Somalie: le Représentant spécial du Secrétaire général fait état devant le Conseil de sécurité d’un processus électoral à haut risque
De nouveau retardé, le processus électoral en Somalie suscite des « craintes », même si des progrès ont été accomplis au cours des derniers mois, a indiqué, ce matin devant le Conseil de sécurité, le Représentant spécial du Secrétaire général pour la Somalie, M. Nicholas Keating.
« Il y a tout juste 24 heures, l’Équipe chargée d’organiser les élections indirectes au niveau fédéral a annoncé que ce processus nécessiterait 30 jours de plus, au terme desquels un nouveau président sera élu le 30 novembre », a expliqué le haut fonctionnaire, en rappelant que la dernière élection en date dans ce pays troublé de la Corne de l’Afrique remonte à 1969. Les élections parlementaires se tiendront quant à elles « entre le 23 octobre et le 10 novembre », a-t-il précisé.
Venu présenter le dernier rapport* du Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, sur la situation en Somalie, qui couvre la période allant du 1er mai au 3 août, M. Keating a expliqué que ce retard pouvait laisser supposer une manipulation du processus électoral.
Il s’est toutefois voulu rassurant, en précisant que ce nouveau retard n’était pas imputable « à un acteur politique en particulier », mais que l’Équipe avait besoin d’un délai supplémentaire pour pleinement tenir compte des « objections » émises par la communauté internationale et le Conseil de sécurité.
L’organe chargé de la paix et de la sécurité internationales a, de manière répétée, y compris dans sa déclaration présidentielle en date du 19 août, dit que la Somalie devait éviter une prorogation du mandat des institutions fédérales, un appel repris aujourd’hui à son compte par l’Uruguay.
Pour le Représentant spécial, le plus urgent, c’est de veiller à ce que ce report du scrutin n’ouvre pas la voie à « des manipulations ou à des perturbations », d’autant que le mandat du Président du Gouvernement fédéral de transition, M. Hassan Cheikh Mohamud, a expiré le 10 septembre, au risque de créer un « vide institutionnel ».
Optimiste, le Ministre des affaires étrangères de la Somalie, M. Abdusalam Hadliye Omer, s’est réjoui du « véritable bon en avant en termes de démocratisation » que représente d’après lui le processus électoral en cours.
Le Président Mohamud, le Forum national des dirigeants et toutes les parties prenantes se sont engagés, a-t-il souligné, en faveur du processus électoral « crédible et inclusif » appelé de ses vœux par le Conseil, conformément au calendrier prévu, et avec l’assurance que 30% des sièges parlementaires seraient occupés par des femmes.
Le Chef de la diplomatie somalienne a rappelé qu’avec le concours de la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM), les forces gouvernementales avaient repris, au cours des quatre dernières années, des villes clefs au groupe terroriste Chabab et « prouvé que [ceux-ci] sont vulnérables, divisés, et peuvent être battus grâce à une action militaire coordonnée ».
S’exprimant par visioconférence depuis Mogadiscio, le Représentant spécial du Président de la Commission de l’Union africaine et Chef de la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM), M. Francisco Caetano José Madeira, a cependant prévenu qu’il serait « matériellement impossible » de garantir un niveau de sécurité suffisant pour tous les candidats en lice aux élections, comme le prévoie le plan conjointement élaboré par l’ONU, l’AMISOM et le Gouvernement fédéral somalien.
Si une sécurité collective sera fournie dans certains hôtels ou zones résidentielles, M. Madeira s’est alarmé du risque de voir des éléments des Chabab « se mêler » aux clans qui convergent vers Mogadiscio pour les élections.
Autre motif d’inquiétude pour M. Keating: la déclaration selon laquelle les élections au Hiran et au Moyen-Chébéli devraient se tenir à Mogadiscio plutôt que dans ces deux régions, « les seules aspirant encore à devenir des États membres de la fédération », comme le précise le Secrétaire général dans son rapport. Devant l’exacerbation possible des tensions claniques, la présence de l’AMISOM demeure « vitale », a affirmé le Représentant spécial.
Le Ministre des affaires étrangères, conscient que les effectifs de cette Mission doivent être réduits « d’ici à la fin de 2018 », a reconnu l’urgente nécessité de réformer le secteur de la sécurité somalien en vue de le rendre pleinement opérationnel. Il a donc lancé un appel aux bailleurs de fonds internationaux pour qu’ils fournissent à son armée « formation, encadrement et équipements ». M. Madeira a formulé une demande similaire pour l’AMISOM auprès du Conseil de sécurité, relevant le manque « cruel » de moyens de la Mission.
La délégation de l’Uruguay a elle aussi insisté sur l’importance du « développement rapide » de l’Armée nationale somalienne, y compris en privilégiant « l’intégration planifiée et coordonnée » des forces régionales, notamment afin de garantir la participation accrue aux opérations conjointes avec l’AMISOM.
Pour le Représentant spécial, l’approbation donnée par le Forum national des dirigeants à la politique nationale de sécurité et au nouveau régime de police, de même que l’établissement d’un Comité de sécurité nationale, sont des signes encourageants de l’appropriation par la Somalie de ses priorités sécuritaires. Selon lui, ces éléments participent d’une approche holistique englobant « police, relèvement des communautés, extension de l’autorité de l’État et lutte contre l’extrémisme violent ».
Outre les défis électoraux, sécuritaires et logistiques, M. Keating a fait état du rapatriement volontaire en Somalie d’un nombre « sans précédent » de réfugiés en provenance du camp de Dadab, situé au Kenya. Ces populations pèsent lourdement sur des communautés d’accueil déjà fragiles, alors que le nombre de personnes déplacées est estimé à plus d’un million. Le Plan de réponse humanitaire de l’ONU n’est financé qu’à hauteur de 32%, a-t-il déploré.
* S/2016/763