Conseil de sécurité: « sous pression militaire », Daech n’en reste pas moins une menace contre la paix et la sécurité internationales, estime M. Jeffrey Feltman
L’État islamique d’Iraq et du Levant (Daech) et ses alliés continuent de subir d’importants revers militaires, mettant à rude épreuve leur capacité à garder le contrôle de territoires, à obtenir des fonds ou à maintenir des structures « gouvernementales, a déclaré, cet après-midi, le Secrétaire général adjoint aux affaires politiques, M. Jeffrey Feltman.
C’est l’une des conclusions du troisième rapport du Secrétaire général sur la menace que représente le groupe terroriste pour la paix et la sécurité internationales et sur l’action menée au cours des trois derniers mois par l’ONU pour aider les États Membres à contrer cette menace, un document que M. Feltman a présenté aux membres du Conseil de sécurité.
« Daech s’efforce de s’adapter à la nouvelle réalité, intensifiant ses activités de levée d’« impôts » et d’extorsion pour compenser ses pertes de revenus tirés de la vente de pétrole », a expliqué le Secrétaire général adjoint. En Iraq et en Syrie, les succès qu’il avait auparavant remportés pour contrôler des territoires et fonctionner comme un quasi-État ont été largement anéantis grâce à la coalition formée par plusieurs États.
Toutefois, a nuancé M. Feltman, cette organisation terroriste continue de faire peser une menace grave en cherchant à diversifier ses actions violentes. Si Daech et les entités qui lui sont associées se sont lancés dans une compétition au niveau stratégique au cours de la période à l’examen, ils ont aussi parfois coopéré aux niveaux tactique et opérationnel.
« La pression militaire actuellement exercée sur Daech en Iraq et en Syrie a entraîné le retour d’un nombre considérable de combattants terroristes étrangers dans leur pays, en particulier en Europe et au Maghreb, ce qui présente de nouvelles difficultés pour les États Membres. Le groupe a réagi à la pression militaire en augmentant le nombre d’attaques dirigées et facilitées depuis l’étranger et en recourant à des tactiques plus meurtrières, a constaté le Secrétaire général adjoint.
Des attaques de plus en plus complexes et presque simultanées dans différents pays, perpétrées lors d’opérations de grande ampleur ou par des cellules terroristes individuelles ou de petite taille dirigées ou inspirées par Daech, ont eu un impact significatif au cours du dernier trimestre, a-t-il encore relevé.
M. Feltman a cependant regretté que la coopération internationale contre le terrorisme ne soit toujours pas à la hauteur du danger posé par Daech, organisation en perpétuelle évolution. Outre des mesures militaires, sécuritaires et d’application des lois, des « actions préventives » sur les causes profondes de l’extrémisme violent sont nécessaires, a-t-il insisté.
Appelant les États Membres à faire preuve de volonté politique, le Secrétaire général adjoint les a encouragés à mobiliser davantage de « ressources financières et techniques » en vue de répondre aux exigences croissantes des programmes de lutte antiterroriste et de prévention de l’extrémisme violent et de mettre en œuvre les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale.
C’est d’autant plus nécessaire à l’heure où Daech maintient sa présence dans le cyberespace, en s’appuyant sur des groupes fermés, des systèmes de messagerie cryptés et le « Web caché » pour recruter et disséminer sa propagande.
Dans son rapport, le Secrétaire général évoque quelques-unes des mesures prises en Asie du Sud-Est contre l’organisation terroriste, a relevé le Secrétaire général adjoint. Ainsi, certains États de la sous-région se sont dotés de stratégies nationales de lutte contre le terrorisme qu’ils ont régulièrement actualisées et ont aussi créé des organes nationaux de coordination regroupant toutes les entités gouvernementales associées à cette lutte, s’est-il félicité.
Le Secrétaire général adjoint a également salué les « outils institutionnels et législatifs » développés contre le financement du terrorisme et le renforcement des contrôles aux frontières, ainsi que l’accent placé sur les efforts de prévention. L’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), a-t-il ajouté, développe actuellement un programme en Asie du Sud et du Sud-Est visant à renforcer les cadres juridiques et institutionnels pertinents pour mieux s’attaquer aux flux financiers et autres ressources économiques dont dépend Daech.
Par ailleurs, un nombre croissant d’États Membres se sont préoccupés de la menace que posent ceux qui rentrent dans leur pays en adoptant toute une série de mesures pénales et administratives et d’initiatives de réinsertion et de réintégration, comme le demande la résolution 2178 (2014). L’Uruguay a toutefois regretté les lacunes dans la mise en œuvre de ce texte, ainsi que des résolutions du Conseil relatives à la lutte contre le financement du terrorisme.
Les pays concernés ont également redoublé d’efforts pour adopter une approche préventive qui soit plus efficace face au terrorisme, notamment en inculpant les individus ayant planifié ou organisé une infraction « avant même la commission d’un crime grave ou leur départ à l’étranger », précise le rapport. Toutefois, a indiqué M. Feltman, ces États continuent de se heurter à de nombreux défis en la matière, comme la production et la conversion des renseignements obtenues en « preuves recevables ».
Après avoir évoqué les mesures prises par différentes entités du système des Nations Unies à l’appui des efforts des États Membres, le Secrétaire général adjoint a recommandé qu’il faudrait désormais s’attendre « à une hausse du nombre de ces combattants rapatriés et des attaques perpétrées en dehors des zones de conflit », alors que les opérations militaires contre Daech en Iraq et en Syrie se poursuivent avec succès.
« La menace de plus en plus transnationale que représente Daech peut donc devenir un défi croissant pour la paix et la sécurité internationales », a prévenu M. Feltman, en réitérant l’appel du Secrétaire général en faveur de la « coopération internationale globale et résolue pour prévenir efficacement l’extrémisme violent et la lutte contre le terrorisme ».
Pour le délégué uruguayen, la responsabilité principale dans cette lutte incombe aux États, qui doivent faire preuve de volonté politique, tout en recevant l’assistance technique nécessaire. Il a souhaité que l’ONU coordonne les efforts engagés à cette fin par les États et les organisations régionales et sous-régionales.
* S/2016/830
** S/RES/2178 (2014)