La victoire de Fallouja est une nouvelle preuve que les Iraquiens peuvent vaincre Daech, déclare le représentant spécial
« Les récentes victoires stratégiques enregistrées contre Daech, à Fallouja et à Qayyarah, et les progrès accomplis pour isoler ses forces à Hawjia ont, une nouvelle fois, démontré que les Iraquiens étaient capables de vaincre Daech », a déclaré, aujourd’hui, devant le Conseil de sécurité, le Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Iraq, M. Ján Kubiš, qui a appelé à un soutien international accru en faveur de ce pays, situé « à un tournant de son histoire ».
M. Kubiš, qui est également Chef de la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq (MANUI), a néanmoins averti que Daech était toujours en mesure de conduire des attaques dévastatrices, comme celles récemment perpétrées à Bagdad. « Heureusement, celles–ci n’ont, jusqu’à présent, pas réussi à rallumer les tensions sectaires », a-t-il dit, en appelant les responsables iraquiens à passer un compromis historique pour que « la phase post-Daech soit plus stable et prospère » que la précédente.
Cette séance s’était ouverte par une minute de silence à la mémoire des victimes de l’attentat de Nice, en France, une « attaque terroriste barbare et lâche », comme l’a qualifiée le représentant du Japon et Président du Conseil pour le mois de juillet, ainsi qu’à celle des victimes des attentats qui ont frappé ce mois-ci le Bangladesh, l’Iraq et l’Arabie saoudite.
M. Kubiš, qui présentait deux rapports du Secrétaire général, le premier* en application de la résolution 2107 (2013), le second** en vertu de la résolution 2233 (2015), a précisé que la libération de Mossoul était désormais le prochain objectif. Alors que les préparatifs s’accélèrent, le Premier Ministre Haider el-Abadi a donné la priorité aux opérations humanitaires appuyées par l’ONU et demandé à la communauté internationale de fournir le financement nécessaire, a-t-il affirmé.
Le Gouvernement et les acteurs locaux doivent accélérer leurs efforts pour préparer politiquement « l’après-libération », en remédiant aux questions de gouvernance, d’état de droit et d’ordre public à Mossoul, a-t-il poursuivi, en notant la coordination accrue à cet égard entre Bagdad et Erbil. Il a précisé que l’assistance internationale devait être pleinement coordonnée avec le Gouvernement iraquien et respecter la souveraineté de l’Iraq.
Le Représentant spécial a indiqué que des manifestations antigouvernementales avaient eu lieu la semaine dernière en réponse à la détérioration de la situation sécuritaire à Bagdad suite aux attaques terroristes, notamment à Karrada le 3 juillet, qui ont fait des centaines de victimes civiles. « Les appels répétés, appuyés par de nombreux responsables politiques, d’exécuter, à titre de représailles, les auteurs de ces attaques terroristes sont une source de préoccupation », a dit M. Kubiš.
Il a souligné la nécessité pour les responsables iraquiens, en particulier le Conseil des représentants, de privilégier les efforts de réconciliation sur la base d’une vision unique et d’une approche coordonnée, afin que la phase post-Daech soit plus stable, sûre et prospère que la précédente. « La paix durable et la sécurité ne pourront être réalisées qu’avec un compromis historique qui mettra un terme aux facteurs politiques de division que sont l’intolérance, l’inégalité et l’injustice sociale et politique. »
Revenant sur la prise de Fallouja, le Représentant spécial a indiqué que le Gouvernement iraquien avait donné, lors des opérations, une priorité sans précédent à la protection des civils. Il a loué la décision du Premier Ministre de ralentir les opérations lors de la première semaine, permettant à 90 000 personnes de s’enfuir.
La MANUI a néanmoins reçu des informations crédibles de violations des droits de l’homme et de crimes, y compris des actes de torture et des assassinats, depuis l’opération militaire de Fallouja le 22 mai, a précisé M. Kubiš.
Il a jugé essentiel que le Comité d’investigation, mis sur pied par le Premier Ministre Abadi le 6 juin, fasse toute la lumière sur ces violations, y compris la disparition d’hommes et de garçons, dans la région de Al Sejar et à Saqlawiyah. Les leçons de Fallouja devront être prises en compte lors des préparatifs des opérations de libération de Mossoul, a affirmé le Représentant spécial.
« La reprise de Fallouja ne doit pas laisser planer un doute sur la capacité restante de Daech à conduire des attaques dévastatrices en plusieurs points du territoire, malgré ses pertes en hommes et en territoire et une structure de commandement, un appui local et un moral amoindris », a averti le Chef de la MANUI. Tandis que le projet de gouvernance de Daech est en train de s’effondrer, ce dernier a de plus en plus recours à des tactiques d’insurrection brutale, telles que l’usage d’attentats-suicide, a-t-il poursuivi.
M. Kubiš a identifié une nouvelle tendance à l’œuvre, consistant en un terrorisme urbain, à forte dimension sectaire, mené contre des civils et des infrastructures. Si ces attaques n’ont pas réussi à rallumer les tensions sectaires, il a rappelé que les institutions et organes de l’État avaient la responsabilité d’assurer l’état de droit et l’ordre « pour tous les Iraquiens ».
« Avec les progrès enregistrés dans les combats contre Daech, réformer les institutions sécuritaires iraquiennes et faire en sorte que l’État contrôle pleinement les groupes armés deviennent les priorités », a-t-il dit.
Le Représentant spécial a, en outre, souligné que la situation humanitaire s’était détériorée depuis l’opération militaire de Fallouja, précisant que plus de 10 millions d’Iraquiens avaient désormais besoin d’une assistance humanitaire, y compris les 3,4 millions d’Iraquiens déplacés par l’essor de Daech en 2014. « Trente-huit pour cent seulement de l’appel humanitaire de 861 millions de dollars en 2016 est financé », a-t-il regretté.
Il a déclaré que la libération de Mossoul donnerait lieu à « l’opération humanitaire la plus importante et la plus sensible de 2016 ». Chiffrant cette opération à 1 milliard de dollars, il a jugé vital que les ressources soient d’ores et déjà mobilisées pour en financer les préparatifs. Le Représentant spécial a également chiffré à 300 millions de dollars sur les trois prochaines années la somme nécessaire pour déminer les zones nouvellement libérées.
M. Kubiš a salué la « nouvelle dynamique en cours » s’agissant du dossier du rapatriement et du retour de tous les nationaux du Koweït et d’États tiers ou de leurs dépouilles et de la restitution des biens koweïtiens.
« Le Gouvernement iraquien doit respecter ses obligations internationales et veiller à parvenir à des résultats tangibles », a affirmé le Représentant spécial.
De son côté, le représentant de l’Iraq, M. Mohamad Ali Alhakim a également salué la reprise, par les forces iraquiennes, de la ville de Fallouja. Il a relevé que les forces gouvernementales étaient à pied d’œuvre afin de déminer les alentours de la ville et permettre, ainsi, le retour de la population civile. Il a cité un certain nombre de villes qui ont récemment été reprises aux mains des terroristes avec l’assistance de la coalition internationale, précisant que 60% du territoire qui était aux mains de Daech a été libéré.
Le délégué iraquien a souligné que l’objectif prochain était la libération de la ville de Mossoul. Dans les zones libérées, le Gouvernement iraquien, avec l’aide de la coalition internationale, a établi des plans pour y rétablir la stabilité, la sécurité et fournir les services de base, afin d’y faciliter le retour des populations déplacées, a—t-il expliqué. Il s’est félicité du fait que plus de 726 000 Iraquiens aient pu retourner dans leur domicile dans des zones libérées de l’emprise de Daech.
Il a déploré le fait que certains médias participent à la désinformation en servant la cause de Daech. Il a en outre appelé les États à agir pour mettre fin au flux des combattants terroristes étrangers qui viennent de plus de 120 États Membres de l’ONU et à tarir les sources de financement des terroristes, notamment la contrebande des antiquités et le commerce illégal du pétrole iraquien, des activités menées à travers la frontière avec la Turquie.
M. Alhakim a appelé les pays de la région à engager des mesures fermes à l’encontre de tous ceux qui soutiendraient financièrement les terroristes. Il a ainsi rappelé que l’Iraq avait transmis une requête formelle auprès du Gouvernement d’Arabie saoudite afin de faire la lumière sur des activités prétendument sociales et religieuses, menées en Arabie saoudite en faveur d’enfants iraquiens, mais qui seraient en fait des moyens de financer les groupes terroristes tels que Daech. Il a de nouveau appelé le Conseil de sécurité à inviter la Turquie à retirer ses troupes d’Iraq, celles-ci s’y trouvant sans l’accord formel des autorités iraquiennes.
Le représentant a par ailleurs indiqué que son gouvernement faisait des « efforts extraordinaires » afin de régler la question des personnes et des archives koweïtiennes disparues. Il a affirmé que les autorités iraquiennes avaient procédé à 1 300 opérations d’excavation dans la localité d’al-Kumaisia, mais ces dernières se sont avérées infructueuses. Il est donc important de réévaluer les paroles des témoins, a-t-il relevé, appelant de nouveaux témoins éventuels à se rapprocher des autorités iraquiennes.
Il a aussi fait part de sa gratitude aux autorités koweitiennes qui ont prorogé la date butoir de payement de la compensation de 4,6 milliards de dollars que leur doit l’Iraq au 1er janvier 2018.
Enfin, le délégué a souhaité que le mandat de MANUI soit renouvelé pour une année de plus.
* S/2016/590
** S/2016/592