En cours au Siège de l'ONU

7732e séance – après-midi 
CS/12437

Pour Jan Eliasson, seul un dialogue inclusif entre le Gouvernement de la RDC et l’opposition pourra ouvrir la voie aux élections en novembre prochain

Face aux tensions politiques plus fortes que jamais à l’approche des élections prévues en novembre, le Vice-Secrétaire général de l’ONU, M. Jan Eliasson, a présenté, aujourd’hui devant le Conseil de sécurité, des éléments qui pourraient favoriser le dialogue inclusif et crédible entre la majorité et l’opposition, seul susceptible d’apaiser les tensions et d’ouvrir la voie à un processus électoral transparent et équitable; éléments dans lesquels la communauté internationale et la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) jouent un rôle important.  

Pour sa part, le représentant de la RDC a reconnu que le dialogue « traîne en longueur » en souhaitant cependant qu’il soit avant tout « l’affaire des Congolais ».  Il a par ailleurs contesté les accusations d’un rétrécissement de l’espace de la société civile avant les élections.

M. Eliasson a expliqué être venu au Conseil pour « transmettre les préoccupations du Secrétaire général » sur la situation en RDC.  À cette fin, il a largement repris en les actualisant les éléments du rapport du Secrétaire général, lequel met l’accent sur la tension politique croissante, doublée d’un rétrécissement de l’espace accordé à la société civile, et constate que le dialogue national proposé par le Président Joseph Kabila pour sortir de l’impasse électorale et désamorcer les tensions politiques « n’a fait aucun progrès » au cours du trimestre écoulé.

Or, dans sa résolution 2277 (2016) du 30 mars dernier, le Conseil de sécurité avait déjà constaté avec une profonde préoccupation les retards dans les préparatifs de l’élection présidentielle.  Il avait ainsi souligné crucial que le prochain cycle électoral se déroule de façon pacifique et crédible et avait exprimé sa vive préoccupation face au rétrécissement de l’espace politique dans le pays, tout en rappelant la nécessité d’un dialogue politique ouvert, inclusif pacifique.

Tandis que le second et dernier mandat de M. Kabila -selon la Constitution en vigueur– s’achève à la fin de l’année, fait remarquer le Secrétaire général dans son rapport, « un certain nombre d’autres faits nouveaux ont contribué à tendre le climat politique et à aggraver les divisions entre le Gouvernement congolais et l’opposition ».  À cet égard, il cite un jugement rendu le 11 mai par la Cour constitutionnelle à la demande de nombreux membres de l’Assemblée nationale, selon lequel le Président et les membres du Parlement devraient rester en poste jusqu’à l’entrée en fonctions des nouveaux titulaires.  Pour le Secrétaire général, un « dialogue crédible et sans exclusive entre les parties prenantes concernées reste le seul moyen viable de faire face aux retards escomptés dans les élections présidentielle et législatives et de prévenir l’instabilité politique et la violence, si elles n’ont pas lieu en novembre ».

Comme l’a expliqué M. Eliasson, le dialogue proposé par le Président Kabila  est toujours dans l’incertitude.  La majorité et l’opposition ont exprimé un soutien de principe à un tel dialogue mais il n’existe toujours pas d’accord sur les conditions de ce dernier, ni sur les participants.

Le Président Kabila a, en effet, réaffirmé la nécessité d’un tel dialogue lors de son message à la nation, le 30 juin, et a exhorté le Facilitateur nommé par l’Union africaine, début avril, l’ancien Premier Ministre du Togo Edem Kodjo, de prendre des mesures pour rendre ce dialogue possible.  Toutefois, des membres éminents de l’opposition continuent d’exprimer des réserves, au motif que ce dialogue pourrait aboutir à une prorogation de son mandat au-delà de novembre 2016.  À ce stade, les efforts du Facilitateur, appuyé par le Représentant spécial du Secrétaire général, M. Maman Sidikou, et l’Envoyé spécial pour la région des Grands Lacs, M. Saïd Djinnit, n’ont pas réussi à réconcilier les positions, a fait observer M. Eliasson.

En l’absence d’un dialogue inclusif, qui pourrait déboucher sur un large accord permettant d’organiser des élections présidentielles et législatives crédibles, il existe un risque réel de voir les acteurs politiques recourir à des décisions unilatérales qui risquent d’aggraver davantage les tensions actuelles, a averti le Vice-Secrétaire général.  Cela risque de donner lieu à une crise grave, avec une forte probabilité de violences et d’une instabilité persistante.

Une telle issue, qui peut encore être évitée, viendrait non seulement saper les gains politiques, de sécurité et de développement enregistrés durant les dernières années, mais exigerait aussi une réponse au-delà des capacités de la MONUSCO, a poursuivi M. Eliasson, qui a attiré l’attention sur trois éléments susceptibles de venir appuyer un dialogue constructif.

Le Vice-Secrétaire général a d’abord estimé que le Groupe international de soutien à la facilitation récemment créé pourrait jouer un rôle important pour rétablir la confiance dans le processus de dialogue.  M. Eliasson s’est ainsi félicité de la réunion inaugurale du Groupe, qui s’est tenue le 4 juillet à Addis-Abeba.  Le groupe de soutien comprend des représentants de l’Union africaine, de l’Union européenne, de l’ONU –dont la MONUSCO-, de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC) et de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs.

Ensuite, l’existence d’un registre électoral fiable pourrait aider à ouvrir la voie à des élections transparentes et équitables.  La MONUSCO apporte une assistance technique et un soutien logistique à la révision du registre. 

À la demande du Conseil, la MONUSCO a actualisé ses plans pour traiter des risques et suivre les violations et abus contre les droits de l’homme dans le contexte des élections.  La protection des civils restent la priorité de la Mission, a ajouté M. Eliasson, qui a toutefois fait observer qu’en cas de crise politique et de sécurité majeure, il serait irréaliste d’attendre de la Mission qu’elle se substitue à l’État.

Par ailleurs, le Vice-Secrétaire général a rappelé que la situation en termes de sécurité restait très grave dans la région des Kivus.  Il s’est dit particulièrement inquiet de la situation à Beni, où les Forces démocratiques alliées (ADF) ont attaqué tant les Forces armées de la RDC (FARDC) et la MONUSCO que des civils sans défense, ainsi que des tensions communautaires dans les zones de Lubero et Walikale.  En revanche, il a jugé encourageante la reprise de la coopération entre les FARDC et la MONUSCO, avant d’estimer qu’en fin de compte, la menace que les différents groupes armés représentent ne pourra être traitée que par une combinaison de pression militaire et de mesures politiques.

Pour sa part, le représentant de la République démocratique du Congo, M. Ignace Gata Mavita, a reconnu que le processus électoral avait pris du retard.  « Mon pays tient à l’organisation d’élections libres et respectueuses de tous les standards internationaux en matière d’inclusivité, de transparence et de crédibilité et cela dans un climat apaisé en vue de sauvegarder la paix chèrement acquise », a-t-il néanmoins déclaré.  Cette détermination a été récemment réaffirmée par le Président Kabila, a rappelé le représentant, avant de préciser que le processus d’enregistrement sur les listes électorales avait été fixé pour ce mois de juillet.  Soulignant l’importance d’un dialogue national politique inclusif pour surmonter les obstacles, M. Gata Mavita a souhaité que ce dialogue, qui « tire en longueur », soit avant tout « l’affaire des Congolais ».

M. Gata Mavita est ensuite revenu sur le point relatif au rétrécissement de l’espace politique.  Toutes nos informations n’ont porté aucun résultat pour corriger la mauvaise perception véhiculée à ce sujet auprès de la communauté internationale, a-t-il regretté.  Il s’est d’ailleurs demandé si ce manque d’informations objectives n’avait pas pour but de jeter gratuitement le discrédit sur les institutions congolaises.  L’espace politique en RDC est le plus ouvert de toute la région, a-t-il assuré, en précisant que le pays comptait plus de 400 partis politiques et des centaines de chaines privées de radio et de télévision.  Plusieurs de ces chaînes, qui sont libres de fixer leur ligne éditoriale, appartiennent, a-t-il ajouté, à des membres de l’opposition.  « Ces chaînes passent souvent le plus clair de leur temps à critiquer les institutions publiques et même le Chef de l’État », a-t-il relevé.

Jugeant les critiques injustifiées, M. Gata Mavita a rappelé que les libertés publiques devraient s’exercer conformément à la loi et dans le respect des exigences de l’ordre public.  L’exercice des droits et libertés d’un individu, a-t-il dit, ne peut justifier que ce dernier défie impunément l’arsenal juridique protecteur des droits et de la sécurité de tous.  « L’appartenance à l’opposition ou à la majorité ou à tout autre corps au sein du pays ne disculpe pas de sa responsabilité l’auteur d’une infraction de droit commun. »

Enfin, le représentant congolais s’est, lui aussi, félicité de la reprise de la coopération entre les FARDC et la MONUSCO dans le cadre de la lutte contre les forces négatives et les groupes armés.  « Nous fondons l’espoir, a-t-il dit, que cette coopération permettra d’en finir rapidement avec les FDLR pour concentrer tous les efforts sur les ADF en vue de sécuriser complètement la région de Béni et les quelques localités qui souffrent encore de la présence des groupes armés. »

 

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