Conseil de sécurité: l’absence de progrès dans le processus électoral exacerbe les violations des droits de l’homme en République démocratique du Congo, estime le Chef de la MONUSCO
L’absence d’un accord au sujet du processus électoral en République démocratique du Congo (RDC) et la polarisation politique contribuent à accentuer les tensions et à créer un environnement de harcèlement et de violations des droits de l’homme, a affirmé devant le Conseil de sécurité, ce matin, le Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission de l’ONU dans ce pays, M. Maman Sambo Sidikou.
Ce dernier, qui présentait le dernier rapport* du Secrétaire général sur la Mission de l’ONU pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), avait d’ailleurs jugé opportun de s’exprimer par vidéoconférence depuis Goma et de rester dans la zone, « étant donné la situation qui prévaut actuellement en RDC », a-t-il dit.
Les scrutins présidentiel et législatif qui doivent se tenir en novembre prochain provoquent de profondes divisions dans ce pays, en raison de l’absence d’un accord sur le calendrier électoral et d’un budget pour leur tenue, a-t-il expliqué.
Les préparatifs du dialogue national, initié par le Président Joseph Kabila en vue de parvenir à un consensus sur le processus électoral, n’ont pas encore démarré et l’initiative de ce dialogue soulève, à elle seule, de vives critiques de la part des principaux groupes de l’opposition, a-t-il ajouté. Bien que le Président Kabila poursuive ses consultations avec l’ONU et l’Union africaine, l’un des points d’achoppement demeure la désignation d’un facilitateur international aux fins de ce dialogue national.
C’est dans ce contexte politique que la MONUSCO a recensé plus de 260 violations des droits de l’homme liées au processus électoral, la plupart visant des membres de l’opposition, des défenseurs des droits de l’homme, des représentants de la société civile et des journalistes, a poursuivi le Représentant spécial. « Associées au nombre croissant d’abus commis par des groupes armés dans l’est de la RDC, a-t-il indiqué, ces violations démontrent de manière inquiétante que l’espace politique se réduit et que cela menace la tenue d’élections pacifiques et crédibles. »
M. Sambo Sidikou a précisé que la situation sécuritaire dans l’est du pays, en particulier dans les territoires de Béni et de Lubero, au Nord-Kivu, s’était considérablement détériorée au cours de ces dernières semaines, notamment en raison des activités des Forces démocratiques alliées (ADF) et des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), qui posent de graves menaces pour la population civile.
À Beni, par exemple, malgré l’opération Sukola I menée contre eux par les Forces armées de République démocratique du Congo (FARDC) pendant deux ans, les Forces démocratiques alliées restent en mesure de coordonner des attaques simultanées visant à la fois des positions des FARDC ou de la MONUSCO.
« Depuis 2014, plus de 500 civils ont été tués par les ADF et leurs alliés et, depuis décembre 2015, on compte 45 000 personnes déplacées. Un grand nombre de ces personnes se trouvent actuellement dans la province de l’Ituri, où les tensions entre communautés se poursuivent », a-t-il précisé.
La MONUSCO a répondu à ces menaces dans le cadre d’opérations aériennes et de mesures destinées à protéger les civils, notamment des patrouilles communes avec les militaires ou en prenant contact avec la population et en organisant des activités d’alerte précoce.
Mais, depuis le mois d’octobre dernier, les combats ont également redoublé entre le groupe Maï-Maï et les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) dans le territoire de Lubero.
« Des civils ont été pris dans ces combats, ils ont été déplacés, enlevés de force, pris pour cibles ou massacrés en raison de leur appartenance ethnique ou de leur supposée coopération avec les FDLR », a-t-il rappelé. Par ailleurs, la situation semble également se dégrader et glisser vers un potentiel conflit ethnique entre les communautés nande et les Hutus dans le sud du territoire de Lubero, où le Chef de la MONUSCO a fait état du recrutement de miliciens selon l’appartenance ethnique.
M. Sidikou a ensuite rappelé que la crise au Burundi suscitait aussi de nouveaux risques d’instabilité dans le Sud-Kivu, où 13 000 personnes ont déjà trouvé refuge dans le camp du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés à Uvira. « La MONUSCO a reçu des informations selon lesquelles des éléments armés se seraient infiltrés dans la province et les acteurs locaux craignent qu’ils cherchent à établir une base arrière dans le territoire d’Uvira et de Fizi ».
Dans ce contexte, le Chef de la MONUSCO a précisé que la nouvelle réduction de 1 700 membres du personnel militaire de la Mission, telle qu’elle avait été recommandée par le Secrétaire général dans son rapport, serait assortie d’un processus de « transformation de la force ». Cette transformation serait axée sur davantage de capacités de déploiement rapide et sur des capacités de reconnaissance aérienne et opérationnelle, afin d’améliorer la rapidité d’action et de garantir la protection et la sécurité des civils.
Enfin, le Chef de la MONUSCO a conclu en estimant qu’il était primordial pour le Conseil de sécurité de renforcer la confiance entre les différents acteurs, ainsi que son partenariat avec le Gouvernement de la RDC afin d’aboutir à une vision commune et à une démarche conjointe pour faire face à l’insécurité dans l’est du pays. Il s’est dit convaincu qu’à cet égard, la reprise de la coopération sécuritaire représenterait un aspect clef et que le soutien du Conseil de sécurité serait particulièrement utile à ce stade.
Après cet exposé, le Représentant permanent de la République démocratique du Congo auprès des Nations Unies, M. Ignace Gata Mavita, tout en reconnaissant que le processus électoral accusait un certain retard, a assuré que son gouvernement mettrait tout en œuvre pour relever les défis liés à l’organisation d’élections respectueuses « de tous les standards internationaux en matière d’inclusion, de transparence et de crédibilité ».
Il a d’ailleurs détaillé certains de ces défis, notamment les questions liées à la fiabilité et au caractère inclusif du fichier électoral. « Rien ne garantit que tous les Congolais en âge de voter sont inscrits sur les listes électorales, de même rien n’atteste que tous ceux qui y sont inscrits le sont légitimement », a-t-il tenu à faire remarquer. Dans ce contexte, le choix consiste soit à organiser des élections « en se basant sur un fichier imparfait, avec pour conséquence, des contestations prévisibles; soit à régler ces imperfections en amont et réduire au maximum les risques soulevés », a-t-il indiqué.
Le délégué a ensuite souligné que le calendrier électoral n’était pas opérationnel, « suite aux multiples voix discordantes au sein de la classe politique ». « Les divergences n’ont jamais été réglées, au point que les premiers scrutins, prévus en octobre dernier, n’ont pu avoir lieu », a-t-il dit. S’agissant de la sécurisation du processus électoral, M. Gata Mavita a insisté sur le rôle que doit jouer la classe politique dans la promotion d’un environnement favorable à un processus électoral apaisé. Il a également mis l’accent sur le défi que constitue le financement de ce processus, les recettes étant pour l’heure insuffisantes. Insistant sur l’importance d’un dialogue national pour surmonter les obstacles précités, le délégué a déclaré que son pays continuait d’attendre la nomination d’un facilitateur par le Secrétaire général de l’ONU pour le démarrage de ce dialogue.
La République démocratique du Congo a réalisé des efforts considérables dans la lutte contre les groupes armés, en particulier à l’encontre des FDLR, s’est félicité M. Gata Mavita, en citant en particulier l’arrestation, le 8 décembre 2015, de Ladislas Ntangazwa, inculpé par le Tribunal pénal international pour le Rwanda pour des crimes de génocide commis au Rwanda en 1994. Il a souhaité une plus grande implication du Conseil pour le rapatriement des ex-combattants FDLR au Rwanda ou leur réinstallation rapide dans un pays tiers hors de la région des Grands Lacs.
Le représentant a ensuite imputé le manque de progrès enregistrés dans la mise en œuvre de la Déclaration de Nairobi à « la mauvaise foi » des membres de l’ex-M23, qui refusent de respecter leurs engagements et continuent de s’opposer au rapatriement volontaire malgré l’assouplissement offert par le Président Kabila. Il a ainsi invité le Conseil de sécurité à envisager des sanctions contre le commandement de l’ex-M23 et souhaité que les pays qui hébergent ces ex-combattants trouvent des solutions politiques aux obstacles qui empêchent leur rapatriement et réinsertion en RDC.
Saluant les recommandations du Secrétaire général relatives à la réduction des effectifs militaires de la MONUSCO et au renforcement de son efficacité, l’Ambassadeur Gata Mavita a appelé de ses vœux un dénouement heureux du dialogue entre son pays et l’ONU en vue de renforcer la traque contre « les forces négatives » opérant dans l’est de la République démocratique du Congo.