Les responsables d’OCHA et du PAM demandent l’appui urgent du Conseil de sécurité pour améliorer l’acheminement de l’aide humanitaire en Syrie
Le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, M. Stephen O’Brien, a dressé aujourd’hui, devant le Conseil de sécurité, un tableau désespéré de la situation en Syrie, où 4,6 millions de Syriens vivent dans des zones difficiles d’accès ou assiégées, telles que la ville suppliciée de Madaya. Malgré les résolutions du Conseil, les travailleurs humanitaires ne peuvent pas leur porter secours sans entrave, a déploré M. O’Brien qui a également pointé le « taux dérisoire » des demandes d’affrètement de convois humanitaires approuvées par le Gouvernement syrien. Appuyé par la Directrice exécutive du Programme alimentaire mondial (PAM), Mme Ertharin Cousin, qui participait également à cette réunion, M. O’Brien a exhorté le Conseil à prendre des « mesures urgentes » en vue d’assurer un acheminement « inconditionnel » de l’aide humanitaire.
« Depuis cinq longues années, le peuple syrien a enduré l’un des conflits les plus brutaux et barbares du XXIe siècle », a commencé le Secrétaire général adjoint, qui présentait le dernier rapport du Secrétaire général sur l’application des résolutions 2139 (2014), 2165 (2014) et 2191 (2014) et 2258 (2015) du Conseil*. Les faits parlent d’eux-mêmes, a-t-il estimé, en rappelant que 250 000 personnes avaient été tuées et que 6,5 de millions de personnes étaient déplacées en Syrie. Alertant sur le risque de voir le cercle vicieux de la mort et de la destruction devenir la nouvelle réalité en Syrie, M. O’Brien a insisté sur l’importance pour la communauté internationale de ne pas laisser échapper l’occasion qu’offre la reprise des négociations sur un règlement politique de ce conflit.
Le Secrétaire général adjoint a indiqué que les conditions humanitaires demeuraient critiques dans les villes syriennes assiégées, dont Madaya, malgré l’arrivée de quelques convois humanitaires. Les négociations en vue d’assurer le passage en toute sécurité de l’aide doivent aboutir au plus vite, a-t-il dit, en expliquant que les travailleurs humanitaires ne pouvaient pas maintenant opérer en toute sécurité. « Dire simplement que l’ONU devrait lever les sièges des villes serait irresponsable et exposerait travailleurs et convois humanitaires à de graves risques », a-t-il dit.
« La situation à Madaya n’est que la pointe émergée de l’iceberg », a continué M. O’Brien en estimant qu’à ce jour, 486 700 personnes vivaient dans des zones assiégées: 274 200 d’entre elles étaient assiégées par le Gouvernement syrien, 200 000 par Daech et 12 500 par des groupes armés non étatiques et le Front el-Nosra. C’est pourquoi, il a exhorté les pays ayant de l’influence auprès des parties à en user pour mettre fin à ces sièges. « Je vous demande de le faire maintenant », a-t-il insisté, avant de détailler le lourd bilan des attaques indiscriminées, menées en toute impunité, par les différentes parties contre les civils.
Faisant remarquer que toutes les parties continuaient d’entraver l’acheminement de l’aide humanitaire, M. O’Brien a dénoncé le « taux dérisoire de 10% en 2015 » des autorisations délivrées par le Gouvernement syrien pour donner accès aux convois humanitaires interagences des Nations Unies. Le Gouvernement syrien n’a pas daigné répondre à 75% des requêtes de l’ONU, s’est indigné M. O’Brien, qui a qualifié ce comportement d’« inacceptable » de la part d’un État Membre de l’Organisation. L’impact sur le terrain est réel puisque 620 000 personnes avaient bénéficié de ces convois interagences en 2015, contre 2,9 millions en 2013.
Si les convois onusiens en direction de 46 zones difficiles d’accès ou assiégées étaient approuvés, a-t-il affirmé, l’aide humanitaire serait distribuée à 1,7 million de personnes. « Nous sommes engagés dans une course contre la montre », a-t-il dit, avant de rappeler qu’en 2015 l’ONU n’avait pu apporter une aide qu’à 10% des personnes vivant dans des zones difficiles d’accès et à 1% seulement des personnes résidant dans des zones assiégées.
Le Secrétaire général adjoint a ainsi exhorté le Conseil de sécurité à prendre de toute urgence les mesures nécessaires pour que les parties cessent leurs attaques contre les civils et les infrastructures civiles, facilitent l’accès inconditionnel et sans entrave de l’aide humanitaire, y compris l’autorisation par le Gouvernement syrien des demandes d’acheminement des convois en suspens, et assurent une liberté de mouvement des civils afin qu’ils puissent quitter les zones assiégées ou difficiles d’accès. « Les souffrances continues du peuple syrien ne peuvent être imputées aux organisations humanitaires, elles découlent de l’échec des parties et de la communauté internationale qui a permis à ce conflit de durer trop longtemps », a soutenu M. O’Brien.
Il a émis l’espoir que, lors des prochaines discussions, les principales parties prenantes prendront les décisions courageuses et nécessaires visant à mettre un terme à cette guerre dévastatrice. « Il est temps pour les membres de ce Conseil qui ont de l’influence auprès des parties de mettre leurs divergences de côté et de se rassembler –au plus haut niveau– pour améliorer l’accès aux millions de Syriens qui sont encore pris au piège », a-t-il insisté à nouveau.
De son côté, Mme Cousin a supplié les membres du Conseil de ne pas laisser d’autres personnes subir le même sort que celui de la population de Madaya. À ce jour, 18 zones sont assiégées, dont la moitié depuis trois ans, et près d’un demi-million de personnes sont complètement coupées de l’aide alimentaire et autre forme d’assistance humanitaire, a-t-elle indiqué, en attirant l’attention sur le nombre « terrifiant » de cas de malnutrition sévère. Mme Cousin a aussi relevé la chute du pouvoir d’achat des ménages, lesquels doivent pour se nourrir pendant un mois débourser environ 240 000 lires syriennes, soit 10 fois le coût normal.
Citant l’accord de réconciliation conclu en 2014 entre le Gouvernement et les groupes armés qui avait permis d’envoyer le premier convoi interagences en juillet 2014 à Moadamiyah, près de Damas, la Directrice exécutive du PAM a regretté que ce point de passage ait été fermé depuis cette date, privant ainsi 44 000 personnes de l’aide humanitaire. Mme Cousin a profondément regretté que le PAM n’ait pu fournir les vivres à la population de cette ville, alors que son bureau à Damas, n’est qu’à 15 minutes en voiture. Elle a déploré que les appels de la communauté internationale pour faciliter l’accès aux zones assiégées n’aient pas été entendus, et que 24% seulement des zones assiégées aient pu être atteintes.
La moitié de la population assiégée, soit environ 200 000 personnes, est piégée à Deir-ez-Zor, gouvernorat contrôlé en majeure partie par Daech, a poursuivi Mme Cousin, le Gouvernement syrien contrôlant, quant à lui, cinq quartiers de Deir-ez-Zor ainsi que l’aéroport. Ces zones assiégées, a-t-elle fait observer, sont chaque jour la cible des attaques perpétrées par Daech, « ce qui rend les perspectives de négociations quasiment nulles ». Si le PAM a réussi à obtenir l’autorisation de distribuer l’aide par voie aérienne, l’absence de sécurité sur les pistes d’atterrissage l’empêche d’agir, a-t-elle regretté.
Face à cette situation dramatique, la Directrice exécutive du PAM a plaidé pour que les résolutions du Conseil soient appliquées en vue de garantir un accès sûr et transparent. Mme Cousin a assuré que le PAM et ses partenaires poursuivraient leurs efforts inlassables « pour atteindre chaque femme, chaque homme et chaque enfant en Syrie ». « Afin de prévenir la famine dans les semaines et mois à venir, a insisté Mme Cousin, chaque membre du Conseil de sécurité doit nous assurer son appui. »