En cours au Siège de l'ONU

7734e séance – matin
CS/12439

M. Hervé Ladsous présente les recommandations du Secrétariat pour adapter la MINUSCA au délicat contexte post-transition en République centrafricaine

Le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, M. Hervé Ladsous, a, aujourd’hui, recommandé au Conseil de sécurité de renouveler le mandat de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA) et de lui assigner comme objectif stratégique essentiel la réduction de la présence des groupes armés dans le pays.

« Malgré les gains de la transition, la République centrafricaine continue de faire face à des défis considérables, y compris un climat sécuritaire qui reste fragile et réversible », a expliqué M. Ladsous, qui présentait le rapport spécial du Secrétaire général sur l’examen stratégique de la MINUSCA*, rédigé à la suite de la mission conduite du 7 au 17 mai 2016 en République centrafricaine par une équipe du Secrétariat.

Il a également exhorté la communauté internationale à ne pas répéter les erreurs du passé, à appuyer les efforts des nouvelles autorités élues afin « de bâtir sur les gains acquis jusqu’à présent » et à s’assurer que la MINUSCA soit « la dernière opération de maintien de la paix des Nations Unies déployée en République centrafricaine ».  Un constat partagé par le Président de la formation « République centrafricaine » de la Commission de consolidation de la paix (CCP) et le Président du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 2127 (2013) qui se sont également exprimés.

Dans son rapport, le Secrétaire général recommande que le mandat de la MINUSCA soit prorogé de 18 mois, jusqu’au 31 janvier 2018, et que la Mission conserve le même effectif maximum autorisé de 10 750 militaires, 2 080 policiers, -dont 1 680 membres d’unités de police constituées-, et 108 agents pénitentiaires.  Il formule également des recommandations afin de s’assurer que la Mission soit configurée de manière appropriée et adaptée au contexte post-transition en République centrafricaine.

« La protection des civils et la création de conditions propices à l’acheminement de l’aide humanitaire ainsi qu’au retour des réfugiés et des personnes déplacées internes doivent rester des tâches prioritaires de la Mission », a affirmé M. Ladsous.  Il a indiqué que, dans le même temps, l’objectif stratégique le plus important pour la MINUSCA au cours des deux ou trois prochaines années devrait être le soutien à la réduction durable de la présence des groupes armés.

Pour atteindre cet objectif stratégique, la Mission devrait donner la priorité au développement d’une approche approfondie visant à remédier à la présence des groupes armés, y compris en appui du processus de dialogue initié par le Président centrafricain avec les groupes armés.  Elle devrait également contribuer à la mise en œuvre du programme de désarmement, de démobilisation, de rapatriement et de réintégration, des projets de réduction de la violence de proximité, ainsi qu’à la réforme du secteur de la sécurité.

M. Ladsous a précisé que cette tâche aurait pour implication que la Mission joue un rôle de chef de file dans la réforme et la formation de la police et de la gendarmerie centrafricaine.  L’examen stratégique prévoit également que l’efficacité de la MINUSCA soit renforcée par le déploiement de capacités additionnelles et de nouvelles technologies et la consolidation de la composante militaire aux fins d’une plus grande flexibilité de la force, a-t-il dit.

Le Secrétaire général adjoint a ensuite insisté sur « les progrès considérables » enregistrés en République centrafricaine depuis la création de la MINUSCA en avril 2014.  Les élections présidentielles et législatives du début d’année se sont déroulées de façon largement pacifique et démocratique, a-t-il dit, ajoutant qu’il s’agissait d’un bon exemple dans une région où elles ne sont pas légion.  Il a affirmé que la transition s’était faite de manière correcte et « que le vaincu avait accepté le verdict des urnes ».

L’élection du Président Touadéra –souvent décrit comme « l’homme du peuple »- et la formation d’un nouveau gouvernement ont ouvert une période d’espoir et nourri des attentes élevées parmi les Centrafricains pour un progrès durable.  M. Ladsous a mis l’accent sur les défis considérables qui subsistent, précisant que les capacités étatiques étaient faibles voire inexistantes dans de nombreuses parties du pays.  « Surtout, des groupes armés continuent de contrôler de vastes zones dans le pays », a-t-il dit, ajoutant qu’ils constituaient une menace persistante et significative pour la population civile.

Le Chef du maintien de la paix de l’ONU a déclaré que des récents développements survenus depuis la finalisation du rapport spécial risquaient de compromettre les tendances positives enregistrées depuis la fin de la transition.  Des informations préoccupantes font état d’efforts renouvelés pour unir les ex-Séléka sous la direction de M. Nouredine Adam, chef du Front populaire pour la renaissance de la Centrafrique, a affirmé le Secrétaire général adjoint.  M. Ladsous a, en outre, mentionné des informations faisant état d’un harcèlement de la population musulmane du pays.

« La situation humanitaire reste alarmante », a poursuivi le Secrétaire général adjoint, précisant que l’entière population du pays, soit 4,6 millions de personnes, continuait de souffrir des conséquences du conflit et d’un manque d’accès aux services de base.  

En conclusion, il a appelé les autorités nationales à s’engager véritablement pour promouvoir une gouvernance inclusive et transparente et apporter une réponse aux causes profondes de la crise.  « Il ne peut y avoir de solutions rapides qui soient militaires pour traiter des causes profondes politiques et sociales du pays », a-t-il dit.

Un constat partagé par le Président de la formation « République centrafricaine » de la Commission de consolidation de la paix (CCP), M. Omar Hilale, qui a estimé qu’il existait dans le pays de « nombreuses opportunités qui ne s’étaient encore jamais présentées et sur lesquelles il faut capitaliser ».  Au titre de la consolidation de la paix, M. Hilale a cité cinq principaux aspects prioritaires pour les mois à venir. 

Du fait de la situation sécuritaire très incertaine, le succès des processus en cours de désarmement, démobilisation et réintégration et de réforme du secteur de la sécurité sera déterminant pour un retour à la stabilité.  Un deuxième problème vient du manque de capacités du pays.  M. Hilale a invité tous les États à apporter une assistance à la République centrafricaine à travers des formations dans le cadre de programmes de coopération triangulaire ou Sud-Sud.

Troisièmement, il ne peut y avoir de paix sans réconciliation ni de réconciliation sans mécanismes crédibles pour lutter contre l’impunité.  Il est donc essentiel de renforcer le système judiciaire national et mettre en place une cour pénale spéciale.  M. Hilale a exhorté les autorités à accélérer les processus bureaucratiques en cours pour mettre en place ce mécanisme important au plus vite.

M. Hilale a ensuite insisté sur la nécessité d’une approche commune et cohérente pour répondre aux besoins du pays, avant de rappeler que la situation humanitaire restait « catastrophique » et sans perspective d’amélioration.  Or, l’appel humanitaire annuel n’est actuellement financé qu’à moins de 16%.

La communauté internationale doit faire plus, a déclaré M. Hilale, qui a estimé que le pays était à un moment critique de son histoire et aurait besoin du soutien constant de la communauté internationale pour retrouver la stabilité.  « La situation en République centrafricaine souffre d’une passivité chronique chez la communauté des donateurs », a-t-il affirmé, rappelant que 90% de l’aide provient d’une poignée de partenaires.

Il faut élargir de toute urgence la base des donateurs en prenant en compte le fait que des soutiens de divers types seraient utiles.  Il a conclu en estimant qu’avec un gouvernement légitime muni d’une vision claire de sa tâche, mise en avant dans le discours de politique générale de l’État approuvé le 7 juin par le Parlement de Bangui, il existe « une opportunité d’apporter à la population de République centrafricaine le soutien qu’elle mérite ».

De son côté, le Président du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 2127 (2013), M. Volodymir Yelchenko, a expliqué les activités du Comité depuis janvier dernier, tout en rappelant que la situation dans le pays avait connu de nombreux développements depuis lors, dont l’élection présidentielle, le second tour des élections législatives et la formation du nouveau gouvernement.

M. Yelchenko a affirmé que la visite qu’il a effectuée à Bangui du 24 au 27 mai lui avait permis de discuter avec les nouvelles autorités de la nature et des objectifs des différentes sanctions: embargo sur les armes, interdictions de voyager et gel des avoirs. 

Il a ainsi fait valoir aux nouvelles autorités que l’embargo sur les armes visait à protéger la population du pays de groupes armés déterminés à amener armes et munitions dans le pays.  Il a encouragé le dialogue entre le Gouvernement, le Groupe d’experts et le Secrétariat sur la préparation des demandes d’exemptions à l’embargo qui seront ensuite adressées au Comité et a présenté un certain nombre de réunions tenues durant la période considérée par le Comité. 

En ce qui concerne les interdictions de voyager, le Comité continue de discuter avec les principaux États concernés dans la région, à savoir le Tchad, le Kenya et l’Afrique du Sud, afin d’assurer une mise en œuvre efficace de cette interdiction.  Il a suggéré au Président du Conseil de prendre contact de manière bilatérale avec les États concernés, comme l’a déjà fait en décembre 2015 le représentant des États-Unis, dont le pays présidait alors le Conseil de sécurité, de même qu’avec le Kenya et l’Afrique du Sud.

Par ailleurs, M. Yelchenko a rappelé que le Comité avait rencontré, le 18 mai, des représentants de la communauté humanitaire qui ont insisté sur la nécessité de continuer de faire preuve d’une grande vigilance face à toutes les questions humanitaires et de droits de l’homme, dans un pays où les enfants continuent d’être recrutés comme soldats et où des violences sexuelles se perpétuent dans l’impunité.  

Il a estimé en conclusion que le régime de sanctions restait valable dans le contexte de la République centrafricaine.

 

* S/2016/565

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