Deux hauts responsables de l’ONU demandent un soutien international accru pour les pays du bassin du lac Tchad confrontés à la menace de Boko Haram et à une crise humanitaire aiguë
Le Secrétaire général adjoint aux affaires politiques, M. Jeffrey Feltman, et le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, M. Stephen O’Brien, ont insisté, ce matin, devant le Conseil de sécurité, sur les graves défis que doivent relever les pays du bassin du lac Tchad, parmi lesquels une crise humanitaire dramatique –plus de cinq millions de personnes souffrent d’insécurité alimentaire- et les activités du groupe terroriste Boko Haram qui continue de poser une menace pour la stabilité régionale.
Jugeant que ces défis prennent de l’ampleur, ils ont plaidé pour un soutien international à la Force multinationale mixte, qui a récemment fait reculer Boko Haram, et des ressources financières accrues afin de répondre aux besoins humanitaires. Le plan de réponse humanitaire de l’ONU pour la région, qui est estimé à 559 millions de dollars, n’est pour l’instant financé qu’à hauteur de 22%. Leurs appels ont été appuyés par la quasi-totalité des délégations, dont celle du Royaume-Uni qui a évoqué le sort des filles de Chibok enlevées par Boko Haram en 2014. « Avons-nous fait tous les efforts nécessaires depuis deux ans? » a demandé le représentant britannique.
Dans son exposé à l’ouverture de la réunion, le Secrétaire général adjoint aux affaires politiques a mis l’accent sur les avancées enregistrées contre Boko Haram grâce la Force multinationale mixte qui réunit des éléments du Nigéria, du Tchad, du Cameroun, du Niger et du Bénin. « Les opérations offensives de la Force, a-t-il assuré, ont permis de reprendre 80% des zones sous contrôle de Boko Haram, de libérer des milliers de personnes capturées et de prévenir des attaques terroristes. »
Le principal défi de cette Force est un financement très insuffisant, a-t-il poursuivi, en précisant que les fonds libérés ne représentaient que 250 millions dollars des 750 millions de dollars requis. Relayant la vive préoccupation du Président du Tchad à cet égard, M. Feltman a insisté sur le risque que des retards dans la fourniture d’un tel appui ne favorisent la contagion de Boko Haram à d’autres pays. « J’appelle la communauté internationale à appuyer la Force en mobilisant le soutien politique, logistique et financier nécessaire de manière flexible. »
C’est un appel que les délégations du Sénégal, de la Chine et de l’Angola, en particulier, ont réitéré tandis que le délégué de la France a détaillé le soutien « actif » de son pays aux opérations de lutte contre Boko Haram. « Nous apportons du renseignement au profit des pays engagés, un appui logistique au Tchad et au Niger et des équipements, ainsi que des formations à destination des forces camerounaises », a-t-il dit. De son côté, la représentante de la Malaisie a rappelé, à l’instar de M. Feltman, que les enfants utilisés par Boko Haram -près d’un kamikaze sur 5 est un enfant– sont des victimes et doivent être traités en tant que telles.
« Les opérations antiterroristes doivent respecter le droit international », a soutenu M. Feltman, à qui le délégué de l’Égypte a répondu que la Force conduisait ses opérations dans le respect de ce droit. Pour sa part, le représentant de la Fédération de Russie a plaidé pour une « intervention urgente et puissante » dans cette région d’Afrique afin de combattre l’extrémisme violent. « Nous ne parviendrons pas à régler les questions humanitaires sans éliminer Boko Haram », a-t-il prévenu.
« Cette région, qui abrite la crise des personnes déplacées ayant la croissance la plus rapide d’Afrique, nécessite une attention urgente, unie et collective de la communauté internationale », a affirmé M. O’Brien. Il a estimé à plus de neuf millions le nombre de personnes ayant besoin d’une aide, parmi lesquels 2,8 millions sont des déplacés ayant fui les violences. Face à cette situation, les moyens manquent, a affirmé M. O’Brien, en précisant que le plan humanitaire 2016 pour le Nigéria, pays le plus touché, n’était financé qu’à hauteur de 28%. « Les États Membres, a-t-il encouragé, doivent augmenter leurs contributions aux opérations en cours dans la région, rapidement et maintenant. »
Le délégué du Royaume-Uni a indiqué, à ce sujet, que la contribution de son pays au titre de l’aide aux pays de la région s’était élevée à 32 millions de dollars en 2015, avant d’appuyer le déploiement de personnel supplémentaire des Nations Unies. « Le Président de la France, M. François Hollande, a lancé une « initiative Lac Tchad », à l’échelle de la région », a assuré le représentant de ce pays. Le délégué égyptien a, pour sa part, souhaité que la crise humanitaire fasse l’objet de la même attention que les activités de Boko Haram, se ralliant ainsi à la position exprimée par son homologue du Venezuela qui a parlé « d’une crise oubliée ».
Enfin, M. Feltman, à l’instar de nombreuses délégations, a insisté sur la nécessité de s’attaquer aux causes profondes des crises que connaissent les pays de la région, en particulier les griefs politiques et économiques des communautés marginalisées. Comme le souligne le témoignage de cette jeune fille -qui avait été enlevée par Boko Haram à Chibok, avant de réussir à lui échapper- lors de sa rencontre avec l’Ambassadeur Samantha Power, des États-Unis, « je veux revenir à Chibok et rendre le monde fier ».
PAIX ET SÉCURITÉ EN AFRIQUE
Exposés
M. JEFFREY FELTMAN, Secrétaire général adjoint aux affaires politiques, a indiqué que Boko Haram poursuivait ses attaques dans le nord-est du Nigéria, dans le sud-est du Niger, et dans une moindre mesure, dans le nord du Cameroun et dans la région du bassin du lac Tchad. Malgré les louables efforts régionaux pour affaiblir Boko Haram, ce groupe continue de menacer la stabilité régionale, comme l’a montré l’attaque contre la base militaire de Bosso, dans le sud-est du Niger le 3 juin dernier.
Préoccupé par les violations des droits de l’homme dans la région, notamment du fait des Forces de sécurité camerounaises contre les communautés musulmanes du nord du pays, M. Feltman a appelé les pays concernés à s’assurer que le recours à la force respecte le droit international. Les enfants arrêtés pour leurs liens avec Boko Haram doivent être traités en tant que victimes, a-t-il dit. M. Feltman a ensuite rappelé les conséquences dévastatrices pour les économies de la région des activités de Boko Haram, avec une croissance économique en nette baisse et un taux de chômage des jeunes en hausse formant un terreau fertile pour l’enrôlement de nouvelles recrues par Boko Haram.
Revenant d’une tournée dans la région, M. Feltman a indiqué que les offensives de la Force multinationale mixte avaient permis de reprendre 80% des zones sous contrôle de Boko Haram, de libérer des milliers de personnes capturées et de prévenir des attaques terroristes. Le principal défi de cette Force est un financement très insuffisant, a-t-il expliqué, en précisant que les promesses de dons s’élèvent à 250 millions dollars sur les 750 millions de dollars requis. Le renforcement des capacités de la Force est une priorité, a-t-il insisté.
Relayant la vive préoccupation du Président du Tchad à cet égard, M. Feltman a insisté sur le risque que des retards dans la fourniture d’un tel appui ne favorisent la contagion de Boko Haram à d’autres pays. « J’appelle la communauté internationale à appuyer la Force en mobilisant le soutien politique, logistique et financier nécessaire de manière flexible. » Il a ensuite rappelé que les opérations antiterroristes devraient respecter le droit international, en saluant le fait que la Force comprenne des agents chargés de recenser les violations du droit international.
« Bien qu’elle soit nécessaire, une approche militaire ne mettra pas un terme à la menace posée par Boko Haram », a affirmé M. Feltman. Il a indiqué que les pays touchés devraient à la fois remédier aux conséquences humanitaires de la crise mais également s’attaquer à ses causes profondes, en particulier les griefs politiques et économiques des communautés marginalisées. « Les pays du bassin du lac Tchad ont besoin de notre appui pour faire en sorte que les opérations militaires soient suivies de mesures de stabilisation et de restauration de l’autorité de l’État ». Il a rappelé que le deuxième Sommet pour la sécurité régionale du bassin du lac Tchad d’Abuja le 14 mai avait abouti à des recommandations pertinentes, proposant notamment que les pays aient recours aux responsables communautaires et religieux pour empêcher la radicalisation des jeunes. Le Sommet a également souligné les conséquences négatives des changements climatiques sur la région et encouragé les partenaires à protéger les ressources hydrauliques du lac Tchad.
« L’ONU est prête à appuyer les pays du bassin du lac Tchad pour faire face aux conséquences et aux causes profondes de la crise Boko Haram », a assuré M. Feltman. Il a conclu en encouragent les dirigeants de la Communauté économique des États de l’Afrique Centrale (CEEAC) et de la Communauté économique des pays d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) à tenir leur Sommet ministériel commun sur Boko Haram, qui est prévu de longue date, afin d’adopter une stratégie régionale commune pour répondre à la crise.
M. STEPHEN O’BRIEN, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, a indiqué que le bassin du lac Tchad, « cette région qui abrite la crise des personnes déplacées ayant la croissance la plus rapide d’Afrique », nécessite une attention urgente, unie et collective de la communauté internationale. Il a expliqué que la violence et la brutalité la plus odieuse et barbare, perpétrée par Boko Haram, avaient conduit à des déplacements forcés massifs de populations, à des violations flagrantes des droits de l’homme, à de graves perturbations des moyens d’existence, et à des besoins humanitaires sans précédents pour une région qui connaissait déjà une vulnérabilité endémique.
Au cours de sa visite, en mai dernier, au nord-est du Nigéria et au sud-est du Niger, ainsi que dans les capitales de ces deux pays, a-t-il rappelé, il avait pu constater que l’insécurité généralisée avait renforcé la vulnérabilité des communautés dans cette région fragile qui était déjà confrontée aux conditions climatiques des plus sévères, à la désertification progressive ou à la dégradation de l’environnement, y compris l’assèchement massif du lac Tchad qui est commun aux quatre pays. Il a relevé que les capacités de réponse des autorités nationales et locales ne permettaient pas de répondre à l’ampleur de la crise humanitaire.
Plus de 9 millions de personnes ont besoin d’aide dans cette région du lac Tchad, a-t-il affirmé. Parmi eux, quelque 2,8 millions de personnes ont été contraintes de fuir les violences. Nombreux parmi elles vivent dans des camps dans des conditions lugubres, alors que d’autres vivent au sein des communautés locales qui sont parmi les plus pauvres et les plus vulnérables au monde. Il a expliqué que ces gens vivaient dans le Sahel qui connaît une sécheresse chronique et l’insécurité alimentaire, exposant ainsi la vie de plus d’un million d’enfants à des risques. Des agriculteurs ont utilisé les semences préservées pour les semis futurs afin de nourrir les gens qu’ils ont accueillis. Des centaines de milliers d’agriculteurs ont ainsi déjà manqué trois années de récoltes et ils n’ont plus de semences, ni de revenus.
M. O’Brien a souligné que des routes d’approvisionnement d’importance cruciale avaient été perturbées, causant une insécurité alimentaire à plus de 5,2 millions de personnes. Il a fait part du témoignage des populations locales qui disent n’avoir jamais vécu une situation pareille auparavant. Les enfants sont particulièrement vulnérables, notamment le 1,7 million qui sont déplacés dans la région du lac Tchad. Ils sont exposés à des risques d’enlèvement et de recrutement forcé par Boko Haram qui les enrôle parmi ses combattants ou les utilisent comme kamikazes. De janvier à juin 2016, plus de 50 enfants ont été forcés de mener des attaques-suicide dans quatre pays. En outre, l’exploitation et les abus sexuels augmentent, et les femmes et les filles sont de plus en plus la cible et servent d’esclaves sexuelles.
Le Nigéria porte le poids de cette crise malgré les efforts des autorités pour faire face à la catastrophe. Sept des 9 millions de personnes touchées dans la région du lac Tchad se trouvent au Nigéria. Les agences humanitaires ont accès à de nouvelles zones après que l’armée nigériane en a repris le contrôle. Ce qu’on y constate est profondément choquant, a-t-il expliqué en soulignant que des communautés affectées étaient sur le point de manquer de nourriture. « Il n’y a pas de temps à perdre », a-t-il clamé en notant que la période de soudure qui met des millions de gens de la région en risque de famine et de malnutrition chaque année autour du lac Tchad a déjà commencé.
Dans l’État du Borno au Nigéria, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) a rapporté que 244 000 enfants souffrent de malnutrition sévère, et le cinquième de ces enfants risque de mourir cette année s’ils ne reçoivent pas de soin. Cela ferait 134 enfants qui mourraient chaque jour du fait de conditions évitables, a plaidé le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence. « Nous pouvons y mettre un terme, avec de la volonté, de l’argent, le sens de l’urgence et de la coordination », a—t-il proposé.
Il a ensuite rappelé que le Niger compte 160 000 personnes déplacées dans la région de Diffa. Le Niger est le pays le plus pauvre du monde et, vivant avec pratiquement rien, les populations ont tout de même accueilli les personnes déplacées dans leurs maisons, partageant avec elles leur maigre pitance. « J’ai pu le constater, avec humilité et une totale admiration au cours de ma visite dans la localité de Diffa où j’ai rencontré Fatimah qui a accueilli volontairement deux familles de 11 personnes chez elle », a-t-il dit. Au Tchad, 60 000 personnes sont déplacées et des dizaines de milliers d’autres n’ont pas encore été enregistrées comme telles. Dans la région de l’extrême-nord du Cameroun, le nombre de personnes qui ont besoin d’assistance nutritionnelle a quadruplé depuis juin 2015, atteignant ainsi 200 000 aujourd’hui. M. O’Brien a noté que les trois départements de l’est du Cameroun vivaient déjà dans l’insécurité alimentaire avec l’afflux de 250 000 réfugiés venant de la République centrafricaine au cours des deux dernières années et peu nombreux sont ceux qui ont pu retourner dans leur pays d’origine.
Le Coordonnateur des secours d’urgence a par ailleurs affirmé que malgré l’insécurité ambiante, les acteurs humanitaires avaient renforcé leurs actions dans la région. Depuis janvier 2016, l’équipe humanitaire pays du Nigéria a pu offrir des soins de santé ambulatoires à deux millions de personnes, notamment dans le nord-est du Nigéria, dont 91 500 personnes dans l’État de Borno où les autorités ont pu rétablir leur présence. En fin du mois de juin dernier, le Programme alimentaire mondial (PAM) avait pu distribuer des suppléments alimentaires à 54 000 enfants, et il entend atteindre un million de personnes cette année. Les agences humanitaires adoptent une approche régionale, et la semaine dernière par exemple, les équipes pays du Cameroun et du Nigéria coordonnent leurs efforts pour apporter une assistance transfrontalière vitale dans la localité de Banki au Nigéria où vivent plus de 20 000 personnes déplacées, ces dernières étaient privées d’aide depuis l’année dernière. Il a fait observer qu’il ne s’agit plus seulement d’une question de sécurité, mais davantage d’une catastrophe humanitaire qui devient une priorité sécuritaire.
La protection doit être au cœur de la réponse humanitaire, particulièrement pour les femmes et enfants qui font face à un risque accru d’exploitation et d’abus sexuels. Il a rappelé que le mois dernier, les gouvernements du Nigéria, du Cameroun, du Tchad et du Niger avaient tenu un dialogue régional sur la protection au cours duquel ils sont convenus de prendre des actions globales pour renforcer la protection et répondre aux besoins les plus urgents des réfugiés, des personnes déplacées et autres populations affectées. Malgré les efforts consentis Par les autorités régionales et les acteurs humanitaires afin de renforcer l’aide, ces moyens n’égalent pas le niveau des besoins. Le plan humanitaire 2016 du Nigéria n’a été financé qu’à 28%, tandis que ceux du Niger, du Cameroun et du Tchad sont tout aussi sous-financés. M. O’Brien a appelé de nouveau les États Membres à augmenter leurs contributions aux opérations en cours dans la région le plus rapidement possible. Les équipes humanitaires de ces quatre pays ont mis en place, en début de mois, un plan d’assistance de 90 jours, appelant à un financement de 221 millions de dollars pour la période de juillet à fin septembre. Il a promis un renforcement de la réponse humanitaire, notamment par le déploiement de personnels supplémentaires, l’établissement de centres opérationnels, la mobilisation d’articles de secours et le déploiement d’ONG internationales qui sont centrales à la réponse.
« Nous avons besoin de renforcer l’attention de la communauté internationale sur cette crise négligée, a souligné M. O’Brien, en suggérant qu’il faille passer de la délivrance de l’aide à l’étape de la fin des besoins comme l’avait recommandé le Sommet humanitaire mondial. Cela signifie que tout en acheminant l’aide, des efforts concertés sont menés avec les acteurs politiques pour faire face aux causes profondes de la violence. À cet effet, il faudrait œuvrer de concert avec les partenaires au développement afin de cibler les facteurs de vulnérabilité dans la région. Le Coordonnateur des secours d’urgence a aussi noté que les quatre pays de la région faisaient de leur mieux pour assurer la sécurité de leurs citoyens, mais qu’ils ne pouvaient le faire seuls et avaient donc besoin du soutien de la communauté internationale pour s’acquitter de cette responsabilité. « Je vous exhorte aujourd’hui à ne pas décevoir les gens vivant dans les pays situés autour et dans le bassin du lac Tchad », a-t-il conclu.
Déclarations
« Nous avons tous demandé le retour des filles de Chibok, mais avons-nous fait tous les efforts nécessaires depuis deux ans? » a demandé M. MATTHEW RYCROFT (Royaume-Uni). Les malheurs de la population dans la région du lac Tchad sont incompréhensibles, a-t-il dit, en précisant que 250 000 enfants souffrent de malnutrition et qu’un sur 5 mourra sans action urgente. Il a appuyé le travail fait par l’ONU, y compris ses efforts pour mieux faire comprendre les défis rencontrés par les communautés de la région. Il faut accroître l’acheminement de l’aide et mettre la main à la poche, a-t-il affirmé, en précisant que son pays avait contribué à hauteur de 32 millions de dollars en 2015 au titre de l’aide aux pays de la région. Le Royaume-Uni a également appuyé le déploiement de personnel supplémentaire des Nations Unies. La protection doit être au cœur de notre intervention, a-t-il dit, avant d’appeler les acteurs à remédier aux violations des droits des personnes déplacées. Enfin, le délégué a insisté sur la nécessité de remédier aux causes profondes de la crise, ce qui implique de vaincre Boko Haram, de mettre l’accent sur l’autonomisation des femmes, de promouvoir l’état de droit et de lutter contre la propagande extrémiste.
M. IHAB MOUSTAFA AWAD MOUSTAFA (Égypte) a insisté sur les multiples défis que doit relever la région du bassin du lac Tchad, parmi lesquels l’insécurité alimentaire et les changements climatiques. Il a appuyé les efforts des pays membres de la Force multinationale mixte contre Boko Haram et insisté sur la nécessité urgente de vaincre ce groupe. La Force a conduit ses opérations conformément au droit international, a-t-il dit, avant d’appeler la communauté internationale à la soutenir. Il a assuré que le centre contre le terrorisme qui sera bientôt mis en place au Caire apportera une contribution précieuse, en offrant des solutions africaines à des problèmes africains. Il a appelé à suivre une approche d’ensemble pour remédier à la détérioration de la crise humanitaire. Cette crise doit recevoir la même attention que la crise politique, a-t-il estimé. Le délégué a indiqué que son pays était prêt à renforcer sa coopération avec les pays de la région.
M. JULIO HELDER MOURA LUCAS (Angola) a insisté sur les triples défis que doit relever la région, à savoir le défi des changements climatique, le défi de la crise humanitaire et le défi de la radicalisation des jeunes. Il a insisté sur le déclin des capacités hydrauliques du lac Tchad. La Commission du bassin du Lac Tchad a pour objectif de contrôler l’utilisation de l’eau et conduit un projet ambitieux de régénération du lac Tchad grâce à un transfert d’eaux, a-t-il indiqué, en appelant la communauté internationale à appuyer ce projet. Les pays de la région du bassin du lac Tchad ne sont plus en mesure d’assurer la subsistance des communautés vivant aux alentours du lac Tchad, a-t-il prévenu. Le délégué a indiqué qu’une approche régionale robuste était nécessaire contre Boko Haram, en précisant que ce groupe était toujours actif malgré les revers essuyés à la suite des opérations de la Force multinationale mixte. Il a affirmé que l’ampleur de la crise humanitaire exigeait une attention accrue de la communauté internationale. Les États du bassin du lac Tchad doivent conjuguer leurs efforts pour lutter contre Boko Haram et donner des perspectives d’avenir à des communautés désespérées, a conclu le délégué de l’Angola.
M. ALEXIS LAMEK (France) s’est dit très préoccupé par la dégradation de la situation humanitaire dans les pays du bassin du lac Tchad. « Les besoins sont immenses alors que les conditions de travail des acteurs humanitaires demeurent particulièrement difficiles et que Boko Haram, malgré les progrès réalisés, est très loin d’être vaincu », a-t-il fait remarquer. La menace touche près de 20 millions de personnes et le nombre des personnes déplacées a triplé depuis deux ans, a-t-il précisé. « Il s’agit de la crise de déplacement de population en plus forte croissance en Afrique. »
Affirmant que Boko Haram devrait être combattu avec la plus grande fermeté, il a indiqué que la France soutenait activement les opérations de lutte contre Boko Haram menées par les pays de la région. « Nous apportons du renseignement au profit des pays engagés, un appui logistique au Tchad et au Niger, nous fournissons des équipements ainsi que des formations à destination des forces camerounaises », a-t-il indiqué.
Soulignant que ces opérations ont fait la preuve de leur efficacité, M. Lamek a précisé que Boko Haram ne contrôlait plus, aujourd’hui, de territoire, et s’était replié sur ses zones refuges. « Il s’agit de succès importants qui doivent beaucoup à l’action des forces militaires du Tchad et du Nigéria », a-t-il dit, tout en prévenant que la lutte contre Boko Haram était loin d’être terminée. « L’offensive des pays de la région va se poursuivre et il est de notre devoir de la soutenir. » Il est également essentiel que la lutte contre Boko Haram s’accompagne de politiques de développement des régions affectées, sans quoi, « ce mouvement criminel continuera à prospérer sur la pauvreté et le sentiment d’exclusion dont il se nourrit », a recommandé M. Lamek. La France, là aussi, est engagée, et le Président de la République, M. François Hollande, a lancé une « initiative Lac Tchad », à l’échelle de la région, a-t-il assuré avant de conclure.
M. FODÉ SECK (Sénégal) a indiqué que la coopération interétatique autour de l’eau était l’une des priorités de son pays. Le rétrécissement drastique de la surface du Lac Tchad, du fait des changements climatiques et de la sécheresse notamment, est dramatique, s’est-il inquiété. Le délégué du Sénégal a appuyé la riposte concertée, avec l’appui de l’Union africaine, des pays de la région contre Boko Haram, riposte qui a commencé à porter ses fruits. Beaucoup reste néanmoins à faire et ces pays ont besoin de l’appui de la communauté internationale, a-t-il affirmé. Le représentant a ainsi plaidé pour une solution robuste à la crise des personnes déplacées, lesquelles « se comptent par millions », et à l’insécurité alimentaire aiguë. Il a plaidé, à cet égard, pour une harmonisation des initiatives des différents acteurs et rappelé que les participants du Sommet sur la sécurité régionale du bassin du Lac Tchad d’Abuja avaient convenu de mesures pour apporter plus de protection aux habitants du bassin. Enfin, le délégué a plaidé pour une mobilisation accrue des ressources financières nécessaires pour remédier aux défis que connaît la région.
Mme SAMANTHA POWER (États-Unis) a fait part des « histoires terribles » que lui ont racontées certaines personnes déplacées qu’elle a rencontrées lors d’une tournée dans la région. Des efforts militaires sont nécessaires pour combattre Boko Haram, a-t-elle estimé, en soulignant le rôle croissant que joue la Force multinationale mixte. Tout en saluant le consensus international autour de la menace posée par Boko Haram, elle a regretté que trop peu de pays soutiennent les efforts contre ce groupe terroriste et appelé les États Membres à en faire davantage.
Les abus des forces de sécurité, a prévenu Mme Power, risquent d’entraîner un rejet parmi les civils, faisant ainsi le jeu de Boko Haram. Elle a ensuite dit son indignation devant les tactiques utilisées par Boko Haram, telles que l’utilisation de jeunes filles kamikazes. La situation dans les camps de personnes déplacées, notamment dans l’État de Borno, au Nigéria, est dramatique, a-t-elle expliqué, avant de déplorer les promesses de fonds insuffisantes pour y faire face. La lutte contre la radicalisation et l’extrémisme violent est une entreprise de longue haleine, a-t-elle prévenu. Des forces de sécurité qui sont responsables de leurs actes et des dirigeants religieux modérés sont, a-t-elle dit, des éléments essentiels de cette lutte. Avant de conclure, elle a livré au Conseil ce que lui a dit une des filles de Chibok ayant réussi à échapper aux griffes de Boko Haram: « je veux revenir à Chibok et rendre le monde fier ».
M. JUAN MANUEL GONZÁLEZ DE LINARES PALOU (Espagne) s’est inquiété de ce que les violences dans la région du bassin du lac Tchad sont en train de devenir un phénomène chronique. Il a estimé que la crise humanitaire actuelle appelle une réaction holistique. Il a ainsi mis l’accent sur trois questions spécifiques que sont l’extrémisme violent, les conséquences des changements climatiques et les migrations. S’agissant de la lutte contre l’extrémisme violent, il a salué la coopération entre le Tchad, le Cameroun, le Niger et le Nigéria dans le cadre de la Force multinationale qui combat Boko Haram. Il a souligné l’urgence de démanteler les réseaux de traite dont les femmes et les filles sont victimes et la nécessité de garantir la sécurité dans et autour des camps. Pour ce qui est des changements climatiques, il a rappelé qu’il s’agissait là d’un des principaux défis de la région. Il a fait sienne la récente recommandation du Directeur du Comité contre le terrorisme d’examiner l’impact des changements climatiques sur la vulnérabilité des populations face aux agissements des groupes terroristes, dont le recrutement. Enfin, il a attiré l’attention sur les conséquences des activités de Boko Haram sur les migrations et le déplacement de populations qui viennent gonfler le nombre de candidats à la migration vers l’Europe.
M. WU HAITAO (Chine) a salué les progrès réalisés par la Force multinationale. Il a jugé indispensable pour la communauté internationale d’appuyer les pays africains dans leurs efforts de lutte contre le terrorisme. « La communauté internationale devrait appuyer activement les efforts visant à renforcer les capacités des pays africains à cette fin en respectant leur souveraineté nationale », a insisté le représentant de la Chine. En outre, il a estimé qu’il était nécessaire de renforcer la coopération avec les organisations régionales et sous-régionales et en citant l’Union africaine, la CEDEAO et la Commission du bassin du Lac Tchad et développer les synergies et moyens permettant d’apaiser les tensions dans la région. Il est important, a-t-il souligné, d’aider les pays de la région à s’attaquer aux causes profondes des conflits en respectant la souveraineté nationale de ces pays. La Chine, au cours de sa présidence du Conseil de sécurité en janvier dernier, avait encouragé l’adoption d’une déclaration présidentielle sur la piraterie dans le golfe de Guinée.
M. YURIY VITRENKO (Ukraine) a affirmé que la crise humanitaire dans le bassin du lac Tchad continuait de déstabiliser toute la région de l’Afrique de l’Ouest. L’aide humanitaire doit être acheminée là où les besoins sont les plus pressants, notamment dans l’État de Borno, au Nigéria, qui compte plus d’un million de personnes déplacées, a-t-il insisté. L’appel d’action humanitaire de l’ONU de 559 millions de dollars n’a recueilli, à ce jour, que 22% des fonds, a regretté le représentant, en encourageant les donateurs à appuyer les efforts de l’ONU. Les activités terroristes de Boko Haram sapent les efforts internationaux et régionaux visant à assister les pays touchés, a-t-il affirmé. L’Ukraine, a-t-il poursuivi, recommande l’adoption et la mise en œuvre de programmes nationaux de lutte contre l’extrémisme violent « cohérents ». Le délégué de l’Ukraine a souhaité, avant de conclure, que la visite de haut niveau du Comité contre le terrorisme dans le bassin du lac Tchad en octobre prochain mette l’accent sur le renforcement de la coopération entre la communauté internationale et les pays de la région.
Mme SITI HAJJAR ADNIN (Malaisie) s’est dite préoccupée par la détérioration de la situation humanitaire pour les près de 50 millions de personnes qui vivent dans la région du bassin du lac Tchad. Boko Haram a exacerbé cette détérioration, a-t-elle regretté, avant de souhaiter un soutien international accru aux pays engagés dans la lutte contre ce groupe extrémiste. Elle a salué les opérations menées par la Force multinationale mixte, ainsi que le partage des renseignements entre les pays de la région. Cette Force est un exemple d’une coopération internationale fructueuse, malgré les critiques qu’elle a essuyées, a-t-elle estimé. Les États Membres, a-t-elle dit, doivent répondre aux besoins de cette Force.
La déléguée a précisé que 1,3 million d’enfants avaient été déplacés à la suite des attaques perpétrées par Boko Haram ou enlevés par ce groupe terroriste. Tous les enfants déplacés, a-t-elle cependant assuré, continuent de recevoir une éducation. Près d’un kamikaze sur 5 utilisé par Boko Haram est un enfant, s’est-elle indignée. Ces enfants sont des victimes de Boko Haram et les pays de la Force doivent les protéger en tant que telles, a-t-elle insisté. En conclusion, la représentante de la Malaisie a réaffirmé l’engagement de son pays à participer aux efforts visant à répondre à la situation difficile qui prévaut actuellement dans la région du bassin du lac Tchad.
M. RAFAEL DARÍO RAMÍREZ CARREÑO (Venezuela) a cité la pauvreté, la sécheresse, les affrontements entre les communautés et les activités de Boko Haram parmi les principaux défis que la région doit relever. La menace à la sécurité que pose Boko Haram est venue aggraver une situation humanitaire très fragile, a-t-il fait remarquer, avant d’exiger que toutes les personnes prisonnières de ce groupe extrémiste soient libérées. La crise qui secoue la région, et qui est « souvent oubliée dans les médias », mérite l’attention de la communauté internationale, a regretté le représentant du Venezuela, qui a demandé que les pays honorent leurs promesses de fonds.
Le représentant a ensuite salué les avancées enregistrées contre Boko Haram grâce à l’action de la Force multinationale mixte et appelé à la consolidation de la stratégie de lutte contre ce groupe extrémiste. Il a espéré que les résultats du Sommet sur la sécurité régionale du bassin du lac Tchad d’Abuja auront l’effet escompté. Le délégué a appelé les pays de la région à promouvoir des stratégies gouvernementales de développement inclusives et plaidé pour un renforcement international des capacités de ces derniers. Une solution militaire ne pourra pas vaincre le terrorisme, a prévenu M. Ramírez Carreño, en soulignant qu’il était nécessaire de s’attaquer aux causes structurelles de la violence.
M. LUIS BERMÚDEZ (Uruguay) a déclaré que la crise à laquelle sont confrontés les pays de la sous-région du bassin du lac Tchad résulte de la combinaison de très nombreux facteurs conjoncturels qui viennent aggraver les défis structurels des pays touchés. Rappelant que 2,6 millions de personnes sont déplacées et 3,8 millions vivent actuellement une situation d’insécurité alimentaire aiguë, il a souligné qu’il était urgent de s’attaquer aux causes profondes de cette crise et de trouver les moyens de renforcer la résilience des pays concernés. Le représentant de l’Uruguay a salué toutes les mesures d’urgence prises pour aider ces populations avant d’appeler à continuer de renforcer les capacités du Tchad, du Cameroun, du Niger et du Nigéria de s’attaquer aux phénomènes qui nourrissent cette crise.
M. VLADIMIR K. SAFRONKOV (Fédération de Russie) s’est dit choqué par la capacité de Boko Haram de faire régner le chaos au Tchad, au Cameroun, au Niger et au Nigéria. Pour combattre cet extrémisme violent, une « intervention urgente et puissante » est nécessaire dans cette région d’Afrique. « Nous ne parviendrons pas à régler les questions humanitaires sans éliminer Boko Haram », a prévenu le représentant russe. Il s’est néanmoins félicité des efforts obtenus à ce jour par la Force multinationale créée par la Commission du bassin du Lac Tchad. Il a salué la proposition de créer un fonds pour la lutte contre le terrorisme en Afrique.
M. PHILLIP TAULA (Nouvelle-Zélande) s’est dit très préoccupé par les quelque 2,4 millions de personnes déplacées à cause de Boko Haram, dont la majorité est constituée de femmes et d’enfants. Il a salué les gains militaires de la Force multinationale mixte et de l’armée nigériane contre Boko Haram. Il a aussi salué le renforcement de la collaboration militaire entre les pays du bassin du lac Tchad, avant d’ajouter que la Nouvelle-Zélande encourageait des solutions régionales aux questions régionales. Un financement adéquat de cette Force est crucial, a-t-il rappelé. Le représentant a noté qu’une réponse militaire ne représentait qu’une partie de la solution contre Boko Haram, et qu’il faudrait également cibler les conditions qui ont permis à l’extrémisme de s’établir dans la région, y compris la marginalisation économique et politique, l’accès limité à l’éducation, le manque d’opportunités économiques et d’emplois et l’insécurité alimentaire.
M. KORO BESSHO (Japon) a jugé que les opérations de la Force multinationale mixte étaient vitales pour la stabilité de la région du bassin du lac Tchad. « Ce n’est que grâce à des opérations efficaces que les communautés vulnérables pourront recevoir une aide humanitaire ». Il a appelé l’ONU, les organisations régionales et sous-régionales, les gouvernements et les donateurs à œuvrer ensemble pour restaurer les moyens de subsistance de ces communautés sur le long terme tout en appuyant les actions humanitaires d’urgence. Il a ensuite insisté sur les conséquences dévastatrices des activités violentes de Boko Haram, en particulier les conséquences économiques. « À Diffa, au Niger, le commerce des spécialités locales telles que les poissons séchés et les piments sont interdits par crainte que les revenus afférents ne financent les activités de Boko Haram ». En conclusion, M. Bessho a appelé la communauté internationale à pourvoir aux besoins immédiats de la région et à soutenir les efforts à long terme pour instaurer une paix durable.