Libéria: le Représentant spécial plaide pour le maintien d’un appui international fort, même « recalibré », afin d’accompagner le pays dans sa transition
Le Représentant spécial du Secrétaire général pour le Libéria, M. Farid Zarif, a affirmé, cet après-midi devant le Conseil de sécurité, que ce pays avait franchi le 1er juillet une « étape historique en assumant l’entière responsabilité du maintien de la sécurité », mais a insisté sur les défis qui subsistent, telles que les divisions politiques et la préparation des élections de 2017.
Fort de ce constat, M. Zarif, qui est également Chef de la Mission des Nations Unies au Libéria (MINUL), a demandé qu’un soutien international « robuste » et sur le long terme soit apporté au Libéria, même si cet appui et la présence de l’ONU sur place devront faire l’objet d’un « recalibrage ».
Un point de vue partagé tant par M. Joakim Vaverka, de la formation Libéria de la Commission de consolidation de la paix (CCP), que par le représentant du Libéria, M. Lewis Garseedah Brown, ce dernier estimant que son pays avait besoin « de la compréhension et du soutien de la communauté internationale pour recréer une société plus libre, plus juste, plus équitable, plus tolérante, plus redevable et plus démocratique ».
M. Zarif, qui présentait le dernier rapport du Secrétaire général sur la MINUL*, a tout d’abord affirmé que la situation globale au Libéria était demeurée calme à la suite de cette transition sécuritaire. La Mission a étroitement surveillé la manière dont les institutions sécuritaires se sont acquittées de leurs tâches et a ajusté son engagement en conséquence, a-t-il dit.
Il a estimé que cette nouvelle situation nécessitait un examen des contours de la coopération entre le Gouvernement, d’un côté, et la Mission et les autres acteurs internationaux, d’autre part, sur la base d’un rôle de chef de file désormais assumé par les Libériens et d’un « recalibrage » de l’appui fourni par les acteurs internationaux. Il a précisé que des consultations se poursuivaient à ce sujet entre le Gouvernement et l’ONU.
Dans son rapport, le Secrétaire général indique qu’il dépêchera en septembre au Libéria une mission d’évaluation chargée de consulter le Gouvernement et transmettra ses recommandations dans un rapport spécial sur l’avenir de la MINUL et sur une autre présence des Nations Unies. Celle-ci prendrait éventuellement la relève en novembre, écrit le Secrétaire général.
« En attendant, la Mission demeure engagée en vue de consolider les gains acquis ces dernières années et de développer plus avant les structures chargées de la sécurité et de la justice, ainsi que les cadres et mécanismes de reddition de comptes », a déclaré le Représentant spécial. M. Zarif a également appelé le Gouvernement libérien à mettre en œuvre les composantes restantes du plan de transition, tout en soulignant la nécessité, pour ce faire, d’un soutien international continu.
Le Chef de la MINUL a ensuite détaillé les progrès accomplis dans la consolidation de la paix, dont l’adoption d’une législation clef sur le contrôle des armes à feu et des munitions ou encore la présentation devant le Parlement d’un projet de code de justice militaire homogène.
Ce code, qui doit garantir l’accès à la justice au sein des Forces armées du Libéria, est crucial pour la réussite de la transition et doit être adopté rapidement, a-t-il affirmé. Le Représentant spécial a, en revanche, déploré que le projet de loi sur les violences domestiques, qui doit être examiné par le Sénat, n’érige pas les mutilations génitales en infraction pénale.
« Le climat politique au Libéria continue d’être affecté par les conséquences du rapport publié en mai par Global Witness contenant des allégations d’actes de corruption mettant en cause certains hauts responsables libériens », a poursuivi le Chef de la MINUL. Il a précisé que ce rapport et le tollé qu’il a suscité ont conduit à des divisions au sein de la Chambre des représentants et à la paralysie du Parlement. Les différents camps en présence ont organisé des sessions parallèles, tandis que leurs partisans ont manifesté devant le Parlement, sans que cela n’aboutisse fort heureusement à des incidents, a-t-il affirmé.
M. Zarif a précisé que ces divisions avaient occasionné des délais dans l’adoption du budget national pour la période 2016-2017 et ce, alors que les perspectives économiques du pays se dégradent. « L’actuelle situation, qui est insatisfaisante, exige un règlement urgent », a-t-il déclaré, en rappelant que les vacances parlementaires commençaient à la fin de ce mois.
Le Représentant spécial s’est en outre dit préoccupé par le manque de progrès global accompli dans la réponse à apporter aux causes profondes des divisions et de l’exclusion au Libéria. Ces retards sont de mauvais augure pour la consolidation de la paix et de la sécurité dans le pays, a-t-il averti.
M. Zarif a décelé une telle tendance à l’exclusion dans une proposition avancée, dans le cadre du processus d’examen constitutionnel, visant à faire du Libéria « une nation chrétienne ». Il a ensuite souligné l’importance de discours politiques raisonnables et de l’unité nationale et appelé les différents partis politiques à faire preuve d’un esprit de responsabilité.
Se tournant vers les élections présidentielles et législatives de 2017, M. Zarif a souligné la détermination des parties qu’il a rencontrées pour que ces élections se déroulent de manière pacifique, même si des craintes de fraudes et de l’insécurité ont été évoquées. « Je continuerai d’encourager un engagement accru du Gouvernement et des autres acteurs politiques en vue de garantir l’instauration d’un environnement pacifique au Libéria, en particulier pendant la campagne électorale. »
Enfin, le Chef de la MINUL a évoqué les préoccupations des Libériens concernant la perspective d’un retrait de la Mission et d’un éventuel manque de soutien de l’ONU pendant les élections, lesquelles constitueront, pour tous les acteurs libériens, « un test critique pour la stabilité, la démocratie et le développement au Libéria ».
« En conséquence, le Libéria comme la communauté internationale ne doivent pas perdre de vue le chemin encore ardu vers la paix durable dans le pays et la région, qui exigera un engagement robuste sur le long terme, en particulier de la part de ce Conseil », a conclu M. Zarif.
Un point de vue partagé par le représentant du Libéria qui a demandé au Conseil de continuer à suivre avec une grande attention la situation dans son pays pendant la phase de consolidation de la paix. « Si l’histoire du pays peut expliquer que les Libériens n’aient pas toujours été très enthousiastes et optimistes face à cette transition, nous continuerons de travailler à un avenir de paix et de prospérité partagée, lesquelles sont entre nos mains », a ajouté M. Garseedah Brown.
Toutefois, malgré la volonté politique du pays et l’enthousiasme de sa population, les difficultés économiques actuelles sapent la capacité du Libéria à mettre en œuvre certains de ses programmes qui visent à une meilleure sécurité, comme la réforme du secteur de la sécurité ou encore les programmes de réconciliation, de décentralisation, en faveur de l’emploi des jeunes ou encore des réformes des institutions locales, a-t-il concédé. Il a également souligné la nécessité que le pays adopte des mesures d’austérité tout en intensifiant sa lutte contre la corruption.
M. Garseedah Brown a ensuite affirmé que son gouvernement était parfaitement conscient de l’importance des élections de 2017. Les 23 partis actuellement enregistrés continuent d’examiner, dans le cadre d’un Comité consultatif interpartis et avec d’autres acteurs, les moyens de coopérer et de résoudre les difficultés afin de garantir une atmosphère pacifique, avant, pendant et après le scrutin, a-t-il assuré.
S’il n’a pas caché les difficultés du pays pour approfondir sa gouvernance démocratique, le représentant s’est tout de même dit « rempli d’espoir ». « Le chemin sera sans doute long, mais en tant que peuple nous sommes déterminés à y parvenir », a-t-il conclu.
Enfin, de son côté, M. Vaverka, de la Suède, a détaillé les travaux de la Commission pour les prochains mois s’agissant du Libéria. La Commission va prêter une attention particulière à la tenue des élections de 2017, afin que celles-ci se déroulent avec succès et contribuent à la consolidation démocratique. Jugeant les efforts de réconciliation encore insuffisants, il a assuré le Gouvernement libérien du soutien de la CCP afin de remédier aux causes profondes du conflit.
S’agissant des décisions futures du Conseil relatives à la présence de l’ONU au Libéria, M. Vaverka a indiqué que la CCP se tiendrait prête à fournir des conseils ciblés sur les priorités de long terme dans le domaine de la consolidation de la paix. Le Président de la formation va se déplacer au Libéria à l’automne pour consulter toutes les parties prenantes, a-t-il affirmé.
« Alors que la mission de maintien de la paix continue de se réduire, nous avons la responsabilité de garantir que l’attention internationale reste portée sur la situation au Libéria, pendant et au-delà de la période de transition, tant en termes de mobilisation d’un soutien financier que d’accompagnement politique », a-t-il affirmé en conclusion.