Syrie: l’accord sur la cessation des hostilités doit mettre fin aux souffrances de 13,5 millions de civils dans le pays, plaide le Coordonnateur des secours d’urgence de l’ONU
« Le mois prochain marquera un triste anniversaire: celui des cinq ans du conflit qui déchire la Syrie, où 13,5 millions de personnes, soit la majorité de la population de ce pays, sont en détresse humanitaire », a déclaré, ce matin devant le Conseil de sécurité, le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, M. Stephen O’Brien.
« Je réitère donc l’appel lancé par le Secrétaire général aux parties pour qu’elles respectent les termes de l’accord conclu sous l’égide des États-Unis et de la Fédération de Russie, coprésidents du Groupe de soutien international à la Syrie, pour une cessation des hostilités, dont l’entrée en vigueur aura lieu le 27 février », a dit M. O’Brien.
« L’accord sur la cessation des hostilités doit, définitivement et sans équivoque, aboutir à ce que l’application des résolutions de ce Conseil et du droit international n’a pas réussi à matérialiser jusqu’à présent, à savoir la fin immédiate de toutes les attaques ciblées ou aveugles contre des civils et des infrastructures civiles. Cette brutalité et les souffrances doivent maintenant prendre fin », a-t-il martelé.
M. O’Brien, qui est également le Coordonnateur des secours d’urgence de l’ONU a demandé, « une fois encore », au Gouvernement syrien d’approuver d’urgence les plus de « 40 demandes en suspens » pour les « convois interinstitutions » qui doivent fournir l’aide humanitaire aux personnes se trouvant dans des zones difficiles d’accès ou assiégées. Cet appel s’adresse également aux groupes armés non étatiques et aux groupes terroristes opérant dans le pays, a-t-il précisé.
Au cours de ce mois, les convois sont arrivés à destination « sans incident majeur », en dépit de retards de livraison imputables aux divergences des parties sur les termes de l’accord. La seconde et dernière série de livraisons est prévue pour le 28 février, au lendemain de l’entrée en vigueur de l’accord sur la cessation des hostilités.
« Il est impératif, a-t-il souligné, que le convoi attendu, en particulier, dans la ville de Madimayet puisse parvenir à destination cette semaine. » Les livraisons précédentes, a-t-il rappelé, avaient fait l’objet d’obstacles et de restrictions à la libre circulation du personnel humanitaire, contrairement à ce que garantissaient les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité.
« La date du prochain convoi n’a pas encore été approuvée. Nous avons besoin, le plus rapidement possible, de l’autorisation du Gouvernement pour nous rendre dans la Ghouta orientale, à Homs, à Alep et dans le sud de la Syrie », a insisté le Secrétaire général adjoint.
Qualifiant ce « récit de fallacieux », le représentant de la République arabe syrienne, M. Bashar Ja’afari, a assuré que son gouvernement avait fait preuve de coopération au cours du mois écoulé, en arguant que les convois humanitaires avaient pu se rendre à destination.
Le Coordonnateur résident des Nations Unies en Syrie, a annoncé M. O’Brien, est actuellement à pied d’œuvre pour faire au Gouvernement syrien une proposition visant à réduire le nombre de procédures et les délais nécessaires à la délivrance des autorisations. « Les opérations humanitaires ne peuvent continuer à s’empêtrer dans des procédures restrictives, inutiles et inacceptables, des obstructions administratives ou des retards délibérés qui coûtent la vie à de nombreux civils », a-t-il tranché.
En outre, le recours au siège et à la famine comme armes de guerre doit cesser immédiatement, a-t-il insisté. Les parties qui imposent des sièges dans les villes sont responsables de ces actes abominables, a-t-il dit, tout en imputant également la faute à ceux qui exposent les civils à de graves risques en les utilisant comme boucliers humains dans les zones assiégées.
Le représentant syrien a contesté la version des faits donnée par M. O’Brien devant le Conseil, en soutenant que le peuple syrien était, au contraire, victime du « chantage politique » exercé par des gouvernements étrangers.
Il est « étrange » que le Conseil de sécurité examine la situation humanitaire en Syrie séparément du volet politique du conflit, a estimé M. Ja’afari, en tenant à préciser que le « flux en Syrie de groupes terroristes armés, appuyés par des puissances étrangères » était la « cause première » du conflit sanglant qui déchire actuellement son pays.
Ce sont d’ailleurs dans les régions où ces groupes sont les mieux implantés que se posent les problèmes humanitaires les plus aigus, a-t-il accusé, en affirmant que ce sont eux qui imposent des sièges dans les villes et les zones peuplées de civils, et non pas les forces gouvernementales.
Le représentant s’en est ensuite pris au « Gouvernement d’Erdogan », qui, selon lui, « garde le silence » alors que des groupes armés s’infiltrent en Syrie en empruntant des points de passage situés le long de la frontière turco-syrienne.
« Comment la crise humanitaire pourrait-elle se terminer tandis que ce régime exerce un chantage pour obtenir un appui financier et politique de la communauté internationale? Il y a quelques jours, des États, dont certains siègent au sein même du Conseil de sécurité, se sont opposés à l’adoption d’un texte qui rejetait toute ingérence dans les affaires intérieures de la Syrie », a fait remarquer le représentant syrien.
« Je ne peux pas souligner suffisamment l’importance des enjeux actuels », a prévenu le Secrétaire général adjoint. La population civile, qui doute à juste titre de la volonté de la communauté internationale de mettre fin à cette guerre hideuse après des années d’inaction, a besoin qu’une « mesure immédiate » qui puisse faire la différence dans la vie quotidienne de chaque Syrien.
Pour le seul mois de février, a-t-il fait observer, on estime à plusieurs centaines le nombre de personnes tuées et à plus de 70 000 déplacées à la suite des bombardements aériens intenses dans le gouvernorat d’Alep. De violents combats et des bombardements aériens ont également touché Idlib, Homs, la zone rurale de Damas et Deraa.
Les groupes terroristes désignés ont également poursuivi leurs attaques aveugles contre des zones peuplées de civils, et les attentats à la voiture piégée revendiqués par Daech ont fait plus de 155 victimes à Damas et Homs, il y a à peine quelques jours. Parallèlement, les groupes armés non étatiques continuent de pilonner des quartiers très peuplés de Damas.
Malgré l’intensification des combats, l’ONU et ses partenaires ont réussi, « en prenant de grands risques », à venir en aide à des millions de personnes, s’est félicité M. O’Brien. C’est le cas notamment du Programme alimentaire mondial (PAM), qui a distribué des vivres à 3,6 millions de personnes, ou encore de l’UNICEF, qui a fourni de l’eau et des kits d’hygiène à plus de deux millions de personnes et des médicaments à près de 660 000. Chaque jour, d’importants convois traversent les trois postes frontières de Bab al-Salam, Bab al-Hawa et Al-Ramtha, a-t-il précisé.