Libéria: le transfert total de toutes les responsabilités sécuritaires aux agences nationales, prévu le 30 juin, suscite de nombreuses inquiétudes, déclare le Représentant spécial
Le Représentant spécial du Secrétaire général au Libéria, M. Farid Zarif, a déclaré, ce matin devant le Conseil de sécurité, que la perspective du retrait de la Mission des Nations Unies au Libéria (MINUL), notamment le transfert des compétences sécuritaires au forces de sécurité nationale, au plus tard le 30 juin prochain, suscitait de nombreuses inquiétudes parmi la population locale.
M. Zarif, qui présentait le dernier rapport du Secrétaire général sur le pays, a indiqué que cette transition sécuritaire sera l’un des faits les plus significatifs pour le Libéria et la communauté internationale depuis la fin de la guerre civile et la signature de l’Accord de paix en 2003.
Dans sa résolution 2239 (2015), le Conseil de sécurité avait souligné qu’il incombait en premier et dernier ressorts au Gouvernement libérien d’assurer la sécurité et la protection de sa population, et il avait affirmé qu’il comptait que le Gouvernement libérien assumerait pleinement l’ensemble des compétences en matière de sécurité exercées par la MINUL le 30 juin 2016 au plus tard.
S’exprimant également devant le Conseil de sécurité ce matin, le représentant du Libéria, M. George S. W. Patten, a déclaré que son pays espérait que le Conseil de sécurité envisagerait le maintien d’une force dissuasive au Libéria, suffisamment robuste pour fournir un appui « psychologique » en vue de l’élection présidentielle de 2017. Lorsque le Conseil de sécurité a demandé au Libéria d’assumer l’entière responsabilité des tâches sécuritaires d’ici à juin 2016, le pays ne s’attendait pas à assumer seul le fardeau financier de cette transition, a reconnu le représentant. C’est pourquoi, il a appelé les bailleurs de fonds à appuyer financièrement le Libéria dans ses efforts.
Le Représentant spécial a indiqué que, dans une lettre commune écrite par les Chefs d’État du Libéria et de la Côte d’Ivoire, ces derniers ont prié le Secrétaire général de l’ONU de demander au Conseil de sécurité de maintenir la force d’intervention rapide et une présence des Nations Unies dans les deux pays jusqu’au lendemain des élections au Libéria prévues en 2017. Trois partis de l’opposition et plusieurs associations de la société civile du Libéria ont signé une pétition, adressée au Conseil de sécurité, par laquelle ils ont lancé un appel pour reporter la date de retrait de la MINUL.
Un plan de transition du Gouvernement libérien a été mis en place pour assurer une transition harmonieuse après le retrait de la MINUL. Il prévoit notamment la prise en charge de certaines tâches et trace la voie vers un exercice durable des responsabilités en matière de sécurité, ainsi que l’adoption de textes législatifs clefs tant pour la transition dans le domaine de la sécurité que pour les réformes politiques essentielles. Le Représentant spécial a regretté que cela n’a pas été fait selon les prévisions et l’Assemblée nationale ne s’est toujours pas prononcée sur un certain nombre de projets de lois.
La mise en œuvre de ce plan de transition gouvernemental était irrégulière et enregistre de nombreux retards. En plus des retards dans l’adoption de lois spécifiques inhérentes au plan de transition, il a également déploré le manque de ressources consacrées par le Gouvernement à la transition sécuritaire.
Par ailleurs, M. Zarif a fait remarquer que les attaques terroristes du 13 mars dernier en Côte d’Ivoire renforçaient la perception de la population libérienne selon laquelle les capacités locales ne sont pas à mêmes de répondre aux menaces sécuritaires dans les pays. Partageant cet avis, le représentant du Libéria a affirmé que cette attaque terroriste était une source de préoccupation pour son gouvernement. « Compte tenu de la fragilité de nos institutions sécuritaires, nous appelons la communauté internationale à redoubler d’efforts coordonnés avec les parties prenantes pour veiller à ce que les terroristes ne s’implantent pas dans la région », a-t-il plaidé.
De son côté, le Président de la configuration de la Commission de consolidation de la paix pour le Libéria, l’Ambassadeur Olof Skoog, de la Suède, a souligné que la communauté internationale devait veiller à ce que les difficultés financières, qui résultent souvent du retrait d’une mission des Nations Unies, ne sapent les efforts consentis par le pays. Il a appelé la communauté internationale à assister le Libéria, à la fois sur le plan financier et sur le plan politique.
Cet accompagnement doit également cibler les femmes, a renchéri la Directrice exécutive d’ONU-Femmes, Mme Phumzile Mlambo-Ngcuka. Elle a expliqué qu’au Libéria, à peine 8% des filles avaient achevé le cycle d’enseignement secondaire, en raison d’allégations alarmantes d’exploitation et d’abus sexuels et d’impunité totale. Dans ce contexte, elle a appelé au soutien de « Peace Huts », le mécanisme de consolidation de la paix administré par des Libériennes et qui est devenu une source d’inspiration dans plusieurs pays de la région.
Les législations en suspens qui sont destinées à améliorer la condition des femmes et des filles doivent être adoptées, a-t-elle insisté. Ensuite, les femmes doivent être impliquées dans la décentralisation des services de la santé, de l’éducation et de l’agriculture dans l’ensemble du pays. En outre, un système de justice pénale robuste et fiable doit protéger femmes et filles. Des mesures ambitieuses doivent être prises pour accroître la participation des femmes à la vie politique, a-t-elle encore proposé.
M. Skoog a, pour sa part, invité à ne pas oublier les jeunes, l’un des plus grands atouts du travail de consolidation de la paix. Il a aussi prôné le renforcement de l’état de droit au Libéria. Par ailleurs, M. Skoog a déclaré que la Commission de consolidation de la paix (CCP) avait la responsabilité de soutenir le Libéria sur le plan économique, en promettant que la CCP allait renforcer ses engagements avec les institutions financières internationales dans ces domaines. La CCP va également renforcer ses efforts en vue d’accélérer le processus de réconciliation au Libéria.
Reconnaissant que beaucoup restait à faire, M. Patten a fait observer que le Gouvernement du Libéria a déjà pris de nombreuses mesures, comme en témoigne l’inculpation récente d’un certain nombre de hauts fonctionnaires pour corruption. Le représentant a ensuite assuré que le programme de réformes dans lequel son pays est engagé se poursuivait dans les domaines de la gouvernance, de l’état de droit, de l’éducation, de l’infrastructure et de la santé publique. Attirant l’attention de la communauté internationale sur les conséquences dévastatrices de l’épidémie du virus Ébola -même si elle a été endiguée- sur l’économie nationale, il a appelé à un soutien accru des bailleurs de fonds.
Le Représentant spécial a estimé que ce processus de retrait, pour être mieux compris par la population libérienne, doit s’accompagner d’une bonne communication afin d’expliquer que ce retrait ne signifie pas l’abandon du pays par la communauté internationale.