En cours au Siège de l'ONU

7698e séance – matin     
CS/12377

La Procureure de la Cour pénale internationale informe le Conseil de sécurité de la suite donnée aux affaires relatives à la situation en Libye

Le Conseil de sécurité a entendu ce matin un nouvel exposé de la Procureure de la Cour pénale internationale (CPI), Mme Fatou Bensouda, sur les activités menées par la Cour dans le cadre des affaires relatives à la situation en Libye.

Depuis la résolution 1970 (2011), par laquelle le Conseil de sécurité a déféré au Procureur de la CPI la situation en Libye, le Bureau du Procureur a présenté au Conseil 10 rapports semestriels sur la question. 

Mme Bensouda a dit espérer que la formation d’un Gouvernement d’entente nationale, suite à l’Accord du 17 décembre 2015 conclu sous l’égide des Nations Unies, « marque le début de la fin d’une longue période de bouleversements et de conflits en Libye ».  Elle a encouragé le Gouvernement à élaborer en priorité des plans et des stratégies afin de lutter contre les crimes graves et d’investir dans les institutions nationales nécessaires pour réaliser cet objectif. 

Les enquêtes menées par le Bureau du Procureur ont progressé, à rythme cependant plus lent, du fait de ressources insuffisantes et de l’instabilité dans le pays, a expliqué Mme Bensouda, en faisant le point sur l’évolution de la situation. 

Faisant écho aux préoccupations des membres du Conseil, la Procureure a rappelé que la Libye avait pour responsabilité de remettre sans plus tarder M. Saif Al-Islam Qadhafi à la CPI.  Le Bureau a demandé à la Chambre préliminaire d’enjoindre ce pays à agir en ce sens.  Mme Bensouda a rappelé que la Libye avait affirmé à la Cour que « M. Qadhafi restait toujours détenu à Zintan et qu’il n’était actuellement pas à la disposition de l’État libyen ».  D’après la Procureure, il incombe au Conseil de sécurité de s’assurer que la Libye se conforme à ses obligations. 

Par ailleurs, a-t-elle poursuivi, la CPI continue ses enquêtes au sujet de représentants officiels liés à l’ancien dirigeant M. Mouammar Qadhafi, de même que sur les allégations faisant état d’actes de torture, et elle envisage la possibilité d’étendre ses enquêtes aux crimes commis par Daech, Ansar Al-Charia et d’autres milices actives en Libye.  Toutefois, a-t-elle prévenu, le Bureau ne peut s’atteler efficacement à cette tâche s’il ne dispose pas des ressources nécessaires.

Mme Bensouda a également rappelé que la Chambre préliminaire I avait conclu à l’irrecevabilité de l’affaire portée contre M. Abdullah Al-Senussi et a demandé au Gouvernement libyen de s’assurer que les normes les plus élevés en matière d’enquêtes et de poursuites judiciaires sont respectées.  En outre, elle a indiqué qu’elle continuait à suivre de près les allégations faisant état d’actes de torture à la prison Al Hadba. 

Mme Bensouda a également exprimé sa préoccupation face aux informations relatives aux meurtres de civils, notamment les exécutions menées par Daech, et les morts qui résultent du conflit entre l’Armée nationale libyenne et l’Aube libyenne.  De plus, a-t-elle noté, la voie migratoire méditerranéenne depuis la Libye vers l’Europe reste une option de choix pour les réfugiés et les migrants, tandis que la détention de milliers de migrants représente une source de financement pour de nombreuses milices en Libye.  Elle a souhaité que la communauté internationale se penche sur ceux qui tirent profit de la traite des êtres humains.

Enfin, a assuré Mme Bensouda, la CPI continue ses enquêtes au sujet de représentants officiels liés à l’ancien dirigeant M. Mouammar Qadhafi et envisage la possibilité d’étendre ses enquêtes aux crimes commis par Daech, Ansar Al-Charia et d’autres milices actives en Libye.  Toutefois, a-t-elle prévenu, le Bureau ne peut s’atteler efficacement à cette tâche s’il ne dispose pas des ressources nécessaires.  Elle a aussi tenu à saluer le travail important accompli par la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL).

La situation en Libye requiert la collaboration de tous les acteurs pertinents aux niveaux national, régional et international, a souligné la Procureure.  « Le succès en Libye dépendra de la détermination collective et de la volonté de tous les acteurs clefs pour traduire les auteurs de violations en justice et dissuader de futurs criminels », a-t-elle conclu.

Au cours du débat qui en a suivi, le représentant de la France a appelé la communauté internationale à continuer d’apporter son soutien au Conseil présidentiel et au Gouvernement d’entente nationale libyen.  Il a assuré que son pays et ses partenaires se tenaient prêts à appuyer les efforts des autorités libyennes pour construire des institutions solides garantes de l’état de droit.  « Nous devons également encourager le gouvernement de M. Fayyez Sarraj à apporter toute son assistance à la CPI, comme l’y invite la résolution 2259 », a-t-il dit, affirmant que la coopération de la Libye avec la CPI était cruciale pour mettre un terme à une longue période d’impunité en Libye.

« Nous allons appuyer des sanctions ciblées contre ceux qui participeraient à des activités mettant à mal la paix et la stabilité du pays », a affirmé pour sa part la représentante des États-Unis, préoccupée par les exactions de Daech.  Elle s’est aussi dite favorable à la prise de décisions concernant les crimes commis pendant les derniers jours du régime de Qadhafi.  De son côté, son homologue du Royaume-Uni a estimé que les violations graves des droits de l’homme commises en Libye par les parties au conflit pouvaient s’apparenter à des « crimes de guerre ».

Le représentant de la Fédération de Russie a déploré la poursuite des activités criminelles en Libye, notant que l’intervention militaire étrangère en Libye en 2011 avait eu des effets néfastes qui perdurent.  « Ce onzième rapport de la CPI sur la Libye ne contient rien de nouveau », a-t-il estimé; il n’y figure, à son avis, aucune nouvelle mesure qu’aurait prise le Bureau du Procureur.  Contrairement à l’opinion exprimée par ses pairs, notamment le représentant du Japon, il n’a pas vu le bien-fondé du dialogue entre la Procureure et le Conseil de sécurité.

LA SITUATION EN LIBYE

Déclarations

La Procureure de la Cour pénale internationale (CPI), Mme FATOU BENSOUDA, a présenté au Conseil de sécurité le onzième rapport semestriel de son Bureau sur l’évolution de la situation en Libye.

Mme Bensouda a pris acte de la formation d’un Gouvernement d’entente nationale suite à l’Accord du 17 décembre 2015 conclu sous l’égide des Nations Unies.  Elle a dit espérer que ce développement récent marquerait « le début de la fin d’une longue période de bouleversements et de conflits en Libye ».

Elle a encouragé le Gouvernement à élaborer en priorité des plans et des stratégies afin de lutter contre les crimes graves et d’investir dans les institutions nationales nécessaires pour réaliser cet objectif.  La justice et la responsabilisation doivent servir de base à la paix et à la stabilité en Libye et permettre aux victimes d’avoir des recours, a-t-elle indiqué.  

Les enquêtes menées par le Bureau du Procureur ont progressé, à rythme cependant plus lent, du fait de ressources insuffisantes et de l’instabilité dans le pays, a poursuivi Mme Bensouda.  Son équipe « modeste » a néanmoins été en mesure de suivre des pistes et de réunir des éléments de preuve.  Malgré les nombreuses difficultés rencontrées, le Bureau continuera à se concentrer sur l’accomplissement de son mandat, a-t-elle assuré.

La situation en Libye nécessite la collaboration de tous les acteurs pertinents aux niveaux national, régional et international, a souligné la Procureure.  « Le succès en Libye dépendra de la détermination collective et de la volonté de tous les acteurs clés pour traduire les auteurs de violations en justice et dissuader de futurs criminels », a-t-elle ajouté.

Évoquant les menaces posées par Daech et d’autres groupes affiliés à Al-Qaida, la situation humanitaire précaire, la migration de masse, la criminalité transnationale organisée et la propagation du terrorisme en Libye et dans la région, Mme Bensouda a appelé toutes les forces œuvrant dans ce pays à contacter son Bureau et à renforcer le réseau existant d’agences de maintien de l’ordre.

La communauté internationale a déjà beaucoup investi pour rétablir la sécurité dans le pays, a affirmé la Procureure.  « Ceux qui financent et encouragent le crime doivent comprendre clairement qu’ils devront répondre de leurs actes », a-t-elle mis en garde.

Par ailleurs, Mme Bensouda a rappelé que la Libye avait pour responsabilité de remettre sans plus tarder M. Saif Al-Islam Qadhafi à la CPI.  Le Bureau a demandé à la Chambre préliminaire I d’enjoindre ce pays à agir en ce sens, a-t-elle dit, soulignant que la Libye avait affirmé à la Cour que « M. Qadhafi restait toujours détenu à Zintan et qu’il n’était actuellement pas à la disposition de l’État libyen ».  D’après la Procureure, il incombe au Conseil de sécurité de s’assurer que la Libye se conforme à ses obligations.  

Par ailleurs, Mme Bensouda a rappelé que la Chambre préliminaire I avait conclu à l’irrecevabilité de l’affaire portée contre M. Abdullah Al-Senussi et avait demandé au Gouvernement libyen de s’assurer que les normes les plus élevés en matière d’enquêtes et de poursuites judiciaires sont respectées.  En outre, elle a indiqué qu’elle continuait à suivre de près les allégations faisant état d’actes de torture à la prison Al Hadba. 

Mme Bensouda reste préoccupée par les informations relatives aux meurtres de civils, notamment les exécutions menées par Daech, et les morts qui résultent du conflit entre l’Armée nationale libyenne et l’Aube libyenne.  De plus, a-t-elle noté, la voie migratoire méditerranéenne depuis la Libye vers l’Europe reste une option de choix pour les réfugiés et les migrants, tandis que la détention de milliers de migrants représente une source de financement pour de nombreuses milices en Libye.  Elle a souhaité que la communauté internationale se penche sur ceux qui tirent profit de la traite des êtres humains.

Enfin, la CPI continue ses enquêtes au sujet de représentants officiels liés à l’ancien chef de l’État libyen Mouammar Qadhafi et envisage la possibilité d’étendre ses enquêtes aux crimes commis par Daech, Ansar Al-Charia et d’autres milices actives en Libye.  Toutefois, a rappelé la Procureure, le Bureau ne peut s’atteler efficacement à cette tâche s’il ne dispose pas des ressources nécessaires.  Elle a aussi tenu à saluer le travail important accompli par la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL).

M. SHEN BO (Chine) a estimé que le rétablissement de l’autorité nationale est crucial pour le respect de l’état de droit en Libye.  Il a souhaité que le Gouvernement d’entente nationale prenne ses fonctions au plus vite à Tripoli, appelant les parties libyennes à respecter leurs engagements en rapport avec le processus politique, afin de rétablir la sécurité et la stabilité dans le pays.

M. LUIS BERMÚDEZ (Uruguay) a lancé un appel aux États Membres qui ne l’ont pas encore fait d’adhérer au Statut de Rome afin de protéger l’humanité des crimes les plus odieux.  Il s’est dit confiant que les nouvelles autorités libyennes rendraient justice aux victimes des crimes commis dans le pays, les invitant à coopérer avec la CPI à cet effet, notamment concernant la remise des MM. Saif al-Islam Qadhafi et Abdullah Al-Senussi à la CPI.  

M. FODÉ SECK (Sénégal) a invité les autorités libyennes à coopérer avec le Bureau du Procureur de la CPI et à rétablir les institutions judiciaires du pays.  Il a indiqué que l’idée de former un « groupe de contact international » sur les questions liées à la justice en Libye méritait l’attention et l’intérêt de la communauté internationale et souhaité que le Conseil de sécurité établisse un mécanisme permettant d’évaluer plus efficacement le suivi des situations qu’il défère à la CPI.  Il a également invité les États à consacrer plus de ressources au financement des enquêtes du Bureau du Procureur de la CPI.

Mme MICHELE J. SISON (États-Unis) s’est félicitée des développements très positifs qui ont eu lieu depuis le dernier exposé du Procureur sur la situation en Libye et, notamment, de la constitution d’un conseil présidentiel.  L’unité derrière le Gouvernement d’entente nationale représente, selon elle, la seule voie pour mettre fin aux agissements de Daech et d’autres terroristes.  Consciente des abus commis contre les civils, dont des violences sexuelles, et du contexte hostile à ceux qui essaient de mener des enquêtes, la représentante a condamné les atteintes commises par les groupes terroristes.

« Nous allons appuyer des sanctions ciblées contre ceux qui participeraient à des activités mettant à mal la paix et la stabilité du pays », a-t-elle affirmé.  Le Gouvernement d’entente nationale doit rétablir la confiance dans l’état de droit et une culture de responsabilisation.  Les États-Unis, a ajouté la représentante, seraient favorables à la prise de décisions concernant les crimes commis pendant les derniers jours du régime Qadhafi.  À ce sujet, elle a souhaité que le Gouvernement assure la remise à la Cour pénale internationale (CPI) de M. Saif Al-Islam Qadhafi.

M. RAMLAN BIN IBRAHIM (Malaisie) s’est dit encouragé par les efforts déployés par les membres du Conseil présidentiel libyen pour faciliter l’inclusion et le dialogue avec ses partenaires et les communautés locales.  Malgré l’instabilité et l’insécurité qui règnent dans le pays, il a salué les efforts des autorités libyennes pour respecter les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, y compris le fait de collaborer avec le Bureau du Procureur de la CPI.

Le représentant a toutefois exprimé sa préoccupation face au niveau inacceptable de violences, souvent perpétrées par Daech, et la situation précaire des migrants et des réfugiés.  Il a appuyé pleinement l’assistance de la communauté internationale à la Libye.   

Mme HELEN MULVEIN (Royaume-Uni) a déclaré que son pays reste préoccupé par des allégations de violations graves des droits de l’homme commises en Libye par les parties en conflit, estimant que ces violations pouvaient s’apparenter à des crimes de guerre.  Le Royaume-Uni est également préoccupé du fait que le Bureau du Procureur ne peut mener d’enquêtes dans le pays en raison de la situation sécuritaire.  La représentante a encouragé les autorités libyennes et la communauté internationale à soutenir le travail de la CPI en Libye, souhaitant que les crimes de Daech en Libye fassent l’objet d’enquêtes de la CPI.  La déléguée a par ailleurs invité les autorités libyennes à transférer MM. Saif Al-Islam Qadhafi et Abdullah Al-Senussi à la CPI, qui, selon certaines informations, auraient subi des tortures en détention.

M. VITALY CHURKIN (Fédération de Russie) a déploré la poursuite des activités criminelles en Libye, notant que l’intervention militaire étrangère en Libye en 2011 a eu des effets néfastes qui perdurent.  « Ce onzième rapport de la CPI sur la Libye ne contient rien de nouveau », a-t-il affirmé; il n’y figure, à son avis, aucune nouvelle mesure qu’aurait prise le Bureau du Procureur et on ne voit pas bien le bien-fondé du dialogue entre la Procureure et le Conseil de sécurité.  Il a rappelé que, depuis 2011, la CPI a entamé des enquêtes en Libye, « dans la hâte et sans des vérifications élémentaires » rappelant par ailleurs qu’aucune initiative n’avait été prise concernant les crimes commis par des groupes de rebelles et autres forces opposés aux autorités libyennes de l’ancien régime.  Par ailleurs, qu’en est-il des victimes civiles des tirs de l’OTAN? s’est-t-il demandé.  En conclusion, il a affirmé que le manque évident des ressources de la CPI en Libye et le peu de progrès accomplis à ce jour en matière de sécurité risquaient de faire réfléchir ceux qui à l’avenir seraient tentés à saisir la Cour internationale de Justice.

M. JULIO HELDER MOURA LUCAS (Angola) a regretté que Daech et d’autres groupes extrémistes violents exploitent l’instabilité de la situation en Libye, ce qui constitue « une menace sans précédent » pour la région.  Le Gouvernement libyen, a-t-il fait remarquer, a « des difficultés quant à sa légitimité et pour accroître son contrôle au-delà de Tripoli ».  Ce n’est qu’avec une stabilité institutionnelle et la paix que la collaboration de la Libye avec la CPI pourra porter ses fruits, a-t-il estimé.

Le représentant a salué la direction libyenne, qui est la première responsable de l’avancée du processus politique de façon inclusive.  D’après lui, la question la plus brûlante est celle de la lutte contre le terrorisme et les groupes armés qui commettent des exactions contre les civils.  Il a reconnu que le contexte sociopolitique en Libye n’était pas favorable à la conduite d’enquêtes.  Ainsi le rapport présenté par la Procureure démontre-t-il que les conditions en Libye ne permettent pas des procès justes.

M. YURIY VITRENKO (Ukraine) a vivement condamné les bombardements d’hôpitaux, les meurtres de civils, les attaques dirigées contre des responsables gouvernementaux et des juges, le pillage de propriété, ainsi que les pratiques utilisées en détention contre certains ressortissants internationaux par des groupes armés en Libye. 

Le représentant a exhorté le Gouvernement d’entente nationale à coopérer pleinement avec la CPI, et, en particulier, à se saisir de la question du transfert de M. Saif Al-Islam Qadhafi à la Cour.

M. PHILLIP TAULA (Nouvelle-Zélande) a estimé que c’est en rétablissant l’autorité du Gouvernement libyen et en renforçant les institutions étatiques essentielles qu’il serait possible de faire des progrès dans le rétablissement de l’état de droit en Libye, protéger les droits de l’homme fondamentaux et rendre justice pour des violations passées.  Il a noté que la situation sécuritaire dans le pays rend impossible toute enquête de la Cour pénale internationale (CPI), relevant par exemple que M. Saif Al-Islam Qadhafi est détenu dans une zone décrite comme inaccessible à l’État libyen.

Il a en outre souligné que la CPI ne saurait être la panacée à toutes les questions de responsabilisation en Libye, comme l’a relevé la Procureure dans son rapport, estimant que la Cour doit être saisie en dernier ressort, et non prendre la place des juridictions nationales.  Il a estimé que la solution de long terme serait de renforcer les capacités nationales libyennes afin de faire respecter l’état de droit dans le pays.  Si le Conseil de sécurité crée un surplus de travail à la CPI, l’ONU ne peut pas simplement se dédouaner des implications financières que cette situation créerait, a-t-il affirmé en conclusion.

M. ALBERTO PABLO DE LA CALLE GARCÍA (Espagne) a dit espérer que le Gouvernement d’entente nationale libyen s’engagerait à remettre MM. Saif Al-Islam Qadhafi et Abdullah Al-Senussi à la CPI.  Il a souligné que le travail de la CPI n’est pas facile en Libye, notamment dans un contexte de restrictions budgétaires et du soutien insuffisant des États parties au Statut de Rome et de l’ONU à son fonctionnement.  Le représentant a par ailleurs indiqué que l’impunité ne devrait pas être tolérée face aux actes de Daech en Libye et exprimé le souhait que les allégations de tortures contre MM. Saif Al-Islam Qadhafi et Abdullah Al-Senussi fassent l’objet d’enquêtes approfondies de la CPI.  Il a estimé que le rétablissement d’un système judiciaire crédible était crucial pour rétablir l’état de droit en Libye et indiqué qu’une véritable réconciliation ne pourrait avoir lieu que si des réparations sont versées aux victimes du conflit dans le pays.

M. TANGUY STEHELIN (France) a appelé la communauté internationale à continuer d’apporter son soutien au Conseil présidentiel et au Gouvernement d’entente nationale dans la lignée de la Conférence ministérielle de Vienne du 16 mai en présence de M. Fayyez Sarraj, Premier ministre de Libye.  Il a assuré que la France et ses partenaires se tenaient prêts à appuyer les efforts des autorités libyennes pour construire des institutions solides garantes de l’état de droit. Nous devons également encourager le gouvernement de M. Sarraj à apporter toute son assistance à la CPI, comme l’y invite la résolution 2259, a-t-il dit, affirmant que la coopération de la Libye avec la CPI était cruciale pour mettre un terme à une longue période d’impunité en Libye et permettre à la Cour de mener à bien le mandat qui lui a été confié par le Statut et par le Conseil. 

Par ailleurs, il a rappelé que la Cour s’est déclarée compétente pour juger M. Saif Al-Islam Qadhafi et a demandé que celui-ci lui soit remis. Il a appelé la Libye à lever tous les obstacles afin que M. Qadhafi soit remis à la Cour.  La France souhaite rappeler son attachement à l’obligation de coopération des États, telle que prévue par l’article 86 du Statut de Rome qui vise la coopération judiciaire avec la Cour dans les enquêtes et poursuites qu’elle mène pour les crimes relevant de sa compétence, a-t-il ajouté. 

Il a par ailleurs affirmé que la France partageait l’importance d’une approche intégrée sur les plans national, régional et international, faisant toute sa place au principe de complémentarité et qu’il appartenait aux États, en premier lieu, d’enquêter et de poursuivre les ressortissants de leur pays, auteurs d’actes incriminés par le Statut de Rome, commis sur leur territoire et/ou par leurs ressortissants.  « C’est cette approche qui peut faire levier sur le plan national et démultiplier le renforcement des capacités, sans lequel aucune stabilité n’est possible » a estimé M. Stehelin, avant d’ajouter qu’une approche plus intégrée des questions de justice à tous les niveaux est au cœur de la reconstruction d’un appareil judiciaire, fondement d’une stabilité durable. 

M. RAFAEL DARÍO RAMÍREZ CARREÑO (Venezuela) a réaffirmé l’appui de son pays à la lutte contre l’impunité et au renforcement du système judicaire pénal international, invitant les États qui ne l’ont pas encore fait à adhérer au statut de Rome.  « Il faut maintenir l’indépendance de la CPI et ne pas pratiquer la politique du deux poids, deux mesures », a-t-il souligné. 

Face à la situation en Libye, l’on ne peut selon lui parler de l’existence d’un système judiciaire solide, le pays étant « embourbé dans un chaos profond et une violence généralisée dont les terroristes tirent profit ».  Pour sa part, a poursuivi le représentant, le Venezuela appuie les efforts entrepris pour étoffer le Gouvernement d’entente nationale et l’exhorte à renforcer sa coopération avec la CPI et, notamment, à remettre M. Saïf Al-Islam Qadhafi à la Cour.  D’après M. Ramírez Carreño, les preuves de torture contre d’anciens membres du régime Qadhali illustrent les faiblesses institutionnelles du pays. 

M. TAKESHI AKAHORI (Japon) a rappelé qu’il incombe à la Libye de coopérer pleinement avec la CPI, et qu’il s’agit là d’un « élément vital » du bon fonctionnement de la Cour.  Malgré les efforts inlassables entrepris par le Bureau du Procureur, il a regretté que trop peu de progrès aient été accomplis en Libye, comme le montre le refus de remettre M. Saif Al-Islam Qadhafi à la Cour.

Le représentant s’est également inquiété des violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme qui se poursuivent en toute impunité.  Il a salué la décision du Procureur de commencer à enquêter sur les exactions commises par Daech.  Enfin, a-t-il conclu, le Japon est favorable au renforcement des relations entre le Conseil de sécurité et la CPI. 

M. AMR ABDELLATIF ABOULATTA (Égypte) a souhaité que MM. Saif Al-Islam Qadhafi et Abdullah Al-Senussi soient remis à la Cour pénale internationale.  Il a appelé à une aide internationale en faveur des autorités libyennes leur permettant de rendre justice aux victimes des exactions commises en Libye, estimant que les enquêtes de la CPI dans ce domaine devraient inclure également les agissements des groupes terroristes opérant dans le pays.  Il a par ailleurs appelé la communauté internationale à soutenir le travail du Bureau du Procureur de la CPI.

M. IBRAHIM O. A. DABBASHI (Libye) a affirmé que les autorités judiciaires de son pays étaient déterminées à respecter leurs engagements internationaux, malgré le contexte sécuritaire instable qui prévaut dans le pays.  Il a réaffirmé la volonté de la Libye de mener des enquêtes relatives à toutes les violations des droits de l’homme commises sur son sol, soulignant, toutefois, que pour le moment du moins, les personnels judiciaires n’étaient pas en mesure de remplir leurs fonctions convenablement du fait des mesures de sécurité insuffisantes.  Il a par ailleurs exprimé sa préoccupation face aux déclarations d’un « grand pays » qui s’est engagé à fournir des armes et un appui conséquent à toutes les milices qui feraient allégeance au Gouvernement d’entente nationale et combattraient Daech, ce qui risquerait, à son avis, de contribuer involontairement à une instabilité croissante dans le pays.    

Le représentant s’est en outre dit consterné que le Bureau du Procureur de la CPI ait contacté directement le Colonel al-‘Ajami al-Atiri, commandant du groupe qui détient M. Saif Al-Islam Qadhafi, estimant qu’une institution internationale ne pouvait pas s’ingérer dans les affaires intérieures d’un pays tiers, « ce militaire étant un membre de l’armée libyenne qui répond à la hiérarchie ».  « Le transfert de M. Saif Al-Islam Qadhafi relève exclusivement des prérogatives du Gouvernement libyen », a-t-il souligné, précisant que tant que le Gouvernement n’était pas en mesure d’administrer son lieu de détention, son transfert ne serait pas à l’ordre du jour.

Le délégué a par ailleurs indiqué que le personnel du Bureau du Procureur serait toujours bien accueilli en Libye pour poursuivre ses enquêtes, notamment lorsque les conditions sécuritaires le permettront.  Il ne peut y avoir de justice en Libye sans sécurité, et pas de sécurité tant que les milices restent actives, a-t-il précisé.  Il a enfin appelé la communauté internationale à aider au rétablissement de l’armée régulière libyenne suffisamment forte pour assurer la sécurité dans le pays.

 

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