En cours au Siège de l'ONU

Soixante et onzième session, 
23e et 24e séances – matin et après-midi              
AG/SHC/4174

Un Rapporteur spécial propose à l’Assemblée générale d’élaborer une déclaration sur les mesures coercitives unilatérales et l’état de droit

Une déclaration sur les mesures coercitives unilatérales et l’état de droit pourrait être envisagée par le Conseil des droits de l’homme et l’Assemblée générale, a proposé aujourd’hui, devant la Troisième Commission, le Rapporteur spécial du Conseil des droits de l’homme sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme, M. Idriss Jazairy.

Après avoir accueilli pour la première fois le nouveau Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme, M. Andrew Gilmour, qui a présenté dix rapports du Secrétaire général, la Commission chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles a eu des échanges de vue avec six procédures spéciales.

Défendant dans son rapport* le droit à un recours, à une indemnisation et à des réparations lorsque des sanctions unilatérales ont des effets pervers sur les droits de l’homme, M. Jazairy a précisé que la déclaration proposée « réaffirmerait l’illégalité des peines collectives et la nécessité de respecter le principe de proportionnalité ». 

Il souligne en outre que les mesures coercitives unilatérales ne sont pas autorisées par le Conseil de sécurité, d’où le fait qu’elles sont « unilatérales » et non « multilatérales », et n’ont, en conséquence, « aucune justification légale au titre du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies ».

La mise en place d’un registre de données relatives à la restructuration de la dette, a été recommandé d’un autre côté par l’Expert indépendant chargé d’examiner les effets de la dette extérieure et des obligations financières internationales connexes des États sur le plein exercice de tous les droits de l’homme, en particulier des droits économiques, sociaux et culturels, M. Juan Pablo Bohoslavsky**.

Mettant en garde contre une « nouvelle vague de politiques d’austérité », le même Expert a signalé que des réductions des dépenses publiques sont attendues cette année dans 132 pays, dont 81 en développement.

M. Boholasky a dès lors appelé les Nations Unies et les institutions financières internationales à veiller à ce que leurs mécanismes de surveillance à regarder de près les dépenses publiques consacrées aux objectifs de développement durable et aux secteurs intéressants les droits économiques, sociaux et culturels. 

Il y aurait « jusqu’à 32 milliards de dollars détenus offshore qui échappent à toute justice fiscale, privant chaque année les gouvernements des ressources dont ils ont besoin », a déclaré, pour sa part, l’Expert indépendant sur la promotion d’un ordre international démocratique et équitable, M. Alfred Maurice de Zayas.

Lassé par la rhétorique sur les paradis fiscaux, M. de Zayas, qui examine dans son rapport*** les difficultés que suscitent l’évasion et la fraude fiscales’ de même que le transfert de bénéfices à grande échelle a, lui, mis sur la table, l’idée de convoquer une conférence internationale qui aboutirait à la création d’un organe fiscal intergouvernemental chargé de rédiger une convention sur la fiscalité et la coopération internationale en matière fiscale.

Les migrants, la main d’œuvre féminine et les employés de maison, autant de groupes vulnérables sur le lieu de travail, ont été au centre de l’intérêt du Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association, M. Maina Kiai qui, dans son rapport****.

Celui-ci a argué que, quel que soit leur statut dans le pays où ils se trouvent, ces travailleurs ont le droit de se réunir pacifiquement et de s’associer librement, exhortant notamment les États à l’amélioration des programmes de « travailleurs invités » afin d’éliminer les clauses coercitives.

La responsabilité des entreprises en matière des droits de l’homme « s’applique à toutes les entreprises et concerne tous les droits fondamentaux », a insisté quant à lui le Président du Groupe de travail sur la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises, M. Pavel Sulyandziga, qui a encouragé les entreprises à se conformer aux Principes directeurs de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) à l’intention des entreprises multinationales.

Cette année, le Groupe de travail a axé son rapport***** sur les incidences des activités agro-industrielles sur les droits de l’homme des peuples autochtones et des populations locales, en analysant notamment la chaîne de production et d’approvisionnement d’huile de palme et de canne à sucre, un secteur à haut risque selon son analyse sur le terrain.

De son côté, le Président et Rapporteur du Groupe de travail sur le droit au développement, M. Zamir Akram, a expliqué que, pour tenter de sortir de l’impasse autour de la reconnaissance du droit au développement en tant que droit à part entière, il avait lui-même préparé un rapport sur les normes relatives à la mise en œuvre du droit au développement, examiné par le Groupe de travail, dans l’objectif « d’identifier un terrain d’entente et un libellé convenu par tous ». 

La Troisième Commission tiendra, demain à 10 heures, des dialogues avec six autres titulaires de mandats.

* A/71/287, ** A/71/305, *** A/71/286

**** A/71/385, ***** A/71/291

PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME (A/71/40 et A/C.3/71/4 (à paraître))

Dialogue avec le Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme et Chef du Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme à New York

M. ANDREW GILMOUR, Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme et Chef du Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme à New York, qui s’exprime pour la première fois devant la Commission après sa nomination il y a deux semaines, a présenté dix rapports du Secrétaire général.

Traitant du rapport sur un moratoire sur la peine de mort qui note un certain nombre de progrès, il a signalé que sept États avaient aboli cette peine depuis décembre 2014.  Cependant, un certain nombre ont repris l’application de cette sentence après avoir mis en place un moratoire pendant des années. 

Le Secrétaire général souligne que le moratoire est une transition vers l’abolition définitive et exhorte à la signature du Deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Le rapport sur l’assistance à la justice dénonce l’excès abusif de l’incarcération et d’autres défis aux droits de l’homme.  Le Secrétaire général recommande que la détention avant un procès ne dure pas.

Le rapport sur les disparitions forcées intègre des recommandations en matière de législation, de suivi et de formation des forces de l’ordre.  Il reconnaît l’utilité de certains mécanismes comme les enquêtes et les archives.  Il faut répondre aux besoins des personnes disparues sans politiser la question et mettre les victimes au centre de l’attention des pouvoirs publics.  Il insiste sur les mesures correctives et la reddition des comptes.

S’agissant des libertés d’expression et de religion, le Conseil des droits de l’homme a mis en place des initiatives.  Le rapport sur cette question souligne que la plupart des États se sont concentrés sur les mesures de lutte contre le terrorisme.  Les autorités religieuses ont aussi un rôle à jouer pour éradiquer l’extrémisme, notamment sa forme violente.

Le rapport du Secrétaire général sur la mondialisation et ses effets sur la pleine jouissance de tous les droits de l’homme (A/71/271) invite les États à un partage équitable des dividendes de la mondialisation et met l’accent sur le Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Le sixième rapport met l’accent sur le rôle du médiateur en vertu de la résolution 69/168.

Le Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme a aussi fait état de deux rapports sur la migration, notamment celui sur les droits de l’homme des migrants (A/71/284), qui traite des nouveaux cadres de protection dans le cadre des grands flux migratoires.  Il insiste sur les principes directeurs du Haut-Commissariat sur cette question.  Il invite à l’adoption de politiques cohérentes aux niveaux national, régional et international.

Dans un autre rapport, le Secrétaire général a réitéré que le droit au développement est inscrit dans le Programmen 2030.  Les principes et les normes liés à ce droit doivent figurer dans les discussions sur le commerce, a-t-il aussi dit.

M. Gilmour a également présenté, en le commentant, le rapport du Secrétaire général sur la situation des droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée (RPDC).  Le Secrétaire général y exhorte le Gouvernement de ce pays à respecter les droits de l’homme de sa population et à s’engager positivement avec les institutions internationales.

Il reconnaît, par ailleurs, l’amélioration de la coopération, notamment concernant les femmes et les enfants.  Il reste néanmoins que la situation des droits de l’homme ne s’est guère améliorée dans ce pays, en particulier en ce qui concerne les violations graves.  Le Secrétaire général plaide à nouveau en faveur d’un accès sans entraves aux mécanismes des Nations Unies.

Le représentant du Maroc s’est intéressé au rapport du Secrétaire général relatif à la résolution portant sur le rôle de l’Ombudsman, regrettant qu’il y ait eu des manquements.  À cet égard, il a demandé que lui soient fournies des explications.

Pour sa part, le représentant de l’Union européenne a demandé à M. Gilmour comment il percevait l’initiative « Les droits de l’homme avant tout » du Secrétaire général, visant à répondre aux violations des droits de l’homme, dans les années à venir, de même que son plan pour renforcer la présence du Haut-Commissariat à New York.

Quant au délégué de l’Azerbaïdjan, il a voulu savoir quels étaient les défis pour l’élaboration des rapports sur les personnes disparues, ainsi que le type de contributions sur lesquelles il s’appuyait pour les rédiger.

Le Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme et Chef du Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme à New York, a affirmé qu’il n’était pas informé du problème soulevé par le Maroc et a promis qu’il transmettrait les préoccupations du Royaume.

À l’Union européenne, il a répondu qu’il travaillait de plus en plus avec toutes les composantes des droits de l’homme et s’efforçait de renforcer leurs capacités sur le terrain. 

Concernant l’initiative « Les droits de l’homme avant tout », il a affirmé y avoir participé, soulignant son engagement sur le terrain notamment aux côtés du système de l’ONU.  Par ailleurs, il a annoncé que, pour la première fois, tous les collègues s’étaient penchés sur une analyse commune, ce qui était difficile par le passé.

Répondant au représentant de l’Azerbaïdjan, il a indiqué que les informations émanaient des États Membres.

Présentation par la Directrice de la Division des politiques sociales et du développement du Département des affaires économiques et sociales

Mme DANIELA BAS, Directrice de la Division des politiques sociales et du développement du Département des affaires économiques et sociales, qui présentait le rapport du Secrétaire général intitulé « Vers la pleine réalisation de l’objectif d’une Organisation des Nations Unies accessible et inclusive pour les personnes handicapées » (A/71/344), a indiqué que c’était un travail interdépartemental sur l’accessibilité, de conserve avec le Département de l’Assemblée générale.

Très complet, ce document aborde la question de l’intégration des personnes handicapées aux Nations Unies.  L’accessibilité est une condition essentielle pour favoriser la participation de ce groupe.  Mme Bas, elle-même handicapée, a estimé qu’à la croisée des chemins vers la réalisation des objectifs de développement durable, il était pertinent de prêter attention à cette question pour ne laisser personne de côté.

Dialogue avec l’Expert indépendant chargé d’examiner les effets de la dette extérieure et des obligations financières internationales connexes des États sur le plein exercice de tous les droits de l’homme, en particulier des droits économiques, sociaux et culturels

Présentant son rapport annuel (A/71/305), M. JUAN PABLO BOHOSLAVSKY, Expert indépendant chargé d’examiner les effets de la dette extérieure et des obligations financières internationales connexes des États sur le plein exercice de tous les droits de l’homme, en particulier des droits économiques, sociaux et culturels, a estimé que les inégalités économiques contribuaient et résultaient des crises économiques.  D’autre part, les mesures d’austérité prises pour réduire la dette publique dans des pays industrialisés en réponse aux crises de la dette souveraine ont souvent aggravé les inégalités économiques en réduisant substantiellement les financements indispensables aux services publics. 

Les inégalités économiques se sont fortement creusées partout dans le monde et, dans certaines nations, ont atteint des dimensions excessives, a-t-il remarqué.

Il a rappelé que le droit relatif aux droits de l’homme exigeait une certaine redistribution des richesses en vue de prévenir les crises financières et de garantir aux individus des chances égales dans l’exercice de leurs droits.  Il a recommandé aux États de réguler les marchés financiers, d’établir des salaires minimums adéquats, des impôts graduels, des seuils de protection sociale et de conduire des évaluations régulières de l’impact en termes des droits de l’homme avant toute planification et application des programmes d’ajustements.

Dans cette optique, M. Bohoslavsky a appelé les Nations Unies et les institutions financières internationales à veiller à ce que leurs mécanismes de surveillance suivent les dépenses publiques consacrées aux objectifs de développement durable et aux secteurs intéressants.  Il a plaidé pour la mise en place d’un registre de données relatives à la restructuration de la dette ainsi que d’un système d’établissement de rapports sur l’application des Principes fondamentaux des opérations de restructuration de la dette souveraine.

Lorsque les États font face à une crise budgétaire pour rembourser la dette accumulée, ils doivent intégrer la protection des droits économiques, sociaux et culturels dans leur politique budgétaire.  Cette situation concerne aussi les pays en développement, a-t-il insisté, en mettant en garde contre une « nouvelle vague de politiques d’austérité » en cours d’application dans de nombreuses nations.

Ainsi, des réductions des dépenses publiques sont attendues cette année dans 132 pays, dont 81 en développement.  Il a prévenu que de telles mesures risquaient de gommer des années, voire des décennies, de progrès socioéconomique et ne devraient être appliquées qu’en dernier ressort, lorsqu’elles s’avéraient inévitables, nécessaires et proportionnées.

L’Expert indépendant a aussi donné un aperçu de son deuxième rapport thématique soumis au Conseil des droits de l’homme dans lequel il a attiré l’attention sur le fait que les flux financiers illicites -abus des impôts, corruption, blanchiment d’argent, commerce de stupéfiants– détournaient les fonds censés servir au maintien et à l’amélioration de services publics comme la santé, l’éducation, les infrastructures, l’application de la loi et le logement.

Les flux financiers illicites réduisent en conséquence l’espace fiscal alloué à la jouissance des droits économiques, sociaux, culturels, civils et politiques.  Ils entravent également le droit au développement et compromettent les progrès dans la réalisation des objectifs fixés à l’horizon 2030.

M. Bohoslavsky a notamment recommandé aux États de remédier aux dégâts occasionnés par ces flux illicites en participant au mouvement mondial tendant à l’échange d’informations sur les impôts; d’imposer des mesures exigeant la publication d’informations sur les avoirs; et de demander des rapports publics, pays par pays, sur les activités et les avoirs des sociétés transnationales afin d’exposer toute contravention et écart entre la distribution des profits et l’emplacement réel de leurs activités économiques.

Il a rappelé à cet égard que les fuites au Luxembourg avaient soulevé la nécessité d’une protection accrue des donneurs d’alerte et des témoins attestant de l’existence de flux illicites. 

De la même façon’ en réponse aux informations figurant dans les Panama Papers et les informations récentes sur les comptes offshore aux Bahamas, M. Bohoslavsky a proposé que la transparence financière de toutes les juridictions bancaires soit surveillée par des experts indépendants nommés par les Nations Unies sur la base d’une série d’objectifs et de critères transparents.

Il a aussi évoqué ses visites en Chine, en Grèce, et dans les institutions de l’Union européenne.

La représentante du Maroc a exprimé son intérêt pour les recommandations de l’Expert indépendant, notamment sur la création d’un mécanisme de restructuration de la dette, lui demandant plus d’informations sur le sujet.

La déléguée de la République islamique d’Iran a estimé qu’il existait de nombreuses violations des droits de l’homme de la part des sociétés, précisant que des pays en développement avaient besoin d’investissements directs étrangers, mais qu’ils étaient liés par des accords qui ne correspondaient pas aux intérêts des populations locales.  De plus, a-t-elle dit, certaines entreprises multinationales font pression sur des gouvernements pour bénéficier de privilèges.

Répondant au Maroc, l’Expert indépendant chargé d’examiner les effets de la dette extérieure et des obligations financières internationales connexes des États sur le plein exercice de tous les droits de l’homme, en particulier des droits économiques, sociaux et culturels a affirmé qu’il s’agissait d’un registre visant à déterminer les meilleures pratiques afin que les différentes parties en tirent profit.

À la République islamique d’Iran, il a dit être conscient du rôle limité des conventions et traités bilatéraux sur la question des droits de l’homme.  Selon lui, il apparaît évident que l’arbitrage international et les traités peuvent permettre de régler les différends.

Dialogue avec le Rapporteur spécial sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme

M. IDRISS JAZAIRY, Rapporteur spécial sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme, a présenté son rapport (A/71/287) qui porte, cette année, sur les questions relatives aux recours et aux réparations offerts aux victimes de violations des droits de l’homme causées par des sanctions. 

Plus précisément, M. Jazairy y examine le cadre conceptuel des voies de recours dans les domaines du droit international général, du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire.

L’examen des mécanismes existants qui ont été utilisés, ou pourraient être utilisés, pour obtenir réparation des effets néfastes de sanction montre que ces mécanismes sont généralement rares, a tenu à rappeler M. Jazairy.  De plus, leur capacité s’agissant d’obtenir des recours efficaces ainsi que des compensations et des indemnisations est souvent limitée.

Le Rapporteur spécial a souligné que chaque fois que, dans le monde, des mesures de contrainte unilatérales ont des effets néfastes sur les droits de l’homme, le droit à un recours devrait être facilement disponible et protégé, et des mécanismes appropriés devraient être accessibles aux victimes aux niveaux national et international afin qu’elles puissent former des recours et obtenir indemnisation et réparation.

« Il est absolument inacceptable que les habitants de nombreux États n’aient aucun accès à un organe ou à un mécanisme auprès duquel ils pourraient former des recours et obtenir indemnisation et réparation.  Cette situation est contraire à plusieurs obligations fondamentales inscrites dans la plupart des traités relatifs aux droits de l’homme », a-t-il insisté.

D’après M. Jazairy, le Conseil des droits de l’homme et l’Assemblée générale devraient réaffirmer solennellement, par une déclaration’ le droit des victimes à un recours efficace incluant une compensation financière appropriée et réelle, dans tous les cas où des mesures de contrainte unilatérales ont des effets néfastes sur les droits de l’homme.

Cette « Déclaration sur les mesures coercitives unilatérales et l’état de droit » réaffirmerait l’illégalité des peines collectives et la nécessité de respecter le principe de proportionnalité.  Elle indiquerait notamment que les États et les organisations internationales qui mettent en œuvre des sanctions unilatérales pourraient voir leur responsabilité internationale engagée et avoir à réparer le préjudice causé.

Ce serait, selon le Rapporteur spécial, l’occasion pour la communauté internationale de « combler une lacune inacceptable dans la protection des droits de l’homme ».  Pour élaborer ce texte, a-t-il suggéré, l’Assemblée générale désignerait un groupe de rédaction d’experts gouvernementaux à composition non limitée dont il serait le facilitateur.

Par ailleurs, M. Jazairy a de nouveau recommandé la création, au niveau du Conseil de sécurité ou du Secrétariat, d’un « registre récapitulatif central » afin de recenser toutes les mesures unilatérales actuellement en vigueur.

Le Rapporteur spécial a aussi recommandé à la communauté internationale de prendre des mesures décisives et concrètes pour améliorer les mécanismes existants permettant aux victimes de violations des droits de l’homme liées à des mesures de contrainte unilatérales de demander une indemnisation et d’obtenir réparation.

Il faudrait en particulier renforcer les comités créés dans le cadre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels pour traiter les requêtes individuelles.

Enfin, il a recommandé d’ajouter à l’examen périodique universel de chaque État un point sur les mesures de contrainte unilatérales qu’ils ont mises en œuvre à l’encontre de certains pays, ainsi qu’une évaluation des répercussions de ces mesures dans le domaine des droits de l’homme.

Le délégué de Cuba s’est dit opposé aux mesures coercitives unilatérales, demandant au Rapporteur son avis sur leurs conséquences, et le type de mesures prises par le Conseil des droits de l’homme dans ce genre de situation.

Le représentant du Soudan a indiqué que son pays était victime de mesures coercitives unilatérales avec des conséquences économiques graves.  Celui-ci a demandé au Rapporteur spécial de quelle manière la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 pouvait freiner les progrès de son pays.

Le représentant de l’Algérie a dit que les mécanismes étaient limités lorsque les pays étaient touchés par des mesures coercitives unilatérales, avec une impossibilité pour eux de bénéficier de voies de recours.  Il a donc voulu savoir quel pourrait être la première étape en vue d’améliorer les mécanismes et obstacles existants.

L’observatrice de l’État de Palestine a mis en avant le bouclage de Gaza en vigueur depuis 10 ans.  Face à l’impunité dont jouit Israël, elle a souhaité avoir une réponse sur les mesures que pourrait prendre la communauté internationale, y compris l’ONU, afin de lever ce blocus et de réparer les dommages causés à des milliers de victimes.

La délégation du Maroc a dit attendre le prochain rapport sur les indemnisations qui pourraient être offertes.  Elle a souhaité davantage d’informations sur le système d’enregistrement en se demandant s’il devait être également obligatoire.

La représentante de la République islamique d’Iran a salué le fait que le rapport mette en lumière la question des recours et de l’indemnisation s’agissant des sanctions unilatérales, qui sont en violation de la Charte des Nations Unies et des principes d’indépendance des États.  Elle a dénoncé l’application de telles mesures et leur impact néfaste sur le droit à un niveau de vie décent pour les populations concernées.

Le représentant d’Israël a voulu « rétablir la vérité » sur la situation à Gaza, soulignant d’abord que sous les ordres du Hamas qui contrôle Gaza, des missiles avaient été lancés contre Israël et des actes terroristes ourdis.  Israël a exercé son droit à l’autodéfense en contrôlant l’acheminement des produits qui pouvaient servir à lui porter préjudice.

Le Rapporteur spécial sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme a affirmé que le droit international et le droit humanitaire, ainsi que tout un ensemble de dispositions acceptées par tous, étaient autant d’éléments d’une vie civilisée sur terre.  Il a indiqué que les pays qui croyaient à l’état de droit pourraient s’unir et créer un mandat pour mettre en œuvre la proposition qu’il a faite.

Pour y parvenir, la déclaration proposée devrait être basée sur des dispositions universellement agréés susceptibles de rapprocher les points de vue. 

S’agissant du Soudan, il a dit avoir constaté, lors de sa visite dans ce pays, que les mesures prises pour exercer une pression sur un gouvernement pour qu’il améliore sa gouvernance, avait des méfaits encore plus négatifs sur les droits de l’homme des habitants.  Toutes les mesures coercitives unilatérales ne respectent pas forcément les droits de l’homme, a poursuivi M. Jazairy, ajoutant que certaines mesures pouvaient néanmoins respecter le droit international.

Répondant à l’Algérie sur l’amélioration de la situation, il a invité à recourir aux deux organes conventionnels respectivement chargés des deux Pactes internationaux et qui disposent de mécanismes de dépôts de plaintes.

Il a ensuite expliqué qu’une étude avait été menée sur les mesures unilatérales à l’encontre de la Fédération de Russie, qui a montré que les entreprises d’autres pays qui avaient des relations commerciales avec elle avaient été beaucoup plus affectées que les entreprises russes et que la Russie avait également pris des mesures d’atténuation des effets des sanctions sur le plan interne.

Que pourrait-on faire concernant Israël et la Palestine, s’est-il interrogé avec scepticisme et désolation?  M. Jazairy a appelé les dirigeants des deux parties à la discussion.

Il a proposé un registre récapitulant toutes les mesures coercitives unilatérales pour que les pays visés indiquent la situation au regard des droits de l’homme notamment.  Il a reconnu, à l’adresse du Maroc, que cela a évidemment des incidences d’ordre budgétaire qu’il importe d’examiner.

Le Rapporteur spécial a conclu que son travail était vraiment un terrain miné, l’objectif étant de voir comment concilier les points de vue divergents des pays pour que ces mesures deviennent inutiles.  Il a jugé « hallucinant » que le Soudan soit un pays où les gens meurent du diabète car la société danoise qui fournissait l’insuline ne pouvait plus y exporter ce médicament vital.

Dans une question de suivi, l’État de Palestine a rejeté les déclarations « infondées et ridicules d’Israël » car deux millions de personnes vivent dans des circonstances extrêmes à Gaza.  Elle a prié le Rapporteur spécial de dire quelles seraient les mesures à prendre pour obliger Israël à cesser le blocus de Gaza qui fait des millions de victimes.

M. Jazairy a répondu que, dans un avenir immédiat, les personnes dont les droits sont violés par le blocus devraient pouvoir soulever cette question en vertu des deux Pactes internationaux.  Il s’est demandé si Israël avait ratifié ces deux instruments, avant de se proposer de discuter avec le titulaire de mandat sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés et de faire rapport.

Le représentant d’Israël s’est déclaré surpris que l’observatrice de la Palestine ait eu la possibilité de s’exprimer à deux reprises au cours du dialogue.

Dialogue avec le Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association

M. MAINA KIAI, Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association, qui présentait son rapport (A/71/385), a relevé les soulèvements intervenus dans plusieurs régions du monde, lesquels montrent une volonté des peuples de s’exprimer librement, d’aider la société à régler les problèmes.  Des États, a-t-il dit, ont pris des mesures contreproductives, bâillonnant la société, créant un environnement difficile et entravant la liberté.  Selon M. Kiai, nombre de dirigeants du monde refusent d’entendre la société et ne veulent pas changer le statu quo.

Le Rapporteur spécial a déploré que six ans après sa nomination, les menaces planent toujours régulièrement sur les membres de la société civile qui continuent d’être emprisonnés ou tués.

À cet égard, il a fait état de ses vives préoccupations car l’exercice du droit de réunion pacifique et la liberté d’association reste miné pour une large proportion de travailleurs, notamment en raison d’un ordre économique mondial qui a poursuivi de manière implacable une croissance accrue, en engendrant d’énormes profits.

La mondialisation, a-t-il dit, qui visait à améliorer la prospérité et mettre fin à la pauvreté, a causé des inégalités caractérisées par la chute des salaires des travailleurs de base alors que les cadres ont engrangé des bénéfices colossaux.

Selon le Rapporteur spécial, la nature changeante des relations employeurs-employés a conduit à une croissance exponentielle de l’économie informelle en dehors d’un système de régulation juridique et de protection sociale. 

Pendant ce temps, a estimé M. Kiai, les grèves se sont affaiblies et les travailleurs sont de plus en plus exclus, y compris les femmes, les migrants, les minorités sexuelles. 

Par ailleurs, il s’est étendu sur la situation de vulnérabilité des migrants sans papiers qui, face à l’exclusion sociale n’ont pas de recours à des réparations.

Il a épinglé 30 pays ayant renforcé leur loi sur la main d’œuvre et ne reconnaissent pas les droits des travailleurs.  M. Kiai a noté l’existence de certains instruments internationaux et régionaux en matière de droits de l’homme, lesquels disposent de normes que les États peuvent respecter, les appelant à éviter à tout prix les restrictions arbitraires.

Le Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté  d’association a lancé un appel à renforcer les politiques et les programmes de manière que les travailleurs en situation de vulnérabilité, y compris les travailleurs migrants, domestiques et issus des groupes minoritaires puissent exercer leur droit de réunion pacifique et de libre association.

Il a prévenu que si les dirigeants de la planète ne renouvelaient pas leur engagement, la situation serait précaire notamment pour la société civile.  À cet égard, il a salué l’énergie et la détermination remarquable de la société civile, qui, a-t-il souligné, va prévaloir.

À l’instar du Rapporteur spécial, les États-Unis ont noté que, ces dernières années, il y avait eu des tentatives chaque fois plus inquiétantes visant à museler la société civile.  Les droits des travailleurs sont un socle de la démocratie et de la croissance.  Pour remédier aux violations, il est indispensable que les droits à la réunion pacifique des travailleurs soient strictement respectés.  Que conseille le Rapporteur spécial à la société civile pour résister davantage aux mesures à son encontre dans ce cas d’espèce?

Le Royaume-Uni a souligné l’importance des principes directeurs des Nations Unies pour protéger les travailleurs sur le lieu du travail et ailleurs.  Sur quoi doivent se concentrer les gouvernements et la société civile pour garantir le droit de réunion et d’association?

La Colombie a dit favoriser le dialogue social avec ses travailleurs.  Une sous-commission pour l’égalité hommes-femmes œuvre aussi à combler le fossé salarial, ainsi qu’à prévenir et à traiter les cas de harcèlement sur le lieu de travail.  De même, la commission spéciale chargée des conflits du travail a permis de renforcer la liberté syndicale et le droit à la réunion pacifique. 

La Suisse a demandé comment les États pourraient soutenir les entreprises en vue de jouer un rôle positif s’agissant d’assurer la protection des travailleurs et de favoriser une protection effective des syndicats et de leurs membres.  La déléguée a toutefois émis certaines réserves, estimant notamment que le rapport était sur certains points sujet à controverse et approximatif, et que les efforts de l’Organisation internationale du Travail (OIT) en matière de liberté syndicale auraient dû être davantage considérés.

La République islamique d’Iran a indiqué que le droit de travailler était partie intégrante des droits de l’homme.  Le droit limité des travailleurs migrants les exclut, ce qui aggrave le recours au travail forcé et à l’exploitation des enfants, en particulier à travers la traite.  Elle a souligné que la liberté de réunion et d’association était garantie en Iran’ contrairement à ce qui a été affirmé dans le rapport.

Plusieurs intervenants ont soulevé le problème du non-octroi, par le secteur privé, du droit à la réunion pacifique et d’association.  Ainsi, l’Union européenne a voulu savoir comment résoudre le problème des prérogatives dont disposent les entreprises, en particulier multinationales, qui ne facilitent pas forcément la réunion pacifique sur le lieu de travail.

La République tchèque a insisté sur les populations les plus marginalisées, y compris dans les zones où fleurissent des chaînes de production informelle, où les règles du droit de travail s’appliquent peu ou prou.  Les entreprises ne devraient pas mener des représailles contre les travailleurs qui exercent leur droit de réunion pacifique. 

L’Indonésie a estimé qu’il fallait tout simplement appliquer les règles pertinentes dans ce domaine.  Les défis sont toujours présents sur le terrain et il faut être en contact permanent avec les différents acteurs sur le terrain pour garantir ce droit. 

L’Éthiopie a signé des accords avec plusieurs pays pour permettre aux travailleurs domestiques éthiopiens d’être mieux protégés.  Les droits de base de ces travailleurs sont consacrés dans la Constitution.

Le Qatar a déclaré avoir fait montre de sa volonté de protection des travailleurs étrangers, avec la promulgation d’une nouvelle loi pour mettre fin au système kafala, qui exige du travailleur migrant un « parrain », son employeur dans la majorité des cas, et entrera en vigueur dans un an.  D’autre part, un comité est chargé des préparatifs de la Coupe du monde de football pour garantir les droits des travailleurs, notamment migrants, inspecter les agences de recrutement de travailleurs étrangers et sanctionner toute violation. 

Sur la manière dont les États peuvent garantir des droits aux travailleurs, il a souligné que le rapport s’était consacré à ce sujet en mettant en lumière les catégories les plus vulnérables qui ne sont pas bien organisées. 

À cet égard, il a estimé que l’on ne faisait pas assez pour protéger et garantir les droits des travailleurs informels.

Par ailleurs, il a recommandé aux États de travailler avec les entreprises sur la question du droit de réunion en y associant également les syndicats, car a-t-il dit, discuter avec les entreprises ne règlera pas le problème.

Selon M. Kiai, les États devaient valoriser suffisamment la société civile comme ils le font régulièrement avec les sociétés, et reconnaître le rôle crucial de la société civile critique.

En outre, il a insisté sur le fait que les États pouvaient améliorer les droits des travailleurs en les prenant en compte dans les traités bilatéraux et multilatéraux.  Pour le Rapporteur spécial, il est important d’accorder davantage de valeur aux personnes plus qu’aux bénéfices et profits.

Il a exhorté les États à ne pas craindre le fait que les organisations non gouvernementales soient financées par l’étranger, en les invitant à élargir le dialogue avec la société civile.

Le Rapporteur spécial a encouragé les États à mettre en place des plans nationaux dotés de cadres juridiques contraignants pour les droits des travailleurs.

Il a également insisté sur le fait que son rapport avait pour objectif de promouvoir une meilleure coopération entre le Haut-Commissariat aux droits de l’homme et l’Organisation internationale du Travail (OIT).

Dialogue avec le Président et Rapporteur du Groupe de travail sur le droit au développement

M. ZAMIR AKRAM, Président et Rapporteur du Groupe de travail sur le droit au développement, a dit que ses travaux étaient orientés par les résolutions adoptées par l’Assemblée générale et le Conseil des droits de l’homme.  Il a mis en lumière le lien intrinsèque entre le droit au développement et le Programme de développement durable à l’horizon 2030.  Lors du dialogue interactif qu’il a organisé cette année avec eux, les États ont, dans l’ensemble, réalisé combien il est important de dialoguer avec les mécanismes chargés du suivi des objectifs de développement durable.

Le Conseil des droits de l’homme a prié le Groupe de travail d’examiner les contributions faites par les États aux niveaux national’ régional et international pour la mise en œuvre du droit au développement en vertu des mécanismes relatifs à ces objectifs, a expliqué M. Akram.

Il s’est félicité d’une éventuelle participation du Groupe de travail au Forum politique de haut niveau du Conseil économique et social (ECOSOC).  À ce sujet, il a préconisé des échanges sur le financement du développement.  Il a également demandé au Bureau du Haut-Commissaire aux droits de l’homme de faciliter la participation des experts à la prochaine session du Groupe de travail.

Cette année, a indiqué le Président et Rapporteur, le Groupe de travail a examiné en deuxième lecture, pour le préciser, le projet des critères sur le droit au développement et des sous-critères opérationnels correspondants.  Les positions sur l’ensemble du texte, qui a été adopté ad referendum, restent divisées, a-t-il constaté.  Il a donc recommandé que le Conseil donne pour mandat au Groupe de travail de continuer à examiner ce projet. 

De plus, le Groupe de travail a examiné un rapport préparé par M. Akram sur les normes relatives à la mise en œuvre du droit au développement.  Il s’agit de sortir de l’impasse et d’identifier un terrain d’entente et un libellé convenu par tous.  Les normes devraient servir de feuille de route ou de cadre d’action, a dit M. Akram.  Selon lui, la présentation de ces normes a été facilitée par l’adoption consensuelle des objectifs de développement durable à l’horizon 2030.

La représentante du Venezuela, au nom du Mouvement des pays non alignés, a rappelé que c’était le trentième anniversaire de la Déclaration sur le droit au développement.  Elle a souligné le droit inaliénable des États de formuler des politiques nationales pour assurer le bien-être de leurs peuples et la distribution équitable des bénéfices découlant du développement.

Le représentant de Cuba a réaffirmé que le droit au développement faisait partie intégrante de tous les droits de l’homme et des libertés fondamentales.  La réalisation de ce droit doit être au cœur des efforts entrepris pour réaliser le Programme 2030.  À cet égard, les pays développés doivent songer à davantage de transfert de technologies et de renforcement des capacités.

Le développement revêt une importance cruciale quant à la réalisation et la jouissance des droits de l’homme, a dit le représentant de la Chine.  La communauté internationale devrait veiller à un développement stable et pacifique, novateur et inclusif, en mettant à profit le potentiel de tous les pays.

Il faut redoubler d’efforts pour mettre en œuvre le droit au développement, a déclaré la représentante de la République islamique d’Iran.  Tous les États doivent collaborer avec le Groupe de travail qu’elle a encouragé à continuer d’examiner les critères relatifs à l’application du droit.  Quant aux discussions initiales concernant les normes, elles pourraient servir de base à leur mise sur pied.

Le représentant de l’Union européenne a réaffirmé son appui à ce droit qui repose sur l’indivisibilité des droits de l’homme.  Il est resté attaché à des démarches axées sur ces droits.  Toutefois, l’Union européenne ne serait pas favorable à l’élaboration de normes juridiques internationales de nature contraignante.  Il a insisté sur les principes d’égalité et de non-discrimination.  Comment le Groupe de travail contribuera-t-il à la mise en œuvre du Programme 2030?

Le processus de développement doit tenir compte des droits de l’homme, a insisté la représentante du Pakistan.  Le fait que ce droit soit encore contesté va à l’encontre de l’esprit de Vienne, ce qu’elle a jugé inacceptable.  Elle a prié le Président et Rapporteur d’informer la Commission des normes relatives au droit des peuples autochtones au développement.

La représentante du Maroc a évoqué la tenue de la vingt et unième Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP21) dans son pays le mois prochain.  S’agissant des normes relatives à l’application du droit au développement, elle a regretté « l’impasse qui persiste depuis des années au sein du Groupe de travail ».  Comment rénover certains aspects du droit au développement pour lui donner un nouveau souffle?  Comment surmonter les défis qui persistent autour de la reconnaissance internationale du droit au développement comme un droit indépendant?

Pour la représentante de l’Afrique du Sud, le mandat du Groupe de travail insiste sur la nécessité d’adopter une approche fondée sur les droits de l’homme en matière de développement.  Afin de surmonter les impasses, les pays du Nord doivent favoriser la coopération avec les pays en développement pour atteindre les objectifs de développement durable. 

Le représentant de l’Érythrée a proposé de réformer l’architecture commerciale et financière et d’éliminer les sanctions injustes pour lever certains des obstacles au développement et à la durabilité environnementale.

Malheureusement, a constaté le représentant de l’Inde, le droit au développement n’est pas encore concrétisé.  Il a appuyé les propositions qui permettraient de faire passer les travaux du Groupe de travail à l’étape suivante.  À cet égard, le Président et Rapporteur peut contribuer à l’élaboration d’un cadre propice.

Le Président et Rapporteur du Groupe de travail sur le droit au développement a noté que les points de vue divergent sur l’essence même de la Déclaration sur le droit au développement et les travaux du Groupe de travail. 

« Nous avons besoin de volonté politique », a-t-il dit.  Les États doivent coopérer les uns avec les autres pour garantir la mise en œuvre de ce droit.

Les discriminations fondées sur la race, le sexe ou la religion, ou les inégalités, les conflits dans le monde, représentent des barrières.  En tant que Président, il a essayé de trouver des compromis.  Mais « il nous faudra du temps avant de trouver des solutions à certains de ces problèmes », a reconnu M. Akram.

« Nous ne pouvons pas nous permettre de rester bloqués sur les questions idéologiques », a-t-il insisté.  Le Programme 2030, adopté à l’unanimité, devrait permettre de compléter et de garantir le droit au développement.

À cet égard, le Groupe doit interagir avec les mécanismes liés à la mise en œuvre du Programme 2030 ici, à New York.

Il incombe à tous les acteurs d’aider l’Assemblée générale à mettre en œuvre le droit au développement, a poursuivi M. Akram.  Le rôle du Président est de coordonner les travaux du Groupe de travail et de faire des compromis.  L’idée d’un rapporteur spécial indépendant permettrait d’appuyer ce processus de manière transparente, « d’apporter de nouvelles idées et de nouveaux moyens de nous intéresser à la question ».  Il faut également faire un travail de sensibilisation.

Dialogue avec le Président du Groupe de travail sur la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises

M. PAVEL SULYANDZIGA, Président du Groupe de travail sur la question des droits l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises, a présenté son rapport, indiquant qu’il se focalisait sur l’application des principes directeurs en vue d’apporter une réponse aux effets néfastes des activités dans le domaine agro-alimentaire, qui affectent les droits de l’homme.

Selon M. Sulyandziga, lorsque les opérations agro-industrielles ne sont pas effectuées dans les règles, elles peuvent avoir de graves conséquences sur les communautés autochtones, notamment la perte des terres, la destruction des cultures et des logements, et l’insécurité alimentaire, en dépit des droits des communautés à posséder des titres fonciers.

Face à cette situation, il a précisé que l’État était le premier garant de la protection contre les abus des droits de l’homme perpétrés par les entreprises dans leur territoire.  Selon M. Sulyandziga, les pays hôtes ont également un rôle important à jouer, en particulier lorsqu’ils vendent ou cèdent des terres aux entreprises, ou leur permettent d’accéder aux terres et forêts.

Par exemple, lors des négociations d’acquisition des terres, il est impératif que les États identifient tous les risques de violations des droits de l’homme, en particulier des peuples autochtones, et y intègrent des exigences de durabilité environnementale et sociale dans le domaine de l’industrie agroalimentaire.

Pour le Président du Groupe de travail sur la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises, les abus sont exacerbés par les lacunes dans le domaine de l’état de droit et des droits de l’homme. 

De plus, la corruption répandue en matière d’attribution des terres et de signature des contrats, est un facteur aggravant, a averti M. Sulyandziga.  Il a attiré l’attention sur les secteurs de l’huile de palme et de la canne à sucre, lesquels, a-t-il souligné, représentent des facteurs à hauts risques de violations des droits de l’homme, appelant les compagnies à se conformer aux Principes directeurs de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) à l’intention des entreprises multinationales.

En vue de prévenir les impacts négatifs dans les opérations agro-alimentaires, il a recommandé une plus grande transparence sur les termes des contrats liés aux acquisitions de terres, soulignant qu’elle devrait être une norme.  En outre, il a prôné des consultations avec les communautés, y compris le devoir des États de consulter les peuples autochtones en vue d’obtenir un consentement préalable sur les projets.

Les initiatives multipartites, comme la Table ronde pour une huile de palme durable, sont des outils importants pour combler les lacunes en matière de bonne gouvernance, a déclaré M. Sulyandziga.

L’accès à la réparation est nécessaire pour les abus dans le secteur de l’agro-alimentaire, a-t-il dit, précisant qu’en l’absence de recours, les victimes se tournaient vers d’autres mécanismes, lesquels ont des limites.  À cet égard, il a appelé les États à se tourner vers le Bureau du Haut-Commissariat des droits de l’homme pour régler cette question.

La déléguée des États-Unis a demandé au Président du Groupe de travail de lui fournir des précisions sur les incidences des directives volontaires.

La représentante du Mexique s’est penchée sur les questions liées à la préservation des droits de l’homme, encourageant le Président du Groupe de travail à mettre en lumière les bonnes pratiques et les mesures prises afin que les entreprises respectent les normes des droits de l’homme.  En outre, elle a voulu savoir le rôle des institutions financières dans l’application du principe de la diligence.

Le délégué de la Suisse a demandé au Président du Groupe de travail si le Groupe de travail entendait promouvoir en 2017, l’intégration des principes directeurs notamment dans les domaines de la prévention de l’exploitation des travailleurs migrants dans les chaines d’approvisionnement.  Par ailleurs, il l’a interrogé sur son plan de promotion et de soutien des échanges pour encourager l’élaboration des plans d’actions nationaux.

La déléguée du Maroc a demandé à avoir plus de précisions sur les directives et leur application.

Le représentant de l’Union européenne a posé la question de savoir quelles étaient les tendances et enjeux constatés en matière d’abus et de violations des droits de l’homme, en marquant aussi un intérêt pour les impacts négatifs des activités des entreprises.

Pour sa part, le délégué du Royaume-Uni a demandé s’il était possible d’envisager une démarche plus élargie pour renforcer le respect des droits de l’homme.

Le Président du Groupe de travail sur la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises s’est dit prêt à corriger des inexactitudes si elles existent dans le rapport.

Évoquant les mesures que devraient prendre les institutions financières pour garantir la protection des droits des peuples autochtones, il a cité par exemple la Banque de reconstruction et de développement qui a été la première à respecter le principe du consentement préalable.  Si ce principe n’est pas respecté par ceux qui demandent des prêts, ceux-ci sont refusés.

Par ailleurs, M. Sulyanziga a jugé nécessaire de combler les lacunes concernant les risques liés aux activités de l’exploitation de l’huile de palme et de la canne à sucre. Dans les secteurs du café et du cacao, les sociétés ont déjà pris des engagements. 

Le Groupe de travail se penche sur la question des travailleurs migrants, notamment dans le cadre de forums régionaux, a assuré le Président du Groupe de travail.  La Colombie et l’Éthiopie ont accueilli des évènements.  Le prochain forum aura lieu en Asie.

De plus, a-t-il poursuivi, la Groupe de travail a préparé la troisième version de son guide sur la préparation de plans d’action nationaux.

Le sujet des défenseurs des droits de l’homme a été évoqué dès la première session du Groupe de travail.  L’accès à la justice de ceux qui ont été victimes des entreprises est un thème débattu, a précisé M. Sulyanziga.

La multinationale Coca Cola s’est engagée à ne plus travailler avec les fournisseurs à propos desquels des infractions en matière de droits fonciers ont été enregistrées.

Enfin, l’intervenant a indiqué qu’il coordonnait ses travaux avec ceux de la Rapporteuse spéciale sur les droits des peuples autochtones.

Dialogue avec l’Expert indépendant sur la promotion d’un ordre international démocratique et équitable

M. ALFRED-MAURICE DE ZAYAS, Expert indépendant sur la promotion d’un ordre international démocratique et équitable, a présenté son rapport annuel (A/71/286) qui porte essentiellement sur l’impact de la fiscalité sur les droits de l’homme.  Il examine les difficultés que suscitent l’évasion fiscale, la fraude fiscale et le transfert de bénéfices à grande échelle, facilités par le secret bancaire et par un enchevêtrement de sociétés-écrans enregistrées dans des paradis fiscaux. 

Des milliards de dollars sont nécessaires pour réaliser le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et les engagements de la vingt et unième session de la Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP21), a averti l’Expert.  Il faudra également des billions pour affronter les pandémies et les catastrophes naturelles et imputables à l’homme.

Or, s’est indigné M. de Zayas, il y aurait jusqu’à 32 milliards de dollars détenus offshore qui échappent à toute justice fiscale, privant chaque année les gouvernements des ressources dont ils ont besoin.

La fiscalité devrait servir à promouvoir les droits de l’homme, a résumé l’Expert.  Il faut de toute urgence adopter des mesures plus strictes contre la fraude fiscale, l’évasion fiscale et les paradis fiscaux et pour réaliser la transparence fiscale. 

Entre autres, il a préconisé l’adoption d’une taxe sur les transactions financières.  Il a aussi demandé une réduction des dépenses militaires, dont il a jugé le niveau élevé « obscène », afin de libérer des fonds pour le développement.

M. de Zayas a encouragé l’Assemblée générale et le prochain Secrétaire général, M. Antonio Guterres, à agir de concert pour combattre les fraudeurs fiscaux. 

En particulier, il a prié l’Assemblée de convoquer une conférence internationale pour créer un organe fiscal intergouvernemental sous les auspices de l’ONU, chargé de rédiger une convention sur la fiscalité et la coopération internationale en matière fiscale.

Selon lui, les États devraient adopter une norme commune des Nations Unies concernant l’échange multilatéral et automatique de renseignements financiers. 

« Même si la fin des paradis fiscaux est un objectif encore lointain, les États prennent peu à peu conscience qu’il est dans leur intérêt de mettre fin progressivement à l’existence des juridictions opaques », a-t-il insisté.  Une convention fiscale internationale est nécessaire pour faire cesser la concurrence entre juridictions fiscales et supprimer l’opacité.

D’après l’Expert, il convient d’adopter un instrument juridique contraignant sur la responsabilité sociale des entreprises qui prévoit l’obligation de payer des impôts là où les bénéfices sont réalisés et l’interdiction de transférer ces bénéfices.  « Cela encouragerait un comportement fiscal responsable ne portant atteinte ni à la stabilité financière mondiale, ni au développement, ni aux droits de l’homme », a-t-il estimé.  À ce sujet, il a proposé de réviser les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme.

Ce serait dans l’esprit d’un ordre international démocratique et équitable d’adopter une législation pour protéger les lanceurs d’alerte et les témoins de toutes représailles et de toutes poursuites judiciaires, a fait valoir M. de Zayas.

L’Expert a ensuite exposé « le plan d’action » détaillé qu’il recommande aux États dans son rapport. 

La représentante du Pakistan a déploré le fait que les flux illicites soient estimés à quelques 1 000 milliards de dollars, contre un milliard pour les flux d’aide publique au développement (APD).  Comment faire des progrès face à la gestion de la confidentialité dans certaines banques?

Le représentant du Maroc a demandé à l’expert de revenir plus en détail sur son projet de convention fiscale internationale et sur l’adoption d’une norme commune des Nations Unies concernant l’échange multilatéral et automatique de renseignements financiers.

Le représentant du Zimbabwe a évoqué les milliards de dollars par an perdus par l’Afrique dont un tiers suffirait à couvrir la dette extérieure.  Quelle forme revêtirait la stratégie de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) pour protéger la marge d’action des États dans le contrôle des flux de capitaux.

L’Expert indépendant sur la promotion d’un ordre international démocratique et équitable a demandé aux États de continuer à appuyer les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme.

M. de Zayas a fustigé « les kleptocrates qui volent des fonds aux pays en développement en refusant de payer des impôts ».  Son rapport, a-t-il précisé, est un rapport intérimaire car c’est la première fois qu’il se penche sur cette question.

Le Fonds monétaire international (FMI) a récemment publié des statistiques incroyables sur les pots-de-vin quelquefois associés à des contrats.  La dette mondiale annuelle tourne autour de 25% de la production mondiale, s’est-il alarmé.  Ce sont 152 000 milliards de dollars de dette souveraine qui ont été accumulés jusqu’à présent, a-t-il rappelé.  Que faire s’il n’y a plus de fonds disponibles?

Chaque gouvernement peut adopter des législations afin d’avoir plus de transparence, a-t-il rappelé.  Les paradis fiscaux ne sont intéressants que s’il y a des juridictions secrètes.  Le Conseiller spécial du Secrétaire général sur le Programme de développement durable à l’horizon 2030, Jeffrey Sachs, a déclaré que « les paradis fiscaux ne sont pas le fruit du hasard ».

La CNUCED n’a pas réussi à élargir son mandat, a-t-il ensuite regretté, alors qu’elle aurait pu travailler de façon positive pour faciliter la marge de manœuvre politique des États. 

Il a demandé une taxe comme la taxe Tobin sur les transactions financières internationales et une réduction des dépenses militaires.

Droits de réponse

Le représentant de la République populaire démocratique de Corée (RPDC), exerçant son droit de réponse, a expliqué que la République de Corée n’était pas qualifiée pour se prononcer sur la situation des droits de l’homme dans les autres pays.  Par ailleurs, sur la question du nucléaire, le délégué, tout en indiquant que la réunion de la Troisième Commission n’était pas le lieu approprié pour répondre à ces provocations, a souligné que les États-Unis et leurs alliés avaient, par leurs exercices visant à obliger Pyongyang à changer de régime, forcé son pays à développer l’arme nucléaire pour défendre ses populations.

Le délégué de la République de Corée a répondu que la situation des droits de l’homme en RPDC parlait d’elle-même, expliquant que près de 30 000 femmes avaient fui ce pays pour le sien, et avaient été accueillies pour des raisons humanitaires, en jouissant des mêmes libertés que les autres Coréens.

Le représentant de la RPDC a dit rejeter catégoriquement ces affirmations politisées, demandant que ces femmes soient rendues à leur pays.

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