Conseil de sécurité: le Représentant du Secrétaire général en Iraq dénonce une crise politique profonde qui complique une situation déjà complexe
Le Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission d’assistance des Nations Unies en Iraq (MANUI), M. Jan Kubiš, a relevé ce matin devant le Conseil de sécurité que la crise politique profonde qui règne à Bagdad et dans tout le pays paralyse le Gouvernement et le Conseil des représentants et ajoute une nouvelle couche de complications à une situation déjà complexe du point de vue militaire, sécuritaire, humanitaire, économique et des droits de l’homme. Les représentants de l’Iraq, de la Fédération de Russie, des États-Unis et de l’Égypte ont fait des commentaires.
Le Représentant spécial, qui intervenait par vidéoconférence depuis Bagdad pour présenter le rapport trimestriel du Secrétaire général, a expliqué: « L’échec du Gouvernement et de la classe politique à se mettre d’accord sur de vraies réformes qui amélioreraient la gouvernance et la redevabilité et assureraient l’accès égal de tous à la justice, à l’emploi et aux services, tout en luttant contre la corruption, a poussé les gens dans la rue pour réclamer, entre autres, la fin de la politique des quotas par ethnie et par secte »
M. Kubiš a dit craindre que les solutions actuellement en discussions ne répondent pas aux revendications du peuple et que les manifestations continuent. Or, a-t-il mis en garde, la crise politique et le chaos ne serviraient que les intérêts des ennemis de l’Iraq et, surtout, les terroristes de Daech. Le Représentant spécial a insisté sur le fait que la stabilité, la sécurité et l’unité de l’Iraq résident dans un système politique « effectif et inclusif », dans un processus «égalitaire » de prise de décisions aux niveaux fédéral et local et dans des mesures concrètes pour prévenir l’exclusion politique et sectaire. Il a par exemple jugé important que Bagdad et Erbil parviennent à un accord sur les exportations et le partage des revenus du pétrole, sur le salaire des peshmergas et autres questions en suspens dont celles des zones libérées et disputées.
Le Représentant spécial a dit avoir accueilli la visite que le Secrétaire général de l’ONU a effectuée à Bagdad le 26 mars dernier, aux côtés du Président de la Banque mondiale et de celui de la Banque islamique de développement, comme « une marque du sérieux » de la communauté internationale dans son appui à l’Iraq d’autant que la crise humanitaire dans le pays demeure l’une des pires au monde. M. Kubiš a indiqué que près d’un tiers de la population a besoin d’aide et qu’environ deux millions de personnes pourraient être forcées de se déplacer d’ici à la fin de l’année. Il s’est particulièrement dit inquiet de la situation humanitaire à Falloujah, sous le contrôle de Daech.
L’édition 2016 du Plan de réponse humanitaire vise les 861 millions de dollars pour sept millions d’Iraquiens. Or, seul un quart de cette somme a été versé jusqu’ici. Si une somme de 300 millions de dollars n’est pas collectée d’ici au moins de juin, des programmes essentiels devront être réduits ou carrément supprimés.
Le représentant de l’Iraq, M. Mohamed Ali Alhakim, a assuré que les autorités iraquiennes s’efforcent de mettre sur pied le nouveau gouvernement et de lancer les réformes institutionnelles. Il a souligné que 2016 est une année cruciale pour son pays qui s’est fixé pour objectif de reprendre aux terroristes les territoires qu’ils contrôlent. Il faut absolument éviter le vide institutionnel en Iraq, a commenté le représentant de l’Égypte et Président du Conseil pour le mois de mai, M. Amr Abdellatif Aboulatta.
Les problèmes politiques iraquiens doivent se régler en interne, sans ingérence étrangère, a souligné le représentant de Fédération de Russie, M. Vitaly Churkin. Réitérant le soutien de son pays à la lutte de l’Iraq contre le terrorisme, il a précisé que seule une approche globale et respectueuse du droit international peut donner des résultats probants. Le Représentant spécial du Secrétaire général s’étant dit préoccupé par l’utilisation d’armes chimiques en Iraq, le délégué russe s’est étonné que « certains États n’en parlent même pas, préférant réserver leurs accusations au Président Assad ». Le délégué a affirmé que l’origine des agents chimiques utilisés par les terroristes dans la ville iraquienne de Tikrīt a pu être identifiée. C’est la Turquie dont, par ailleurs, les frappes aériennes menées en Iraq ont fait de nombreuses victimes civiles, a-t-il encore dénoncé.
Son homologue des États-Unis, Mme Michele Sison, a souligné que l’utilisation d’armes chimiques est à déplorer, quels qu’en soient les responsables. Elle a invité le Conseil de sécurité à rester uni et à renforcer sa collaboration pour lutter efficacement contre les groupes terroristes. Le représentant de l’Iraq a d’ailleurs demandé la poursuite de l’appui aérien de la Coalition, l’aide au renforcement des capacités des forces iraquiennes et un soutien logistique aux opérations de déminage. Il a également appelé à mettre fin à l’afflux des combattants étrangers vers la Syrie et l’Iraq, exhortant les pays de transit à les refouler. S’agissant du financement des terroristes, il a affirmé que ces derniers s’enrichissent de la contrebande du pétrole et des antiquités iraquiens, notamment par la frontière turque.
Il a demandé au Conseil de sécurité d’obtenir de la Turquie le retrait de ses troupes d’Iraq. Il a en outre annoncé que son gouvernement vient d’approuver une loi d’amnistie et une autre sur la création d’une garde nationale censée absorber les membres des milices tribales qui combattent aux côtés des Forces armées iraquiennes.
*S/2016/396