En cours au Siège de l'ONU

7686e séance – matin 
CS/12349

Face à une menace en constante évolution, les Comités antiterroristes du Conseil de sécurité placent la question de la mise en œuvre des sanctions au cœur de leur action

Le Conseil de sécurité a, ce matin, entendu les Présidents de ses trois Comités concernant la lutte contre le terrorisme lui présenter les travaux de ces organes subsidiaires chargés de surveiller la mise en œuvre des régimes de sanctions pertinentes, à quelques semaines du dixième anniversaire de la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies.

Le Président du Comité créé par la résolution 1267 (1999) concernant Daech et Al-Qaida, M. Gerard Von Bohemen, a rappelé que le mandat de cet organe avait connu un réalignement, à la suite de l’adoption, en décembre dernier, de la résolution 2253 (2015), qui enjoint aux États Membres de tarir les sources de financement de ces deux organisations terroristes.

« Depuis décembre dernier, la menace posée par Daech a évolué.  Le noyau dur de cette organisation en Iraq et en Syrie est sous pression.  Il a perdu des portions de territoire.  La destruction d’une partie de ses exploitations pétrolières est à l’origine de pertes de revenus.  Parallèlement, Daech s’est efforcé de trouver d’autres sources de financement pour ses activités, y compris en élargissant son assiette fiscale, en se livrant au trafic d’antiquités et en procédant à des enlèvements contre rançon », a déclaré M. Von Bohemen.

Face à l’évolution des tactiques de Daech, le Président du Comité créé par la résolution 1373 (2001) concernant la lutte antiterroriste, M. Amr Abdellatif Aboulatta, a souligné qu’il était impératif de couper les sources de financement des terroristes afin d’éliminer leur capacité à recruter de nouveaux combattants et à mener des attaques.  Il a donc annoncé que le Comité 1373 organiserait, en décembre prochain, une réunion sur cette question, en coopération avec le Comité 1267 et avec la participation du Groupe d’action financière (GAFI).

Daech « déplace son centre de gravité », a poursuivi M. Von Bohemen, en faisant état de la multiplication des franchises à travers le monde, notamment en Libye, en Afghanistan et au Yémen.  En outre, a-t-il fait observer, alors qu’au moins 30 000 combattants terroristes étrangers ont fait le déplacement en Iraq et en Syrie jusqu’à présent, de nombreux combattants étrangers rentrent dans leur pays d’origine, certains radicalisés, avec l’intention de s’en prendre à des cibles civiles.

Tandis que les délégations du Sénégal et de la Chine se sont attardés sur le recours, de plus en plus fréquent, aux technologies de l’information et des communications (TIC) par les terroristes, et notamment des réseaux sociaux, l’Ambassadeur Aboulatta a assuré que le Comité contre le terrorisme, avec le soutien de sa Direction exécutive, organiserait prochainement une réunion sur ce thème pour évaluer les progrès dans la mise en œuvre des recommandations émises en décembre dernier.

Pour M. Von Bohemen, les nouveaux « défis » posés par Daech représentent aussi une « opportunité » pour le Comité 1267, celle d’améliorer l’impact et l’efficacité de ses travaux.  Pour y parvenir, les États Membres doivent non seulement veiller à la mise en œuvre des sanctions –gel des avoirs, interdictions de voyager et embargo sur les armes– mais aussi fournir des informations à jour pour actualiser la Liste récapitulative des personnes et entités désignées.

« Le Conseil de sécurité et la communauté internationale ne peuvent ajuster leur réponse qu’une fois en possession d’informations à jour », a insisté le Président du Comité, en s’adressant aux États Membres ne l’ayant pas encore fait pour qu’ils soumettent leurs rapports sur les obstacles rencontrés pour appliquer les mesures et les dispositions qu’ils ont prises pour les surmonter.

Plutôt que d’y voir un « manque de bonne volonté », le représentant de l’Uruguay a considéré que les cas de « non-respect » sont souvent liés à l’insuffisance des capacités techniques et institutionnelles des États concernés, « ne serait-ce que pour sécuriser les frontières ».  C’est la raison pour laquelle la coopération internationale demeure indispensable, a-t-il souligné, rejoint en ce sens par plusieurs membres du Conseil, dont la Chine, désireuse qu’une assistance technique soit prêtée aux États qui en font la demande.

Se félicitant, de son côté, de la tendance grandissante au renforcement des services de douane efficaces dans les pays en développement, le Japon a rappelé que son pays organise, « depuis plus de 20 ans », des ateliers de formation aux contrôles des exportations.

Le même problème de mise en œuvre, a noté la représentante des États-Unis, se pose également dans certaines régions du monde –dont le Moyen-Orient et l’Afrique– pour la résolution 1540 (2004), qui vise à mettre fin à la prolifération des armes de destruction massive.  Le Président du Comité créé en vertu de cette résolution, M. Roman Oyarzun Marchesi, a lancé un appel à la vigilance, à l’heure où « Daech dispose d’un programme d’armes chimiques et développe des engins explosifs ».

« Le Comité sait qu’il doit améliorer son mécanisme d’assistance » auprès des États Membres, a reconnu son Président, qui a expliqué qu’une approche régionale avait été tentée en Afrique avec l’appui de l’Union africaine.  Évoquant la difficulté de sensibiliser l’opinion publique pour un Comité qui ne se déplace qu’« à l’invitation des pays », M. Marchesi a toutefois cité quelques nouveautés, dont une réunion à Abidjan avec 70 parlementaires africains, organisée en coopération avec l’Union interparlementaire, ou encore le lancement de cours de formation à l’intention des « points focaux nationaux ». 

« Le régime de non-prolifération n’est jamais aussi fort que son maillon faible.  Il exige l’attention constante des États, compte tenu du modus operandi en évolution permanente des acteurs non étatiques et des progrès rapides dans tous les aspects de la science, de la technologie et du commerce international », a lancé le Président du Comité.

EXPOSÉS DES PRÉSIDENTS DES ORGANES SUBSIDIAIRES DU CONSEIL DE SÉCURITÉ

Déclarations

M. GERARD VON BOHEMEN, Président du Conseil de sécurité créé par les résolutions 1267 (1999), 1989 (2011) et 2253 (2015) concernant Daech et le réseau Al Qaeda et les personnes, groupes, entreprises et entités qui leur sont associés, a rappelé que, depuis sa dernière présentation en date, le Conseil avait adopté la résolution 2253 (2015), qui a aligné les travaux du Comité sur la nécessité de tarir les sources de financement de Daech.  « Depuis décembre dernier, la menace posée par Daech a évolué.  Le noyau dur de l’organisation en Iraq et en Syrie est sous pression.  Il a perdu des portions de territoire.  Et la destruction de parties significatives de ses exploitations pétrolières est à l’origine de pertes de revenus.

Mais en réponse à cela, « Daech s’est efforcé de trouver d’autres sources de revenus, y compris en élargissant son assiette fiscale, en se livrant au trafic d’antiquités et en procédant à des enlèvements contre rançon », a expliqué le Président.  Par ailleurs, a-t-il confirmé, Daech ne manque ni d’armes ni de combattants.  Bien que des informations récentes révèlent une baisse du nombre de recrues, il n’en reste pas moins qu’environ 30 000 combattants terroristes étrangers ont fait le déplacement en Iraq et en Syrie jusqu’à présent.

En réponse à cette pression exercée sur son centre stratégique, le centre de gravité de Daech se déplace.  « La menace s’étend sur le plan géographique alors que les affiliations et les franchises se multiplient à travers le monde, notamment en Libye, en Afghanistan et au Yémen », a mis en garde M. Von Bohemen, qui a rappelé qu’une des conséquences, c’est que les combattants étrangers rentrent dans leur pays d’origine, dont un certain nombre radicalisés et avec l’intention de commettre des attaques contre des cibles civiles.  « Ces développements sont à la fois un défi et une opportunité, celle d’améliorer l’impact et l’efficacité du Comité de sanctions 1267 », a estimé le Président. 

Selon lui, il est devenu indispensable pour les États Membres de mettre en œuvre les mesures prévues par les résolutions 2170 (2014) et 2178 (2014) du Conseil de sécurité relatives au partage de l’information, afin de pouvoir détecter et neutraliser en amont les déplacements de combattants terroristes étrangers, a-t-il dit.

De plus, les flux financiers et de combattants en dehors des territoires placés sous le contrôle de Daech fournissent une opportunité aux États Membres de détecter et de prévenir l’extension de la menace posée par ce groupe.  C’est la raison pour laquelle les sanctions peuvent avoir un réel impact.  Lorsqu’elles sont appliquées avec précision, ces mesures exercent une réelle pression sur Daech et ses affiliés, perturbant les transferts de ressources financières et la planification d’attaques contre les populations civiles, a souligné le Président du Comité.  

Le gel des avoirs est l’un des domaines où les sanctions peuvent réellement faire la différence selon lui.  Mais pour y parvenir, a insisté M. Von Bohemen, le Comité a besoin que lui soient désignés les individus impliqués dans ce processus, en soumettant des demandes d’inscription sur la Liste récapitulative, comme la résolution 2253 (2015) encourage les États Membres à le faire.

Il est également crucial que ces derniers s’engagent à fournir à l’Équipe de surveillance et au Comité 1267, des informations mises à jour sur la nature de la menace, les individus et entités figurant déjà sur la Liste, l’état de la mise en œuvre du régime de sanctions.  « Le Conseil et la communauté internationale ne peuvent ajuster leur réponse qu’avec des informations actualisées », a insisté le Président, qui a donc demandé aux États Membres ne l’ayant pas encore fait de fournir au Comité leurs rapports.  M. Von Bohemen a ajouté que les États Membres devaient s’engager dans une coopération étroite avec le Comité, notamment dans le cadre des réunions d’informations publique qu’il organise désormais périodiquement.

M. AMR ABDELLATIF ABOULATTA (Égypte), Président du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1373 (2001) concernant la lutte antiterroriste, a indiqué qu’avec le soutien de la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme, le Comité avait mené un certain nombre d’activités pour lutter contre le phénomène des combattants terroristes étrangers.  Il a déclaré que le Comité était en train de développer de nouveaux outils pour améliorer sa coopération avec les États Membres, en droite ligne de la mise en œuvre des résolutions 1373 (2001) et 1624 (2005) du Conseil de sécurité.  Dans le même temps, a-t-il noté, le Comité met en place des outils pour améliorer son analyse des mesures prises en rapport avec la résolution 2178 (2014) relative aux combattants terroristes étrangers. 

Les activités du Comité au cours des derniers mois, a-t-il indiqué, sont axées sur l’analyse des lacunes et des meilleures pratiques dans la perspective d’endiguer le flux des combattants terroristes étrangers.  Dans le même temps, le Comité a poursuivi sa coopération avec les organisations internationales et régionales, ainsi qu’avec les organes des Nations Unies et d’autres partenaires.  Il a rappelé qu’en sa capacité de Président du Comité, il avait présenté au Conseil, en janvier dernier, les résultats d’une étude menée auprès des États Membres et portant sur la mise en œuvre des résolutions 1373 (2001) et 1624 (2005).

Le Président a aussi relevé que son Comité avait également analysé la question de l’utilisation des technologies de l’information et des communications (TIC) dans le cadre des activités terroristes.  Il a rappelé qu’une réunion sur cette question avait eu lieu en décembre dernier, en présence des États Membres, des organisations internationales et régionales, du secteur privé et de la société civile.  Le Comité, avec le soutien de la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme, entend organiser une autre réunion sur le même thème afin d’évaluer les progrès dans la mise en œuvre des recommandations de la rencontre de décembre.

Il a par ailleurs relevé que Daech et ses affiliés exploitent de plus en plus les ressources naturelles des territoires sous son contrôle, pillant aussi les banques et les antiquités.  M. Aboulatta a estimé qu’en coupant les sources de financement des terroristes, on pourrait saper leur capacité à recruter de nouveaux combattants et à mener des attaques.  Il a annoncé que le Comité allait organiser une réunion sur cette question en décembre prochain, en coopération avec le Comité portant sur les résolutions 1267, 1989 et 2253, et avec la participation du Groupe d’action financière (GAFI).  Compte tenu des spécificités de chaque pays, il faudrait éviter de croire qu’une seule approche serait efficace pour lutter contre le phénomène des combattants terroristes étrangers.  Il a donc invité les États à prendre des mesures appropriées au niveau national, tout en précisant que celles-ci doivent être conformes au droit international et au droit international humanitaire.  Il a enfin promis que le Comité allait veiller à améliorer son dialogue avec les États Membres.  

M. ROMAN OYARZUN MARCHESI, Président du Comité créé en vertu de la résolution 1540 (2004) du Conseil de sécurité, a prévenu que la seule façon d’empêcher l’accès des terroristes aux armes nucléaires, chimiques ou biologiques est de rester « vigilant ».  « Nous ne sommes plus dans la théorie », a-t-il alerté, rappelant que Daech avait un programme d’armes chimiques et qu’il développe des engins explosifs.  C’est dans ce contexte, a-t-il souligné, que le Comité procède à l’évaluation globale de la mise en œuvre de la résolution 1540 (2004). 

Les premiers éléments montrent que depuis 2010 le nombre des mesures d’application n’a cessé d’augmenter quoique très lentement.  Ils montrent aussi une meilleure reconnaissance du rôle que les « champions » régionaux de la résolution peuvent jouer pour faciliter une mise en œuvre effective.  Les éléments pointent également vers la nécessité de renforcer l’interaction du Comité avec les États, en particulier avec ceux qui ont besoin d’un appui.  Ils montrent enfin que les plans nationaux de mise en œuvre sont des outils efficaces de coordination à l’échelle des pays.

Le Comité sait, a poursuivi son Président, qu’il doit améliorer son mécanisme d’assistance.  En avril, le Comité a essayé une approche régionale en Afrique avec l’appui de l’Union africaine.  Le but était de réunir les pays africains qui ont besoin d’un appui et les fournisseurs de cet appui.  À cet égard, a dit avoir constaté le Président, le Comité doit faire plus pour nouer des partenariats avec des organisations clefs dont l’Organisation mondiale des douanes. 

Le Comité devrait aussi réfléchir à la manière de gommer un peu la différence entre les organisations internationales, qu’il s’agisse de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), qui fournit des programmes d’assistance bien connus, de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), dont les contrôles sont tout aussi connus, ou de la Convention sur les armes biologiques, qui n’a aucun mécanisme comparable. 

Quant à la difficulté de sensibiliser l’opinion publique pour un Comité qui ne se déplace qu’« à l’invitation des pays », le Président a cité quelques nouveautés, dont la réunion à Abidjan avec 70 parlementaires africains, organisée en coopération avec l’Union interparlementaire ou le lancement des cours de formation à l’intention des points focaux nationaux.  Compte tenu de l’impact, le Comité, a insisté le Président, doit continuer à rechercher des moyens novateurs d’interagir directement avec les États mais surtout dans les régions où l’assistance est la plus demandée. 

S’agissant en particulier de la société civile, le Président a parlé d’une réunion informelle avec des universitaires pour discuter des progrès scientifiques et technologiques liés à la mise en œuvre de la résolution 1540 (2004).  Cette réunion, a reconu le Président, « nous a ouvert les yeux » sur tout ce qui a changé depuis l’adoption de la résolution en 2004 et tout ce qui affecte directement le type de mesures de contrôle dont les États pourraient avoir besoin pour mettre en œuvre efficacement la résolution.  Grâce à l’appui de l’Allemagne, l’implication de « l’industrie » se maintient, s’est félicité le Président, en citant la réunion prévue du 20 au 22 juin 2016 entre les États, les organisations régionales et internationales et les représentants sélectionnés de la société civile.  Le Comité attend avec intérêt les idées de toutes les parties prenantes sur la manière de renforcer la mise en œuvre de la résolution.

Le régime de non-prolifération n’est jamais aussi fort que son maillon faible.  Il exige l’attention constante des États, compte tenu du modus operandi en constante mutation des acteurs non étatiques et des progrès rapides dans tous les aspects de la science, de la technologie et du commerce international. 

M. JULIO HELDER MOURA LUCAS (Angola) a salué les rapports présentés par les présidents des divers Comités.  Il a aussi salué l’engagement du Conseil dans la lutte contre le terrorisme.  Il s’est dit inquiet du constat fait dans les rapports des comités sur les dangers que présente le retour des combattants terroristes étrangers dans leur pays d’origine.  Ce phénomène, a-t-il dit, appelle à une coopération entre États Membres et tous les partenaires utiles.  Le délégué de l’Angola a appelé les États Membres à faire preuve de vigilance afin d’empêcher que les armes de destruction massive ne tombent pas entre les mains des terroristes.

M. HAITAO WU (Chine) s’est félicité de constater que de réels progrès avaient été réalisés par les trois comités de sanctions que leur président respectif vient de présenter au Conseil.  La communauté internationale doit maintenant trouver des moyens innovants de réagir à l’évolution des menaces posées par les organisations terroristes visées par les régimes de sanctions, dans le respect des règles les régissant.  Le représentant de la Chine s’est déclaré favorable à l’application intégrale de la résolution 1373 (2005) du Conseil, notamment en ce qui concerne les visites de terrain des membres du Comité, dans l’objectif de prêter une assistance aux États Membres qui en font la demande pour parvenir à une pleine mise en œuvre des mesures de sanctions.  Il a tout particulièrement mis l’accent sur la nécessité de mettre fin au recrutement de combattants terroristes étrangers sur les réseaux sociaux.  Le représentant a également plaidé en faveur d’efforts supplémentaires pour empêcher des acteurs non étatiques d’acquérir des armes de destruction massive, en soulignant que la diplomatie préventive devrait prévaloir avant toute autre considération, « dans l’espoir de créer un environnement international propice à la non-prolifération ».  C’est dans cet esprit que la Chine a organisé le mois dernier un atelier sur ce thème pour les pays de la région Asie-Pacifique, a-t-il ajouté.

M. EVGENY T. ZAGAYNOV (Fédération de Russie) a fait part de son inquiétude face à l’expansion de Daech, qui est désormais présent en Libye.  Il a estimé que les terroristes seraient moins dynamiques si les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité étaient mises en œuvre, et il a rappelé le rôle crucial que devraient jouer les pays voisins des zones de conflit à cet effet. 

Au sujet du Comité sur Daech, il a regretté que ses rapports ne contiennent pas suffisamment de données, alors même que celles-ci sont disponibles dans le domaine public.  Il a par exemple rappelé que la Fédération de Russie avait transmis au Conseil des éléments expliquant comment Daech utilisait le territoire turc pour écouler ses marchandises. 

Il a dit que la communauté internationale devait regarder la réalité en face, notamment ces données sur Daech, si elle comptait venir à bout de l’organisation terroriste.  Le représentant a par ailleurs fait part de ses critiques face à la volonté de création de nouvelles structures administratives pour faciliter le travail du Comité 1540.  Il a mis en garde contre le risque de doublon, estimant qu’il est plus facile pour les États Membres de collaborer directement avec le Comité. 

Si elle s’est félicitée des travaux accomplis par les trois Comités du Conseil de sécurité concernant la lutte contre le terrorisme, Mme MICHELE J. SISON (États-Unis) s’est toutefois dit préoccupée par les changements de cap amorcés par Daech, qui étend son emprise à d’autres théâtres d’opérations et multiplie les attaques terroristes prenant pour cible la population ou les infrastructures civiles.  Compte tenu du caractère évolutif de la menace, elle a souhaité que tous les États Membres apportent leur soutien au plan que le Secrétaire général présentera, en juin prochain, dans le cadre de l’examen de la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies.  Pour la délégation américaine, le Comité 1267 est vital pour contrer la menace que représente Daech.  Mais, a-t-elle souligné, si la mise en œuvre des sanctions reste déterminante, il est tout aussi important d’accorder l’attention qu’elle mérite à la conduite des travaux du Comité, qui représente l’action du Conseil contre l’État islamique.  La représentante a ensuite demandé à tous les États Membres de renforcer leur coopération avec les trois comités, et de fournir les ressources appropriées à l’Équipe de suivi.

Pour les États-Unis, la résolution 1540 est un instrument fondamental de l’architecture de non-prolifération, au moment où des informations font état de l’utilisation d’armes chimiques par Daech.  À cet égard, la déléguée s’est déclarée préoccupée par le fait que quatre groupes régionaux, dont l’Afrique et le Moyen-Orient, affichent un « taux de mise en œuvre » bien moindre qu’ailleurs, compte tenu du nombre d’organisations terroristes qui y opèrent.  Elle a donc adressé un message aux États Membres de l’ONU pour les orienter dans leur mise en œuvre de la résolution 1540: « S’engager, renforcer et arrêter (certaines stratégies inopérantes) ». 

M. HENRY ALFREDO SUÁREZ MORENO (Venezuela) a appelé la communauté internationale à s’assurer que les armes ne tombent pas entre les mains des terroristes et de tous les acteurs non étatiques.  Le Conseil doit prendre des mesures radicales pour empêcher la formation de ces groupes, a-t-il plaidé, appelant également à l’adoption d’une approche holistique et ferme pour prévenir, combattre et éliminer le fléau du terrorisme. 

Il a salué les efforts consentis par le Bureau de la médiatrice du Comité 1267, Mme Catherine Marchi-Uhel.  Il a en outre mis l’accent sur le renforcement des contrôles aux frontières et a appelé à mettre en place des mesures pour tarir les sources de financement des terroristes et contrer la propagation de leur idéologie. 

Au sujet spécifiquement du Comité 1540, qui porte sur la non-prolifération des armes de destruction massive, il a souhaité que la mise en œuvre des recommandations de la résolution y relative n’entrave pas les capacités et les besoins de développement des pays les moins avancés.

M. YOSHIFUMI OKAMURA (Japon) a déclaré que son pays avait renforcé sa sécurité aux frontières, par exemple en généralisant les lecteurs biométriques pour les voyageurs arrivant sur son territoire.  Il a rappelé que les terroristes exploitaient les pays vulnérables qui manquent des ressources nécessaires à la mise en œuvre des mesures de sanctions prévues par les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité.  C’est pourquoi sa délégation a prêté à un certain nombre d’États Membres en difficulté une assistance technique, pour un montant total de 28 millions de dollars au cours des deux dernières années.

Selon le représentant, il faut s’employer à mettre à jour les activités entre les groupes terroristes et les organisations clandestines qui financent leurs activités.  Dans ce contexte, le renforcement des capacités a également un rôle important à jouer, a insisté le Japon, qui organise depuis plus de 20 ans des ateliers de formation aux contrôles des exportations.  Sur ce point, la délégation s’est félicitée de la tendance grandissante dans les pays en développement à opérationnaliser des services de douane efficaces.

M. GORGUI CISS (Sénégal) a salué le travail des comités dont les rapports ont été présentés.  Il s’est aussi félicité de la réunion d’Addis-Abeba, en octobre dernier, concernant la mise en œuvre de la résolution 1540 (2004) portant sur la non-prolifération des armes de destruction massive.  Il a appelé le Comité 1540 à continuer de répondre favorablement aux demandes d’assistance venant des pays africains. 

Il a en outre rappelé que les terroristes utilisent de plus en plus les technologies de l’information et des communications (TIC), s’inquiétant aussi du danger croissant que représente le phénomène des combattants terroristes étrangers.  Face à cette situation, il a prôné le renforcement des contrôles aux frontières, sans pour autant entraver, a-t-il précisé, les déplacements des hommes et des biens.

M. ELBIO ROSSELLI (Uruguay) a déclaré que le succès des travaux des trois Comités dépendait de la manière dont les États Membres assumaient leurs responsabilités dans la mise en œuvre des régimes de sanction.  Ce qui pose, dès lors, la question des capacités institutionnelles et techniques de ces mêmes États pour faire appliquer les mesures décidées par le Conseil de sécurité. 

Les cas de non-respect sont bien souvent le fait, non pas d’un manque de bonne volonté, mais d’un manque de capacités, ne serait-ce que pour sécuriser les frontières, a plaidé la délégation.  Dans un tel contexte, la coopération internationale est donc fondamentale, sous peine de ne pas parvenir à l’universalisation des régimes de sanctions.  « Nous devons veiller à ce que le terrorisme ne devienne pas une alternative souhaitable pour nos populations », a résumé en conclusion le représentant.

Mme ELBIO ROSSELLI (Malaisie) a souhaité que les différents comités, dont les rapports ont été présentés ce matin, améliorent les activités de sensibilisation qu’ils mènent en direction du secteur privé et de la société civile notamment.  Elle a fait part de son inquiétude face au phénomène des combattants terroristes étrangers, se disant aussi préoccupée par la volonté affichée par les groupes terroristes de s’accaparer d’armes de destruction massive. 

Elle a proposé que chaque région tienne des réunions consacrées à la prévention des actes terroristes en s’appuyant notamment sur les activités des divers Comités.  Elle a également appelé ces derniers à travailler en synergie, étant donné, a-t-elle justifié, que leurs activités sont proches et leur objectif commun.  

M. MATTHEW RYCROFT (Royaume-Uni) s’est félicité de l’architecture complexe dont dispose le Conseil pour lutter contre le terrorisme.  Mais la menace a considérablement évolué au cours des 10 dernières années, a-t-il relevé, en espérant que l’examen, en juin, de la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies fournirait l’occasion de réfléchir aux moyens d’agir plus efficacement, en particulier contre l’afflux de combattants terroristes étrangers.  Le retour de ces individus, qui voyagent, parfois avec plusieurs passeports, dans leur pays d’origine ou ailleurs, est un problème majeur, a estimé la délégation britannique. 

Par ailleurs, a noté M. Rycroft, la pleine mise en œuvre de la résolution 1540 (2004) serait un grand pas en avant pour réaliser l’objectif universel de non-prolifération auquel la communauté internationale est attachée.  Or, l’utilisation d’armes chimiques en Syrie constitue une violation flagrante de cette résolution, a-t-il accusé, affirmant qu’à partir du moment où elles sont détruites, de tels arsenaux « ne peuvent pas tomber entre les mains d’acteurs non étatiques ».  Il a donc encouragé tous les États Membres à se conformer aux dispositions de ce texte.

Rappelant qu’il fallait rester à l’avant-garde du combat contre l’extrémisme violent, le représentant a indiqué être favorable à un « examen ambitieux », dans le cadre duquel, par exemple, le plan préparé par le Secrétaire général serait intégré à tous les échelons du système des Nations Unies.

Pour Mme MARIE AUDOUARD (France), l’adoption de la résolution 2253 (2015) a constitué une étape importante pour refléter au mieux la menace terroriste actuelle.  Ainsi, le Comité 1267, portant sur les sanctions contre Daech et Al Qaeda, remplit au moins deux missions essentielles auxquelles la France accorde une grande importance: d’une part l’analyse de la menace terroriste, et, d’autre part, la mise en œuvre et le suivi rigoureux de la liste de sanctions.

À cet égard, la France encourage les États Membres à continuer de soumettre des demandes d’inscriptions sur la liste.  Pour que ce régime reste crédible, il faut également que les procédures respectent les libertés fondamentales des personnes inscrites sur la liste, a–t-elle estimé avant de saluer la nomination de Mme Marchi-Uhel au poste de Médiateur dans ce régime.

S’agissant du Comité 1373 contre le terrorisme, la France rappelle ses deux fonctions essentielles qui sont de sensibiliser au mieux les États aux nouvelles tendances qui caractérisent une menace terroriste sans cesse changeante, et, d’étudier la manière dont les États mettent en œuvre la résolution 1373 (2001) (lutte contre le terrorisme en général et financement), mais également d’autres résolutions comme la 1624 (2004) et la 2178 (2014).  Pour la France, il est ainsi indispensable que les États acceptent les visites de la Direction exécutive afin qu’elle puisse auditer leur système de lutte contre le terrorisme et formuler les meilleures recommandations. 

S’agissant du Comité 1540 sur la lutte contre la prolifération nucléaire, elle a évoqué le risque de voir des matières biologiques, chimiques, radiologiques et nucléaires tomber entre les mains de terroristes.  « Les informations particulièrement préoccupantes qui nous parviennent d’Iraq et de Syrie ne nous permettent plus d’écarter cette possibilité », a-t-elle déclaré.  Sa délégation tient néanmoins à souligner les importantes réussites de la résolution 1540 (2004), à commencer par le fait qu’aujourd’hui l’écrasante majorité des États Membres de l’ONU a adopté des mesures transposant en droit national les dispositions de la résolution. 

Pour la France, l’examen de la mise en œuvre de la résolution 1540 (2004), qui est en cours, sera l’occasion d’adapter et renforcer les outils pour lutter contre cette menace.  En renforçant les mécanismes d’assistance, ainsi que le dialogue du Comité avec les organisations internationales, « nous parviendrons à mieux prévenir le risque d’acquisition d’armes de destruction massive par les acteurs non étatiques ».  Pour la France, la réunion de Madrid dans quelques jours, puis celle de New York en juin, seront des échéances majeures.

M. VOLODYMYR YELCHENKO (Ukraine) a salué l’étroite collaboration qui existe entre les Comités 1267 et 1373 concernant le suivi de la mise en œuvre de mesures antiterroristes spécifiques établies par le Conseil de sécurité et la coopération internationale dans ce domaine.  Il a notamment souligné le travail conjoint des Comités pour identifier l’émergence de nouvelles menaces posées par l’État islamique et les groupes affiliés, ainsi que le partage des rapports thématiques sur les moyens de tarir le financement des activités terroristes. 

Pour l’Ukraine, il est urgent aujourd’hui de prévenir que le terrorisme ne s’étende à d’autres régions en faisant obstacle aux flux de combattants terroristes étrangers et en adoptant une stratégie pour mieux faire face aux risques que peut poser le retour de ces « insurgés » dans leur pays d’origine.  Il faut également combattre la propagande terroriste et l’extrémisme violent en ligne.  L’Ukraine se réjouit de voir ces questions inscrites à l’ordre du jour des deux Comités et soutient l’appel lancé en faveur de sanctions antiterroristes ciblées pour lutter contre le financement terroriste et les voyages vers les zones de conflit.

S’agissant de la résolution 1540 (2004), le représentant a assuré que l’Ukraine était favorable à toute initiative visant à renforcer le rôle et la portée de cette résolution à long terme et salue, à cet égard, la constitution du Groupe d’amis.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.