En cours au Siège de l'ONU

7725e séance – matin 
CS/12417

Le drame syrien devrait ébranler la conscience du monde, déclare le Chef des affaires humanitaires de l’ONU devant le Conseil de sécurité

S’adressant, ce matin, au Conseil de sécurité, le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence de l’ONU, M. Stephen O’Brien, s’est indigné de la passivité de la communauté internationale face aux souffrances de la population civile en Syrie.  La situation humanitaire qu’il a décrite « devrait ébranler la conscience du monde », a-t-il ainsi déclaré.

S’agissant des efforts entrepris par l’ONU et ses partenaires pour acheminer l’aide humanitaire, il a également évoqué un « défi herculéen ».

« Il y a quelque chose de fondamentalement injuste dans un monde où les attaques contre des hôpitaux et des écoles, des mosquées et des marchés, contre des groupes ethniques et religieux, sont tellement devenues monnaie courante qu’elles ne provoquent plus de réaction », s’est ému M. O’Brien. « Et pourtant le monde continue de voir la Syrie se désintégrer dans une effusion de sang. »

M. O’Brien a rappelé que le dernier rapport de la Commission d’enquête internationale indépendante sur la République arabe syrienne note que l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL) a commis, dans l’est du pays, des actes de génocide ainsi que de multiples crimes contre l’humanité et crimes de guerre contre les Yazidis.  Au nord-ouest, dans le gouvernorat d’Alep, une offensive de l’EIIL a fait de nombreuses victimes civiles.  En outre, depuis le début de l’offensive anti-EIIL à Menbij, 45 000 personnes ont été déplacées et 65 000 sont encerclées par les Forces démocratiques syriennes.

Ensuite, M. O’Brien a dénoncé l’utilisation implacable par les forces gouvernementales de barils d’explosifs qui causent des morts « ignobles ».  À Darayya, surnommée « la capitale des barils d’explosifs », ce sont des douzaines de bombes qui ont été larguées au cours des dernières semaines.  L’utilisation de telles armes, a-t-il répété, constitue une attaque aveugle, « leur seul but étant de punir la population civile ».  Les attaques doivent cesser maintenant.  Il y a là des faits indéniables, a-t-il insisté, en prévenant que les responsables « devront rendre des comptes un jour ou l’autre ».

Le Secrétaire général adjoint a rappelé que des enfants sont détenus de force, torturés, qu’ils subissent des violences sexuelles et sont, dans certains cas, exécutés.  « Pendant combien de temps les enfants syriens devront-ils encore souffrir ainsi? » s’est-il indigné. 

Depuis l’adoption de la résolution 2286 (2016) sur la protection des civils en période de conflit armé, a fait remarquer M. O’Brien, les Nations Unies et leurs partenaires ont reçu des informations selon lesquelles il y a encore eu des douzaines d’attaques dirigées contre des hôpitaux, des installations médicales et le personnel de santé.  En avril dernier, l’organisation « Physicians for Human Rights » a fait état de 365 attaques contre 259 établissements et de la mort de 738 agents de santé, dont les Forces gouvernementales syriennes seraient responsables à 76%.  Quant au Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à la santé, M. Danius Puras, il a mis en garde récemment contre de telles pratiques.

Le Secrétaire général adjoint s’est également dit très préoccupé par la situation au niveau du mur de sable à la frontière jordanienne, où le nombre de demandeurs d’asile a triplé au cours de ces derniers mois, passant à 70 000 personnes, dont plus de la moitié sont des enfants.  Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), ce chiffre devrait atteindre 100 000 à la fin de l’année.  De plus, la situation sécuritaire s’y est considérablement détériorée.

« La communauté internationale doit remettre en question son humanité », lorsque des groupes ethniques et religieux risquent d’être éradiqués, lorsque des personnes déplacées ne sont plus à l’abri des bombardements, lorsque des réfugiés et des migrants se noient par milliers dans la Méditerranée, et lorsque, comme l’indique l’UNICEF, « des bébés sont sortis des incubateurs parce que les hôpitaux sont attaqués ».  M. O’Brien a jugé cette situation « obscène ».  « Nous ne pouvons pas accepter un tel monde », s’est-il emporté.  

L’ONU et ses partenaires continuent de déployer des efforts inlassables pour répondre aux besoins humanitaires d’urgence de la population syrienne, a assuré M. O’Brien.  Il a fait le point de façon détaillée sur les progrès des convois interinstitutions qui livrent une aide multisectorielle importante, dont des denrées alimentaires.  Pour la première fois en quatre ans, la ville de Darayya a ainsi reçu une aide. 

Le plan pour l’accès humanitaire du mois de juin, qui vise 1,1 million de personnes dans 34 endroits, a été transmis aux autorités syriennes le 19 mai.  Aujourd’hui, a-t-il rappelé, 18 zones restent assiégées en Syrie.

Malgré ces efforts, les réalités du conflit sur le terrain, de même que l’ingérence et l’intransigeance des parties, continuent de poser d’immenses difficultés, a déploré M. O’Brien.  Il a critiqué les limites imposées par les autorités syriennes concernant l’accès et le type d’aide humanitaire.  M. O’Brien a appelé tous ceux qui ont une influence sur les autorités syriennes à faire pression pour que l’aide soit acheminée sans entrave et sans ingérence.

Depuis janvier, a-t-il précisé, l’ONU et ses partenaires ont eu accès à 844 325 personnes, dont 334 150 sur les 590 200 qui vivent dans des zones assiégées.  Aujourd’hui, a-t-il ajouté, environ 5 millions de personnes vivent dans des zones difficiles d’accès.

Pour le Secrétaire général adjoint, « il est vital que la dynamique humanitaire balbutiante s’améliore » au cours du deuxième semestre 2016.  Les demandes en acheminement humanitaire doivent aboutir sur la livraison complète et soutenue d’une aide pour tous les Syriens et les annonces de contributions doivent se concrétiser.  

« Nous restons engagés et prêts à acheminer l’aide en utilisant toutes les modalités possibles, y compris des largages aériens », a insisté M. O’Brien.  Toutefois, a-t-il averti, les progrès ne peuvent pas se mesurer au coup par coup.  

« Les générations futures, a-t-il averti, jugeront durement l’incapacité de la communauté internationale à sauver et à protéger les civils en Syrie. »

Au début de son intervention, le Secrétaire général adjoint avait tenu à saluer la mémoire de Jo Cox, la Parlementaire britannique récemment assassinée, qui avait plaidé sans relâche en faveur de la cause du peuple innocent de Syrie.

 

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