Conseil de sécurité,
7665e séance – matin
CS/12316

Mali: « Chaque jour de retard dans la mise en œuvre de l’Accord de paix est un jour gagné pour les groupes extrémistes », prévient le Secrétaire général adjoint, M. Hervé Ladsous

Si des progrès importants ont été réalisés ces dernières semaines dans la mise en œuvre de l’Accord de paix au Mali, « les avancées sur le volet défense et sécurité demeurent trop lentes au regard des enjeux dans le nord du pays », s’est alarmé, ce matin devant le Conseil de sécurité, le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix de l’ONU, M. Hervé Ladsous, lors d’une séance à laquelle participait également le Ministre des affaires étrangères du Mali, M. Abdoulaye Diop.

« Lors de ma dernière intervention, j’avais déjà tiré la sonnette d’alarme sur la situation sécuritaire préoccupante au Mali.  En effet, chaque jour de retard dans la mise en œuvre de l’Accord de paix est un jour gagné pour les groupes extrémistes et terroristes qui ont fait le pari de mettre en échec le processus de paix et prennent pour cible de manière indiscriminée les représentants de l’État malien, les groupes signataires, ainsi que les forces internationales de l’Opération Barkhane et de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) », a déclaré M. Ladsous.

Venu présenter au Conseil de sécurité le dernier rapport en date* du Secrétaire général sur la situation en Afrique de l’Ouest, M. Ladsous a reconnu que des avancées significatives avaient été réalisées dans l’application de l’Accord de paix, parmi lesquelles la création, le 19 janvier, par les autorités maliennes, de deux nouvelles régions – Taoudéni et Ménaka.

En outre, a-t-il relevé, le 27 février, une rencontre initiée par le Président du Mali, M. Ibrahim Boubacar Keita, entre la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA)et la Plateforme a permis d’aboutir à un « calendrier d’exécution » pour les mois de mars et avril, axé principalement sur la mise en place d’autorités intérimaires dans le nord, l’amélioration des conditions de sécurité, le cantonnement, et les préparatifs des élections locales.

Enfin, la semaine dernière, l’Assemblée nationale malienne a adopté une loi et un décret fixant les modalités de fonctionnement des administrations transitoires, qui seront composées de représentants du Gouvernement, de la CMA et de la Plateforme, et limitées aux communes et cercles des régions de Gao, Kidal, Ménaka, Taoudéni et Tombouctou, a précisé le Secrétaire général adjoint.  Considérant qu’il s’agit d’une « étape décisive », à mettre en œuvre « dans les plus brefs délais », M. Ladsous a estimé que l’arrivée à Kidal du nouveau gouverneur symboliserait le retour graduel de l’administration de l’État.

Cependant, en dépit de mesures importantes, comme la création des Commissions en charge de l’intégration et du désarmement, de la démobilisation et de la réintégration (DDR); la mise en place d’une allocation pour le précantonnement des combattants des groupes armés signataires; la construction des trois premiers sites de cantonnement et la mise en chantier, cette semaine, de cinq autres, les volets « défense et sécurité » de l’Accord de paix restent insuffisamment mis en œuvre, a affirmé le haut fonctionnaire.

« Comme nous pouvons le constater presque quotidiennement, ces retards ont une incidence sur les conflits intercommunautaires qui ne cessent de s’accroître, en particulier dans les régions de Gao et Mopti, avec parfois des conséquences alarmantes pour les populations civiles », a mis en garde M. Ladsous.

« Près de 10 mois après la signature de cet Accord, il est urgent que les parties permettent le fonctionnement rapide du Mécanisme opérationnel de coordination (MOC) et le déploiement de patrouilles mixtes qui devront jouer un rôle essentiel pour sécuriser le cantonnement et le DDR », a précisé le Secrétaire général adjoint.  Pour sa part, le Ministre des affaires étrangères du Mali a estimé qu’il revient aux mouvements signataires de faire « des avancées importantes et rapides » sur ces questions en suspens.

Au-delà de l’engagement et de la volonté politique des signataires, « qui ne font aucun doute », « l’enjeu réside bel et bien aujourd’hui dans la confiance entre les parties qui doit être davantage consolidée », a prévenu M. Ladsous.  « À ce titre, nous regrettons que le Forum de Kidal, qui devait initialement réunir l’ensemble des signataires de l’Accord du 28 au 30 mars dernier, se soit transformé en une rencontre interne à la CMA », a poursuivi le Secrétaire général adjoint.

Aux encouragements de M. Ladsous à initier le processus préparatoire de la Conférence de réconciliation nationale, le Ministre a répondu que son gouvernement avait déjà pris des mesures en ce sens, en citant un « avant-projet de termes de référence » et l’adoption d’un décret d’application de la loi relative à l’indemnisation des victimes des évènements de 2012.

Convaincu que l’environnement dangereux dans lequel évolue la MINUSMA résulte de problèmes plus profonds liés à la gouvernance politique et sécuritaire en Afrique de l’Ouest, le Secrétaire général adjoint a inscrit son analyse dans une perspective plus large.  « La combinaison de la recrudescence de l’insécurité au nord du Mali, mais également dans la région de Mopti, ainsi que de la montée du terrorisme en Afrique de l’Ouest, symbolisée par les attaques de Ouagadougou, fin janvier, et de Grand-Bassam, à la mi-mars, nous invitent à redoubler d’attention sur l’état de la menace sécuritaire dans la sous-région ».

C’est également le constat auquel s’est livré le Ministre malien des affaires étrangères, pour qui l’instabilité régionale est liée, en grande partie, à la détérioration continue de la situation politique et sécuritaire en Libye voisine.

Annonçant le lancement d’un « examen stratégique » de la MINUSMA pour lui permettre de s’adapter à l’évolution de son théâtre d’opérations, M. Ladsous a indiqué que le Secrétaire général formulera des recommandations dans le prochain rapport qu’il présentera au Conseil de sécurité en juin, soit un mois avant la prorogation du mandat de la Mission.

À cet égard, le Chef de la diplomatie malienne a rappelé que son gouvernement avait formulé ses propres recommandations en vue de rendre la MINUSMA, qui souffre, selon lui, de « déficit opérationnel », davantage « proactive ».  En effet, a rappelé M. Diop, avec 80 Casques bleus tués en seulement trois ans d’exercice, la MINUSMA est malheureusement devenue « l’opération de maintien de la paix la plus meurtrière ».  M. Ladsous a dénoncé les attaques répétées des mouvements Ansar Eddine et Al-Mourabitoun.

S’agissant des allégations de violations des droits de l’homme signalées dans le rapport, le Ministre malien des affaires étrangères a estimé que les 34 incidents survenus au cours de la période à l’examen « ne permettent pas de distinguer les cas imputés aux Forces de défense et de sécurité au Mali ». 

De même, a-t-il ajouté, le chiffre de « 265 prisonniers détenus pour des raisons liées au conflit et au terrorisme » ne correspond pas aux informations dont dispose le Ministère de la justice de son pays.  À la suite du Secrétaire général dans son rapport, M. Diop a rappelé les obstacles qui empêchent les autorités judiciaires du Mali d’engager des poursuites pénales contre les auteurs de violations, notamment le manque de ressources et les difficultés à mener des enquêtes dans le nord du pays.

*S/2016/281

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