Darfour: le Conseil de sécurité doit faire pression sur les parties pour parvenir à une solution politique, plaide le Secrétaire général adjoint, M. Hervé Ladsous
La situation sécuritaire au Darfour au cours de ces trois derniers mois a été dominée par des combats entre les Forces gouvernementales du Soudan et celles de l’Armée de libération du Soudan-faction Abdul Wahid (ALS-AW), a expliqué, ce matin au Conseil de sécurité, le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, M. Hervé Ladsous.
« Il est important que les membres du Conseil fassent pression sur l’ensemble des parties au conflit pour parvenir à une solution politique, qui reste la seule option viable », a insisté M. Ladsous, en rappelant que la poursuite d’objectifs politiques par des moyens militaires au cours de la dernière décennie n’avait fait qu’aggraver les souffrances de la population civile.
Venu informer le Conseil de sécurité des activités* de l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour (MINUAD), M. Ladsous a réitéré l’appel du Secrétaire général au Gouvernement soudanais et à l’ALS-Abdul Wahid pour cesser immédiatement les hostilités et ouvrir des négociations pacifiques, « sans conditions préalables ».
Ces affrontements se sont produits dans la région du Jabal Marra, située à cheval sur trois États du Darfour, à savoir le Darfour septentrional, le Darfour central et le Darfour méridional. Ils auraient eu lieu à la suite d’une embuscade tendue par des rebelles de l’ALS-Abdul Wahid contre un convoi de Forces gouvernementales début janvier. « En représailles, le Gouvernement soudanais a lancé une vaste opération militaire contre les positions rebelles dans tout le Jabal Marra », a expliqué le Secrétaire général adjoint.
Fin février, les autorités soudanaises avaient annoncé le « franc succès » de l’opération, ce qu’a vigoureusement contesté l’ALS-Abdul Wahid qui prétend maintenir son emprise sur le Jabal Marra. Le représentant du Soudan, M. Omer Dahab Fadl Mohamed, a répété aujourd’hui que son gouvernement avait repris le contrôle de la région. « Il est difficile, à ce stade, d’établir un bilan objectif en raison des restrictions d’accès imposées à la MINUAD dans cette région », a reconnu M. Ladsous, en affirmant toutefois qu’à l’heure actuelle, affrontements et bombardements aériens se poursuivraient.
La situation sécuritaire ailleurs au Darfour reste tout aussi fragile, émaillée de tensions intercommunautaires liées à l’exploitation des terres, de l’eau et d’autres ressources, qui provoquent des flambées persistantes de violences en dépit des mesures prises par les autorités locales. « En dépit d’améliorations, l’affaiblissement général de l’état de droit au Darfour donne lieu à des violations largement impunies », a déploré le Secrétaire général adjoint.
L’escalade des combats au Jabal Marra est ainsi à l’origine de déplacements massifs, qui concerneraient au moins 138 000 personnes, aux besoins desquelles la MINUAD et les acteurs humanitaires peuvent difficilement répondre en raison des restrictions qui leur sont imposées, a noté M. Ladsous.
Malgré cette situation, la Mission s’est efforcée d’offrir une protection, à l’intérieur de zones situées à proximité des camps de personnes déplacées dans les localités de Sortoni, Kabkabiya, Tawilla et Nertiti, où environ 103 000 personnes ont trouvé refuge. En outre, a indiqué le Secrétaire général adjoint, la MINUAD a intensifié ses patrouilles de jour comme de nuit et pris en charge l’acheminement de l’aide humanitaire.
M. Ladsous s’est dit préoccupé par l’insistance du Gouvernement pour que les personnes déplacées quittent les camps. « En l’absence de solutions durables et de conditions économiques et sociales suffisantes, cela est impossible », a-t-il prévenu.
Sur le plan politique, le Secrétaire général adjoint a relevé qu’un référendum sur le statut administratif du Darfour et son découpage territorial était prévu du 11 au 13 avril prochain. Mais les critères à satisfaire pour avoir le droit de voter sont contestés, tandis que des partis politiques soudanais ont exprimé leur préoccupation quant au moment choisi pour organiser le référendum, « qu’ils jugent inopportun compte tenu des combats et des déplacements en cours au Jabal Marra et ailleurs au Darfour ».
Par ailleurs, a regretté le Secrétaire général adjoint, les efforts politiques pour parvenir à une résolution durable du conflit par le dialogue inclusif sont toujours dans l’impasse. « Tandis que l’ALS-Abdul Wahid a rejeté les pourparlers avec le Gouvernement, les récentes réunions entre le Gouvernement et la faction Gibril Ibrahim du Mouvement pour la justice et l’égalité (MJE-faction Gibril Ibrahim) et la faction Minni Minawi de l’Armée de libération du Soudan (ALS-MM) à Debre Zeit, en Éthiopie, n’ont débouché sur aucun accord », a indiqué M. Ladsous.
Le représentant du Soudan vigoureusement a contesté ces propos, en rappelant que la plupart des partis politiques du pays, « soit 81 », ainsi que les groupes armés et la société civile, avaient pris part au dialogue national. Le Président soudanais doit désormais mettre en application les recommandations qui en sont issues, et dont un certain nombre ont fait l’unanimité des participants, s’est félicité M. Dahab Fadl.
« Assujettir une question aussi capitale que le dialogue national aux caprices politiques de quelques individus est grave », a tranché le délégué. Cela ne ferait que cautionner la poursuite des conflits et donnerait licence aux groupes armés pour continuer à compromettre la situation sécuritaire nationale, a-t-il précisé.
Pour sa part, M. Ladsous a salué l’amélioration de la relation entre la MINUAD et le Gouvernement soudanais, illustrée par les conclusions d’une réunion tripartite, le 22 mars dernier à New York, entre l’ONU, l’Union africaine et les autorités soudanaises. Il a été convenu, a-t-il indiqué, une série de mesures concrètes de la part du Gouvernement pour lever les restrictions aux activités de la Mission, y compris en termes de droits de douane, de délivrance de visas et d’accès à l’ensemble du Darfour, notamment dans les zones de conflit.
« Je peux vous assurer que des mesures importantes ont été prises par le Gouvernement du Soudan depuis », s’est félicité le Secrétaire général adjoint, en annonçant que la semaine prochaine, l’Union africaine, les Nations Unies et le Gouvernement du Soudan reprendraient leur interaction autour de la « stratégie de sortie » de la MINUAD.
De son côté, cependant, le représentant soudanais s’est demandé si les « discordances » persistantes entre son gouvernement et la Mission ne dissimuleraient pas un « ordre du jour » destiné à « justifier » la présence continue de l’Opération au Darfour.
*S/2016/268