociations sur la base de la feuille de route, ainsi qu’à garantir l’accès sans entraves de l’aide humanitaire.
« Comme le Royaume-Uni peut-il être le porte-plume de projets de résolution sur la situation au Yémen quand, au même moment, il consent des ventes d’armements à l’Arabie saoudite pour un montant de cinq milliards de dollars? s’est interrogé le représentant de la Fédération de Russie. Il a également attiré l’attention sur le fait que la feuille de route ne prévoit ni le retrait des forces de la coalition, ni la fin des frappes aériennes.
Le délégué du Venezuela a, quant à lui, fustigé le rôle de ceux qui assurent la livraison d’armes. Ces armes contribuent à attiser le conflit au Yémen, dont le « grand perdant », a-t-il dit, est la population yéménite. Les intérêts stratégiques de certains membres du Conseil au Yémen, a-t-il estimé, font obstacle à une solution politique du conflit. Même son de cloche du côté du représentant de l’Angola qui a dénoncé « la guerre par procuration » menée par certaines puissances régionales au Yémen. « Ceux qui se targuent de livrer de l’aide humanitaire sont les mêmes qui livrent des armes », a-t-il affirmé.
À l’instar de l’Envoyé spécial et du Coordonnateur des secours d’urgence, de nombreux orateurs ont condamné le bombardement d’une cérémonie funéraire à Sanaa, le 8 octobre dernier, par la coalition menée par l’Arabie saoudite. La représentante des États-Unis a demandé l’ouverture d’une enquête sur cet incident, avant de condamner « les incursions militaires en territoire saoudien ». Appuyé par son homologue du Sénégal, le représentant de l’Égypte a, pour sa part, condamné les récents tirs des Houthistes qui ont pris pour cibles l’Arabie saoudite et La Mecque, en prévenant qu’il y avait « des lignes rouges à ne pas franchir » au Yémen.
LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT
Déclarations
« Ce que le Yémen vit aujourd’hui contredit les engagements pour la paix pris par les parties auprès des Nations Unies », a affirmé M. ISMAIL OULD CHEIKH AHMED, Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Yémen. La situation sécuritaire est désespérée et la situation humanitaire continue de se détériorer malgré les efforts des agences humanitaires, a-t-il affirmé.
Il est revenu sur la tragique attaque, le 8 octobre, contre une cérémonie funéraire à Sanaa qui a fait plus de 140 morts et plus de 550 blessés. Décrivant « l’ampleur choquante des dégâts », il a rappelé que le maire de Sanaa, M. Abdel Kader Hilal, un homme politique chevronné connu pour sa bravoure et son engagement pour la paix, figurait parmi les victimes. Le bombardement d’une cérémonie funéraire est contraire à toutes les traditions yéménites et au droit international humanitaire et c’est pourquoi, les responsables devront rendre des comptes, a-t-il insisté.
M. Ould Cheikh Ahmed a indiqué que les forces de la coalition arabe ont assumé leurs responsabilités et leur équipe commune d’évaluation des incidents avait recommandé des mesures contre les responsables et une révision des règles d’engagement de la coalition. L’Arabie saoudite a offert de prendre en charge le traitement médical des personnes blessées et d’offrir des réparations pour les personnes décédées, a-t-il indiqué, en rappelant l’importance que les responsables rendent des comptes.
La conduite des parties sur le terrain est contraire aux engagements pris auparavant de promouvoir pleinement et de manière constructive le processus de paix emmené par l’ONU, a poursuivi l’Envoyé spécial. Il a appelé les parties à s’engager de nouveau en faveur des termes et conditions pour la cessation des hostilités du 10 avril. Tout en soulignant qu’il eût préféré une cessation des hostilités sans durée limitée, il a pu obtenir un accord pour une pause de 72 heures qui est entré en vigueur le 19 octobre, a-t-il continué.
Les deux parties, a-t-il profondément regretté, ont été impliquées dans des violations importantes de la cessation des hostilités depuis le premier jour. La situation est très préoccupante en raison de l’escalade des hostilités, qui se sont poursuivies à un rythme alarmant ces dernières semaines. Les combats se sont intensifiés à Taiz, Maarib, Al-Jawf, Hajjah et à la frontière avec l’Arabie saoudite, où les tirs de missiles balistiques ont augmenté en fréquence et en portée, a-t-il précisé. L’Envoyé spécial a affirmé que prendre pour cible la région de La Mecque al-Mukarramah et Jeddah était un développement dangereux, qui affecte le cours de la guerre, ainsi que les sentiments de plus d’1,5 milliard de musulmans dans le monde.
« Je crains également que les navires internationaux qui croisent au large des côtes du Yémen soient pris sous les tirs provenant des territoires contrôlés par les Houthistes », a-t-il dit. Il a indiqué qu’un navire des Émirats arabes unis a été pris pour cible dans le détroit de Bab al-Mandab, tandis que des destroyers américains situés dans des eaux internationales auraient essuyé des tirs de missiles. Ces incidents risquent d’entraîner une escalade plus aiguë du conflit et menacent la sécurité des mouvements maritimes internationaux, a-t-il dit. L’Envoyé spécial a indiqué que, dans le sud du Yémen, Al-Qaida dans la péninsule arabique et Daech continuent de conduire des attaques contre les institutions de l’État et des cibles civiles.
L’escalade de la situation militaire continue d’aggraver une situation humanitaire très grave qui nécessite une attention beaucoup plus grande de la part de la communauté internationale, a poursuivi M. Ould Cheikh Ahmed. Il a indiqué que les autorités locales étaient incapables de fournir des services sociaux de base à la population, en particulier dans le secteur de la santé, où seulement 45% des installations sont fonctionnelles. J’appelle les Houthistes et le Gouvernement yéménite à veiller à ce que l’accès aux agences humanitaires soit exempt d’entraves bureaucratiques et de tentatives d’intimidation, a-t-il affirmé.
« Malgré les appels lancés par la communauté internationale pour que les parties yéménites s’engagent pleinement dans le processus de paix, les parties continuent de se lancer dans des actions unilatérales qui risquent de compromettre les perspectives de paix », a poursuivi l’Envoyé spécial. Il a indiqué que le Premier Ministre M. Ahmed bin Dagher a annoncé sur les médias sociaux son intention de faire ratifier le projet de constitution. « J’exhorte les parties à s’abstenir de prendre d’autres mesures qui ne feront que compliquer la conclusion d’un accord négocié visant à mettre le Yémen sur la voie de la paix. »
Après avoir mené des consultations approfondies avec les parties yéménites et les membres de la communauté internationale au cours des dernières semaines, il a indiqué qu’il a présenté aux parties une feuille de route complète et détaillée pour mettre fin au conflit. La feuille de route est conforme à la résolution 2216 (2015) du Conseil de sécurité et aux autres résolutions pertinentes, ainsi qu’aux résultats de la Conférence de dialogue national, a-t-il poursuivi. Il a affirmé que cette feuille de route contient un ensemble de mesures politiques et de sécuritaires progressives qui permettront au Yémen de renouer avec une paix et une transition politique ordonnée.
La feuille de route prévoit la création de comités militaires et de sécurité qui superviseraient les retraits et la remise d’armes à Sanaa, à Hodeida et à Taiz, a-t-il indiqué. Les comités seraient également chargés de superviser la cessation complète de la violence militaire et de veiller à la sécurité de la population et des institutions de l’État, a-t-il précisé. La feuille de route prévoit également des arrangements politiques provisoires, notamment la nomination d’un nouveau vice-président et la formation d’un gouvernement d’unité nationale qui conduirait le processus de transition au Yémen et superviserait la reprise du dialogue politique, l’achèvement du processus constitutionnel et, enfin, la tenue d’élections, a-t-il ajouté.
« J’ai été informé officieusement que les parties ont rejeté la feuille de route », a-t-il regretté. Ce rejet, a-t-il expliqué, montre que l’élite politique au Yémen reste incapable de surmonter ses différences et de donner la priorité à l’intérêt national. « Il est temps pour les parties de réaliser qu’il ne peut y avoir de paix sans concessions et pas de sécurité sans accord. »
Il a annoncé son retour dans la région immédiatement après cet exposé afin d’entamer des consultations avec les deux parties dans le but de parvenir à un accord détaillé basé sur la feuille de route. « Il incombe maintenant aux délégations de donner la priorité à la paix plutôt qu’aux considérations partisanes. » L’Envoyé spécial a affirmé que la feuille de route et les accords discutés au Koweït devraient permettre d’aboutir à un règlement global dans les semaines à venir si les parties s’engagent de bonne foi.
En conclusion, l’Envoyé spécial a déclaré que la feuille de route proposée aux parties bénéficiait du large soutien de la communauté internationale car elle offre une solution globale et prévoyait les garanties pour la représentation politique de tous les groupes politiques. J’appelle ce Conseil à offrir son plein appui au plan de paix, à la cessation immédiate des hostilités et à la libération des détenus, a insisté M. Ould Cheikh Ahmed avant de conclure.
M. STEPHEN O’BRIEN, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, a estimé qu’il ne saurait y avoir de solution humanitaire au conflit, mais seulement une solution politique, qui doit commencer par la cessation immédiate des hostilités. La catastrophe humanitaire au Yémen est entièrement le fait des parties au conflit, qui touche maintenant la moitié de la population d’un pays souffrant déjà de la pauvreté avant le début des hostilités. « De manière répétée au cours des 19 derniers mois, les Yéménites ont été privés de leurs droits inhérents à leur existence, de leurs espoirs et de leur dignité. Des milliers de personnes ont été tuées, des dizaines de milliers d’autres blessées, et plus de 3 millions d’autres ont été contraintes de fuir leurs foyers, tandis que 7 millions de Yéménites vivent dans l’inquiétude quotidiennement reconduite de ne pas savoir d’où viendra leur prochain repas. »
De retour de Sanaa, de Hudaydah et d’Aden, le Coordonnateur des secours d’urgence a fait état devant le Conseil du chiffre de 21,2 millions de personnes en besoin d’assistance humanitaire, soit 80% de la population. Il a dénoncé les attaques lancées contre les civils, tout particulièrement celles de la Coalition menée par l’Arabie saoudite qui ont bombardé en août un hôpital administré par Médecins sans frontières et une école de Sanaa, ainsi que des obsèques au début du mois d’octobre: ces dernières frappes aériennes contre un centre communautaire ont fait au moins 140 morts et 550 blessés. « Même s’il ne saurait y avoir d’équivalence entre ces frappes, dont seule dispose l’une des parties à ce conflit, et des armements terrestres, les forces houthistes et pro-Saleh s’en sont pris aveuglément à Taïz et à d’autres localités, ainsi qu’à des villes et infrastructures sur le sol saoudien, manifestement à l’aide de missiles balistiques », a indiqué le Secrétaire général adjoint. Il s’est ensuite dit consterné par les actes d’intimidation et de harcèlement à l’encontre des personnels humanitaires et les entraves qu’ils subissent de la part des forces houthistes et pro-Saleh. M. O’Brien a par ailleurs attiré l’attention du sous-financement de l’appel humanitaire conjoint, qui n’a recueilli à ce jour moins de 50% des fonds requis.
Il faut mettre fin à l’effondrement en cours des institutions publiques, a-t-il poursuivi, en appelant en priorité au Gouvernement du Yémen et aux forces qui le soutiennent pour qu’ils versent aux médecins et aux infirmières leurs salaires. Le secteur de la santé est en effet le plus durement touché par le conflit, alors que moins de la moitié des établissements de soins, déjà rudimentaires, demeurent opérationnels. Depuis mars 2015, 10 000 enfants âgés de moins de 5 ans ont succombé à des maladies facilement évitables, a déploré M. O’Brien, qui a imputé ce chiffre à un déclin des vaccinations et des traitements anti-diarrhéiques. « Le Yémen est à un pas de la famine », s’est-il alarmé, en précisant que deux millions d’enfants souffrent de malnutrition et 370 000 autres de malnutrition aigüe. Il y a également 61 cas confirmés de choléra, et plus de 1 700 cas suspects dans 10 gouvernorats.
Dans ce contexte où seules les voies commerciales permettent de répondre à l’immense majorité des besoins du peuple yéménite, le Secrétaire général adjoint a plaidé pour le renouvellement du mandat du Mécanisme de vérification et d’inspection des Nations Unies, qui a permis jusqu’à présent l’acheminement de plus de trois millions de tonnes d’aide humanitaire à bord de 190 cargos de marchandises. Mais, a-t-il prévenu, il y a actuellement une quarantaine de cargos en attente de pouvoir décharger leurs marchandises, en raison de la gestion inefficace des docks, de différends financiers entre affréteurs et, « par-dessus-tout » d’équipements portuaires limités et de surcroît endommagés par les frappes aériennes. Demandant à la coalition et aux autorités portuaires de permettre un accès rapide des cargos, le Secrétaire général adjoint s’est également tourné vers les bailleurs de fonds pour qu’ils soutiennent la réhabilitation des infrastructures de Hudaydah, « le lien vital du pays ». Après avoir demandé au Gouvernement et à la Coalition, qui « contrôle l’espace aérien yéménite », l’évacuation des blessés graves par pont aérien, M. O’Brien a rappelé que l’ONU et ses partenaires humanitaires avaient réussi à prêter assistance à 3,5 millions de personnes par mois entre janvier et juillet 2016 et maintenant à 4,6 millions d’autres, en dépit des défis à relever. Parmi eux, la levée des obstacles bureaucratiques et le sous-financement de l’aide, a précisé le Secrétaire général adjoint.
M. MUHANNAD HADI, Programme alimentaire mondial (PAM), a souligné que les besoins humanitaires au Yémen avaient atteint un stade critique, alors que l’assistance humanitaire n’a, elle, pas augmenté dans la même mesure. Il a précisé que plus de 14 millions de personnes sont en insécurité alimentaire dans le pays, 7 millions l’étant sévèrement. Il a précisé que 9 des 22 gouvernorats du Yémen sont classés au niveau 4 sur l’échelle d’insécurité alimentaire. « Cela veut dire qu’il ne sont qu’à un degré du niveau 5 qui est la famine. »
M. Hadi a détaillé sa récente visite dans le pays, notamment dans le gouvernorat d’Hajjah où tous les enfants qu’il a vus souffraient de malnutrition. Selon l’UNICEF, 1,5 millions d’enfants au Yémen souffrent de malnutrition aigüe, 370 000 d’entre eux souffrant de malnutrition aigüe sévère, qui est une menace pour leur vie, a-t-il ajouté. Il a précisé que ce chiffre de 370 000 enfants était en augmentation de 65% depuis la fin de 2014. Depuis février 2016, le PAM a dû diviser les rations alimentaires par deux afin d’atteindre le plus de personnes en insécurité alimentaire dans le pays, a-t-il dit, estimant à 6 millions le nombre de personnes aidées par le PAM dans le pays. « Pour la première fois, je me suis senti démuni, incapable d’offrir ne serait-ce que des mots de réconfort et encore moins des promesses d’une aide accrue », a-t-il dit. Il a ajouté que le prix des denrées de base était, en septembre 2016, 20% plus élevé qu’avant la crise. Le délégué a ensuite détaillé sa visite dans un hôpital à Hodeidah où il a pu voir les visages des enfants yéménites endurant des souffrances indicibles. Je n’avais jamais vu cela en 25 ans de travail au sein du PAM, a dit M. Hadi.
La faim et la malnutrition peuvent être réglées grâce à des interventions pertinentes menées en temps utile, a-t-il dit. Il a précisé que le défi aujourd’hui consistait à empêcher que les cas de malnutrition ne se transforment en cas sévères. Les délais dans l’obtention des autorisations et la situation sécuritaire fluide empêchent un bon acheminement de l’aide, a insisté M. Hadi. Il a affirmé que 34% seulement des 600 millions de dollars demandés par le PAM au Yémen était assuré. « Une génération entière est victime de la faim aujourd’hui et nous comptons sur la communauté internationale pour nous appuyer dans le défi visant à sauver la population du Yémen », a conclu M. Hadi.
M. ELBIO ROSSELLI (Uruguay) s’est déclaré préoccupé par la montée des violences et l’échec répété du processus de paix, exhortant les parties à faire preuve de la souplesse favorable pour garantir la cessation des hostilités. Il a condamné les attaques incessantes contre des civils, les frappes aériennes, les tirs de missiles ou d’artillerie qui prennent pour cible les infrastructures civiles au Yémen, mais aussi les incursions en Arabie saoudite par certains acteurs du conflit. Jugeant catastrophiques les conséquences de cette situation pour la population yéménite, le représentant a dénoncé l’« attaque terroriste » lancée le 8 octobre contre un centre communautaire de Sanaa où se déroulaient des obsèques, au cours de laquelle 140 personnes ont perdu la vie. Une première attaque a été lancée, suivie d’une seconde à l’explosif, « pour garantir la plus grande destruction possible », a insisté M. Rosselli, qui s’est demandé « dans quelle société, quelle culture et quelle religion », il était permis de donner l’ordre de commettre une telle atrocité.
Le représentant a souligné que le type de bombe utilisée avait la capacité de pénétrer les « armatures d’acier », estimant qu’elles ressemblaient beaucoup aux bombes anti-bunkers utilisées à Alep. De plus, a-t-il relevé, le système de guidage dont est équipé ce type de bombe « n’existe pas sur le marché noir », mais se vend à très haut prix « de gouvernement à gouvernement ». Il semble que rien n’émeut ce Conseil, ni même ces attaques commises lors de cérémonies funéraires. « Il ne peut y avoir deux poids, deux mesures » et les auteurs et complices de tels crimes devront rendre compte de leurs actes, a prévenu M. Rosselli. Plaidant pour un règlement négocié du conflit, le délégué de l’Uruguay a cité en exemple les efforts déployés en Colombie pour instaurer la paix.
M. MATTHEW RYCROFT (Royaume-Uni) a appelé les parties au Yémen à réaffirmer leur engagement en faveur d’un cessez-le-feu pérenne. Si les parties yéménites veulent vraiment la paix, elles doivent prendre part au processus de paix et faire preuve de retenue, a-t-il insisté. M. Rycroft s’est dit choqué par l’attaque commise en début de mois lors d’une cérémonie funéraire, tout en exprimant sa déception devant l’incapacité du Conseil d’obtenir un consensus sur une déclaration présidentielle visant à condamner cette attaque. Le mois dernier, a rappelé le représentant, un évènement a été organisé pour financer l’aide humanitaire au Yémen, permettant de réunir la somme de 100 millions de dollars, dont la moitié a été versée par le Gouvernement britannique. Il s’est dit cependant préoccupé par les entraves posées à l’acheminement d’une telle aide.
M. Rycroft s’est également dit déçu par le fait que les forces houthistes et pro-Saleh ne respectent pas les arrangements de sécurité convenus. En tant que porte-plume des projets de résolution sur la situation au Yémen, le Royaume-Uni a donné l’assurance qu’il continuerait d’œuvrer à un texte appelant les parties à rétablir la cessation des hostilités et à revenir à la table des négociations sur la base de la feuille de route, ainsi qu’à garantir la reddition des comptes pour les violations du droit international humanitaire et l’accès sans entraves de l’aide humanitaire aux nécessiteux.
M. KORO BESSHO (Japon) a rappelé que, selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), 12,6 millions de Yéménites manquaient d’aide humanitaire de base. « La sécurité alimentaire, la santé et l’éducation sont des domaines prioritaires », a déclaré le représentant, en regrettant la détérioration de l’économie et l’effondrement des services publics « qui ne font qu’empirer la situation humanitaire ». Rappelant qu’un an et demi s’était écoulé depuis l’intensification des combats, le représentant a affirmé qu’une interruption des activités militaires était « essentielle » pour trouver une solution à la crise économique et humanitaire. Il a exprimé le vœu que la feuille de route sur les mesures de sécurité, présentée par l’Envoyé spécial pour le Yémen, montrerait la voie vers la mise en œuvre des trois composantes capables de garantir la paix et la stabilité, soit l’initiative du Conseil de coopération du golfe, les résultats de la Conférence de dialogue national et la résolution du Conseil de sécurité 2216. « Le Conseil de sécurité doit appeler les parties à reprendre les négociations immédiatement, à respecter la cessation des hostilités et à faciliter un accès sans entraves et soutenu de l’aide humanitaire », a-t-il déclaré, rappelant que c’était là un moment critique pour l’avenir du Yémen et invitant l’Envoyé spécial à redoubler d’efforts en convoquant les parties à un nouveau cycle de négociations.
M. AMR ABDELATTIF ABOULATTA (Égypte) a indiqué que pour son pays, « seul membre arabe de ce Conseil », certaines lignes rouges ne pouvaient être franchies à aucun prix s’agissant de la situation au Yémen. Le Gouvernement de M. Hadi est le seul gouvernement légitime au Yémen et le seul à être reconnu par mon pays, ainsi que par d’autres pays de la communauté internationale, a-t-il affirmé. Il a déclaré que son pays ne pouvait pas reconnaitre la légitimité d’autres entités au Yémen, avant d’appuyer toute solution qui assurerait la participation globale de toutes les factions de la société yéménite.
Nous ne pouvons pas accepter que la liberté de navigation en Mer rouge soit menacée, a-t-il affirmé, avant d’ajouter que cette liberté de navigation était cruciale pour le développement économique de son pays. Le délégué de l’Égypte a ensuite fermement condamné les tirs des Houthistes prenant pour cibles l’Arabie saoudite et La Mecque. La sécurité du monde arabe fait partie intégrante de la sécurité de l’Égypte, a-t-il rappelé. M. Aboulatta a réaffirmé qu’il n’y avait pas de solution autre que politique au Yémen, avant de demander le retrait des Houthistes des villes yéménites, la remise des armes et le retour du gouvernement légitime. La cessation des hostilités, a-t-il souligné, est cruciale pour permettre l’acheminement de l’aide alimentaire. En conclusion, M. Aboulatta a assuré du soutien de son pays les efforts de l’Envoyé spécial.
M. GERARD VAN BOHEMEN (Nouvelle-Zélande) a fait observer que, plus d’un an et demi après la tentative de prise de pouvoir par les forces houthistes, il était évident qu’aucune des parties ne pouvait parvenir à ses fins par la force militaire. Dans un tel contexte d’hostilités, de crise humanitaire, d’effondrement du système de santé et de risque sérieux de débâcle économique du Yémen, des millions de personnes pourraient mourir de faim, s’est inquiété le délégué. La crise médicale est aggravée par l’interdiction des vols commerciaux de et vers Sanaa, ce qui empêche l’évacuation de civils gravement blessés, a fait remarquer M. Van Bohemen, qui a appelé à la levée immédiate de cette interdiction.
Les bombardements d’une prison sous le contrôle des rebelles houthistes au cours du week-end inquiètent particulièrement la Nouvelle-Zélande, lesquels se sont produits après l’attaque contre une cérémonie funéraire par les forces de la coalition le 8 octobre. Le représentant a demandé aux parties de respecter leurs obligations en vertu du droit international humanitaire et de rendre des comptes sur ces attaques. En outre, a-t-il fait remarquer, le conflit permet aux groupes terroristes comme Al-Qaida dans la péninsule arabique et l’État islamique d’Iraq et du Levant d’étendre leur influence.
Convaincu que la priorité est de cesser les hostilités, le représentant de la Nouvelle-Zélande a regretté que l’extension du cessez-le-feu proposée par l’Envoyé spécial ait été rejetée. Il a donc insisté pour que toutes les parties l’acceptent le plus vite possible. Il les a également appelées à reprendre la feuille de route qui avait été avancée pour une transition politique dans un esprit consensuel afin de mettre un terme à ce conflit tragique. Dans les semaines à venir, le Conseil doit se concentrer sur le soutien aux efforts de l’Envoyé spécial, a estimé le délégué. Il doit envoyer aux parties le signal clair selon lequel la communauté internationale attend une reprise des négociations.
M. WU HAITAO (Chine) a insisté sur la grande complexité de la situation au Yémen. La situation humanitaire est désespérée, a-t-il affirmé. Le représentant de la Chine a appelé les parties au conflit à faire preuve de retenue et à œuvrer afin d’aboutir à une cessation des hostilités. Il est crucial d’appuyer les efforts de l’Envoyé spécial afin que les parties s’attellent à une solution négociée au Yémen, a-t-il souligné. En conclusion, le délégué de la Chine a appelé les parties à faire preuve de souplesse. Il est important que les parties prennent des mesures efficaces pour alléger les souffrances de la population et respecter le droit international humanitaire, a-t-il souligné.
M. FRANCOIS DELATTRE (France) a qualifié la situation humanitaire au Yémen de « catastrophique » et s’est dit particulièrement inquiet des attaques contre les populations civiles, dont celle du 8 octobre ayant fait 140 morts selon les Nations Unies. Il a rappelé que le système de santé était presque complètement détruit et que plus de 19 millions de personnes, soit 80% de la population, avaient à ce jour un accès difficile à l’eau potable et à une hygiène de base. Dans ce contexte, a-t-il noté, la découverte de cas de choléra, qui a fait 6 morts et potentiellement contaminé plus d’un millier de personnes, est « particulièrement inquiétante ». Il a qualifié « d’inacceptables » les derniers développements militaires et dit sa préoccupation de constater que la trêve de 72 heures de la semaine dernière n’ait été ni pleinement respectée ni renouvelée, en appelant les parties à s’engager en vue d’une nouvelle cessation immédiate des hostilités.
La délégation française, a-t-il poursuivi, déplore vivement le rejet par le Président Hadi et par la rébellion houthiste du plan de paix proposé par l’Envoyé spécial. À cet égard, il s’est dit prêt à observer « comment exercer une pression sur les parties yéménites au conflit » pour qu’elles prennent leurs responsabilités. Le représentant a rappelé que, selon le Programme alimentaire mondiale (PAM), 14 millions de Yéménites, soit la moitié de la population, était en situation d’insécurité alimentaire, réaffirmant l’importance de l’acheminement « sans entrave ni délai de l’aide humanitaire ». « Plus le conflit s’enlise, plus les conséquences à long terne seront difficiles à surmonter », a-t-il déclaré, en soulignant la difficulté, dans ces circonstances, pour le gouvernement légitime d’exercer son rôle de contrôle, notamment face à la menace terroriste.
Mme SAMANTHA POWER (États-Unis) a relayé le message des populations yéménites auprès de la communauté internationale, demandant la cessation immédiate des hostilités, un véritable essor de l’aide humanitaire et le retour à la table des négociations. Elle a exigé la fin des frappes aériennes et des bombardements, ainsi que le rétablissement de l’accès à l’aide humanitaire. Entre avril et août derniers, la cessation des hostilités, même émaillée d’incidents, avait permis d’encourager la poursuite des pourparlers, a-t-elle estimé. Condamnant les incursions militaires en territoire saoudien, « qui sapent les efforts de paix », Mme Power a exhorté les forces saoudiennes comme les forces houthistes et pro-Saleh à s’abstenir de toute escalade. Selon elle, exercer une pression militaire toujours plus forte ne fera que prolonger les souffrances, tout en donnant à Al-Qaida d’étendre son emprise dans le pays.
La délégué des États-Unis a ensuite condamné les attaques commises contre la population civile, dont celle qui a pris pour cible la cérémonie funéraire le 8 octobre et demandé l’ouverture d’une enquête sur cet incident qui a causé la mort de 140 personnes au moins et fait 550 blessés. Elle a également exigé un accès sans entraves à l’aide humanitaire, ce qui suppose de protéger les infrastructures vitales comme les ports et les ponts. Aucune aide ne pourra compenser l’effondrement de l’économie yéménite, a cependant fait observer Mme Power, en demandant au Gouvernement de reprendre le versement des salaires aux familles yéménites. Avant de conclure, la représentante des États-Unis a rappelé que l’Envoyé spécial avait présenté aux deux parties une feuille de route, qui doit servir de base aux négociations, sans que certaines dispositions puissent rester lettre morte. « Les parties doivent maintenant faire preuve d’un esprit de compromis », a-t-elle plaidé.
M. FODÉ SECK (Sénégal) a regretté la détérioration de la situation humanitaire au Yémen, ainsi que les « innombrables victimes » du conflit. Il a appelé les parties, « y compris les Houthistes et leurs alliés », à respecter le droit international humanitaire. « C’est la remise en cause de la légitimité du Gouvernement yéménite qui est à la base du conflit », a-t-il rappelé. Le délégué a condamné les attaques visant le territoire saoudien, avant d’ajouter qu’il y avait des lignes rouges à ne pas franchir. Il a condamné la présence de Daech au Yémen, en précisant que les groupes terroristes étaient les seuls à tirer profit de l’instabilité dans le pays. Le délégué du Sénégal a ensuite appelé les parties, y compris les Houthistes et leurs alliés, à s’engager dans la voie des négociations. Le Sénégal, a-t-il ensuite déclaré, encourage la reprise des activités portuaires en vue du bon acheminement des denrées de première nécessité. La solution à la crise yéménite, a-t-il insisté, ne peut être que politique.
M. JULIO HELDER MOURA LUCAS (Angola) a estimé que la feuille de route était une voie viable pour trouver une solution à la crise au Yémen. Il a appelé les Houthistes et les partisans de l’ancien Président Saleh à mettre fin à leurs attaques meurtrières et à se retirer de la capitale. Il a exhorté dans le même temps le Président Hadi à faire preuve de souplesse. Il est regrettable que les parties aient rejeté la feuille de route, a-t-il dit, en prévenant qu’une approche aussi inflexible n’était pas dans l’intérêt de la population yéménite qui continue de souffrir.
Le délégué a ensuite condamné la guerre par procuration menée par certaines puissances régionales au Yémen. Ceux qui se targuent de livrer de l’aide humanitaire sont les mêmes qui livrent des armes, causant toujours plus de souffrances pour la population, a-t-il fait remarquer, en qualifiant la situation humanitaire de « catastrophe aux dimensions incalculables ». La solution à la crise yéménite ne peut être que politique, a-t-il affirmé, avant de souhaiter qu’il soit mis fin aux ingérences extérieures. Tous les acteurs, y compris le Conseil de sécurité, a-t-il souligné, doivent s’acquitter de leurs responsabilités et à appuyer les efforts de l’Envoyé spécial, a-t-il souligné avant de conclure.
M. ROMÁN OYARZUN MARCHESI (Espagne) a attiré l’attention sur la situation des enfants yéménites, en avertissant contre le risque de « perdre une génération entière ». Après avoir repris à son compte les appels lancés pour rétablir l’aide humanitaire, il a regretté le rejet de la feuille de route « pourtant raisonnable » présenté aux parties par l’Envoyé spécial. Le représentant a ensuite condamné la poursuite des attaques dirigées contre la population civile. Sa délégation estime que le non-versement des salaires précipiterait l’effondrement de l’économie yéménite, dans un contexte d’urgence humanitaire. À l’instar de plusieurs autres membres du Conseil, l’Espagne a assuré qu’il n’y a pas de solution militaire au conflit et que les parties devaient privilégier leur retour à la table des négociations. Le représentant a estimé, en conclusion, qu’un consensus était possible, sur la base du projet de résolution sur lequel planche actuellement le Royaume-Uni.
Mme SITI HAJJAR ADNIN (Malaisie) a constaté que 14 millions de personnes souffraient de la faim et que 3 millions avaient dû fuir leurs foyers, une situation qui exige la cessation immédiate des hostilités et le rétablissement de toutes les voies commerciales pour acheminer l’aide humanitaire. Elle a appuyé les appels du Secrétaire général pour que soient ouvertes des enquêtes sur les violations du droit international humanitaire commises au Yémen. La représentante a dénoncé le fait que des enfants soient déscolarisés en masse, ce qui permet aux groupes armés de les enrôler de force dans leurs rangs. Avec l’effondrement des pourparlers au Koweït, les belligérants semblent s’éloigner à grands pas d’une solution pacifique au conflit, a constaté la déléguée de la Malaisie. Encourageant les parties à croire à « la nécessité d’une solution politique », elle a plaidé pour un soutien sans failles à la feuille de route de l’Envoyé spécial.
M. VOLODYMYR YELCHENKO (Ukraine) a insisté sur la gravité de la situation au Yémen et a demandé « une réaction urgente ». Il faut mettre fin à cette catastrophe et empêcher que le pays ne sombre dans le chaos, a-t-il insisté. Il a condamné les attaques des Houthistes contre le territoire saoudien, ainsi que celles visant les navires croisant en Mer rouge. Il faut empêcher une internationalisation du conflit, a déclaré le délégué, en mettant l’accent sur l’importance de la feuille de route évoquée par l’Envoyé spécial. Cette feuille de route pourrait conduire à une solution pérenne si elle est mise en œuvre, a-t-il assuré. Pour le représentant de l’Ukraine, le Conseil doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour régler la crise au Yémen. Il a ensuite appelé les parties à revenir à la table des négociations en précisant qu’il n’y a pas d’autre solution au Yémen que la voie politique.
M. RAFAEL DARÍO RAMÍREZ CARREÑO (Venezuela) a appelé les parties à faire preuve de retenue. Le conflit au Yémen fait partie des conflits passés sous silence au Conseil, a-t-il affirmé, avant de déplorer la violence insensée commise contre la population. Il a estimé qu’il n’y avait pas d’erreur possible dans les attaques conduites au Yémen compte tenu des moyens sophistiqués utilisés, convaincu qu’il y a une volonté de punir la population. Il a condamné l’attaque du 8 octobre contre une cérémonie funéraire et insisté pour que les auteurs de cet acte soient tenus responsables. Le Venezuela, a-t-il déclaré, rejette catégoriquement toute attaque visant les civils, que ce soit au Yémen, en Syrie ou au Palestine.
M. Ramírez Carreño a déploré le manque de visibilité du conflit au Yémen et, notamment, le faible nombre de débats publics que le Conseil y consacre. Il a ainsi souhaité un nombre accru de séances publiques, en insistant sur la transparence des travaux du Conseil. Le représentant a appuyé la feuille de route proposée par l’Envoyé spécial, avant d’exhorter le Conseil à adopter une résolution sur la situation humanitaire dont l’objectif serait d’établir des pauses dans les combats. Le Conseil de sécurité ne peut pas rester inactif, a-t-il dit, avant de condamner les attaques récentes ayant ciblé le territoire saoudien. M. Ramírez Carreño a ensuite estimé que les intérêts stratégiques de certains membres du Conseil au Yémen faisaient obstacle à une solution politique du conflit. Le peuple yéménite est le grand perdant tandis que les pays producteurs d’armes continuent d’engranger des bénéfices, attisant ainsi le conflit, a-t-il soutenu. En conclusion, le représentant a affirmé que la solution à la crise yéménite devait passer par la table des négociations.
M. VITALY CHURKIN (Fédération de Russie) s’est dit surpris que les récents développements au Yémen ne suscitent pas autant de remous et d’intérêt que la situation en Syrie, alors que 3 millions de personnes ont été déplacées et 14 millions de personnes souffrent de l’insécurité alimentaire. Il s’est élevé contre le blocus aérien et portuaire imposé par la coalition sous prétexte qu’il existe un embargo sur les armes, tout en s’interrogeant sur le « cynisme » de certains membres du Conseil de sécurité.
Le Royaume-Uni, a-t-il fait remarquer, vient de consentir des ventes d’armements à l’Arabie saoudite pour un montant de cinq milliard de dollars. « C’est une coquette somme, n’est-ce pas? » a ironisé le représentant russe, qui s’est demandé comment, dans ces conditions, la délégation britannique pouvait être le porte-plume de projets de résolution sur la situation au Yémen. Par ailleurs, a expliqué M. Churkin, si nous n’avons pas pu appuyer le projet de déclaration préparée par le Royaume-Uni au sujet de l’attaque meurtrière contre une cérémonie funéraire à Sanaa, c’est tout simplement parce que ce texte était « insipide » et « insultant » pour les Yéménites. Le représentant de la Fédération de Russie a estimé qu’il était temps de revoir ce « rôle de porte-plume ».
Le représentant a ensuite déclaré que la feuille de route de l’Envoyé spécial se faisait toujours attendre. « Dans la mesure où elle n’existe pas encore, il est difficile de s’en faire une idée », a-t-il dit. Le délégué russe s’est dit cependant préoccupé de constater que cette feuille de route mentionne ni le retrait des forces de la coalition, ni la fin des frappes aériennes. Il faudrait parvenir à établir de manière durable la cessation des hostilités, sous peine de voir Daech, Al-Qaida et d’autres groupes étendre leur emprise dans la région. Se basant sur sa propre expérience en Syrie, la Fédération de Russie est convaincue qu’il faut lutter « dès maintenant » contre le terrorisme.
M. KHALED HUSSEIN MOHAMED ALYEMANY (Yémen) a remercié le Conseil de sécurité et l’Envoyé spécial de leurs efforts à l’appui d’une solution au conflit au Yémen. Le Secrétaire général adjoint et le représentant du Programme alimentaire mondial (PAM) ont décrit la situation humanitaire tragique dans les zones sous contrôle des « auteurs du coup d’état » commis il y a deux ans. Ceux-là empêchent la fourniture d’une aide humanitaire aux populations civiles, a-t-il dénoncé, regrettant pourtant cela n’ait fait l’objet d’aucune condamnation. Depuis la fin des consultations au Koweït, cette partie a refusé de faire preuve de compromis, privilégiant l’option militaire en « utilisant de missiles fabriqués en Iran », a-t-il fait remarquer. Des informations font ainsi état de cargaisons importantes livrées par ce pays aux auteurs du coup d’État, sans que le Conseil ne condamne « cet État qui parraine le terrorisme », a-t-il accusé.
Notre position, c’est de choisir la paix, seule possibilité d’« éradiquer » les « gangs criminels » et les « seigneurs de la guerre » qui s’en prennent aux infrastructures civiles. Nos concessions douloureuses témoignent de notre attachement à la paix, alors que le parti auteur du coup d’État se refuse à faire de même. Le représentant a insisté sur l’importance des « termes de référence » de la paix au Yémen, mais la partie adverse les rejette, comme l’atteste sa décision de nommer un gouvernement issu du coup d’État. Toute tentative de s’écarter du dialogue ne fera qu’alimenter la violence au Yémen, a prévenu M. Alyemani. Une paix durable ne sera pas viable si l’on ignore les éléments agréés au niveau international, a-t-il soutenu. Aujourd’hui, s’est félicité M. Alyemani, les membres du Conseil de sécurité ont fait des déclarations pour appuyer une solution pacifique. Le Président Saleh, a-t-il rappelé, est le « seul garant » de la transition politique au Yémen et d’une nouvelle constitution. Avant de conclure, il a demandé aux membres du Conseil de poursuivre leurs efforts en ce sens.
Reprenant la parole, le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires a demandé à tous les États Membres d’appuyer le plan de l’Envoyé spécial. Si nous avons un plus grand accès dans le pays, nous pourrons passer à la vitesse supérieure dans l’acheminement de l’aide, a-t-il assuré en s’adressant à la déléguée des États-Unis.
M. HADI a indiqué qu’il avait servi ce matin en tant qu’ambassadeur « de ceux qui n’ont pas de voix au Yémen ». Sauver des vies humaines au Yémen n’est pas une mission impossible, mais nous avons pour cela besoin de l’appui de tous, a-t-il affirmé.