Face aux extrémistes, le Chef du maintien de la paix estime urgent de mettre en œuvre l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali
Face à la détermination de groupes extrémistes qui veulent faire échouer le processus de paix, il est urgent de mettre en œuvre l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali signé le 20 juin 2015, a affirmé devant le Conseil de sécurité, cet après-midi, le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, M. Hervé Ladsous.
Lors de cet exposé, où il présentait le rapport du Secrétaire général*, M. Ladsous a estimé que la situation sur le terrain avait considérablement évolué depuis la dernière réunion du Conseil consacrée au Mali, en octobre dernier, « grâce aux efforts conjugués des autorités maliennes, des parties signataires de l’Accord, de la médiation internationale et de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) ».
Ces efforts ont notamment permis de renforcer la dynamique de dialogue et de concertation entre le Gouvernement du Mali, la coordination des mouvements de l’Azawad et les groupes de la Plateforme, et de créer un environnement plus propice au fonctionnement effectif des mécanismes de suivi de l’Accord. Ces mécanismes, à savoir le Comité de suivi de l’Accord (CSA) et la Commission technique de sécurité, se sont d’ailleurs réunis à quatre reprises depuis cette réunion du Conseil de sécurité, a-t-il expliqué.
« Il faut cependant continuer à faire davantage », a-t-il ajouté, en insistant sur l’urgence à surmonter de concert les défis dans les domaines politique, sécuritaire et humanitaire. « Le processus de paix naissant demeure fragile et est confronté à la détermination affichée ces derniers mois par des groupes terroristes qui veulent le faire échouer », a-t-il souligné.
L’attentat terroriste perpétré contre l’hôtel Radisson Blu à Bamako, le 20 novembre 2015, qui a tué 19 civils et un soldat malien et blessé de nombreuses autres personnes, a eu lieu pendant une des réunions du Comité de suivi de l’accord (CSA), et alors même que la délégation algérienne (qui préside le CSA) y résidait, a-t-il précisé.
De même, les dirigeants du groupe Ansar Dine ont condamné à deux reprises le processus de paix et dénoncé les groupes armés signataires de l’Accord d’Alger, allant jusqu’à menacer d’intensifier les attaques contre la France et ses alliés, Gouvernement malien et MINUSMA y compris, a-t-il rappelé.
En outre, les groupes extrémistes continuent à intimider les populations, les Forces armées maliennes ou la MINUSMA non seulement au nord mais aussi dans le centre et dans le sud du Mali.
La MINUSMA a essuyé 28 attaques entre le 23 septembre et le 16 décembre 2015, période couverte par le rapport du Secrétaire général sur la situation au Mali, contre 20 lors des trois mois précédents, a-t-il expliqué. Face à cette situation, deux tiers des effectifs de la Force de la Mission sont employés à protéger ses installations et ses convois.
En outre, bien que les organes de suivi de l’Accord soient à présent opérationnels, leur mise en place ne se traduit pas encore par des progrès tangibles en vue de mettre en œuvre plusieurs mesures importantes, notamment celles en matière de politique de cantonnement des groupes de combattants et celles relatives à l’organisation de patrouilles mixtes.
« Certes, 11 sites de cantonnement ont été validés et les travaux ont déjà démarré pour deux d’entre eux mais seule une patrouille mixte a été menée le 14 novembre, et plus rien depuis », a-t-il regretté.
M. Ladsous s’est également dit préoccupé par les retards accumulés dans la mise en œuvre d’autres réformes politiques et institutionnelles, qui sous-tendent l’Accord de paix. « Ceux-ci risquent de saper la confiance entre les différents partenaires », a-t-il dit, en insistant sur la nécessité d’établir des administrations locales provisoires et de s’atteler aux réformes institutionnelles telles que la décentralisation ou la création de deux nouvelles régions de Taoudéni et Ménaka.
« L’un des enseignements de ces derniers mois est que les différents piliers de l’Accord de paix sont intimement liés les uns aux autres », a-t-il dit.
Il a ensuite rappelé que la Conférence internationale pour la relance économique et le développement du Mali, organisée à Paris le 22 octobre 2015 par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), avait débouché sur des promesses de contribution d’environ 3,2 milliards d’euros pour la période 2015-2017.
À la suite de cet exposé, le Ministre des affaires étrangères du Mali, M. Abdoulaye Diop, a réaffirmé la détermination « ferme et totale » de son gouvernement à mettre en œuvre les dispositions de l’Accord pour la paix et la réconciliation. Il a estimé à 3,5 milliards d’euros le coût global des actions de relèvement, de réduction de la pauvreté et de développement au Mali au cours des six prochaines années.
Il a par ailleurs précisé que le Gouvernement malien et les différents partenaires techniques et financiers avaient créé un mécanisme de concertation visant à assurer une gestion optimale et transparente des ressources destinées à la mise en œuvre de l’Accord.
S’agissant de la situation sécuritaire, le Ministre s’est félicité de la cessation des hostilités et de la diffusion de messages d’apaisement et de soutien à l’Accord. À propos du processus de désarmement, démobilisation et réinsertion, il a attiré l’attention du Conseil de sécurité sur la nécessité d’accélérer la phase de cantonnement et a invité la MINUSMA à jouer pleinement son rôle et à amener les groupes armés à coopérer pour garantir la réussite de l’opération.
Il a ensuite estimé que le regain d’activités terroristes au nord du pays visait clairement à freiner la mise en œuvre de l’Accord et à créer « une psychose au sein de la communauté des hommes d’affaires et des investisseurs ».
Conscient que les opérations de maintien de la paix n’ont pas vocation à lutter contre le terrorisme, M. Diop a expliqué que les Forces maliennes ne pouvaient pas faire face, seules, à ce phénomène en raison de l’immensité du territoire malien et du « caractère asymétrique de cette guerre ».
Le Ministre a, par conséquent, invité les membres du Conseil de sécurité à envisager un renforcement de la capacité opérationnelle de la MINUSMA en vue de l’adapter au contexte sécuritaire. Il a, en outre, réitéré la volonté des chefs d’État et de gouvernement des entités régionales et sous-régionales africaines à mettre en place une force d’intervention rapide destinée à lutter contre le terrorisme.
Il a mis en garde contre le danger d’assister à un embrasement de l’ensemble de la région du fait des interactions, « voire d’une jonction », entre les groupes terroristes opérant dans le Sahel, au nord du Mali, en Libye et dans le bassin du lac Tchad.
« Nous devons prendre très au sérieux la menace terroriste dans la région du Sahel », a-t-il affirmé, en ajoutant que ce serait une grave erreur que « d’accorder un traitement sélectif dans la lutte contre le terrorisme ».
M. Diop a, dès lors, invité le Conseil à envisager des mesures plus vigoureuses contre les groupes terroristes opérant dans la zone sahélo-saharienne.