En cours au Siège de l'ONU

7784e séance – après-midi
CS/12544

Mali: les moyens de la MINUSMA pour faire face à la détérioration de la situation sécuritaire sont insuffisants, plaident deux hauts fonctionnaires devant le Conseil

La détérioration des conditions de sécurité au Mali et l’absence « persistante » de progrès concrets dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation, près de 18 mois après sa signature, pose un « risque réel » pour ce pays d’Afrique de l’Ouest, a prévenu le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix.  « Je regrette de m’adresser à vous de manière aussi sombre », a déclaré M. Hervé Ladsous, cet après-midi, aux membres du Conseil de sécurité.

« La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) a encore une fois été la cible d’une série d’attaques coordonnées, le 3 octobre dernier, à Aguelhok », a-t-il déploré.  Après un répit relatif de quatre mois, « nous devons nous rendre à l’évidence que les délais persistants dans la mise en œuvre de l’Accord de paix et les nouvelles violations du cessez-le-feu sont incompatibles avec une stabilisation durable, fût-elle partielle, de la situation ».

C’est une situation d’autant plus préoccupante qu’au lieu de recevoir les renforts dont elle a besoin, la Mission sera bientôt confrontée à la perte de « catalyseurs clefs », à la suite de l’annonce, faite par deux pays contributeurs de troupes, de retirer, d’ici à début 2017, trois des cinq unités héliportées dont disposent actuellement les Casques bleus.

Le Secrétariat, a assuré M. Ladsous, a redoublé efforts pour trouver le moyen de les remplacer, notamment lors de deux réunions ministérielles à Londres et New York en septembre.  Toutefois, a-t-il reconnu, les « volontaires manquent singulièrement » et, à ce jour, aucun État Membre ne s’est engagé à fournir les moyens autorisés par la résolution 2295 (2016) du Conseil de sécurité ou par les résolutions antérieures.

« Depuis son déploiement, la MINUSMA fait face à une insuffisance significative de matériels appartenant aux contingents », a rappelé, pour sa part, le Secrétaire général adjoint pour l’appui aux missions, M. Atul Khare.  La pénurie de véhicules blindés de transport de troupes, de véhicules de soutien, de générateurs, de stations d’épuration des eaux et d’autres équipements logistiques cruciaux, a-t-il précisé, ont affecté la capacité des personnels en tenue à s’acquitter de leurs tâches opérationnelles.

Dans ce contexte, la reprise, en juillet dernier, des affrontements entre groupes signataires dans la région de Kidal a « hypothéqué » le processus de paix, repoussant « une fois de plus » la nomination des administrations intérimaires, a constaté avec regret M. Ladsous, en rappelant qu’elle était pourtant prévue par l’Accord pour intervenir « au plus tard » trois mois après sa signature, soit le 15 septembre 2015, et le déploiement de patrouilles mixtes le 16 novembre 2015.  À cela, s’ajoute l’absence d’avancées dans les processus de cantonnement, désarmement, démobilisation et réintégration, a-t-il encore relevé.

Mais il n’y a pas que le nord du Mali qui a été concerné par l’insécurité au cours des derniers mois.  Des incidents se sont en effet produits dans les régions de Mopti et de Ségou et au centre sud.  « Dans la seule région de Mopti, les violences intercommunautaires ont fait 18 morts et 44 blessés fin juin, 6 morts et 9 blessés entre la fin du mois d’août et le début du mois de septembre », a précisé le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix.

Dès lors, comme l’ont « tragiquement » illustré les attaques de lundi près de Kidal, la capacité de la Mission à protéger les civils et à contrer les attaques asymétriques est entravée par l’absence des capacités opérationnelles suffisantes, a insisté le haut fonctionnaire.  Le représentant du Mali, M. Issa Konfourou, a assuré que son gouvernement n’était, « ni de près ni de loin », lié à ces tensions et n’avait « aucun intérêt » à soutenir un camp contre un autre.

Si la MINUSMA continue de recevoir des informations concernant l’utilisation excessive de la force par les troupes gouvernementales dans le centre du pays, le délégué du Mali a considéré que ces informations étaient « exagérées ».  Cette appréciation ne prenant pas en compte, selon lui, les efforts des autorités pour protéger les droits de l’homme.

M. Konfourou a assuré que son gouvernement n’avait ménagé aucun effort pour accélérer la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation, portant ainsi à l’actif de Bamako la nomination par le Président malien d’un Haut-Représentant chargé de cette mise en œuvre et la cessation totale de toute belligérance entre les forces maliennes et les groupes armés.

Exhortant les autres parties maliennes à rompre tout lien avec « les mouvements terroristes et de crime organisé », le représentant du Mali a appelé « de nouveau » à l’adoption de sanctions ciblées à l’encontre des auteurs d’entraves à la mise en œuvre de l’Accord.  Il a toutefois demandé aux parties de « s’engager de bonne foi dans la voix de la paix », rejoint sur ce point par le délégué de l’Uruguay, qui les a appelées à poursuivre le dialogue en vue d’assurer la mise en œuvre de l’Accord.

Afin de créer les conditions d’un débat approfondi entre toutes les composantes de la nation sur les causes profondes du conflit, une conférence d’entente nationale se tiendra d’ici à la fin de l’année, a annoncé M. Konfourou.  « Le temps est venu pour les parties de dépasser leurs intérêts immédiats et locaux et de réfléchir aux préoccupations à long terme de leurs circonscriptions, ainsi que du pays dans son ensemble », a résumé M. Ladsous.

Alors que le Mali reste « l’un des environnements les plus difficiles en termes de maintien de la paix », le Département d’appui aux missions œuvre à des « solutions novatrices » pour renforcer les capacités de la MINUSMA, a assuré M. Khare. Il en a voulu pour exemple la collaboration récente entre la Norvège, la Belgique, le Danemark, le Portugal et la Suède, qui ont accepté de mettre à la disposition de la Mission, pour deux ans environ, une unité d’aviation de transport militaire C-130 sur la base d’une rotation entre ces cinq pays.

« Ni les défis, ni les risques qui se posent ne doivent être sous-estimés.  L’échec à renforcer la capacité de la MINUSMA aurait un impact significatif sur notre capacité à nous acquitter de notre mandat », a averti M. Khare.  « Cependant, les résultats obtenus jusqu’à présent suggèrent qu’avec engagement, vision, ressources nécessaires et soutien continu de vous tous, ces défis ne seront pas insurmontables. »

 

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