Conseil de sécurité: M. Hervé Ladsous s’inquiète de la reprise du conflit armé au Darfour
Le représentant du Soudan précise que le non-respect du cessez-le-feu par la faction Abdul Wahid fait obstacle aux efforts entrepris par son gouvernement
Le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, M. Hervé Ladsous, s’est dit particulièrement préoccupé, ce matin, devant le Conseil de sécurité, de la reprise du conflit armé dans la région de Jabal Marra, au centre du Darfour, et de ses conséquences sur les populations.
Lors de cet exposé, où il présentait le rapport* trimestriel du Secrétaire général sur l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour (MINUAD), M. Ladsous a souligné qu’il attendait de la part du Gouvernement soudanais des progrès tangibles en ce qui concerne l’arrêt des hostilités, la mise en place d’un processus de paix inclusif et l’accès du personnel de l’ONU ou des travailleurs humanitaires aux zones en conflit.
Malgré l’annonce, le 1er janvier 2016, de l’extension d’un cessez-le-feu unilatéral par le Président du Soudan, M. Omar Al-Bashir, dans la région de Jabal Marra, plusieurs incidents ont eu lieu, les bombardements aériens ont repris et les affrontements entre les forces gouvernementales et l’Armée de libération du Soudan/faction Abdul Wahid se sont intensifiés, a expliqué le Chef du Département des opérations de maintien de la paix.
La brève accalmie qui avait été observée lors du dernier trimestre de l’année 2015 -période couverte par le rapport- n’est donc plus d’actualité, a précisé M. Ladsous. En outre, des affrontements ont eu lieu dans les régions ouest et nord du Darfour.
À la fin de l’année 2015, des villages zaghawas avaient été attaqués par des milices arabes dans le Nord-Darfour et la MINUAD était retrouvée, à deux reprises, la cible de tirs.
Au début de l’année 2016, les tensions se sont accrues dans le Darfour oriental lorsque des membres armés de la tribu Beni Halbah ont attaqué et pillé des villages masalit au sud d’El Geneina, dans le Darfour occidental; et des affrontements ont eu lieu à la suite de ces violences.
Selon les autorités soudanaises, 5 000 personnes auraient été déplacées en raison de ces violences et seraient arrivées dans la ville d’El Geneina mais la MINUAD et les organisations humanitaires n’ont pas été en mesure de confirmer ce chiffre à cause des restrictions d’accès à cette zone qui avaient été imposées par les autorités soudanaises.
Par ailleurs, l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour, a-t-il poursuivi, a été le témoin de plusieurs largages de bombes ou a reçu des informations relatives à des bombardements aériens au Darfour septentrional et au Darfour central. Elle observe également des affrontements entre les forces gouvernementales et des éléments d’Abdul Wahid dans les régions méridionale et centrale du Darfour.
Les Nations Unies ne sont pas en mesure, ici également, de vérifier le nombre de victimes, ni d’établir un bilan humanitaire de la situation en raison des restrictions imposées par le Gouvernement soudanais pour accéder aux zones de conflit, a expliqué M. Ladsous.
Anticipant des déplacements de populations à grande échelle, les organisations humanitaires et la MINUAD ont donc commencé à élaborer un plan de contingence. À ce jour, 8 403 civils, dont la plupart des femmes et des enfants, se sont réfugiés aux alentours du camp de la MINUAD à Sortoni, au Darfour septentrional.
Face à cette reprise des affrontements, le processus politique visant à régler le conflit à travers le dialogue reste fragmenté et les principaux mouvements armés et groupes d’opposition continuent à boycotter le cadre actuel de dialogue national, a-t-il affirmé.
« Les parties restent en effet divisées concernant le processus de Doha pour la paix au Darfour et sur le rôle du Groupe de mise en œuvre de haut niveau de l’Union africaine dans les négociations », a-t-il dit. Le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix a regretté que le groupe Abdul Wahid n’ait pas participé aux pourparlers.
C’est dans ce contexte que le Président Al-Bashir a annoncé que le référendum visant à déterminer le statut administratif du Darfour se tiendrait du 11 au 13 avril 2016, conformément aux dispositions du Document de Doha. « S’il s’agit là d’une étape encourageante, a estimé M. Ladsous, il sera cependant très difficile pour les personnes déplacées de participer à ce processus. »
M. Ladsous a encore précisé que ces derniers développements illustraient des différences de vue très contrastées qui existent entre le Gouvernement du Soudan et la majorité des groupes armés concernant la situation actuelle au Darfour. Le Vice-Président a ainsi annoncé la fermeture des camps de personnes déplacées d’ici à la fin 2017, en assurant que le Darfour se relèverait de la guerre, a indiqué M. Ladsous, tout en faisant remarquer que la situation au camp de Kalma s’était dégradée.
Le Chef du Département des opérations de maintien de la paix a fait observer par ailleurs que la question de l’octroi des visas restait « précaire » et que la MINUAD attendait toujours le dédouanement de 108 conteneurs bloqués à Port Soudan.
Le représentant du Soudan a ensuite exprimé son désaccord avec M. Ladsous en ce qui concerne, notamment, la coopération de son pays avec la MINUAD et les affrontements avec la faction Abdul Wahid, en tenant à préciser que la faction continuait de rejeter tout règlement politique. Le Gouvernement soudanais a fait preuve d’une grande sagesse en n’excluant pas la faction Abdul Wahid de la déclaration unilatérale de cessez-le-feu, a-t-il dit, avant de déplorer que ce groupe armé continue de perpétrer des attaques. « Que peut faire le Gouvernement du Soudan lorsque la faction Abdul Wahid refuse le cessez-le-feu et attaque nos soldats? » a-t-il demandé. « Les forces armées soudanaises, a-t-il répondu, n’avaient pas d’autre choix que de riposter. »
S’agissant de la situation humanitaire, il a rappelé que le rapport affirmait que, « dans la mesure où il y a une accalmie, les déplacements se sont faits plus rares ». « M. Ladsous aurait dû insister sur ce point plutôt que livrer sa propre interprétation des faits », a-t-il fait remarquer. Il a ensuite affirmé que « les affrontements entre tribus au Darfour étaient aussi vieux que le Darfour lui-même », avant d’insister sur l’importance du développement économique pour la stabilisation de la région. Il a invité, à ce titre, la communauté internationale à lever les sanctions qui frappent le Soudan et sont un obstacle à son développement.
Le représentant soudanais a rappelé que la MINUAD dépendait, pour la bonne exécution de son mandat, de la coopération entre l’ONU, l’Union africaine et le Soudan. « Nous avons proposé que le mécanisme de coopération se réunisse les 29 et 30 janvier et nous attendons une réponse du Département des opérations de la paix », a-t-il dit. À la mi-janvier, 179 containers avaient été dédouanés sur 195 demandes faites en ce sens, a-t-il assuré, en soulignant que les mesures de dédouanement dépendaient de plusieurs ministères. « Nous avons créé un bureau auxiliaire à Port Soudan chargé du suivi de cette procédure, mais à la demande de la MINUAD, ce bureau a été fermé », a-t-il regretté, tout en précisant que son gouvernement souhaitait sa réouverture.
Pour ce qui est des demandes de visas, le délégué du Soudan a affirmé que le taux d’octroi était de 93% en octobre et de 96% en novembre et en décembre 2015. Le Soudan coopère pleinement avec la Mission, a-t-il assuré, en émettant l’espoir que le Groupe de travail chargé de réfléchir à une stratégie de retrait de la Mission reprendra ses réunions.
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