En cours au Siège de l'ONU

Conseil de sécurité,
7653e séance – matin
CS/12294

Le potentiel des Grands Lacs entravé par la persistance de « forces négatives » et de l’instabilité politique, constate le Secrétaire général

Seize ans après le déploiement initial de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), force est de reconnaître que ce pays et la région des Grands Lacs continuent de se heurter à de nombreux défis, comme en témoigne la situation au Burundi, a déclaré aujourd’hui, lors d’un débat au Conseil de sécurité, le Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon.

« La défaite du Mouvement du 23 mars (M23) et la conclusion du Dialogue de Kampala en décembre 2013 ont contribué à améliorer la situation sécuritaire en République démocratique du Congo (RDC) et au-delà.  Néanmoins, des efforts redoublés seront nécessaires pour neutraliser toutes les forces négatives, trouver des solutions durables pour les anciens combattants, et étendre l’autorité de l’État congolais dans les zones d’opération des groupes armés », a affirmé M. Ban.

Le Secrétaire général participait à un débat public du Conseil sous la présidence du Ministre des relations extérieures de l’Angola, M. Georges Rebelo Pinto Chikoti, avec pour thème la prévention et le règlement des conflits dans la région des Grands Lacs, et pour lequel les membres du Conseil étaient saisis d’une note de cadrage*.

Le Chef de l’Organisation était également venu présenter son dernier rapport** en date sur l’état de la mise en œuvre de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la RDC et la région, signé en février 2013 par 11 pays membres de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs.  Cet Accord vise, entre autres, à éliminer l’appui dont bénéficient les groupes armés et à promouvoir la croissance et le développement économiques régionaux dans le cadre d’une approche globale.

« Les progrès dans l’application des engagements demeurent limités, tandis que la présence persistante de groupes armés illégaux, en particulier les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), les Forces démocratiques alliées, les Forces de résistance patriotiques de l’Ituri (FRPI) et plusieurs milices maï-maï continuent à compliquer l’application de l’Accord », a constaté l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la région des Grands Lacs, M. Said Djinnit.

Dans ce contexte, MM. Ban et Djinnit se sont réjouis du lancement officiel, aujourd’hui même, du Cadre stratégique régional des Grands Lacs, qui ambitionne de mieux aligner le travail des Nations Unies sur les objectifs de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération. 

Ce cadre stratégique repose sur six piliers, a expliqué le Secrétaire général: gestion durable des ressources naturelles; intégration économique, commerce transfrontalier et sécurité alimentaire; mobilité; jeunes et adolescents; violences sexuelles et sexistes; et justice et prévention des conflits.

Se félicitant de l’opérationnalisation de ce Cadre, le Ministre des affaires extérieures de l’Angola a mis l’accent sur la réalisation du potentiel des Grands Lacs, région qui a connu une croissance économique de 6,2% l’an passé, « 9,5% » rien qu’en RDC, a relevé de son côté la représentante des États-Unis.

À cet égard, a noté M. Ban, la Conférence de l’investissement du secteur privé de Kinshasa, qui s’est déroulée du 24 au 26 février dernier, a été l’occasion pour les investisseurs et les chefs d’entreprise « du monde entier » de discuter de la façon d’améliorer le climat des affaires dans la région.

Mais, « si elles ne contribuent que maigrement au développement social et économique, les ressources naturelles suscitent la convoitise et ont exposé la région aux forces de la déstabilisation et du conflit », précise la note de cadrage.  Ce constat a été une source de préoccupation récurrente au cours de ce débat.

Partisan d’une bonne gouvernance des richesses naturelles, le Rwanda a, par la voix de son Ministre de la coopération, M. Eugène-Richard Gasana, indiqué que son pays s’était doté d’un « mécanisme de vérification et de certification » de ses ressources répondant aux critères établis par le Processus de Kimberley.

Réagissant aux inquiétudes de plusieurs intervenants, le Ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale de la RDC, M. Raymond Tshibanda N’tungamulongo, a assuré le Conseil de la volonté de son gouvernement d’organiser les prochaines élections « à bonne date », dans des conditions qui en garantissent la transparence et la crédibilité.  Dans ce contexte, a-t-il expliqué, la Commission électorale nationale indépendante a été « complètement réformée ». 

En outre, pour prévenir toute crise pré ou postélectorale, le Chef de l’État congolais a convié la classe politique et la société civile à un « dialogue positif exclusif » en vue de parvenir à un accord sur leurs divergences.

Revenant sur les propos des États-Unis, qui regrettaient qu’au Rwanda, les progrès sur les plans des droits civils et politiques fussent moins marqués que sur le plan économique, M. Gasana a déclaré que la « réussite » de son pays résultait au contraire de la bonne gouvernance et de la « gestion éclairée » du Président Paul Kagamé, à l’origine de « solutions entièrement adaptées à la situation de notre pays ». 

De même, le Ministre des relations extérieures et de la coopération internationale du Burundi, M. Alain Aimé Nyamitwe, a rappelé que l’histoire de son pays n’avait pas débuté avec la réélection du Président Pierre Nkurunziza en avril 2015.  Il a attribué la responsabilité de l’insurrection postélectorale dans son pays à un « groupe affilié à un parti d’opposition désireux de changer le régime » et appuyé par des éléments de l’armée et de la police, ainsi qu’à l’hostilité de son voisin rwandais.

Le Burundi, a-t-il ajouté, se réserve le droit de saisir les « juridictions internationales » au sujet de l’implication supposée du Rwanda, appelant le Conseil de sécurité à se saisir de ce problème.

MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

 

Prévention et règlement des conflits dans la région des Grands Lacs

 

Note verbale datée du 8 mars 2016, adressée au Secrétaire général par la Mission permanente de l’Angola auprès de l’Organisation des Nations Unies (S/2016/223)

Rapport du Secrétaire général sur la mise en œuvre de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo et la région (S/2016/232)

Déclarations liminaires

M. BAN KI-MOON, Secrétaire général de l’ONU, a estimé que des progrès significatifs avaient été réalisés au cours des 16 dernières années depuis le déploiement initial de la Mission de l’Organisation des Nations Unies qui a été effectué en République démocratique du Congo.  Il a cité le retrait des forces armées étrangères, la réunification du pays; la mise en place d’un gouvernement de transition, l’organisation de deux élections nationales, et la signature de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération en RDC et dans la région en février 2013.  « Les dernières années ont également enregistré certains progrès dans la stabilisation de la situation sécuritaire dans l’est de la RDC.  La défaite du Mouvement du 23 mars (M23) et la conclusion du Dialogue de Kampala en décembre 2013 ont contribué à améliorer la situation de la sécurité de la région.  Néanmoins, de grands défis de paix et de sécurité persistent.  Des efforts soutenus sont nécessaires pour neutraliser toutes les forces négatives, y compris en trouvant des solutions durables pour les anciens combattants et étendre l’autorité de l’État dans les zones d’opération des groupes armés ».

À cet égard, le Secrétaire général s’est félicité de la décision du Gouvernement de la RDC de reprendre la planification et les opérations militaires conjointes avec la MONUSCO pour éliminer les forces négatives, en particulier les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) et les Forces démocratiques alliées (ADF).  Il a demandé instamment aux participants du débat d’aujourd’hui de se mettre d’accord sur des recommandations concrètes pour accélérer le désarmement et la démobilisation de tous les groupes armés opérant toujours dans l’est de la RDC.  Quant aux membres du Conseil de sécurité, il leur a demandé de dialoguer avec les acteurs concernés et de soutenir les efforts de l’ONU pour mettre pleinement en œuvre les Déclarations de Nairobi, qui ont mis fin à l’insurrection du M23.

« Il ne fait aucun doute que l’élimination des forces négatives sera plus difficile si ces forces continuent à tirer profit du commerce illicite de ressources naturelles de la région », qui se chiffre à plusieurs milliards de dollars, a mis en garde le Secrétaire général.  Pour lui, il est urgent de mettre fin à ces filières économiques.  Il s’est ainsi dit encouragé par le fait que l’Envoyé spécial travaille avec la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs pour aider à améliorer la gouvernance relative aux ressources naturelles.  Il a demandé aux gouvernements des pays de la région des Grands Lacs de formuler des stratégies visant à faire des ressources naturelles de leurs États de puissants moteurs de développement humain et économique. 

Préoccupé par les violations persistantes des droits de l’homme et du droit international humanitaire dans l’est de la RDC et d’autres parties de la région, le Secrétaire général a constaté une forte augmentation des conflits intercommunautaires et interethniques, s’ajoutant aux violences perpétrées par de nombreux groupes armés qui opèrent dans l’est du pays.  « Répondre aux besoins des personnes les plus vulnérables dans les zones touchées par le conflit est un élément clef de la stratégie des Nations Unies pour promouvoir la paix et une sécurité durables dans la région des Grands Lacs », a souligné M. Ban.  Rien qu’en RDC, a-t-il fait remarquer, 7,5 millions de personnes ont actuellement besoin d’aide humanitaire, notamment plus de 1,5 million de personnes déplacées.  En raison de la menace posée par les groupes armés, les déplacements de population et les violations des droits de l’homme se font sur une base quotidienne dans certaines parties du pays.  « Comme la RDC entre dans une période électorale délicate, nous sommes préoccupés par le risque de violences électorales, ce qui pourrait aggraver la situation humanitaire », a souligné M. Ban.  Il s’est ensuite appesanti sur la situation sécuritaire au Burundi, où plus d’un million de personnes, dont quelque 25 000 personnes déplacées internes, ont besoin d’assistance.  En outre, près de 250 000 réfugiés burundais se trouvent en RDC, au Rwanda, en Tanzanie et en Zambie.  Enjoignant ces pays à faire preuve d’hospitalité, le Secrétaire général les a priés de ne pas utiliser les réfugiés à des fins politiques.  Il est également de notre responsabilité commune d’empêcher la « militarisation » des camps de réfugiés, qui doivent conserver leur caractère civil, a-t-il dit.  Préoccupé également par l’impasse dans laquelle se trouve l’organisation des élections en République démocratique du Congo (RDC), M. Ban a demandé au Conseil de sécurité et aux dirigeants des pays de la région d’aider à préserver la stabilité politique en République démocratique du Congo en trouvant rapidement une issue à l’impasse actuelle. 

Il s’est déclaré, au contraire, heureux du succès de la Conférence des Grands Lacs du secteur privé d’investissement à Kinshasa, en février dernier, qui a donné aux dirigeants des Grands Lacs une rare occasion de collaborer avec des investisseurs privés et des chefs d’entreprise du monde entier pour discuter de la façon d’améliorer le climat des affaires et de l’investissement dans la région.  Il s’est dit particulièrement satisfait de la recommandation appelant les investisseurs privés à soutenir les entreprises commerciales qui favorisent les moyens de subsistance pour les femmes et les jeunes, en mettant l’accent sur le renforcement des capacités et le développement des compétences.

Enfin, la réunion d’aujourd’hui marque le lancement officiel du Cadre stratégique régional des Nations Unies, qui vise à mieux aligner le travail des Nations Unies dans la région des Grands Lacs sur les objectifs de paix, de sécurité et cadre de coopération.  Le cadre stratégique comporte six piliers: la gestion durable des ressources naturelles; l’intégration économique, le commerce transfrontalier et la sécurité alimentaire; la mobilité; les jeunes et les adolescents; les violences sexuelles et sexistes; et la justice et la prévention des conflits.  Les progrès réalisés dans la mise en œuvre de ce Cadre stratégique seront déterminants, le Conseil de sécurité, les États de la région des Grands Lacs et la communauté des donateurs étant engagés à approuver le Cadre stratégique et à prêter appui à sa mise en œuvre, a souligné le Secrétaire général avant de conclure.

M. SAID DJINNIT, Envoyé spécial du Secrétaire général pour la région des Grands Lacs, a expliqué que depuis les conflits et les convulsions politiques des années 1990, la région avait beaucoup progressé en matière de stabilité politique et de développement.  Il a anticipé que les délibérations du Conseil porteront aussi bien sur les questions d’actualité, qui constituent une source de préoccupation immédiate, que sur les causes profondes de l’instabilité dans la région des Grands Lacs.  « Ces deux préoccupations du Conseil sont au cœur du mandat et de la feuille de route de mon Bureau », a-t-il souligné.

Si des progrès encourageants ont été réalisés dans l’application de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo (RDC) et la région, il reste encore un long chemin à parcourir pour réaliser la stabilité et le développement à long terme dans la région, a déclaré M. Djinnit.  En dépit des efforts déployés pour éradiquer les forces négative opérant dans l’est de la RDC, les groupes armés, y compris le FDLR, l’ADF et d’autres groupes maï-maï continuent de tuer des innocents, de commettre de graves violations des droits de l’homme, d’exploiter illégalement les ressources naturelles et de saper la confiance.  Il a salué, à cet égard, la décision récente du Gouvernement de la RDC de reprendre la coopération entre ses forces armées et la MONUSCO et il a souhaité qu’elle soit rapidement opérationnelle.

De même, l’Envoyé spécial s’est dit préoccupé par les retards pris dans le processus de rapatriement des anciens combattants du M23 depuis l’Ouganda et le Rwanda et dans l’application des Déclarations de Nairobi.  

Les questions liées au respect de la Constitution et les processus électoraux continuent d’entraîner des divisions et de générer des tensions, comme ce fut le cas au Burundi.  M. Djinnit a appelé à une reprise rapide des processus de dialogue ouvert à tous.

Les solutions durables pour le maintien de la paix internationale et pour la prévention et le règlement des conflits dans la région des Grands Lacs doivent inclure des stratégies économiques et sociales pour s’attaquer à la pauvreté, créer des emplois, en particulier pour les jeunes, et faciliter l’intégration économique et la prospérité commune, a fait valoir l’Envoyé spécial.  Les 24 et 25 février derniers, son Bureau avait organisé à Kinshasa la Conférence sur les investissements du secteur privés dans la région des Grands Lacs, qui a créé un véritable élan, s’est-il félicité.  M. Djinnit a ainsi évoqué le projet de forum régional du secteur privé des Grands Lacs dont l’objectif est de servir de mécanisme permanent pour promouvoir les investissements dans la région.

En outre, l’exploitation illicite des ressources naturelles est un facteur de conflit et de prolifération des réseaux criminels qui entrave la paix et la sécurité dans la région, a déploré M. Djinnit.  C’est une question qui requiert « des actions collectives et décisives ».  Dans le cadre du suivi de la Conférence de Kinshasa, il faudra réfléchir aux moyens d’améliorer la gouvernance des ressources naturelles, tels l’or et le charbon.

« La région ne pourra jouir d’une paix et d’une stabilité à long terme si la culture de l’impunité l’emporte et si les individus ne sont pas punis pour les crimes qu’ils ont commis », a poursuivi l’Envoyé spécial.  Dans le cadre de son mandat, il a appuyé les initiatives visant à promouvoir la coopération judiciaire entre les pays de la région, en particulier pour ce qui est de la violence sexuelle et sexiste.

Très préoccupé par la situation des réfugiés humanitaires, M. Djinnit a dit qu’il travaillait aux côtés du HCR, de la Banque mondiale et d’autres partenaires pour concevoir de nouveaux modèles en vue d’offrir de meilleures opportunités aux personnes déplacées et aux communautés d’accueil.

L’Envoyé spécial a souligné ensuite le rôle de la société civile, en particulier les organisations de femmes.  Son Bureau a notamment contribué à la tenue de la deuxième Assemblée générale du Forum de la société civile régionale à Dar es-Salaam.   

« A l’instar d’autres parties du continent africain, la région des Grands Lacs est à la croisée des chemins », a conclu l’Envoyé spécial.  Elle n’est « pas à l’abri de retours en arrières », a-t-il insisté. « Il est donc impératif de consolider les acquis de paix et de démocratie ». 

M. SMAIL CHERGUI, Commissaire pour la paix et la sécurité de l’Union africaine, a fait un tour d’horizon de la situation dans les Grands Lacs.  Il s’est félicité du soutien apporté par le Conseil de sécurité à l’Accord-cadre de février 2013 et de la visite du Secrétaire général dans la région, qui est venue à l’appui des efforts de paix et de stabilité alors que se posent de nombreux défis sécuritaires, dont les opérations menées par les groupes armés.  M. Chergui a également salué le travail des organisations cogarantes de l’Accord-cadre, notant qu’elles effectueraient un déplacement dans la région du 11 au 15 avril 2016. 

Les derniers développements politiques en République centrafricaine constituent un motif d’espoir pour l’Union africaine, a déclaré M. Chergui, qui s’est félicité de la bonne conduite du processus électoral ayant abouti à l’élection d’un nouveau Président dans ce pays.  S’agissant du Soudan du Sud, le Commissaire a renouvelé son appui aux mesures sécuritaires en cours pour assurer le retour à Djouba du Vice-Président Riek Machar, dont il a espéré qu’elle serait « une question de jours, et non de semaines ». 

Préoccupée par la situation sécuritaire au Burundi, l’Union africaine poursuit le déploiement des observateurs militaires prouvé par le Burundi et le Conseil de sécurité et de paix de l’Union africaine, a poursuivi M. Chergui.  Enfin, à l’approche des élections en République démocratique du Congo (RDC), l’Union demeure plus que jamais engagée auprès de ce pays, où elle s’efforce de poursuivre un dialogue sur le calendrier électoral et les modalités du scrutin.  Il a, en conclusion, apporté son soutien aux droits des femmes dans la région, qu’il est « indispensable » de promouvoir. 

M. VIJAY PILLAI, Conseiller à la Banque mondiale, a rappelé que des défis entravaient toujours la pleine mise en œuvre de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo (RDC) et la région des Grands Lacs, jugeant que la réunion d’aujourd’hui était une occasion idéale de relancer le soutien de la communauté internationale à cet égard. 

Les Grands Lacs représentent pour la Banque mondiale un exemple frappant du coût économique et humain des conflits et du lien entre, d’un côté, l’absence de paix et de sécurité, et, de l’autre, l’instabilité macroéconomique, les déficits fiscaux, la frilosité des investisseurs, le chômage massif et l’insuffisance des services de base. 

Dans ce contexte, a poursuivi l’expert, la Banque mondiale est sur le point de finaliser des projets dans la région d’un montant total de 1,2 milliard de dollars, notamment pour revitaliser les infrastructures et venir en aide aux femmes victimes de violences sexuelles et aux personnes déplacées.  Enfin, a assuré M. Pillai, la Banque mondiale travaille en étroite coopération avec les Nations Unies et les autres partenaires de développement pour soutenir l’Accord-cadre.

Déclarations

M. GEORGES REBELO PINTO CHIKOTI, Ministre des relations extérieures de l’Angola, a déclaré que l’objectif de son pays en organisant ce débat était de changer le récit traditionnel axé sur les conflits armés, le pillage des ressources, les violations flagrantes des droits de l’homme et l’incapacité générale à trouver des solutions durables aux problèmes qui affectent la région.  Pour le Ministre, il convient d’« avoir une approche prospective en identifiant les facteurs qui puissent changer la donne en permettant la transformation des facteurs de conflit en facteurs de paix et de développement économique et social ».

À cet égard, a souligné M. Chikoti, l’Angola accueille favorablement le lancement du Cadre stratégique régional des Grands Lacs, en appui à la mise en œuvre de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération, qui a créé un lien clair entre la paix, la sécurité et le développement, et engagé le renforcement de la coopération régionale et l’approfondissement de l’intégration régionale.

La feuille de route mise en place par le Cadre stratégique régional a établi plusieurs priorités pour l’action régionale: des efforts pour neutraliser les forces négatives, l’établissement de mesures de confiance, la promotion de processus électoraux corrects, le renforcement des mécanismes de contrôle du Conseil de paix et de sécurité, la solution à la question des réfugiés rwandais, la promotion du développement socioéconomique et de l’intégration régionale, des initiatives pour mobiliser les femmes, les jeunes et la société civile, la lutte contre l’impunité, le renforcement de la reddition de comptes et le renforcement de l’état de droit, la coordination de l’appui de la communauté internationale dans la mise en œuvre de l’Accord-cadre.

En outre, a dit le Ministre, la région des Grands Lacs a connu en 2015 une croissance économique de 6,2%, favorisée par des facteurs structurels endogènes, la croissance démographique, les jeunes, l’augmentation de la classe moyenne avec un pouvoir d’achat accru, l’urbanisation rapide et l’augmentation des besoins infrastructurels ainsi que l’expansion du commerce interafricain.  Qui plus est, la région a montré un certain degré de résilience en prenant en compte le fait qu’une part importante de ses exportations est liée aux produits de base qui sont assujettis à la chute des prix.  De plus, elle est l’une des zones les plus peuplées en Afrique, et des investissements sont nécessaires pour faire de ce grand marché potentiel un dividende démographique. 

Pour réaliser un tel potentiel, le capital humain et les infrastructures doivent être modernisés ainsi que la qualité et la capacité des institutions, les cadres juridiques et réglementaires, les niveaux de transparence et de responsabilité, la profondeur du débat sociétal et politique, la consultation et la collaboration. 

Avant de terminer, le Ministre a ajouté que la Conférence de Kinshasa sur l’investissement du secteur privé dans la région des Grands Lacs, tenue les 24 et 25 février 2016, avait représenté une étape importance dans ce processus.  « Je suis confiant dans le fait que les résultats de la Conférence serviront de canevas pour la mise en œuvre de la plupart de ces mesures requises », a-t-il dit.

Mme SAMANTHA POWER (États-Unis) a relevé que la Conférence de Kinshasa convoquée le mois dernier par l’Envoyé spécial pour la région des Grands Lacs, M. Said Djinnit, avait permis de faire le point sur tous les gains sécuritaires réalisés dans la région au cours de ces dernières décennies.  Elle a tenu à souligner les liens entre la redevabilité et les droits de l’homme, d’une part, et les progrès économiques et la paix et la stabilité durables, d’autre part.  Elle a condamné l’arrestation récente d’activistes en RDC, « qui n’est pas le seul pays où le processus démocratique est mis à mal ». 

Elle a tout d’abord évoqué la situation au Rwanda, un pays qui a vu sa situation s’améliorer avec un rythme de développement soutenu.  « Quand on pense aux horreurs du génocide, on se rend compte des réalisations extraordinaires du Président Kagamé », a-t-elle fait remarquer.  Malheureusement, les progrès sur le plan des droits civils et politiques sont moins marqués.

Pour sa part, l’Ouganda contribue depuis longtemps à la mission de paix en Somalie et à l’accueil de réfugiés, a ensuite fait observer Mme Power.  Toutefois, s’agissant de la redevabilité démocratique, « les lendemains des élections sont parlants », avec l’arrestation de membres de l’opposition et des médias. 

Si la RDC reste l’un des pays les plus pauvres au monde, elle a toutefois connu des avancées et une croissance de 9,5%, a estimé la représentante des États-Unis.  « Alors que le mandat du Président Kabila arrive à sa fin, l’équilibre fragile est menacé et tout dépendra d’élections libres et crédibles au mois de novembre », a-t-elle averti.  Mme Power s’est également dite préoccupée par la tentative du Gouvernement de ce pays de limiter sa coopération avec la MONUSCO.  

Enfin, Mme Power a salué la croissance régulière de l’économie burundaise pendant 10 ans.  Toutefois, a-t-elle estimé, « la décision du Président de rester au pouvoir a remis en question tous les progrès réalisés ».  « Il reste à voir s’il va intervenir pour réorienter la situation », a-t-elle ajouté, en notant qu’il restait encore des prisonniers politiques et des stations de radio fermées.

Les États-Unis ont toujours historiquement appuyé la population de ces quatre pays, notamment pour les aider à parvenir à un commerce juste des ressources naturelles.  « Les choix de leurs présidents vont déterminer si les avancées perdurent », a déclaré Mme Power.  « Ces pays sont prêts si on leur accorde la possibilité de participer pleinement au processus démocratique », a-t-elle ajouté avant de conclure.  

M. IGNACIO YBAÑEZ, Vice-Ministre des affaires étrangères et de la coopération de l’Espagne, a rappelé que les transformations structurelles dans la région des Grands Lacs au cours de la décennie écoulée avaient été spectaculaires.  Cependant, a-t-il fait remarquer, la région n’a pas encore tourné la page des conflits, ce qui nous oblige à nous interroger sur leurs causes profondes.  Pour le Vice-Ministre, l’absence de gouvernance démocratique crée un vide propice à la poursuite des conflits.  Dans ce contexte, il est essentiel de respecter les dispositions relatives à la durée des mandats présidentiels et à l’alternance démocratique, a-t-il souligné, en se disant tout particulièrement préoccupé par la situation au Burundi. 

Pour M. Ybañez, il faudrait également veiller à ce que les femmes soient incluses dans les processus démocratiques car, a-t-il dit, elles sont la principale force de transformation dans le monde.  Le second défi principal qui se pose pour la région est celui du développement économique inclusif, qui est nécessaire pour répondre aux besoins de dizaines de milliers de personnes privées d’opportunités.  La RDC, par exemple, possède des ressources naturelles et hydriques « extraordinaires », a-t-il relevé.  Grâce à l’appui de la communauté internationale, la RDC devrait marquer des avancées contre l’exploitation illicite de ces ressources.  Il faudrait que l’autorité de l’État soit rétablie dans les régions du pays où sa présence est insuffisante, notamment pour y fournir les services de base, a encouragé le Vice-Ministre.  Il est essentiel qu’aucun État ne tolère ou n’apporte son soutien militaire aux groupes armés opérant dans la région, a-t-il insisté avant de conclure.

M. JAMES DUDDRIDGE, Sous-Secrétaire d’État parlementaire au Bureau des affaires étrangères et du Commonwealth du Royaume-Uni, a dit avoir entendu « des histoires terrifiantes de souffrances et d’exactions au Burundi », un pays qui avait pourtant engrangé des succès par le passé.  Il a déploré l’augmentation des exécutions extrajudiciaires, l’existence de charniers, les enlèvements, les meurtres, et l’exploitation sexuelle.  « Nous devons trouver une solution pacifique à la situation du Burundi car, a-t-il prévenu, nous ne devons pas répéter les erreurs du passé. »

M. Duddridge s’est félicité de l’engagement de l’Union africaine à prendre des mesures pour prévenir les crimes contre l’humanité.  Au Burundi, a-t-il poursuivi, « la communauté internationale doit jouer son rôle, mais il faut qu’il n’y ait aucun malentendu: la responsabilité première pour ce processus incombe au Gouvernement burundais lui-même ».  Le Gouvernement doit participer à un dialogue sans exclusive avec toutes les parties.  Il faudrait une transition démocratique du pouvoir « pour ne pas mettre en péril les progrès réalisés dans la région des Grands Lacs ».

En RDC, lors du dernier référendum, le débat n’était pas ouvert, ni dynamique, ni exempt de censure, a constaté ensuite le représentant.  Il a appelé le Gouvernement de ce pays à donner un nouvel élan dans la bonne direction, conformément aux engagements pris dans la région.  Soucieux du bien-être des peuples et du fait que la pauvreté alimente les conflits, le Royaume-Uni a récemment nommé un envoyé pour le commerce en RDC et au Rwanda, a indiqué M. Duddridge.    

M. SITI HAJJAR ADNIN (Malaisie) a jugé indispensable de mettre fin à tous les conflits dans la région des Grands Lacs, rappelant la nécessité de redoubler d’efforts pour neutraliser les groupes armés qui continuent d’y sévir, en particulier dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC).  Pour sa délégation, il est également indispensable de lutter contre les facteurs de conflit, notamment le trafic de ressources naturelles. 

La représentante a en outre recommandé d’accorder une attention particulière aux efforts économiques pour remédier aux causes des conflits.  À cet égard, elle s’est déclarée heureuse d’initiatives telles que la Conférence des Grands Lacs du secteur privé d’investissement à Kinshasa qui s’est déroulée en février dernier.  La Malaisie a enfin appelé toutes les parties au conflit à mettre fin aux exactions contre les enfants, en appliquant des plans en coopération avec les Nation Unies, et à redoubler d’efforts pour autonomiser les jeunes.

Après avoir exprimé ses préoccupations concernant la situation en République démocratique du Congo (RDC) et au Burundi, M. GERARD VAN BOHEMEN (Nouvelle-Zélande), a souligné que l’engagement des pays de la région des Grands Lacs et les mesures de confiance étaient essentiels pour parvenir à des solutions durables.  Le Cadre stratégique pour la région des Grands Lacs, a estimé le représentant, exige une approche cohérente et un suivi de sa mise en œuvre par les pays de la région.  Le Conseil de sécurité doit impérativement soutenir ce processus.  Il existe par ailleurs un nombre d’étapes que le Conseil peut faire pour changer son jeu, a-t-il suggéré.  Le Conseil devrait ainsi explorer les moyens d’améliorer sa sensibilisation à l’évolution des risques de conflit.  Il devrait avoir la volonté et la capacité de travailler avec les organisations régionales, en particulier l’Union africaine sur les risques de conflits émergeants. 

Les membres du Conseil et les parties prenantes nationales et régionales devraient dépasser la fausse dichotomie actuelle entre la confrontation et la non-intervention qui conduit souvent à l’inertie.  Pour être efficace dans la prévention de conflits, le Conseil doit adopter une approche plus inclusive, impliquant les pays concernés, les parties prenantes importantes régionales et ceux qui peuvent contribuer aux discussions de manière équilibrée et collégiale.   Plus généralement, a poursuivi le représentant, la Nouvelle-Zélande est préoccupée par le fait que la communauté internationale et les Nations Unies continuent de sous-financer les mesures de prévention des conflits.  Il est important qu’une attention particulière soit accordée à la région des Grands Lacs dans l’année à venir, en particulier les situations au Burundi et en RDC, et que le Conseil soit prêt à agir pour assurer que le peuple de la région soit épargné de nouvelle tragédie, a conclu le représentant.

M. AMR ABDELLATIF ABOULATTA (Égypte) a indiqué que la région des Grands Lacs était au cœur des préoccupations de son pays, pour des raisons géographiques, mais aussi économiques et politiques.  « Il faut trouver des solutions durables sur la base du principe d’appropriation nationale », a-t-il fait valoir.  Notant que la situation dans l’est de la RDC restait instable, il a dit que le pays avait besoin de l’appui de la MONUSCO.  « Un certain nombre de pays de la région sont confrontés à des problèmes qui impliquent une intervention de la communauté internationale », a-t-il constaté.

Pour ce qui du Burundi, le représentant a recommandé de « bâtir sur l’élan engrangé par les visites des médiateurs de l’Union africaine et de la communauté des États d’Afrique de l’Est ».  Toutes les parties doivent honorer leurs engagements, a-t-il souligné.  Pour sa délégation, les groupes armés constituent une grande menace pour la paix dans la région, ce qui nécessite une approche intégrée et des mesures qui ne soient pas seulement militaires pour contrer les causes profondes de l’instabilité, en particulier le trafic des ressources naturelles.

« Il faut remédier aux lacunes qui se posent entre le moment où des lois sont adoptées et celui où elles sont appliquées sur le terrain », a-t-il conclu en rappelant qu’il présidait le Comité des sanctions contre la RDC.  Enfin, il a estimé que le secteur privé avait une contribution potentielle à apporter pour créer des emplois dans la région des Grands Lacs.  L’Égypte, a-t-il assuré, est prête à coopérer à des projets d’infrastructures et d’énergie.

Trois ans après la signature de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba pour la République du Congo et la région, M. FRANÇOIS DELATTRE (France) regrette que les progrès soient encore trop limités tout en réaffirmant la pertinence de cet Accord pour parvenir à une paix durable.  La France soutient la feuille de route mise en avant pour l’action de l’Envoyé spécial du Secrétaire général, M. Said Djinnit.

Prenant note des développements positifs dans la région, notamment le déroulement de scrutins électoraux largement pacifiques en République-Unie de Tanzanie, mais aussi en République centrafricaine, M. Delattre est néanmoins aussi revenu sur la crise politique au Burundi, qui s’accompagne d’une crise sécuritaire et humanitaire.  « Après une décennie d’engagement des Nations Unies, qui avait permis d’accompagner le Burundi sur la voie de la stabilité tracée par les Accords d’Arusha, ce sont des pas en arrière auxquels nous assistons ces derniers mois », a-t-il regretté, avant d’assurer que la France, avec les Nations Unies, continuerait de se mobiliser pour sortir de cette crise et retrouver la paix et la stabilité, dans le respect des droits de l’homme.

M. Delattre a également fait part de son inquiétude face à la fragilité persistante en République démocratique du Congo (RDC), même si dans plusieurs régions, la situation sécuritaire s’est stabilisée et la restauration de l’autorité de l’État est marche.  L’instabilité dans l’est du pays demeure une réalité, avec des dizaines de groupes armés qui continuent d’alimenter une spirale de violence, d’exploiter illégalement les ressources naturelles et de commettre des exactions à l’égard de la population.

Pour le représentant de la France « chacun doit jouer sa part pour mettre définitivement fin à la menace posée par ces groupes: autorités de la RDC, en coopération avec la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), mais aussi les pays de la région ».  Il regrette en outre les délais pris dans l’organisation des élections, prévues par la Constitution d’ici à la fin de cette année.  La France appelle les autorités de la RDC à respecter leurs engagements constitutionnels et internationaux en matière de respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et incite tous les acteurs au dialogue et à ne pas recourir à la force.

En tant que partenaire proche des pays de la région des Grands Lacs, la France souhaite voir ces pays consolider leur trajectoire sur la voie de la paix et d’une stabilité durables, pour leur permettre de se concentrer sur leur développement et le bien-être des populations.  À ce titre, elle salue la tenue à Kinshasa, le 24 et 25 février, de la Conférence internationale sur l’investissement du secteur privé dans la région.

M. RAFAEL DARÍO RAMÍREZ CARREÑO (Venezuela) a constaté que l’absence d’autorité de l’État dans la région des Grands Lacs y favorisait l’exploitation et le commerce illicites, par des organisations criminelles, de ressources naturelles et d’espèces protégées.  La communauté internationale doit donc se mobiliser contre le trafic d’or, de coltan et de diamants par les groupes armés qui s’en servent pour financer leurs activités.  « Pas moins de 18 conflits régionaux ont été financés de cette façon », a-t-il relevé.  Pour le Venezuela, la complexité des problèmes auxquels les pays de la région des Grands Lacs font face exige une coopération internationale « véritable et solidaire », qui tiendrait compte des réalités spécifiques qui sont les leurs.  C’est la raison pour laquelle la coopération sans conditions des bailleurs de fonds et des donateurs bilatéraux sera indispensable pour relancer les économies locales, a déclaré le représentant, qui a estimé qu’elle doit aller de pair avec les processus politiques dans les États concernés. 

Pour M. FODÉ SECK (Sénégal), la région des Grands Lacs, de par la qualité des interactions entre différents niveaux d’intervention national, sous-régional, régional et international, pourrait servir de cas d’école, dont le Conseil de sécurité devrait s’inspirer pour améliorer l’efficacité de son action.  Il a relevé « une certaine constance dans les causes et manifestations des crises qui secouent cette région ».  La prolifération de groupes armés non étatiques, les tensions communautaires et ethniques, les problèmes de gouvernance et de démocratie, l’exploitation illégale des ressources naturelles sont autant de facteurs qui alimentent les conflits ainsi que les flux de réfugiés et de personnes déplacées.

Pour le Sénégal, la dynamique enclenchée par la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs prend tout son sens, en ce qu’elle permet d’asseoir une approche régionale holistique qui, au-delà des réponses ponctuelles aux crises et conflits, tient compte des exigences de prévention, d’intégration, de promotion de la paix et de développement durable dans la région. 

D’une part, le Pacte sur la paix, la sécurité, la stabilité et le développement, signé en 2006, constitue, selon lui, un référentiel et, d’autre part, l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo et la région, reste plus spécifiquement destiné à prendre en charge les défis que pose à la région l’insécurité chronique qui sévit à l’est de la RDC.  Sa délégation invite les pays signataires à renforcer leur engagement et leur coopération en faveur de la mise en œuvre de cet important instrument régional. 

Le représentant a également mis l’accent sur la nécessité d’une meilleure harmonisation des politiques initiées par les différentes organisations sous-régionales et régionales pour une action coordonnée à toutes les étapes allant de l’alerte précoce, à la résolution pacifique des conflits et la consolidation de la paix.  Il a également insisté sur le renforcement du partenariat entre l’ONU et ces organisations en vue d’une synergie d’action entre le Conseil de sécurité et la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs.

Au-delà des défis sécuritaires, le représentant a appelé à un engagement fort des États de la région et des organisations régionales, sous-régionales, appuyées par les instances internationales, pour prendre en charge la problématique des processus électoraux dans la région.

M. MOTOHIDE YOSHIKAWA (Japon) a mis l’accent sur « l’importance d’empêcher tout retour au conflit ».  D’après un rapport de la Banque mondiale, 57% de tous les États qui ont traversé une guerre civile entre 1949 et 2009 sont retombés dans le conflit.  C’est malheureusement le cas pour les pays de la région des Grands Lacs, a-t-il regretté.  En tant que Président du Groupe de travail sur les leçons apprises, le représentant a recommandé une attention accrue de la part de la communauté internationale pour atténuer les faiblesses des missions de l’ONU. 

Il faut également que les pays bâtissent des activités de transition nationales pour assurer une paix durable.  Il a également souligné la nécessité de faire un bon usage du Fonds pour la consolidation de la paix et du Fonds d’affectation spéciale des Nations Unies pour la sécurité humaine, qui ont déjà apporté leur soutien à l’autonomisation de communautés touchées par les conflits.

Depuis 12 ans, s’est félicité le représentant, le Japon fournit une formation à plus de 20 000 des 120 000 policiers de la République démocratique du Congo (RDC) en collaboration avec la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation dans le pays (MONUSCO).  « Un policier sur cinq en RDC a été formé par le Japon », a-t-il résumé.  Son pays a également mis au point un projet pour aider à la réinsertion des enfants à l’école dans l’est de la RDC.  

Enfin, le Japon, qui assumera la présidence du Conseil de sécurité en juillet prochain, souhaitera organiser un débat public sur la consolidation de la paix en Afrique.

M. PETR V. ILIICHEV (Fédération de Russie) a salué la visite récente dans la sous-région du Secrétaire général et l’organisation de la Conférence de Kinshasa.  Il s’est prononcé en faveur d’une pleine mise en œuvre de l’Accord-cadre de 2013, « dans le respect de la souveraineté et de la non-ingérence dans les affaires internes des États ».  Le représentant a fait part de sa préoccupation à propos du recrutement de combattants dans les rangs des réfugiés.  « Force est de constater que la composante militaire est loin d’être concrétisée », a-t-il regretté, en évoquant les engagements pris par les États signataires.

Les groupes armés restent actifs dans la région, alimentant les conflits interethniques et la prolifération des armes, a poursuivi le représentant.  « Nous avons besoin d’un ensemble de mesures pour renforcer l’autorité de l’État dans les zones libérées des insurgés », a-t-il fait valoir.  Il s’est également dit préoccupé par le dossier du retour d’ex-combattants du M23 qui reste « paralysé ».  Les pays de la région sont en train d’édifier des processus démocratiques et traversent une phase cruciale d’élections, a conclu le représentant.  D’après lui, « tout développement politique au niveau national doit être approprié par les peuples eux-mêmes et il ne faut pas imposer des recettes toutes faites ». 

M. ELBIO ROSSELLI (Uruguay) a souligné l’importance de se pencher sur les causes profondes des conflits qui ont éclaté dans les pays des Grands Lacs.  La présence des opérations de maintien de la paix dans la région continue, dans ce contexte, d’être nécessaire, a-t-il estimé.  Le représentant s’est félicité de l’annonce de la reprise des opérations conjointes entre la MONUSCO et les forces armées gouvernementales congolaises, en souhaitant que le processus électoral prévu à l’automne 2016 en RDC soit couronné de succès.  S’agissant du Burundi, M. Rosselli s’est déclaré convaincu que le Président Pierre Nkurunziza devra s’acquitter de ses engagements en facilitant un processus de dialogue « ouvert à tous et transparent ».  Il s’est en outre inquiété du regain de tensions entre ce pays et le Rwanda, en les appelant à revitaliser leurs relations bilatérales dans un esprit de coopération.

M. LIU JIEYI (Chine) a rappelé que les États de la région des Grands Lacs étaient liés entre eux par une « communauté de destins partagés ».  À l’instar d’autres membres du Conseil, il a souligné que l’Accord-Cadre pour la paix en RDC et dans la région des Grands Lacs devrait être mis en œuvre dans son intégralité, en souhaitant que la communauté internationale assiste le Gouvernement de la RDC dans cette voie.  D’une manière générale, le renforcement des capacités des pays des Grands Lacs est essentiel, a-t-il déclaré.  À cet égard, le représentant de la Chine s’est félicité de la volonté exprimée par la RDC de former ses forces armées.  Il a demandé à la communauté internationale de soutenir la réforme du secteur de la sécurité dans ce pays.  Dans ce contexte, il est important de poursuivre le rapatriement et la réintégration des anciens combattants du M23, a souligné le représentant.  Considérant lui aussi que la pauvreté et le sous-développement sont des causes premières des conflits dans la région, le délégué de la Chine a lancé un appel à la communauté internationale en faveur d’investissements dans le domaine des infrastructures, de l’électricité et du tourisme.

M. VOLODYMYR YELCHENKO (Ukraine) a évoqué la situation sécuritaire dans la région des Grands Lacs, notamment en RDC.  Ce pays n’a pas connu de transfert pacifique du pouvoir depuis l’indépendance, or les élections doivent permettre un changement démocratique.  Il a appelé toutes les parties à accepter une médiation internationale.  Il a ensuite évoqué le dossier des forces armées toujours présentes dans l’est du pays, malgré le déploiement de la plus grande mission de maintien de la paix de l’ONU à laquelle contribue l’Ukraine.

L’Accord-cadre reste, de l’avis de sa délégation, l’un des principaux mécanismes multilatéraux pour assurer la paix et la stabilité en RDC.  Rappelant l’engagement conjoint des parties de ne pas s’ingérer dans les affaires des pays voisins, le représentant s’est dit préoccupé par l’infiltration de groupes armés dans les zones de conflit.  En outre, des efforts supplémentaires s’avèrent nécessaires pour remédier au phénomène du trafic illicite des ressources naturelles et promouvoir le développement régional.  Le représentant a également mentionné l’afflux de près de 430 000 réfugiés de la RDC dans les pays voisins.  Par ailleurs, a-t-il poursuivi, il faudrait éviter que la situation au Burundi ne débouche sur le chaos.  À ce sujet, le Conseil de sécurité et la communauté internationale doivent faire en sorte que des évènements tragiques qui ont eu lieu par le passé ne se reproduisent pas.

M. ALAIN AIMÉ NYAMITWE, Ministre des relations extérieures et de la coopération internationale du Burundi, a indiqué que le Burundi était en phase de relèvement après une campagne massive et violente pour un changement de régime.  Il a relevé que l’histoire du pays n’avait pas commencé avec la réélection du Président Pierre Nkurunziza, ajoutant que la violence avait précédé le présent mandat du Chef de l’État.  Il a ainsi rappelé que le Burundi fut attaqué le 30 décembre 2014 par un groupe affilié à un parti d’opposition qui voulait changer le régime.  Il a dit que l’insurrection d’avril 2015 avait été organisée par la même bande de politiciens associée à des groupes dans l’armée et la police, et que le coup d’État du 13 mai 2015, ainsi que les attaques contre le pays venant de son voisin rwandais, sont autant d’éléments confirmant cet objectif de changement de régime.

Il a déclaré que le Burundi n’était pas au bord du gouffre, en dépit d’une certaine rhétorique mainte fois entendue à l’ONU.  Sur le plan des droits de l’homme, il a affirmé que son pays avait fait de nombreux gestes pour démontrer sa bonne volonté.  Il a ainsi fait observer qu’un décret présidentiel a été pris pour libérer 2 000 prisonniers, y compris des jeunes qui avaient été arrêtés le mois dernier parce qu’ils posaient des actes de violence contre l’État et les civils. 

Il a affirmé comprendre les préoccupations soulevées par certains, mais, a-t-il rappelé, le Burundi est un État souverain qui a des lois qui doivent être respectées.  Il a aussi critiqué certaines décisions prises à l’encontre du pays par certains de ses partenaires.  « Suspendre l’aide au Gouvernement n’est pas une décision tendant vers la stabilité du pays, bien au contraire », a-t-il argué. 

Le Ministre a déclaré que le pays avait toujours coopéré dans le cadre du suivi de la situation des droits de l’homme sur le terrain.  Il a décrié le fait que certains acteurs humanitaires aient pris parti pour certains acteurs de la crise burundaise.  M. Nyamitwe a également parlé des mesures prises par son gouvernement en matière de liberté d’expression, notamment la réouverture de deux radios privées, déplorant dans le même temps l’impartialité de certains médias qui dépendent de leurs donateurs et œuvrent ainsi contre leur propre pays.

Dans le cadre du dialogue national, il a dit que l’ancien Président de la République-Unie de Tanzanie, M. Benjamin Mkapa, était déjà à pied d’œuvre pour en assurer sa facilitation, mais il a précisé que l’épithète « inclusif » qu’on voudrait coller à ce dialogue ne devrait pas jouer contre la stabilité, la sécurité et l’intégrité territoriale du Burundi. 

Il a informé le Conseil du fait que la Commission nationale de dialogue était déjà à l’œuvre.  Il a terminé en donnant des détails sur l’implication du Rwanda dans la déstabilisation du Burundi, ajoutant que son pays se réservait le droit de saisir les juridictions internationales à ce propos, et il a appelé le Conseil de sécurité à se saisir de ce problème.

M. AUGUSTO ERNESTO DOS SANTOS SILVA, Ministre des affaires étrangères du Portugal, a salué le plan stratégique 2016-2017 de l’ONU pour les Grands Lacs.  Il a aussi estimé que les Accords d’Arusha qui restent d’actualité sont un bon exemple de solution africaine à un problème africain.  En ce qui concerne la République démocratique du Congo (RDC), il a souhaité qu’un soutien fort soit apporté à la MONUSCO, prônant aussi un renforcement de la collaboration entre cette dernière et le Gouvernement congolais.  Il a affirmé qu’il était important que le dialogue politique national en RDC soit inclusif, ajoutant que tout changement de la Constitution qui ne découle pas d’un consensus politique est susceptible de déstabiliser le pays, et cela aurait des répercussions sur tout le continent.

S’agissant du Soudan du Sud, le Ministre a condamné les violations récurrentes du cessez-le-feu, et il a appelé toutes les parties à mettre en œuvre l’Accord afin d’établir un gouvernement de transition.  Il a en outre souligné que seules la paix et la sécurité étaient susceptibles de permettre le développement des Grands Lacs, ajoutant que c’est la bonne gouvernance et des institutions solides qui peuvent permettre la transparence dans la gestion des industries extractives, susciter la création des chaînes de valeurs dans ces industries et permettre un développement qui rejaillisse sur la condition de toutes les populations.

« Les conflits à répétition dans la région des Grands Lacs sont la conséquence d’une conjonction de facteurs, au centre desquels la faillite morale et politique des élites », a déclaré M. RAYMOND TSHIBANDA N’TUNGAMULONGO, Ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale de la République démocratique du Congo (RDC).  Faillite des élites nationales en matière de gouvernance et faillite des élites au niveau de la communauté des nations, a-t-il précisé.

Face à toutes les initiatives prises par les États de la région et la communauté internationale, « la RDC s’est illustrée par un comportement des plus responsables », a assuré le Ministre.  Il en est ainsi de l’Accord-cadre et des Déclarations de Nairobi, même si l’application de celles-ci fait l’objet d’obstruction de la part des leaders de l’ex-M23.  La RDC, a-t-il ajouté, « demeure déterminée à éradiquer toutes les forces négatives et les groupes armés encore actifs sur son territoire ». 

La RDC poursuit avec la même détermination les réformes en cours pour la consolidation de la démocratie et de l’état de droit, la reconstruction du pays et son développement économique et sociale, a expliqué M. Mulongo.  S’agissant des élections, il a souligné que son pays « tient à leur organisation à bonne date », dans des conditions qui en garantissent la transparence et la crédibilité, en premier lieu la paix.  Dans ce contexte, la Commission électorale nationale indépendante a été complètement réformée.   En outre, pour surmonter les obstacles qui risquent de bloquer le processus ainsi engagé et prévenir toute crise post-électorale, le Chef de l’État a convié la classe politique et la société civile à un dialogue positif exclusif en vue de parvenir à un accord sur les questions qui les divisent. 

Ensuite, le Ministre a jugé impératif que quatre conditions soient réunies pour changer durablement les perspectives dans la région.  Tout d’abord, il faut que les autres États signataires des divers instruments juridiques régionaux et nationaux soient eux aussi individuellement astreints à les exécuter.  Ensuite, tous les États doivent véritablement s’impliquer dans la lutte contre les forces négatives et les groupes armées. Il faut encore que la fonction de l’état de droit et de la démocratie ne se fasse pas au détriment de la paix et de la stabilité.  Enfin,  des politiques en faveur de l’investissement privé et de la coopération régionale doivent être mises en œuvre.

« L’approche belliqueuse a montré ses limites », a affirmé M. Mulongo.  « Les souffrances du passé ne sauraient indéfiniment nous enfermer dans des positions sans issue ».  Il a conclu en disant qu’il faudrait privilégier la réconciliation et la cohésion à l’intérieur des États, la cohabitation pacifique et la coopération entre eux.  

M. EUGÈNE-RICHARD GASANA, Ministre d’État à la coopération du Rwanda, a estimé que le concept de prévention est encore loin d’être une réalité.  Pour sa délégation, ce sont les mécanismes d’alerte rapide qui devraient guider les travaux du Conseil de sécurité s’agissant de la prévention des conflits.  L’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo (RDC) et la région des Grands Lacs et le dialogue au Burundi ont suscité de grands espoirs.  Mais les progrès de ces initiatives ont été limités, voire décevants, a déploré le Ministre.  Au Burundi, pays qui traverse une période de crise marquée par des violences politiques, a-t-il dit, les troubles sécuritaires et politiques démontrent le manque de stabilité dans la région.  

M. Gasana a ensuite rejeté les « allégations non vérifiées », assurant que son pays s’acquitte de ses engagements vis-à-vis des réfugiés, au titre du droit international  humanitaire.  Il a regretté que la réponse de la communauté internationale à la situation au Burundi se soit résumée jusqu’à présent à un « échange de points de vue » plutôt qu’à une action visant à prévenir que des atrocités soient commises.  Il a ensuite demandé à la communauté internationale de coopérer davantage en vue de planifier la réinstallation sûre des réfugiés burundais dans des pays tiers.  « Les discours haineux contre mon pays sont inacceptables », a-t-il martelé, en dénonçant, pour sa part, la présence de « prédateurs » au Burundi, les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), qui opèrent aussi en RDC.  L’état de mise en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité suscite des préoccupations concernant la volonté des parties prenantes, a poursuivi M. Gasana, qui a regretté le manque d’action ferme.

Dans la région des Grands Lacs, les ressources naturelles peuvent être à la fois une « malédiction » et une « bénédiction ».  Prétendre que la richesse en ressources naturelles permet à un pays de connaître la prospérité est erroné, a estimé le Ministre.  Au contraire, a-t-il dit, de telles ressources peuvent donner lieu à une exploitation illégale.  C’est pourquoi le Gouvernement rwandais a mis en place un mécanisme de vérification et de certification des ressources naturelles, qui répond aux critères établis par le Processus de Kimberley.  S’adressant ensuite à la délégation des États-Unis, M. Gasana a tenu à rappeler que les réussites du Rwanda ne s’étaient pas faites dans un « espace vide et isolé », elles résultent, au contraire, de la bonne gouvernance et de la « gestion éclairée » du Président Paul Kagamé, qui est parvenu « à trouver des solutions entièrement adaptées à la situation de notre pays ».  « S’il n’avait pas été là en 1994, je ne serais pas ici en train de vous parler », a affirmé le Ministre, en rappelant qu’il est lui-même un ancien réfugié.  

Le Ministre a accusé le Conseil de sécurité de n’avoir rien fait en 1994 au Rwanda.  « Seul M. Kagamé a fait quelque chose », a-t-il affirmé.  « Nous n’accepterons jamais à quiconque de s’en prendre au Rwanda et de lui reprocher d’être parvenu à son niveau actuel de son évolution politique, économique et sociale », a-t-il tranché.  Après avoir rappelé que son pays avait fait le choix du pluralisme, il a déclaré que ses citoyens avaient pu prendre part à des plateformes pour faire entendre leurs voix « sur tous les éléments qui concernent leur bien-être ».  Si, « comme Mme Samantha Power l’affirme », le Rwanda a fait des progrès remarquables, ils n’ont pas eu lieu par hasard, « c’est grâce au Président Kagamé », a insisté M. Gasana.  Concluant, le Ministre a déclaré que si le Conseil de sécurité souhaite maintenir sa pertinence, il doit user de la diplomatie préventive, en partenariat avec les organisations régionales pertinentes, « sous peine de n’obtenir aucun résultat concret ».

Mme NOSIVIWE NOLUTHANDO MAPISA-NQAKULA, Ministre de la défense et des vétérans militaires de l’Afrique du Sud, a jugé encourageant qu’après la visite au Burundi de la délégation de haut niveau de l’Union africaine conduite par le Président Jacob Zuma, toutes les parties prenantes, y compris le Gouvernement, l’opposition et la société civile, aient convenu que le dialogue politique inclusif était la seule façon de régler les différences. L’Afrique du Sud estime que le peuple et le Gouvernement du Burundi peuvent surmonter leurs défis, comme ils l’ont déjà fait par le passé avec l’Accord d’Arusha, qui a mis fin à la guerre civile après la mort de milliers de Burundais.

L’Afrique et la région des Grands Lacs en particulier sont dotées de riches ressources naturelles et de terres fertiles qui représentent « un potentiel énorme » pour la prospérité économique et le développement, a souligné la Ministre.  Le fleuve Congo, par exemple, pourrait approvisionner en énergie la moitié du continent africain.  Malheureusement, a-t-elle constaté, ce potentiel n’a pas été réalisé.  Elle a encouragé davantage de responsabilité et d’appropriation nationale vis-à-vis de ces ressources, une bonne gouvernance et des investissements accrus. 

S’agissant de la République démocratique du Congo (RDC), l’Afrique du Sud reconnaît qu’il y a eu une amélioration relative de la situation sécuritaire dans l’est du pays, mais que toutes les forces négatives n’y ont pas été désarmées.  Mme Mapisa-Nqakula a noté que certaines de ces forces avaient trouvé refuge dans les pays voisins et que des efforts pour les rapatrier sont en cours.  

Ensuite, elle s’est dite préoccupée par le risque d’une « islamisation » de certains aspects du conflit dans la région.  Enfin, elle a relevé les allégations d’ingérence dans les affaires des États voisins de la région.  Pour l’Afrique du Sud, la neutralisation totale des forces négatives dans l’est de la RDC requiert une utilisation maximale des ressources militaires qui sont déployées dans ce pays.

Mme ANNIKA SÖDER, Secrétaire d’État des affaires étrangères de la Suède, s’exprimant également au nom du Danemark, de la Finlande, de l’Islande et de la Norvège, a jugé urgent pour la communauté internationale d’appuyer et de renforcer les efforts régionaux en vue de prévenir les conflits en examinant leurs causes profondes, et notamment en réfléchissant aux besoins socioéconomiques, aux changements climatiques, à la bonne gouvernance et aux droits de l’homme.  Une telle approche d’ensemble, qui souligne le lien entre la paix et le développement, existe dans l’Accord-cadre de 2013, a-t-elle rappelé.  

Les pays nordiques, a expliqué Mme Söder, préconisent le renforcement de la coopération entre l’ONU et les organisations régionales, et, à cet égard, ils se félicitent du rôle croissant joué par l’Union africaine.  En outre, ils encouragent les investissements dans le secteur privé et reconnaissent le rôle de la Banque mondiale et de la Banque africaine de développement.

Enfin, ils soulignent l’importance de la participation active des femmes dans tous les aspects de la consolidation de la paix.  La Secrétaire d’État a ainsi relevé que 50% des membres du Parlement rwandais étaient des femmes.  Préoccupée par la violence au Burundi, elle a estimé que des observateurs militaires et des droits de l’homme indépendants pouvaient apaiser les tensions et prévenir l’escalade du conflit.

M. SEBASTIANO CARDI (Italie) a jugé que pour résoudre la crise sécuritaire qui sévit dans les Grands Lacs, il faudrait d’abord que les initiatives diverses de solution soient menées par les nationaux et non imposées de l’extérieur.  Il a aussi proposé de renforcer le rôle des organisations régionales et sous-régionales dans le cadre de la médiation. 

Il a ensuite dit que la prévention était la clef, expliquant que faire valoir le Chapitre VI de la Charte dans ce contexte était un impératif moral et un investissement stratégique.  Il a ainsi salué les deux visites, en un an, du Conseil de sécurité dans la région, les taxant d’étapes positives dans l’établissement d’une culture de la prévention au lieu de celle de la réaction. 

Sur le plan économique, il a souhaité que la gestion des ressources naturelles et de la biodiversité soit durable afin de bénéficier aux communautés.  Il a aussi noté que si l’industrie extractive est bien gérée, cela pourrait éliminer les trafics qui attisent les conflits.

Mgr BERNARDITO CLEOPAS AUZA, Observateur permanent du Saint-Siège, a estimé que « l’unité, la dignité et le travail », devise de la République centrafricaine, étaient les piliers de toute société prospère et pourraient considérablement contribuer à trouver une solution aux causes complexes des conflits armés et au sous-développement dans la région des Grands Lacs.  La communauté internationale doit soutenir les pays de la région à prévenir que les ressources naturelles ne deviennent pas une malédiction mais, au contraire, une bénédiction et qu’elles ne soient pas exploitées au profit d’un petit nombre de privilégiés afin que l’ensemble de la population puisse en bénéficier.  À cet égard, Mgr Auza a souligné l’importance d’une « administration honnête » de la part des autorités publiques.  

Il a ajouté que des gouvernements stables et légitimes exigeaient des processus électoraux libres, crédibles et inclusifs et transparents pour décourager le recours aux armes.  Les gouvernements et toutes les parties prenantes dans la région doivent être aidés à négocier et régler les diverses questions en jeu de la manière la plus impartiale possible, et en ayant à l’esprit le bien commun de tous les citoyens.  La région est déstabilisée par la prolifération des armes et des groupes armés, a indiqué l’Observateur permanent du Saint-Siège, avant d’ajouter que ces groupes devraient être persuadés de désarmer et de coopérer au développement de leurs pays respectifs.  La communauté internationale doit assumer un rôle important dans la mise en œuvre des programmes visant à contrôler le commerce illicite des armes.  Il a dit, avant de terminer, qu’un investissement dans la diplomatie préventive devrait accompagner tous les efforts entrepris. 

M. ANTONIO DE AGUIAR PATRIOTA (Brésil) a rappelé que la région des Grands Lacs était riche en ressources naturelles, dont l’exploitation illégale entrave le développement des pays affectés.  Ainsi, dans son rapport en date de janvier 2014, le Groupe d’experts concernant la RDC avait conclu que 98% de l’or extrait en RDC étaient commercialisés illégalement à l’extérieur du pays, a souligné le représentant.  C’est pourquoi, a-t-il estimé, il faudrait réfléchir aux moyens de transformer la richesse de la région en moteur de développement durable.  À cet égard, il a mis l’accent sur la nécessité de promouvoir les industries minières responsables et de développer les capacités nationales et des institutions juridiques.  Pour sa part, le Brésil a financé en RDC des initiatives visant à prêter assistance aux victimes de violences sexuelles et sexistes et dans la lutte contre l’impunité.  Le Brésil a également noué des partenariats avec le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et des organisations de la société civile dans le cadre d’un projet innovant permettant à des centaines d’enfants précédemment enrôlés par des groupes armés dans le Nord-Kivu d’être réinsérés dans la société à travers la pratique du capoeira, l’art martial afro-brésilien.

M. KOEN VERVAEKE, Directeur pour l’Afrique et Envoyé spécial pour les Grands Lacs du Service d’action extérieure de l’Union européenne, a déclaré qu’il y avait de nombreux défis dans la région des Grands Lacs en dépit des progrès qui sont enregistrés.  Ce sont les problèmes des groupes armés qui demeurent une source de conflit dans la région-est de la République démocratique du Congo (RDC) où l’enjeu en 2016 est d’organiser une élection libre et crédible afin de consolider les gains réalisés.  Cet objectif devrait être de tenir la première transition démocratique en RDC.  L’Union européenne estime qu’un consensus politique est nécessaire sur la recherche d’un ensemble de mesures pour tenir des élections inclusives et transparentes. 

Concernant la situation au Burundi, l’Union européenne soutient les initiatives des Nations Unies, de l’Union africaine et de la Communauté des États d’Afrique de l’Est qui pourraient aider à trouver une solution politique, conformément à l’esprit des Accords d’Arusha.  La plus importante priorité est la mise en place d’un dialogue inclusif entre les Burundais.  L’Union européenne appelle le Gouvernement et l’opposition armée à abandonner la logique de violence.  Il est aussi important qu’une surveillance indépendante de la situation des droits de l’homme dans ce pays soit dotée de moyens suffisants.  L’Union européenne souligne particulièrement le rôle positif de l’Union africaine sur ce sujet. 

La semaine dernière, l’Union européenne avait décidé d’arrêter les consultations spéciales avec le Burundi dans le cadre des Accords de Cotonou.  Cette décision met en place des étapes concrètes qui pourraient aider à rétablir l’état de droit au Burundi.  L’état des relations entre le Burundi et le Rwanda, et son impact sur l’unité de la communauté d’Afrique de l’Est, exigent aussi de leur accorder l’attention, a indiqué M. Vervaeke, en soutenant que la solution de la situation au Burundi doit être trouvée par les Burundais eux-mêmes par le biais de moyens pacifiques.  Les ingérences extérieures ne feront que compliquer les efforts entrepris dans la réalisation de cet objectif, a-t-il prévenu.  L’Union européenne appelle les pays voisins du Burundi à contribuer à cette solution, a-t-il ajouté avant de conclure.

M. FRANK DE CONINCK, Envoyé spécial de la Belgique pour la région des Grands Lacs, a constaté que la situation dans l’est congolais n’était toujours pas suffisamment stabilisée, malgré des progrès ponctuels.  Les groupes armés, dont l’ADF-Nalu et les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), menacent toujours des populations civiles en commettant d’innombrables exactions.  D’autre part, a-t-il poursuivi, le problème des combattants M23 n’est toujours pas résolu. 

La Belgique se félicite cependant de l’annonce de la reprise de la coopération opérationnelle entre la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) et l’armée congolaise.  Elle espère que celle-ci permettra de rapidement neutraliser les principaux groupes armés et propose de garder cette question à l’esprit lors de l’examen du nouveau mandat de la MONUSCO.

Passant à la situation au Burundi, M. De Coninck a considéré que les mesures d’apaisement récemment prises par le Gouvernement burundais étaient « certes un pas dans la bonne direction », mais, a-t-il précisé, « il conviendra de les étendre et de les rendre irréversibles ».  La Belgique pense que seul un dialogue inclusif sous médiation externe est à même d’apporter les éléments de solution durable à la grave crise que traverse le pays.  Ce dialogue devrait réunir sans préconditions ni exclusives un nombre significatif d’acteurs politiques et être lancé rapidement.

Revenant à la République démocratique du Congo (RDC), M. De Coninck a dit que son pays était « très préoccupé par l’impasse politique qui se confirme et se durcit ».  Il s’est inquiété du rétrécissement de l’espace politique et des atteintes aux droits de l’homme dans un contexte préélectoral.  La Belgique, a-t-il conclu, espère qu’un dialogue entre les différents acteurs politiques pourra rapidement démarrer, sous facilitation régionale ou internationale, pour aboutir à un consensus sur les modalités d’organisation libres et ouvertes, et sur le respect de l’ordre public, des droits de l’homme et de la Constitution.

Mme GILLIAN BIRD (Australie) a fait part de sa préoccupation devant le peu de progrès dans le règlement de la crise burundaise, alors même que de nombreux rapports font état de violations de droits de l’homme.  Elle a appelé toutes les parties burundaises, y compris les autorités, à mettre un terme à la torture, aux violences sexuelles, aux détentions arbitraires, aux disparitions forcées et autres exécutions extrajudiciaires.  Elle a ensuite noté que la situation au Burundi laissait voir que le soutien régional et international pour un dialogue politique durable, et une action préventive étaient les clefs de la consolidation de la paix. 

Elle a ajouté que des activités de médiation et d’autres activités de consolidation de la paix devaient être inclusives si elles voulaient gagner en efficacité, et qu’elles devaient notamment tenir compte des femmes, des jeunes et de la société civile.

Concernant la République démocratique du Congo (RDC), la représentante a salué la reprise de la coopération militaire entre le pays et la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation dans le pays (MONUSCO), ainsi que le lancement, ce jour, du Cadre stratégique régional des Nations Unies pour les Grands Lacs, se félicitant que ce Cadre entende notamment lutter contre la violence à l’encontre des femmes et des filles dans la région. 

Elle a enfin plaidé pour que la consolidation de la paix dans la région prenne à bras le corps la question de l’amélioration de la gestion transparente des ressources naturelles.

« Les Grands Lacs restent une région en proie à des troubles, une région qui doit faire face à des problèmes dont les causes comme les effets sont dans une large mesure de nature transnationale », a fait observer M. JÜRG LAUBER (Suisse).  L’exploitation illicite de ressources naturelles, le confinement de l’espace politique, les tensions entre différents groupes sociaux et groupes armés sont autant de facteurs qui pèsent sur la sécurité régionale. 

La Suisse soutient l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo et la région en prêtant ses bons offices, tant au Burundi qu’en RDC, et en mettant à disposition des plateformes de dialogue et son expertise.  Elle encourage les acteurs bilatéraux et multilatéraux à maintenir ou à nommer des envoyés spéciaux pour l’Accord-cadre. 

Afin d’aider à la redynamisation de l’Accord-cadre et d’encourager une réponse internationale cohérente aux problèmes de la région, la Suisse proposera d’organiser une série de consultations ainsi qu’une conférence publique avec les acteurs clefs à Genève, dans le courant de cette année, a annoncé le représentant. 

D’après lui, la cohérence entre l’ONU, l’Union africaine, la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) et d’autres acteurs régionaux constitue « un préalable incontournable » au succès des mesures préventives.  Il a conclu en soulignant combien il est important de mettre l’accent sur la prévention de la reprise de conflits dans la région des Grands Lacs.  « L’évolution récente de la situation montre que des conflits vieux de quelques décennies ne peuvent se résoudre en l’espace de quelques années, et ce, malgré la présence de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), l’opération de maintien de la paix la plus importante et la plus onéreuse de l’histoire des Nations Unies », a-t-il ajouté.

M. BARLYBAY SADYKOV (Kazakhstan) a déclaré que pour réaliser plus de progrès dans la région des Grands Lacs, sa délégation recommande une stratégie régionale plus complète du système des Nations Unies avec l’Union africaine, l’Union européenne et autres organisations sous-régionales africaines.  Notre objectif est de bâtir sur les efforts de ces pays pour réaliser une plus grande consolidation de l’État, l’état de droit, la bonne gouvernance, le processus politique inclusif et la sécurité, la réforme du secteur de la justice, la médiation au conflit, la reconstruction après le conflit et la lutte contre l’exploitation illicite des ressources naturelles.  À cette fin, nous devons réfléchir à des partenariats militaires, diplomatiques et de développement qui vont au-delà de la coopération Nord-Sud, Sud-Sud et triangulaire, a suggéré le représentant.

Le Kazakhstan s’est joint à d’autres États Membres en prenant des mesures pour le renforcement des institutions politiques, la tenue d’élections, la consolidation de l’État, l’amélioration de la propriété foncière, l’ethnicité, la réconciliation, la réinstallation des réfugiés, l’aide humanitaire et l’éradication de la pauvreté dans la région des Grands Lacs.  Les politiques gouvernementales doivent aller de pair avec la participation de la base des acteurs locaux et de la société civile afin d’apporter une approche transformationnelle qui est la fois structurelle et relationnelle.  Le représentant a ajouté qu’il faudrait travailler pour la stabilité, le développement et la sécurité humaine pour tous dans la région.  À cet égard, il a estimé qu’il était nécessaire de mettre en œuvre pleinement les recommandations de l’examen des opérations de maintien de la paix des Nations Unies, l’examen de l’architecture de consolidation de la paix, la résolution 1325 (2000) et le Programme de développement durable à l’horizon 2030.   

M. VAN LOOSDRECHT (Pays-Bas) a rappelé que les Pays-Bas avaient été un partenaire de la paix, du développement et de la justice dans la région des Grands Lacs depuis des décennies.  Il a déclaré que le dialogue était une meilleure proposition pour l’avenir, bien meilleure que la répression ou les conflits armés.  Il a invité les parties au Burundi à se rappeler des avancées que le pays a connues au cours des années précédentes grâce au dialogue, à une époque où personne ne croyait qu’une solution était possible.  Il les a invités à s’investir dans le processus de dialogue inclusif initié dans la région. 

Le représentant a ensuite fait observer que tout comme le Burundi, la RDC se trouvait actuellement à une étape cruciale de la consolidation de ces progrès, ou alors de rechute dans la violence et les troubles sociaux.  Il a souligné que l’agitation électorale était particulièrement dangereuse pour la situation fragile qui prévaut dans l’est du pays.  En plus de trouver des solutions aux causes profondes des conflits, le pays se doit de reprendre toute sa coopération avec la MONUSCO afin de neutraliser les groupes armés et créer des conditions pour leur désarmement effectif et leur réintégration.  Il a en outre estimé que si l’impunité est à la base des cycles récurrents de violence et de violations des droits de l’homme, il est impératif que les responsables de crimes, de crimes de guerre, de violence sexuelle, et de violations de droits de l’homme soient tenus pour responsables de leurs actes, afin de mettre fin à ce cycle et rendre justice aux victimes, a-t-il souligné.

M. MICHAEL BONSER (Canada) s’est dit fortement préoccupé par le rétrécissement de l’espace politique et le manque de respect donné aux limites de mandats constitutionnels dans certains pays de la région des Grands Lacs.  Comme nous le constatons aujourd’hui au Burundi, a-t-il déclaré, « une paix durable n’est pas possible dans les pays qui n’autorisent pas le dialogue politique ouvert et inclusif, qui n’ont aucun respect pour les droits de la personne ou pour l’ordre constitutionnel ». 

En République démocratique du Congo (RDC), le Canada est également préoccupé par les risques sociaux, économiques et politiques potentiels si des élections n’ont pas lieu dans le respect de la Constitution congolaise.  Le Canada, a poursuivi son représentant, incite tous les acteurs à collaborer afin de mettre fin à l’impasse politique grâce à un consensus national qui tienne compte de la volonté du peuple congolais.

De plus, il a estimé que les organisations régionales et le secteur privé avaient un rôle critique à jouer dans le règlement des problèmes dans la région.  Un investissement « socialement responsable » du secteur privé, en particulier dans le secteur extractif, peut jeter les fondements d’une croissance inclusive.  Il a également rappelé que les femmes et les filles sont bien souvent des agents de stabilité et de résilience au sein de leurs collectivités, « de même que des voix prônant modération et paix ».  

M. GHOLAMALI KHOSHROO (République islamique d’Iran), au nom du Mouvement des pays non alignés, a rappelé que la région des Grands Lacs était l’un des berceaux de la civilisation.  Malheureusement, les conséquences des conflits ont été dévastatrices pour les populations civiles, les infrastructures et les services, sapant le développement de toute la région.  Les pays non alignés ont appuyé la signature de l’Accord-cadre en 2013, saluant ainsi le lien établi entre la paix, la sécurité et le développement. 

Le représentant a souligné que la mise en œuvre de l’Accord-cadre exigeait des ressources financières pour aider les pays de la région à fournir des services sociaux à leurs populations, générer davantage de commerce transfrontière et développer le potentiel hydroélectrique d’une région dotée de vastes ressources en eau.  De même, les institutions nationales et régionales devraient être renforcées pour aider le secteur privé à renforcer sa compétitivité.  Le manque de croissance économique, d’emplois et d’opportunités crée un terrain propice aux conflits, a insisté M. Khoshroo.  Pour promouvoir la stratégie de prévention et de résolution des conflits dans la région des Grands Lacs, il faudrait renforcer les capacités productives, créer des emplois et des modes de vie décents, d’autant plus que cette région a « le potentiel de devenir le moteur de la croissance économique et du développement pour l’ensemble du continent ».  

M. PASCAL COUCHEPIN ROGER, Envoyé spécial de la Secrétaire générale de la Francophonie pour la région des Grands Lacs, a indiqué que l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) restait « extrêmement attentive aux initiatives de médiation menées en vue de la restauration du dialogue politique national » en République démocratique du Congo (RDC).  Ainsi, l’OIF a-t-elle procédé à l’audit du fichier électoral dans ce pays, en novembre 2015, et en a remis le rapport aux autorités congolaises. 

Elle travaille de façon étroite avec le facilitateur de l’Union africaine pour apporter sa contribution à ses démarches visant à réunir l’ensemble des acteurs politiques autour d’une seule et même table, en vue d’un accord qui puisse permettre la tenue rapide et le bon déroulement des prochaines élections. 

Au Burundi, a poursuivi M. Couchepin, l’OIF reste préoccupée par l’absence, à ce jour, d’un dialogue politique réellement inclusif, une situation sécuritaire très précaire, la persistance de nombreuses atteintes aux droits de l’homme, y compris à la liberté de la presse, ainsi que par la situation de centaines de milliers de réfugiés.  Il s’est également dit préoccupé par les signes qui laissent craindre une détérioration rapide de la situation économique du pays. 

Il a rappelé que le Burundi avait été placé « sous observation » par le Conseil permanent de la Francophonie.  À cet égard, a-t-il dit, nous avons le devoir de veiller à ce que des actes concrets soient posés par les autorités nationales, en vue de trouver une solution urgente à la crise actuelle, et ce, dans le strict respect de l’Accord d’Arusha.    

M. KAHA IMNADZE (Géorgie) a déclaré que le passage de la fragilité à la stabilité et du conflit à la paix était possible mais qu’elle dépendait de la solidité de l’appropriation nationale de ce processus, de la coopération entre les pays de la région et la communauté internationale, y compris les Nations Unies.  Compte tenu du fait que l’instabilité et les conflits dans la région avaient une dimension internationale importante, une solution à ce problème exigerait des efforts concertés de la communauté internationale afin de promouvoir la paix et un développement durables, a-t-il souligné.  Bien que 20% de son pays soient toujours sous occupation militaire étrangère, a-t-il rappelé, la Géorgie est engagée en faveur de la paix à travers ses contributions aux missions de la paix déployées en Afrique.

Concernant la situation en République démocratique du Congo (RDC), M. HAHN CHOONGHEE (République de Corée) a souligné deux points.  La sécurité, la stabilité politique, la démocratie et la gouvernance doivent être la fondation du développement durable.  Il incombe en premier lieu au Gouvernement de la RDC de protéger et de servir son propre peuple en entreprenant des réformes dans les domaines de la sécurité, et de la gouvernance, la promotion de la démocratisation et de la réconciliation.  « En particulier, nous cherchons à voir des résultats concrets dans la réforme du secteur de la sécurité comme la création d’une force de réaction rapide qui pourra intervenir plus rapidement et efficacement avant la détérioration d’un conflit et assurer la protection des civils.  Le représentant a estimé que ces efforts contribueraient à matérialiser la stratégie progressive de sortie de la MONUSCO.  Il a exhorté le Gouvernement de la RDC et les partis politiques à engager un dialogue inclusif pour trouver un consensus sur les questions relatives au processus électoral. 

En outre, les parties prenantes régionales devraient formuler un mécanisme efficace pour le développement durable et la prospérité pour tous.  En particulier, un mécanisme fort et efficace de gestion des ressources naturelles est important afin de casser le lien entre les ressources naturelles et le conflit et faire des ressources naturelles un moteur du développement économique.  Les parties prenantes régionales devraient développer un modèle pour créer des « chaînes de valeurs » qui exploitent, traitent et exportent les ressources naturelles.  Dans le même temps, les pays de la région devraient accroître leurs efforts afin de créer un environnement plus favorable pour les investissements étrangers en accélérant l’intégration économique.

M. ABDERRAZZAK LAASSEL (Maroc) a déploré que dans la région des Grands Lacs, les frontières soient devenues de « véritables passoires » de plus en plus actives pour étendre les conflits à l’ensemble de la région, plutôt que de servir de barrières géographiques pour contrer les menaces à la stabilité des États.  Il a souligné que la mise en œuvre de l’Accord-cadre devrait être promue et supervisée par les organes les plus élevés du mécanisme de suivi de la région, au niveau du sommet des chefs d’État et de gouvernement.  Le représentant a assuré que seule leur implication permettrait aux États Membres d’affirmer la volonté politique nécessaire et de s’engager de manière durable.  Le représentant a aussi fait remarquer que le règlement des conflits dans la région des Grands Lacs ne se limitait pas à régler les défis sécuritaires, mais à s’attaquer également aux causes profondes de ces conflits, en mettant l’accent sur la bonne gouvernance et l’état de droit.

Le délégué a en outre appelé les pays de la région à coopérer pour la restauration d’un dialogue pacifique et de relations cordiales entre les États de la région.  Il a également souligné qu’il était essentiel de promouvoir l’intégration économique régionale, en tant que moyen de renforcer les liens entre les pays de la région et de favoriser l’intérêt commun dans la promotion de la paix, de la stabilité et de la coopération.  Bien que la région des Grands Lacs bénéficie d’un engagement soutenu de la communauté internationale, celui-ci continue d’être fragmenté, a-t-il regretté, en appelant à un soutien accru en faveur de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL).

M. HEIKO THOMS (Allemagne) a fait part du soutien de l’Allemagne aux efforts de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs en vue de trouver des solutions aux crises dans la région des Grands Lacs.  Il a relevé que depuis 2004, l’Allemagne était engagée dans un certain nombre d’initiatives dans la région visant à promouvoir la transparence dans le secteur minier. 

Il a dit que son gouvernement soutenait notamment une initiative de la Conférence internationale visant à rompre le cycle entre les revenus des mines et le financement des conflits, notamment à travers des mécanismes régionaux de certification ciblant certains minerais en particulier.  M. Thoms a aussi affirmé que, depuis 2008, l’Allemagne avait débloqué plus de 100 millions de dollars en faveur du Fonds pour la paix en République démocratique du Congo (RDC), afin de promouvoir la paix dans l’est du pays.

M. BOGUSŁAW WINID (Pologne) a dit que son gouvernement continuait de soutenir toutes les activités des Nations Unies visant à prévenir le conflit et à promouvoir le dialogue.  La situation la plus inquiétante est celle qui prévaut en République démocratique du Congo (RDC), en particulier face aux difficultés du processus électoral.  Le représentant a apporté son appui aux efforts des Nations Unies en matière de protection des civils dans la région et au-delà. 

Un exemple est la création d’un pilier qui y est consacré au sein de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO).  Dans ce contexte, la Pologne reconnaît la grande importance des principes de Kigali adoptés en 2015, visant à protéger les plus vulnérables. 

Le représentant a pris note du rôle croissant des organisations africaines dans la prévention de conflit et leur a promis son appui.  Comme les organisations régionales sont des parties prenantes importantes dans les activités des Nations Unies pour régler les conflits, il est crucial d’explorer des voies de dimension régionale et des modalités de coopération et de programmes communs entre les organisations régionales telles que l’Union africaine, la communauté des États d’Afrique de l’Est ou la communauté de développement d’Afrique australe.   Le représentant s’est dit, enfin, favorable à l’approche « des solutions africaines à des problèmes africains ».

M. TIM MAWE (Irlande) a estimé que l’environnement dans lequel l’élection présidentielle de juillet dernier s’était déroulée au Burundi n’était ni propice ni inclusif.  Il a invité le Gouvernement à s’engager en faveur d’un dialogue interburundais inclusif de toute urgence, afin de restaurer la paix et la stabilité dans le pays.  Il a aussi souligné que les élections à venir en République démocratique du Congo devraient permettre de consolider les acquis de cette dernière décennie.  Il a noté qu’en cette période préélectorale, il était important que l’état de droit et les droits de l’homme soient respectés, de même que la Constitution.  La participation des femmes dans le processus en cours et à tous les niveaux est cruciale afin de rétablir une paix durable, a-t-il souligné, en souhaitant qu’elles jouent un rôle de médiatrices ou de premier plan dans les domaines économique, social et politique.  Avant de conclure, il a insisté sur l’importance du rôle des femmes dans la consolidation de la paix, en évoquant l’expérience de l’Irlande en la matière.

M. ERVIN NINA (Albanie) s’est dit préoccupé par la détérioration de la situation dans l’est de la RDC où les activités des Forces démocratiques alliées et des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) posent des menaces graves à la sécurité de la région et au-delà.  Il a regretté que les civils soient pris dans les combats et soient tués, déplacés, enlevés souvent sur la base de leur appartenance ethnique et prétendue collaboration avec les groupes opposés. 

Concernant la crise au Burundi, le représentant a noté qu’elle avait aggravé la situation selon des informations qui font part de l’infiltration de groupes armés alimentant davantage l’instabilité.  Le représentant a souligné la nécessité d’accorder une attention particulière sur la dimension régionale de cette crise pour éviter l’escalade. 

M. Nina a affirmé que des leçons importantes avaient été apprises du passé, notamment le fait que l’instabilité dans les pays des Grands Lacs avait été financée par le commerce illégal des richesses minières.  Pour faire face à l’exploitation et au commerce illégal des ressources naturelles des Grands Lacs, il est nécessaire de mener des actions contre l’impunité, d’améliorer la gouvernance, d’entreprendre une réforme des forces de sécurité et d’assurer une gestion durable des ressources naturelles.

M. VIRACHAI PLASAI (Thaïlande) a prévenu que la paix ne pouvait pas être durable en l’absence d’une reprise économique et d’un développement durable et inclusif.  L’Accord-cadre pour la paix en RDC et dans la région des Grands Lacs offre une plateforme pour des efforts concertés à tous les niveaux visant à répondre aux défis de la paix, de la sécurité et du développement.  La Thaïlande estime que le Conseil de sécurité devrait prendre en compte les conséquences négatives résultant de l’application des sanctions sur la population et la situation économique du pays concerné. 

Le représentant s’est dit convaincu qu’une gouvernance efficace des ressources naturelles pouvait contribuer au développement et assurer une prospérité pour la population.  Une telle gouvernance ne peut être assurée sans l’engagement total et la participation des gouvernements des pays de la région des Grands Lacs, de l’industrie extractive et les acteurs internationaux pertinents.  Les organisations régionales et sous-régionales peuvent jouer un rôle crucial en tant que partenaires des Nations Unies et des pays touchés par les conflits dans leurs efforts pour prévenir et résoudre les conflits.  Enfin, la prévention efficace et le règlement des conflits exigent la participation de toutes les parties prenantes dans les processus politiques et de paix de manière inclusive, a souligné le représentant.  C’est seulement de cette façon, a-t-il dit, que l’on peut assurer l’autonomisation et la participation des femmes.

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