7785e séance – après-midi
CS/12545

Syrie: le Conseil de sécurité de nouveau désuni sur le sort d’Alep, « ville martyre »

Le Conseil de sécurité n’est pas parvenu, cet après-midi, à s’entendre sur deux projets de résolution pour sauver Alep.  Les deux textes concurrents ont été présentés respectivement par la France et l’Espagne et par la Fédération de Russie. 

Le premier de ces deux projets de résolution, défendu par le Ministre français des affaires, M. Jean-Marc Ayrault, demandait à toutes les parties au conflit syrien de « mettre immédiatement fin à tous les bombardements aériens sur Alep et à tous les survols militaires de cette ville ».  Le second projet de résolution proposait quant à lui que la Fédération de Russie et les États-Unis prennent des mesures pour que cessent les hostilités en Syrie.

Fait rarissime au Conseil de sécurité, l’organe de l’ONU garant de la paix et de la sécurité internationales, ces deux textes sur une même question à son ordre du jour n’ont pu être adoptés. 

« Face à l’horreur insoutenable du martyre d’Alep », M. Ayrault avait, avant la mise aux voix du texte franco-espagnol, placé les membres du Conseil devant leurs responsabilités, jugeant que « ce qui se déroule sous nos yeux à Alep est la sinistre répétition des tragédies à Guernica, Srebrenica, Grozny ».

Présentant le projet de résolution, il a répété que, « face à l’horreur », le Conseil de sécurité devait prendre une décision « simple et évidente »: exiger une action immédiate pour sauver Alep; exiger la fin de tous les bombardements par le régime et ses alliés; exiger que l’aide humanitaire arrive, sans entrave et sans condition, à une population qui en a désespérément besoin.  « C’est ce qu’appelle la situation à Alep », a-t-il déclaré avec gravité.

Ainsi que le Chef de la diplomatie française l’a indiqué, hier, l’Envoyé spécial du Secrétaire général en Syrie, M. Staffan de Mistura, avait devant ce même Conseil de sécurité, lors d’une séance de consultations, affirmé que si les massacres et les bombardements à Alep se poursuivaient à ce rythme, elle ne serait bientôt plus qu’un champ de ruines.

Le représentant de la Fédération de Russie a vivement réagi à la proposition franco-espagnole.  Attaquant le contenu même du projet de résolution, M. Vitaly Churkin a dénoncé l’inanité de l’idée d’interdire de vols au-dessus d’Alep-Est, « une zone tenue par les militants ».  « Cette interdiction frapperait-elle aussi le vol de drones de renseignement qui suivent les combattants?  Le texte ne le dit pas », a-t-il souligné. 

« Pourquoi en outre cibler la partie occidentale de la ville, contrôlée par le Gouvernement syrien?  C’est plus pratique, dit-on », s’est encore exclamé M. Churkin.  Le représentant russe a été catégorique: « Cette résolution est une tentative de détruire l’architecture de négociation existante ». 

Immédiatement après avoir annoncé que, contre le projet de résolution franco-espagnol, son pays userait pour la cinquième fois de son droit de veto depuis le début de la crise syrienne en 2011, M. Churkin a présenté la résolution concurrente rédigée par son pays.  Il a notamment indiqué que celle-ci misait sur des efforts conjoints et l’entente de la Russie et les États-Unis, qu’elle confirmait la pertinence du régime de contrôle prévu par le Groupe international de soutien pour la Syrie, et, enfin, qu’elle tenait compte de l’initiative de M. de Mistura d’exfiltrer les terroristes opposés au régime présents à Alep-Est.

« Notre résolution sera rejetée pour des motifs antirusses et par manque de courage », s’est-il résigné avant le vote.  Il a assuré qu’en dépit de ce rejet, la Russie -qui se réjouit déjà « de la tendance à la baisse des activités militaires sur le terrain »-, continuerait à agir dans l’intérêt de tous les acteurs régionaux. 

Après que le texte de la Russie a été rejeté par neuf délégations, les représentants du Royaume-Uni et les États-Unis ont eu les mots les plus durs contre la Fédération de Russie.  S’adressant directement à M. Churkin, M. Matthew Rycroft a parlé, au sujet de l’initiative russe, de « tentative cynique pour détourner l’attention internationale de votre propre veto ».  De son côté, M. David Pressman a fustigé un projet de résolution « visant à faire accepter au Conseil de sécurité ce que la Russie et le régime syrien font en Syrie ».

La séance a par ailleurs été marquée par un mouvement de protestation de délégations, qui ont quitté la salle au moment où le représentant de la Syrie prenait la parole. 

Ironisant sur cet incident, M. Ja’afari a remercié ces ambassadeurs de laisser temporairement à son pays un siège de membre du Conseil de sécurité.  Après avoir longuement défendu l’action politique et militaire du Gouvernement syrien, il a exhorté les États Membres à lire les quelques 500 lettres adressées par celui-ci depuis le début de la crise, en particulier, a-t-il dit, « celles sur l’utilisation d’armes chimiques par des terroristes ».

Déclarations avant le vote

M. JEAN-MARC AYRAULT, Ministre des affaires étrangères de la France, a affirmé que face à l’horreur insoutenable du martyre d’Alep, le Conseil de sécurité était à nouveau placé devant la responsabilité que lui a confiée la communauté internationale: garantir la paix, assurer la sécurité internationale, protéger les populations civiles.

Si nous n’agissons pas, a dit le Ministre, reprenant le message de l’Envoyé spécial des Nations Unies, M. Staffan de Mistura, hier au Conseil de sécurité, cette ville ne sera bientôt plus qu’un champ de ruines et restera dans l’histoire comme une ville et ses habitants abandonnés à leurs bourreaux.

Ce qui se déroule sous nos yeux à Alep-Est est la sinistre répétition des tragédies à Guernica, Srebrenica, Grozny, a estimé M. Ayrault, ajoutant que si elle ne se ressaisissait pas, la communauté internationale en partagerait la responsabilité.

Le régime et ses soutiens prétendent agir au nom de la lutte contre le terrorisme, a-t-il dit, jugeant qu’il s’agissait là d’une « imposture que je dénonce avec la plus grande force ».  « Bashar Al-Assad ne combat pas le terrorisme, il l’alimente », a-t-il lancé.

Pour le Ministre, la France a payé le prix du terrorisme et ne peut accepter que ce combat essentiel, qui doit tous nous rassembler, soit ainsi dévoyé, dévoyé par des actions punitives qui ne font que renforcer, au bout du compte, ceux qu’elles prétendent éliminer.  Il y a urgence, a-t-il déclaré.

Aujourd’hui, face à l’horreur, le Conseil de sécurité doit prendre une décision simple et évidente: exiger une action immédiate pour sauver Alep; exiger la fin de tous les bombardements par le régime et ses alliés; exiger que l’aide humanitaire arrive, sans entrave et sans condition, à une population qui en a désespérément besoin.  C’est ce qu’appelle la situation à Alep.

M. Ayrault a expliqué que le projet de résolution que la France présentait avec l’Espagne était un projet simple qui répondait à cette urgence.  Ce texte, a-t-il dit, réaffirme une évidence: le caractère inacceptable de la répression aveugle que conduit le régime syrien contre son peuple.  Il rappelle l’ensemble des décisions prises par le Conseil depuis le début de cette crise.  Il énumère les conditions d’une paix juste et durable.  Il exprime enfin une volonté d’unité autour de cet objectif qui nous rassemble: la lutte contre le terrorisme.

Ce projet, a-t-il dit, pose aussi des exigences claires et précises: l’arrêt immédiat des bombardements et des vols militaires sur Alep; l’accès de l’aide humanitaire; le respect de la trêve, garanti par un mécanisme de vérification efficace, dont les modalités sont ouvertes; l’arrêt de toute forme de soutien ou de collaboration avec les groupes terroristes désignés par le Conseil de sécurité; la reprise du processus du processus politique.

Le Chef de la diplomatie française a souligné que le projet de résolution avait été patiemment négocié, de bonne foi, avec la volonté de réunir la communauté internationale autour d’un projet simple, et que « c’est avec le cœur et la main tendue » qu’il s’était personnellement efforcé de créer les conditions du consensus, « en toute sincérité et sans arrière-pensée », animé de l’unique volonté de favoriser le retour de la paix en Syrie, de faire cesser le martyre d’un peuple, de promouvoir une solution au drame que vivent des millions de réfugiés et de déplacés.

L’adoption de ce projet de résolution pourrait redonner à la population d’Alep, au peuple syrien, à nous tous une lueur d’espoir.  Si, au contraire, malgré un large soutien, il était refusé, il y aura plus de morts, plus de réfugiés, plus de déplacés.  M. Ayrault a appelé chaque membre du Conseil de sécurité à assumer ses responsabilités: sauver la population d’Alep, se rassembler pour la paix, adresser au régime syrien le message qu’il aurait dû entendre depuis longtemps.

Face à cet enjeu d’une telle gravité, a conclu le Ministre, faire obstacle à l’adoption de cette résolution, ce serait laisser à Bashar Al-Assad la possibilité de tuer encore davantage.  Ce serait un cadeau insensé aux terroristes.  « Mon vœu le plus cher est que ce conseil ne fasse pas ce cadeau. »

M. ROMÁN OYARZUN MARCHESI (Espagne) a déclaré avoir élaboré, avec la France, ce projet de résolution pour faire cesser le bain de sang.  Nous sommes aujourd’hui, ici, parce que le pire épisode de ce conflit est encore devant nous, a averti le représentant de l’Espagne, avant d’expliquer que le projet de résolution visait à éviter une catastrophe humanitaire à Alep, raison pour laquelle il faut faire cesser, en priorité, les bombardements aériens pour sauver du désastre une ville millénaire qui court le risque d’être totalement détruite.

Il a ensuite mis l’accent sur trois pas importants proposés dans le projet de résolution : garantir un cessez-le-feu, assurer l’accès humanitaire et œuvrer à une solution par le biais d’une médiation de l’ONU.  Le représentant a également appelé à l’amélioration du mécanisme de suivi qui, selon lui, n’a pas été fonctionnel ces derniers mois.

Il a ajouté que le Conseil devrait aussi adresser un message clair aux groupes terroristes: l’accès humanitaire doit se retrouver aux mains des agences spécialisées des Nations Unies et de la Croix-Rouge.  Il a également dénoncé la soustraction du matériel humanitaire et médical, ce qui constitue un crime de guerre.

Environ 900 000 civils sont actuellement assiégés en Syrie, a-t-il insisté.  Le projet de résolution demande aussi de faire la lumière sur l’attaque contre le convoi onusien.  Où qu’elles soient, les parties concernées doivent entendre le message du Conseil aujourd’hui, a déclaré le représentant de l’Espagne.

La France et l’Espagne ont déployé tous les efforts possibles pour obtenir l’appui des 15 membres, en respectant l’objectif principal du projet: éviter la catastrophe à Alep, a-t-il poursuivi, espérant que les pays assis autour de la table du Conseil l’adopteraient.  L’Espagne a enfin remercié tous les coauteurs du projet de résolution, lequel est un message selon lequel le Conseil de sécurité assume sa responsabilité en vertu de la Charte des Nations Unies.

M. VITALY I. CHURKIN (Fédération de Russie) a qualifié de mise en scène étrange ce qui se joue aujourd’hui au Conseil de sécurité, le Conseil s’apprêtant à voter deux résolutions « dont nous savons tous qu’elles ne seront pas adoptées ».  Il a estimé qu’historiquement la troïka occidentale, après avoir détruit la Libye, s’en était prise à la Syrie. 

Depuis le début de la crise en Syrie, a-t-il ajouté, la France n’a fait aucune proposition constructive, et c’est encore le cas aujourd’hui.  Selon le représentant, la France était convaincue qu’elle pourrait surmonter le veto de la Russie, le texte ayant été mis en bleu de manière précipitée.

Sur le contenu du projet de résolution présentée par la France et l’Espagne, M. Churkin a dénoncé l’inanité de la proposition d’interdiction de vols au-dessus d’Alep est, « une zone tenue par les militants ».  Cette interdiction frapperait-elle aussi le vol de drones de renseignement qui suivent les combattants?  Le texte ne le dit pas, a-t-il souligné. 

Pourquoi en outre cibler la partie occidentale de la ville, contrôlée par le Gouvernement syrien?  C’est plus pratique, dit-on! s’est exclamé M. Churkin.  Le représentant russe a été catégorique: « cette résolution est une tentative de détruire l’architecture de négociation existante ». 

Présentant le deuxième projet de résolution, élaboré par son pays, il a noté qu’il s’appuyait sur tout ce qui a été réussi de diplomatique depuis le début de la crise.  Il mise, a-t-il expliqué, sur les paramètres d’entente entre la Russie et les États-Unis.  Il demande l’instauration d’une pause hebdomadaire des combats de 48 heures, a encore signalé M. Churkin. 

Le représentant a également insisté sur le fait que ce projet de résolution confirmait la pertinence du régime de contrôle prévu par le Groupe international de soutien pour la Syrie (GISS).  Il a relevé aussi que le texte demandait instamment à l’opposition de se dissocier des terroristes et de rallier le « régime de cessation des hostilités ».  « Notre texte tient en outre compte de l’initiative de l’Envoyé spécial des Nations Unies, M. Staffan de Mistura, qui, fait curieux, est passée sous silence dans la résolution franco-espagnole », a poursuivi M. Churkin.

Pour lui, il faut agir d’abord en relançant le processus politique entre Syriens, un processus bloqué depuis mai dernier par « l’opposition radicale ».  Notre résolution sera rejetée pour des motifs antirusses et par manque de courage, a-t-il anticipé, assurant que « malgré tout » son pays continuerait à agir dans l’intérêt de tous les acteurs régionaux.  Il a conclu en se réjouissant de la tendance à la baisse des activités militaires sur le terrain.

Déclarations après le vote sur le projet de résolution S/2016/846

M. MATTHEW RYCROFT (Royaume-Uni) s’est déclaré incapable de remercier la présidence du Conseil du fait que c’est là le cinquième veto russe sur un projet de résolution relatif à la situation en Syrie, veto qui a une fois de plus foulé au pied le respect et la dignité du Conseil de sécurité aux yeux du monde.  « Je ne peux tout simplement pas vous remercier pour cela, et c’est aussi le cas de milliers de personnes en Syrie, dont la moitié sont des enfants qui subissent les pires souffrances.  Les actions de la Russie ces dernières semaines ont montré à quel point son engagement est vide de sens.  C’est une parodie, une farce », s’est écrié le représentant britannique.

« Au lieu de contribuer à la paix, vous avez œuvré de conserve avec le régime syrien pour continuer la barbarie », a-t-il ajouté.  Il a évoqué les difficultés des civils et du corps médical en particulier qui sont les cibles d’attaques aveugles.  Le Conseil ne saurait rester passif devant de tels actes et le texte proposé était raisonnable en demandant notamment l’arrêt complet des bombardements.

Il demandait un arrêt total de l’entrave à l’accès humanitaire.  Il est intolérable que même les convois humanitaires ne puissent faire leur travail, ce qui est clair avec l’attaque contre l’un d’eux, détruit par la Russie, et les preuves existent.  Cette semaine a été une bonne semaine pour l’unité du Conseil, mais il l’achève avec une profonde tristesse, a-t-il souligné.  Grâce à votre action, le travail du prochain Secrétaire général, M. António Guterres, sera rendu plus difficile, a-t-il indiqué à l’adresse de la Russie, en l’implorant pour que cela cesse.

M. RAMLAN BIN IBRAHIM (Malaisie) a déclaré que son pays, qui a voté en faveur du projet de résolution franco-espagnol, avait réclamé à de nombreuses reprises que le Conseil de sécurité agisse pour répondre enfin à la détérioration de la situation en Syrie. 

En demandant un arrêt des bombardements, a-t-il dit, ce texte visait juste et aurait permis de réduire les souffrances indicibles qu’endurent des populations civiles d’Alep-Est.  Le Conseil de sécurité enregistre un nouveau revers, a-t-il déploré, avant de saluer les points positifs figurant dans le projet de résolution présenté par la Fédération de Russie.  Il a toutefois annoncé que son pays ne l’appuierait pas en raison de l’impossibilité de concrétiser les efforts conjoints qu’il appelle de ses vœux.

M. DAVID PRESSMAN (États-Unis) a rappelé qu’hier, lors d’une séance de consultations, l’Envoyé spécial des Nations Unies, M. Staffan Di Mistura, avait procédé à une description terrible du désastre à Alep.  Il avait imploré le Conseil à faire cesser le carnage.  Le projet de résolution qui a fait l’objet d’un veto de la Fédération de Russie n’avait qu’un objectif: celui de faire cesser les bombardements aériens.  

Ces attaques russes et syriennes ont systématiquement détruit toutes les infrastructures qui tenaient encore: hôpitaux, ambulances, des familles entières sous les ruines et un déluge de bombes.  L’Envoyé spécial a prévenu qu’Alep risquait d’être entièrement détruite d’ici à la fin de l’année.

Le veto de la Russie cherche à renforcer Bashar Al-Assad au détriment de 75 000 civils.  Il a regretté que le Conseil n’ait pas tiré des enseignements du passé à cause d’un seul de ses membres qui participe à la destruction.  « C’est grotesque », a-t-il commenté.  « Ils vont tout faire pour déformer la vérité, mais, en fait, la Russie aide tout bonnement le régime Al-Assad à reprendre la ville d’Alep, et ce, à n’importe quel prix. »

Il a demandé pourquoi les principales cibles étaient les hôpitaux, ajoutant qu’il s’agissait tout simplement de « crimes de guerre ».  La Russie ne peut utiliser comme prétexte la présence de quelques centaines de membres d’El-Nosra pour effacer toute une ville. 

En réalité, par ses tactiques de voyous, la Russie ne fait qu’encourager le régime syrien.  Les États-Unis restent pour leur part engagés et tentent depuis des mois, avec la Russie, de lancer une campagne visant des cibles terroristes comme El-Nosra, tout en permettant l’acheminement de l’assistance humanitaire.  Hélas, a-t-il poursuivi, la Russie a fait la sourde oreille.  

Avec le régime syrien, la Russie a lancé des bombes incendiaires qui ne font qu’aggraver les souffrances, en visant des médecins qui cherchent à sauver des vies dans des structures souterraines, a-t-il affirmé, en appelant à mettre fin aux souffrances épouvantables du peuple syrien.    

M. GERARD VAN BOHEMEN (Nouvelle-Zélande) a déclaré que rien ne justifiait les longs bombardements de centaines et milliers de civils.  Cette résolution aurait permis d’envisager de manière constructive la sortie de crise en Syrie, a ajouté le représentant. 

Les parties doivent revenir à la table de négociation et, dans l’intervalle, la communauté internationale doit pouvoir répondre aux besoins humanitaires des civils, a souligné le représentant.

M. VOLODYMYR YELCHENKO (Ukraine) a déclaré que son pays avait voté en faveur du projet de résolution.  Nous sommes consternés mais pas surpris que nos efforts aient été mis à mal par le cinquième veto de la Russie sur la Syrie, a-t-il lancé. 

L’histoire tiendra responsables ceux qui n’ont pas permis de s’acquitter de son devoir, a-t-il dit.  Nous ne voulons pas d’un nouveau Srebrenica ni surtout d’un nouveau Grozny.

M. FODÉ SECK (Sénégal) a indiqué que son pays avait voté en faveur du projet de résolution de la France et de l’Espagne « pour éviter que la partie orientale d’Alep ne se transforme en une tragédie jamais égalée à ce jour ».  « Le Conseil, garant de la paix et la sécurité, a failli. »

M. de Mistura nous avait pourtant mis en garde contre le risque de voir Alep complètement détruite dans les deux mois en cas de non-cessation des bombardements, a rappelé le représentant.  Il a appelé au maintien des efforts nécessaires pour parvenir sans délais à une trêve des hostilités et à la reprise des pourparlers de paix sous égide des Nations Unies.

M. KORO BESSHO (Japon) a appuyé la proposition de la France et de l’Espagne qui exige que toutes les parties cessent les bombardements d’Alep créant une situation de ruine.  Toutes les hostilités et attaques aveugles qui violent le droit international humanitaire doivent cesser immédiatement.

Ce type d’agissement montre, encore une fois, que le Conseil de sécurité est incapable de prendre une décision dans une situation d’urgence.  Pourtant il est de sa responsabilité d’agir car le peuple syrien ne peut plus attendre.

M. RAFAEL DARÍO RAMÍREZ CARREÑO (Venezuela) a condamné les attaques aveugles contre des objectifs civils mais a affirmé qu’il avait voté contre le texte car il ne contribuait pas à un traitement équilibré de la situation à cause de la barbarie de groupes armés comme Al-Qaida et autres affiliés.  L’objectif humanitaire noble a été détourné par certains membres du Conseil au détriment du peuple syrien.  

En vérité, les responsables directs de cette tragédie sont les groupes terroristes, qui cherchent à renverser un Gouvernement légitime.  Il a rappelé qu’au sein même du Conseil, il existait d’autres acteurs en Syrie qui avaient fourni des armes à des groupes non étatiques violents, convertis en terroristes, et qui avaient ensuite échappé au contrôle de ces membres du Conseil.

S’il y avait un intérêt sincère à trouver une solution, le Conseil y aurait réussi mais la volonté politique n’y est pas puisque ce texte n’était pas viable et risque même de compromettre les résultats positifs obtenus, notamment au sein du Groupe de contact, a affirmé le représentant vénézuélien, pour qui la réelle menace est constituée par les milliers de combattants d’El-Nosra.  Ces combattants prennent en effet en otage les 275 000 civils de la ville d’Alep.  Ces terroristes exécutent même ceux qui tentent de fuir la ville.

L’opposition modérée devrait se joindre aux efforts de paix et cesser toute collusion avec El-Nosra.  Le Venezuela a aussi trouvé paradoxal que le projet de résolution de la Syrie propose d’arrêter les vols militaires au-dessus d’Alep.  

Le représentant a renvoyé à des situations similaires à Falloujah, Bagdad et autres villes lors de conflits.  L’intégrité territoriale et l’indépendance politique sont très importantes, a-t-il rappelé, ajoutant que les conditions politiques ont en fait été créées pour la naissance de groupes terroristes comme Al-Qaida ou Daech.  

En conclusion, il a invité à une solution politique négociée, à laquelle le Venezuela s’efforcera de contribuer.

Déclarations après le vote sur le projet de résolution S/2016/847

M. AMR ABDELLATIF ABOULATTA (Égypte) a également déclaré, à l’issue du rejet des deux projets de résolution, qu’il n’avait pas de mots pour décrire ses sentiments devant « un dialogue de sourds ».  Il a souligné que la tragédie du peuple syrien perdurait, avec des centaines de milliers de Syriens morts, déplacés ou exilés.  Il a expliqué qu’il avait voté pour les deux projets de résolution pour exprimer le message des peuples arabes au pouvoir en Syrie.  

Il faut mettre un terme à la tragédie et il importe de saisir encore les possibilités de trouver une solution sérieuse.  La différence d’approche dans les deux textes est constructive en soit, a-t-il argué, en invitant à extraire les points positifs de l’un et de l’autre, notamment la garantie de l’accès sans entraves, la cessation des hostilités pour un cessez-le-feu complet et entier, tout en renforçant le système de contrôle.

Il faut prendre en compte les aspirations de certains groupes armés, mais aussi le fait qu’ils coopèrent avec des groupes terroristes comme El-Nosra.  Le représentant a mis en exergue le rôle pivot du Groupe international de soutien pour la Syrie (GISS), ainsi que l’impératif de la reprise des pourparlers intersyriens sur la base du Communiqué de Genève.

Il a lancé un appel pour le rétablissement du rôle du Conseil de sécurité par des discussions sérieuses et ouvertes.

M. RYCROFT (Royaume-Uni) a souligné que la Russie n’avait été soutenue que par 4 voix.  S’adressant au Président du Conseil de sécurité, il a qualifié de tentative cynique la présentation d’un texte destiné à « détourner l’attention internationale de votre propre veto ».  « Ces bombardements aveugles doivent cesser. »  « Arrêtez cela maintenant », a-t-il exhorté en s’adressant de nouveau à M. Churkin.

M. PRESSMAN (États Unis) a lui aussi fustigé ce projet de résolution, une « tentative visant à faire accepter au Conseil de sécurité ce que la Russie et le régime syrien font en Syrie ».

M. RAMÍREZ CARREÑO (Venezuela), qui a voté en faveur du projet de résolution russe, a déploré que le conseil de sécurité ne soit pas parvenu, de nouveau, à un consensus sur la gestion de la crise syrienne.  Il a imputé l’absence d’unité du Conseil au fait, a-t-il dit, « que des membres sont profondément impliqués dans ce conflit; ils ont imposé cette guerre asymétrique pour renverser le Gouvernement en place ».  

« Ce conseil n’est-il pas en train d’encourager des conflits en violant les buts et principes de la Charte des Nations Unies?  C’est cela que se demandent les membres non permanents du Conseil de sécurité, a déclaré le représentant. 

Il a conclu en affirmant que « personne ici ne peut décider de la légitimité du Gouvernement syrien, personne ne peut décider à la place du peuple syrien ».  Il a ainsi appelé à ce qu’il soit mis fin aux violences et à l’ingérence en Syrie. 

M. YELCHENKO (Ukraine) a voté contre le projet de résolution proposé par la Fédération de Russie car il s’agit d’une tactique pour détourner l’attention d’un autre projet de résolution, solide et plein de bon sens, susceptible d’avoir un impact pertinent sur le terrain et cesser le massacre à Alep.

M. LIU JIEYI (Chine) a suivi l’escalade du conflit syrien et s’est dit préoccupé par la situation dramatique de la population.  Il a condamné toute action qui coûte la vie à des civils, et a encouragé à trouver une solution d’ordre pratique pour au moins améliorer la situation.  La Chine a appelé à un effort coordonné pour faciliter l’assistance humanitaire.  

Le projet de résolution soumis par la France et l’Espagne contient un certain nombre d’éléments intéressants mais d’autres ne respectent ni l’intégrité territoriale ni la souveraineté de la Syrie, ce qui a conduit la Chine à s’abstenir.

Le projet de résolution de la Fédération de Russie demande une reprise des pourparlers de paix à Genève, des efforts conjoints pour lutter contre le terrorisme et la négociation politique, avec des éléments équilibrés.  La Chine a donc voté en faveur de ce texte, a déclaré le représentant, en espérant que le Conseil considérerait comme prioritaire la sécurité du peuple syrien et veillerait à la prévention de l’expansion du terrorisme.

M. VAN BOHEMEN (Nouvelle-Zélande) a souligné le rôle destructif de la Russie.  Il a considéré que des actions de ce type ne pourraient qu’entraver les décisions du Conseil.  Il a appelé tous les membres à s’orienter vers une voie positive. 

M. ELBIO ROSSELLI (Uruguay) a appelé à la cessation immédiate du carnage d’Alep.  « Les bébés qui ont été sauvés des décombres n’étaient pas des terroristes, comme les malades enterrés sous les décombres des hôpitaux n’étaient pas des terroristes », a-t-il déclaré.  Nous nous sommes abstenus, a-t-il expliqué, pour des raisons de procédure et de fond, le texte russe ayant été présenté hier après 17 heures, sans débat approfondi préalable. 

« En outre, ce texte propose un accord bilatéral qui ne concerne en rien les autres membres du Conseil. »  « Il n’inclut rien d’essentiel, à savoir faire cesser les bombardements », a indiqué le représentant.

M. ISMAEL ABRAÃO GASPAR MARTINS (Angola) s’est dit troublé par la situation étrange dans laquelle s’est retrouvé aujourd’hui le Conseil de sécurité, avec ses membres qui ont voté deux fois de suite, et négativement, sur une même question. 

Il a indiqué que son pays s’était abstenu sur les deux projets de résolution car, selon lui, ces textes ne cherchaient pas fondamentalement à relancer du processus de cessation des hostilités.  Il a appelé les membres permanents de ce Conseil à montrer l’exemple en mettant de côté leurs seuls intérêts stratégiques. 

M. BESSHO (Japon) a déclaré que les bombardements et les activités militaires à Alep « doivent cesser immédiatement ».  Il a expliqué qu’il n’avait pas été possible pour son pays de soutenir le projet de résolution russe « qui fait référence aux activités du Groupe international de soutien pour la Syrie alors qu’il n’existe plus d’accord entre la Fédération de Russie et les États-Unis ».

M. CHURKIN (Fédération de Russie) a dénoncé la rhétorique de confrontation des États-Unis et du Royaume-Uni.  Il a rappelé que son ministre des affaires étrangères et son homologue américain avaient véritablement tenté de travailler ensemble sans pouvoir atteindre une solution viable.

En attendant, la population civile syrienne pâtit.  Elle a rappelé à l’Angola que le but du texte de la Russie était d’appuyer les accords obtenus avec les États-Unis même s’ils n’ont pas tout à fait abouti.

M. BASHAR JA’AFARI (République arabe syrienne), dans une longue intervention, s’est élevé contre le fait que les représentants de « pays coloniaux » quittaient la salle au moment où lui-même allait prendre la parole.  Le Représentant permanent a ensuite salué la Russie à un moment où la région du Moyen-Orient était confrontée à des défis majeurs à cause de la politique inique de certains membres du Conseil de sécurité qui cherchent à mettre en œuvre leurs intérêts expansionnistes.  

Il a condamné la lâcheté de l’attentat terroriste perpétré par le groupe el-Nosra contre l’Ambassade de la Russie à Damas.  Il a tenu à établir une distinction entre les groupes modérés de l’opposition et El-Nosra, distinction que le projet de résolution de la France et de l’Espagne n’établit guère.

Après avoir évoqué l’accord historique entre la France et le Royaume-Uni, qui avait négativement scellé le sort de la région et de la Syrie en particulier, il a indiqué que le Ministre des affaires étrangères de la France s’était arrogé le droit de s’exprimer au nom du peuple syrien, en oubliant la responsabilité de la France dans beaucoup de tragédies.  « Les djihadistes français font du bon boulot en Syrie », a-t-il ajouté. 

En revanche, lorsque l’armée syrienne et ses alliés luttent contre les groupes terroristes comme El-Nosra, le Conseil s’évertue systématiquement à convoquer des séances.  Il a revendiqué le droit de son gouvernement à agir en toute souveraineté, soulignant que le peuple syrien se demandait si tous les contrats passés avec le Qatar et l’Arabie saoudite valaient réellement ce bain de sang.

Le délégué syrien a rappelé que le Conseil avait déjà tenu, depuis le début de la crise syrienne, 75 séances officielles, 97 consultations privées et adopté 17 résolutions.  Il a également renvoyé aux innombrables vetos des États-Unis, du Royaume-Uni et de la France s’agissant de la situation dans les territoires palestiniens occupés.

Sur le terrain, il a signalé que le fondateur des « casques blancs » n’est rien d’autre qu’un agent de renseignement du Royaume-Uni, tandis que le Pentagone avait versé 514 millions de dollars à une compagnie britannique de relations publiques dans le but avoué de mener une campagne tous azimuts contre le Gouvernement syrien.

Il a conclu qu’il fallait décrypter la stratégie de la coalition dirigée par les États-Unis qui ressemble à une politique délibérée qui a contribué, depuis 2003, à l’épanouissement de groupes comme Daech.  

Il a ensuite réclamé des excuses pour ce qui a été perpétré contre les Iraquiens innocents dans un refuge à Bagdad.  Il a enfin réaffirmé l’engagement de son gouvernement à mettre en œuvre les plans de réponse mensuels, celui d’octobre ayant été officiellement approuvé.  Il a dénoncé le fait que les groupes armés modérés aient empêché de porter assistance à la population, et a annoncé qu’il fournirait les résultats de l’enquête sur l’attaque contre le convoi humanitaire de l’ONU. 

M. VAN BOHEMEN (Nouvelle-Zélande) a qualifié de mensonges flagrants les propos du « représentant du régime syrien ».

M. JA’AFARI (République arabe syrienne) a répondu qu’il n’était pas « le représentant d’un régime, mais d’un pays ».  Il a exhorté ses collègues à lire les 500 lettres sur le terrorisme adressées par son pays depuis le début du conflit aux différentes délégations.  Lisez-les, a-t-il demandé, notamment celles sur l’utilisation d’armes chimiques par les terroristes. 

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