En cours au Siège de l'ONU

Conseil de sécurité,
7654e séance – matin
CS/12299

Conseil de sécurité: à l’approche des élections, la RDC doit privilégier la voie du « dialogue politique », préconise le Chef de la MONUSCO

Le Ministre congolais des affaires étrangères défend « l’espace politique » dans son pays comme étant « le plus ouvert » dans la région des Grands Lacs

La République démocratique du Congo, qui devrait tenir des élections présidentielle et législatives en novembre prochain, se trouve à un moment charnière, a estimé, ce matin, devant le Conseil de sécurité, le Représentant spécial du Secrétaire général pour ce pays, M. Maman Sidikou.

« À l’approche de cette échéance, un dialogue crédible entre tous les acteurs politiques est essentiel pour trouver une solution à l’impasse du processus électoral et éviter l’escalade des tensions.  Les risques de violence sont réels si les différends ne sont pas réglés », a mis en garde M. Sidikou, qui est également le Chef de la Mission de l’Organisation des Nations Unies en RDC (MONUSCO).

Au cours de la visite qu’il a effectuée en RDC à la fin du mois de février, a-t-il rappelé, le Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, a demandé au Président congolais, M. Joseph Kabila, aux présidents des deux chambres du Parlement, aux partis d’opposition et à la société civile de s’engager dans un dialogue politique plaçant les intérêts de la population au-dessus de toute autre considération.

« Une des étapes clefs vers la tenue d’un scrutin crédible reste la révision du fichier électoral », a expliqué le Représentant spécial, en donnant l’assurance que la MONUSCO prêterait son appui à cette fin, sous réserve toutefois d’un « consensus politique entre tous les acteurs » sur un tel concours.

Il faut en outre créer un « espace suffisant pour les activités politiques et l’exercice des libertés publiques », avait plaidé, lors de sa visite officielle, le Secrétaire général, qui s’était dit préoccupé par le fait que les membres de l’opposition, des médias et de la société civile soient pris pour cibles.

« En RDC, l’espace politique est le plus ouvert de toute la région », s’est, au contraire, enorgueilli le Ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale, M. Raymond Tshibanda N’Tungamulongo.  Il a toutefois précisé que les libertés publiques doivent s’exercer dans le respect de la loi et des exigences de l’ordre public.

« Mon pays tient à l’organisation d’élections libres et respectueuses des normes internationales en matière d’inclusion, de transparence et de crédibilité », a-t-il assuré, avant de reconnaître lui aussi le problème de l’absence de fichier électoral « fiable et inclusif ».  Ce fichier électoral doit prendre en compte tous les Congolais qui sont aujourd’hui en âge de voter, comme les nouveaux majeurs, les expatriés, les personnes déplacées ou les réfugiés de retour.

Au nombre des autres « écueils », le Chef de la diplomatie congolaise a identifié « l’absence d’un calendrier réaliste et consensuel » et la sécurisation et le financement du processus électoral.  M. Tshibanda N’Tungamulongo a également imputé le retard enregistré dans le processus électoral aux « tergiversations d’une frange de l’opposition qui veut une chose et son contraire à la fois ».

Tandis que le Conseil de sécurité s’apprête à proroger le mandat de la MONUSCO, « il ne serait pas de bonne politique que les Nations Unies soient, à la suite d’une résolution malencontreuse ne prenant pas en compte la situation réelle sur le terrain, à la base d’une crise susceptible de remettre en cause les efforts et les sacrifices que nous avons tous consentis », a averti le Ministre.

Le Représentant spécial présentait en effet aujourd’hui aux membres du Conseil le dernier rapport* en date du Secrétaire général de l’ONU sur les activités de la MONUSCO, qui dépeint une situation toujours « très complexe » dans l’est de la RDC.  C’est tout particulièrement le cas dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu, où continuent de sévir les Forces démocratiques alliées (ADF), les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) et les groupes maï-maï.

« La vague d’enlèvements dans les zones précédemment occupées par le M23 est révélatrice de l’absence d’une présence effective de l’État dans les zones de conflit.  Les tensions interethniques dans la province de l’Ituri, alimentées par les différends sur les biens fonciers et les déplacements à grande échelle dans le Nord-Kivu, agitent à nouveau le spectre de violences graves », s’est alarmé M. Sidikou, tout en soulignant le risque que fait peser la crise au Burundi sur la province frontalière du Sud-Kivu.

L’engagement pris par le Président Kabila à relancer les opérations militaires conjointes entre les forces gouvernementales et les Casques bleus de la MONUSCO ouvre la voie à une meilleure protection des civils, s’est toutefois félicité le Représentant spécial.

M. Sidikou a demandé au Conseil de sécurité de garder à l’esprit l’importance de cette coopération renforcée entre la Mission les Forces armées de la RDC (FARDC), qui est également nécessaire aussi pour restaurer l’autorité de l’État et trouver des solutions durables à la question des anciens combattants, notamment du M23.

Dans ce contexte, le Représentant spécial a demandé au Conseil de sécurité de suivre la recommandation du Secrétaire général « de réduire encore le personnel militaire de la MONUSCO de 1 700 hommes », réduction qui peut être, selon lui, envisagée sans compromettre la capacité de la Mission à assurer la protection des civils.

« Cette recommandation devrait être considérée comme une contribution au dialogue stratégique entre la Mission et le Gouvernement congolais en vue de parvenir au retrait graduel de la MONUSCO tout en préservant les gains et investissements réalisés à ce jour », a estimé M. Sidikou.

La « pression militaire » ne produira de résultats durables qu’à condition de l’accompagner d’un processus de désarmement, de démobilisation et de réintégration pour des milliers d’ex-combattants dans leurs communautés ou pays d’origine, a insisté le Représentant spécial.  Si les opérations menées par les FARDC ne prendront fin qu’avec l’éradication de tous ces mouvements rebelles, a confirmé le Ministre congolais des affaires étrangères et de la coopération internationale, il appartient cependant à la communauté internationale de rapatrier les ex-combattants FDLR au Rwanda ou de les réinstaller dans un pays tiers situé en dehors de la région des Grands Lacs.

Après avoir déploré la lenteur observée dans la mise en œuvre de la Déclaration de Nairobi, « principalement due à la mauvaise foi des dirigeants du M23 et aux pays qui les hébergent », M. Tshibanda N’Tungamulongo a jugé que la RDC était la seule partie à mettre en œuvre ce document, ainsi que l’Accord-cadre d’Addis-Abeba.  Il a plaidé pour que le Conseil envisage des sanctions contre ces ex-rebelles et leur commandement.

Après avoir demandé aux instances des Nations Unies de « ne point continuer à opposer au peuple et au Gouvernement congolais une lecture unilatérale de la situation politique et sécuritaire » dans son pays, M. Tshibanda N’Tungamulongo a invité le Conseil de sécurité à procéder à « un changement de concept opérationnel de la Mission ».  L’objectif du Gouvernement de la RDC est ambitieux, a résumé le Ministre: contribuer à créer les conditions objectives qui permettent que, « d’ici à la fin de l’année », la moitié de la Force de la MONUSCO -aujourd’hui déployée sur son territoire- puisse être retirée, « sans mise en cause des acquis sur les plans sécuritaire et de la stabilisation du pays ».

*S/2016/233

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