Conseil de sécurité: le responsable d’OCHA fait état d’une situation humanitaire « honteuse » en Syrie
Le Secrétaire général adjoint, M. Stephen O’Brien, demande au Conseil d’agir, sous peine de le voir basculer du « mauvais côté de l’Histoire »
« C’est avec tristesse, désarroi, frustration et colère que je vous fais rapport sur la situation humanitaire honteuse que connaît la Syrie aujourd’hui, en particulier dans l’est d’Alep », a déclaré, ce matin, le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, M. Stephen O’Brien, aux membres du Conseil de sécurité, dans le cadre de la réunion d’information mensuelle sur ce sujet. Il leur a demandé d’agir, sous peine de voir basculer le Conseil « du mauvais côté de l’Histoire ».
« La Syrie saigne », alors que les dirigeants du monde entier se sont réunis la semaine dernière à New York, « sans obtenir de résultats tangibles ». Au contraire, la violence n’a fait que s’intensifier, s’est indigné le Secrétaire général adjoint, pour qui il est temps que ce Conseil rejette le « mépris total des dispositions les plus élémentaires du droit international humanitaire ».
Les sept derniers jours, en effet, ont été marqués par une intensification des attaques à travers tout le pays, a constaté le haut fonctionnaire, en citant les frappes aériennes contre les gouvernorats de Deïr el-Zor, Alep, Hama, Homs, Idlib et du Damas rural, où sont également menées des attaques au sol, au mépris du rétablissement de la cessation des hostilités pourtant agréé le 19 septembre par le Groupe international de soutien pour la Syrie (GISS).
M. O’Brien a ainsi demandé au Conseil de sécurité d’agir « maintenant »: si les parties à ce conflit en sont incapables, alors « le seul espoir au monde », c’est vous, membres du Conseil, qui devez faire preuve d’unité, a-t-il lancé. La Nouvelle-Zélande, dont la présidence du Conseil de sécurité s’achèvera demain, a regretté l’absence de décisions « sur les sujets les plus brûlants » par l’organe chargé de la paix et de la sécurité internationales au cours de ce mois.
Nulle part ailleurs que dans l’est d’Alep, les combats ont été plus soutenus, a fait remarquer le Secrétaire général adjoint en rappelant que 320 civils ont été tués, dont une centaine d’enfants, et 765 personnes blessées au cours des premiers jours qui ont suivi l’offensive lancée le 22 septembre par les forces syriennes et leurs alliés.
Devant l’étendue des destructions, notamment de deux hôpitaux hier matin, M. O’Brien a repris à son compte l’accusation brandie hier par le Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, devant ce même Conseil, qui avait qualifié l’utilisation de certaines armes de « crimes de guerre ».
« Soyons clairs: l’est d’Alep n’est pas au bord du gouffre, il est plongé dans une catastrophe humanitaire infernale, sans accès possible pour l’ONU depuis le 7 juillet, au moment où le secteur de la santé est sur le point de s’y effondrer totalement », a résumé le Secrétaire général adjoint.
En raison du siège, les vivres se raréfient, avec des stocks à peine suffisants pour alimenter 40 000 personnes au cours du prochain mois. Des décès sont imputables à la malnutrition, aux maladies et à l’empoisonnement causé par les ordures ménagères. L’eau potable manque cruellement et des maladies d’origine hydrique, pourtant évitables, devraient faire leur apparition très prochainement, alors que plus de 100 000 enfants sont pris au piège dans l’est d’Alep, a déploré le Coordonnateur des secours d’urgence.
« Nous devons mettre fin à ce cauchemar », a imploré le Secrétaire général adjoint, qui a rappelé qu’il réclame, depuis juillet dernier, une « pause humanitaire hebdomadaire de 48 heures ». Le moment est venu de reconnaître l’« horreur » qui se déroule sous nos yeux et de rétablir la cessation des hostilités, sous peine de faire basculer ce Conseil du « mauvais côté de l’Histoire », a-t-il prévenu, en précisant que le nombre total de personnes assiégées en Syrie s’élève désormais à 861 200.
En l’absence de solution politique, le rôle des personnels humanitaires est de venir en aide à ceux qui en ont le plus besoin en leur fournissant des vivres, des abris, une protection et des moyens de subsistance, a expliqué M. O’Brien. Or, la semaine dernière, un « coup cruel » a été porté à ces efforts, avec une attaque dévastatrice contre un convoi humanitaire, qualifiée d’« insensée » par le représentant de l’Uruguay.
Le 19 septembre, a-t-il rappelé, après que 31 camions ont livré de l’aide à l’ouest d’Alep, des personnels humanitaires ont été pris pour cibles et 18 de leurs membres ont été brutalement tués. Quinze autres pilotes ont été blessés, de nombreux civils tués et blessés, et l’entrepôt où les stocks avaient été déposés gravement endommagés, de même qu’une clinique médicale à proximité.
« Si les assaillants savaient qu’il s’agissait d’un convoi humanitaire et que l’attaque était délibérée, alors il s’agit d’un crime de guerre et les auteurs doivent savoir qu’ils seront tenus pour responsables de leurs actes », a averti M. O’Brien. Rappelant que le Secrétaire général avait demandé l’ouverture d’une enquête, il a demandé à toutes les parties de soutenir cette investigation.
En dépit des difficultés qu’elles essuient, a poursuivi le Coordonnateur des secours d’urgence, les Nations Unies ont réussi à assister, ces derniers jours, 84 000 personnes à Talbiseh; 35 000 personnes à Moadsmiyeh; 70 000 personnes à Homs; et 60 000 personnes dans les localités de Madaya, Zabadani, Foah et Kefraya. De plus, a-t-il noté, l’ONU poursuit ses opérations de parachutage et d’acheminement par pont aérien, avec pas moins de 126 livraisons effectuées de la sorte à Deïr el-Zor depuis avril dernier et 90 à Qamishly depuis août.
Le Secrétaire général adjoint s’est toutefois dit déçu par les restrictions qui, « avec une régularité alarmante », font obstacle au déplacement des personnels humanitaires, constamment retardés par des « manœuvres bureaucratiques ». À cela, a-t-il observé, s’ajoute la tactique consistant pour les Forces de sécurité syriennes à retarder la délivrance de l’aide, voire à « laisser périr » les articles de première nécessité.
« Rien qu’hier, un convoi en partance pour Douma, bien que muni de toutes les autorisations nécessaires, s’est vu refuser l’accès au dernier poste de contrôle gouvernemental. » « Après avoir patienté plus de huit heures au dernier poste de contrôle syrien, il a été contraint de faire demi-tour », a relaté le haut fonctionnaire.
L’ONU attend maintenant la réponse du Gouvernement syrien au plan de convois interinstitutions prévus pour le mois d’octobre, et qui a été déposé le 19 septembre. L’objectif de ce plan, a-t-il précisé, est de « venir en aide à 962 800 personnes dans 29 localités assiégées, difficiles à atteindre ou situées de part et d’autre des lignes de front ». Dans l’imminence d’une réponse des autorités syriennes, qu’il a souhaitée « positive », le Secrétaire général adjoint a déclaré qu’il n’était pas permis d’attendre trois semaines avant que le premier convoi ne soit autorisé à passer.
Pour la délégation de l’Uruguay, le Conseil de sécurité doit maintenant assumer les responsabilités du Conseil de sécurité, « sous peine d’entrer dans l’Histoire pour son incapacité à mettre un terme à l’un des pires conflits ». C’est pourquoi, elle a appelé les États-Unis et la Fédération de Russie à poursuivre le dialogue et à appliquer les accords existants en vue de mettre fin aux hostilités et d’instaurer la paix en Syrie.