Assemblée générale: les Présidents du Tribunal pour l’ex-Yougoslavie et du Mécanisme résiduel appellent à la coopération des États
Les Présidents du Tribunal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux ont présenté aujourd’hui à l’Assemblée générale leurs défis, exhortant, une nouvelle fois, les États à la coopération.
M. Carmel Agius, Président du TPIY, qui se prépare à fermer ses portes à la fin 2017, a attiré l’attention sur cinq défis: finir à temps les affaires en cours dont celle concernant « Ratko Mladić » « l’un des procès les plus complexes jamais engagés devant le Tribunal », « Prlić et consorts », « la plus grande qui ait jamais été portée en appel dans l’histoire de la justice pénale internationale », et l’outrage au Tribunal, « Jojić et consorts ». Compte tenu de ces affaires, une dernière demande de prorogation du mandat des juges vient d’être soumise au Conseil de sécurité. Les autres défis sont de garder le personnel qui, à la veille de la fermeture du Tribunal, cherche un emploi ailleurs; d’obtenir l’exécution des mandats d’arrêt; de renforcer l’héritage commun au Tribunal et à l’ONU; et de soutenir les juridictions des pays de l’ex-Yougoslavie pour leur permettre de statuer sur des crimes internationaux.
Le représentant de la Croatie a justement dénoncé le refus de la Serbie d’exécuter les mandats d’arrêt du TPIY. Il a estimé que la loi serbe sur l’organisation et la compétence sur les crimes de guerre n’est ni universelle ni politiquement neutre dans son application. Cette loi fait obstacle à une bonne coopération régionale en matière pénale, a insisté le représentant. Son homologue de la Serbie a plutôt regretté qu’en dépit de la signature en 2011 d’un accord entre son pays et le TPIY sur l’exécution des peines dans les prisons serbes, aucun progrès n’ait été enregistré. La Serbie, qui n’est plus un pays en guerre, est prête à prendre la responsabilité de l’exécution des peines décidées par le TPIY, à accepter des mesures de contrôle internationales et à garantir qu’aucune libération anticipée ne soit accordée sans décision préalable du Mécanisme résiduel.
En attendant, le Président de ce Mécanisme, M. Theodor Meron, a fait part des défis liés à la reprise de toutes les fonctions résiduelles du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) qui a fermé ses portes en décembre 2015. M. Meron a attiré l’attention sur « une grave question » qui est celle de la mise en détention, le 21 septembre 2016 en Turquie, du juge Aydin Sefa Akay, sur la base d’allégations liées aux événements de juillet 2016 contre l’ordre constitutionnel de son pays. Le Président a appelé la Turquie à libérer « sans délai » le juge, arguant que cette question n’est pas seulement d’une importance capitale pour le Mécanisme, mais qu’elle est essentielle pour faire éclore une ère de responsabilité fondée sur l’état de droit. Cela suppose que les États Membres « agissent de bonne foi, veillent à la régularité irréprochable des procédures et respectent leur devoir de coopérer », a dit le Président en invoquant l’immunité diplomatique des juges. « Immunité diplomatique ne veut pas dire impunité », a rétorqué le représentant de la Turquie, surpris par cette remise en cause de l’indépendance et de la souveraineté de la justice turque.
M. Meron ayant aussi rappelé que son Mécanisme est toujours à la recherche de huit fugitifs inculpés par le TPIR, la représentante des États-Unis a confirmé la prime de 5 millions de dollars que son pays est prêt à offrir pour toute information sur ces individus. Pays hôte du Mécanisme, la Tanzanie a, par la voix de son représentant, appelé les États à faire tout pour réinstaller les personnes acquittées et libérées qui se trouvent toujours à Arusha.
L’Assemblée générale reprendra ses travaux demain jeudi 10 novembre à partir de 10 heures pour élire 18 États au Conseil économique et social (ECOSOC).
. RAPPORT DU TRIBUNAL INTERNATIONAL CHARGÉ DE JUGER LES PERSONNES ACCUSÉES DE VIOLATIONS GRAVES DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE COMMISES SUR LE TERRITOIRE DE L’EX-YOUGOSLAVIE DEPUIS 1991: NOTE DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL (A/71/263)
MÉCANISME INTERNATIONAL APPELÉ À EXERCER LES FONCTIONS RÉSIDUELLES DES TRIBUNAUX PÉNAUX: NOTE DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL (A/71/262)
Déclarations
M. CARMEL AGIUS, Président du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), qui a présenté son vingt-troisième rapport A/71/263), a dit qu’à ce jour, le Tribunal a jugé en dernier ressort 154 accusés sur les 161 mis en accusation pour violations graves du droit international humanitaire, et il ne reste plus aucun fugitif recherché pour ce type de violations. En revanche, dans une affaire d’outrage pendante, les mandats d’arrêt des trois accusés n’ont pas encore été exécutés.
Alors que le Tribunal se prépare à fermer ses portes en 2017, a poursuivi le Président, il a continué de s’employer à achever rapidement les dernières activités judiciaires: plus d’affaires ont été clôturées qu’au cours de la période considérée, deux jugements ayant été rendus en première instance et dans deux affaires en appel. En outre, les juges de la Chambre d’appel ont rendu leur arrêt dans la dernière et la plus grande affaire en appel jamais jugée par le Tribunal pénal international pour le Rwanda. Par ailleurs, il a été mis fin, en juillet dernier, à un procès en première instance à la suite du décès de l’accusé.
Le Président a ensuite exposé les cinq principaux défis que le TPIY devra relever au cours des 12 premiers mois et le premier défi consiste à veiller à ce que les dernières affaires du Tribunal se déroulent comme prévu en vue d’assurer sa fermeture en temps voulu et de manière responsable ainsi qu’une transition sans heurt vers le Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux. Les juges et les juristes concentrent désormais leurs efforts sur la dernière affaire en première instance, à savoir celle concernant Ratko Mladić « l’un des procès les plus complexes jamais engagés devant le Tribunal »; sur la dernière affaire en appel, celle concernant Prlić et consorts, « la plus grande qui ait jamais été portée en appel dans l’histoire de la justice pénale internationale », et sur l’affaire d’outrage concernant Jojić et consorts. Compte tenu de ces affaires, une dernière demande de prorogation du mandat des juges vient d’être soumise au Conseil de sécurité.
Le deuxième défi consiste à prendre toutes les mesures nécessaires pour encourager tous les fonctionnaires du Tribunal à rester et pour empêcher l’accélération du phénomène d’attrition des effectifs. Le fait est que la fermeture du Tribunal approche et que les fonctionnaires de toutes catégories continuent de quitter l’institution pour trouver un emploi plus pérenne ailleurs. Le Tribunal a besoin de toute urgence de l’assistance des États Membres pour répondre à ces difficultés majeures liées aux effectifs. Le Président les a exhortés à examiner de manière attentive et favorable les mesures qui empêcheraient l’accélération du phénomène d’attrition des effectifs. À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles, a-t-il ajouté. Le Tribunal espère en outre que les États Membres continueront d’offrir d’autres formes d’assistance en faveur du personnel pour appuyer nos travaux comme la République populaire de Chine l’a généreusement fait en 2016. Il est nécessaire de trouver une solution plus globale qui permettrait de retenir jusqu’à la fermeture du Tribunal les fonctionnaires expérimentés qui connaissent les affaires et les méthodes de travail de l’institution.
Le troisième défi consiste à préserver l’intégrité du Tribunal en adoptant, entre autres, une politique de tolérance zéro en matière de pressions exercées sur des témoins. Dans l’affaire Jojić et consorts, les trois accusés doivent répondre de quatre chefs d’outrage au tribunal pour avoir intimidé des témoins dans l’affaire Šešelj, et la République de Serbie doit encore exécuter les mandats d’arrêt les concernant décernés il y a plus de 21 mois. Les prochaines mesures que prendra le Tribunal concernant la non-coopération de la Serbie seront communiquées au Conseil de sécurité en décembre, a promis le Président.
Le quatrième défi consiste à améliorer l’image du TPIY et à favoriser les discussions pour renforcer l’héritage commun au Tribunal et à l’ONU. Il est important de veiller à ce que ses travaux et ses réalisations aient une incidence sur les parties intéressées en ex-Yougoslavie et à l’étranger et leur soient accessibles. Afin d’utiliser au mieux le temps précieux qui lui reste, le Tribunal a mis en place une initiative intitulée « Dialogues sur l’héritage du TPIY » qui est une série de rencontres prévues cette année et l’année prochaine et dont l’objectif est de donner aux autres les moyens de mettre à profit les réalisations du Tribunal.
Chaque manifestation visera à engager un dialogue avec divers interlocuteurs en ex-Yougoslavie et ailleurs pouvant utiliser l’expérience du TPIY afin de continuer à établir les responsabilités pour les crimes internationaux. Ces rencontres qui doivent se tenir à Sarajevo, à La Haye et à New York, prendront la forme de dialogues dynamiques et interactifs. Le Président a dit compter sur la participation pleine et entière des États dans la mesure où ce que le Tribunal laissera derrière lui, après le mois de décembre 2017, n’est pas simplement son héritage mais aussi et avant tout l’héritage de l’ONU.
Le cinquième et dernier défi consiste à soutenir les juridictions nationales et à leur permettre de statuer sur des crimes internationaux, en renforçant notamment la coopération régionale. Conformément à la stratégie d’achèvement des travaux du Tribunal sanctionnée par le Conseil de sécurité, le TPIY s’est concentré sur la poursuite des plus hauts dirigeants tout en renvoyant aux juridictions des pays de l’ex-Yougoslavie un certain nombre d’affaires concernant des accusés de rang intermédiaire ou subalterne. Le renvoi de ces affaires a permis de renforcer la capacité des juridictions nationales à statuer sur des crimes internationaux graves, à mener des procès équitables dans le respect des normes internationales, et à consolider l’état de droit. Dans les limites des ressources dont il dispose, le Tribunal s’emploie à aider les autorités des pays de l’ex-Yougoslavie à gérer rapidement et efficacement les nombreuses affaires de crimes de guerre qu’elles doivent encore juger. Le Tribunal a également appuyé fermement les démarches entreprises pour renforcer la coopération entre les États de l’ex-Yougoslavie, la coopération régionale étant une mesure essentielle pour combattre l’impunité, veiller à ce que justice soit rendue pour l’ensemble des victimes et rétablir la confiance dans la région.
Présentant son rapport A/71/262), M. THEODOR MERON, Président du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux, a indiqué que le Mécanisme est saisi de l’affaire Stanišić et Simatović, qui doit être rejugée suite à l’arrêt prononcé par le TPIY en décembre 2015, et dans les affaires concernant Radovan Karadžić et Vojislav Šešelj, il est saisi des appels des jugements rendus par le TPIY en mars 2016. Au total, a précisé M. Meron, le Mécanisme a rendu plus de 800 ordonnances et décisions depuis sa création.
Le Mécanisme a repris toutes les fonctions résiduelles du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) depuis sa fermeture en décembre 2015. La préparation du transfert des fonctions résiduelles du TPIY se poursuit en prévision de sa fermeture, prévue fin 2017. Des fonctions majeures de protection des victimes et des témoins, d’assistance aux juridictions nationales cherchant à établir les responsabilités dans le cadre de procédures menées localement ou encore de contrôle de l’exécution des peines ont également continué à être assurées. De même des mesures importantes ont été prises concernant la gestion et la conservation des archives essentielles du TPIR et du TPIY, tâches confiées au Mécanisme.
C’est grâce au soutien et à l’assistance des États africains et européens que le Mécanisme est capable de faire exécuter les peines prononcées par lui, le TPIR et le TPIY. La coopération et l’appui de certains États sont également essentiels pour gérer la situation à laquelle le Mécanisme doit faire face s’agissant des personnes mises en accusation par le TPIR qui ont ensuite été acquittées ou libérées en Tanzanie. « Leur réinstallation est un défi majeur pour la justice internationale et un impératif humanitaire ».
Bien sûr, a poursuivi le Président, le Mécanisme n’aura pas rempli son mandat tant que les personnes mises en accusation par le TPIR qui sont encore en fuite n’auront pas répondu de leurs actes. « La coopération de l’ONU et de ses États Membres constituent la pierre angulaire de tous nos efforts. »
M. Meron a donc attiré l’attention sur « une grave question mettant en péril l’exécution efficace » de la mission du Mécanisme, celle de la détention, en Turquie, depuis le 21 septembre dernier, du juge Aydin Sefa Akay sur la base d’allégations liées aux évènements de juillet 2016 dirigés contre l’ordre constitutionnel de son pays. Invoquant « l’immunité diplomatique », le Président a déploré que les autorités turques n’aient fourni jusqu’ici aucune information officielle, ni à l’ONU ni au Mécanisme, et qu’elles maintiennent le juge en détention, en violation du Statut du Mécanisme et de l’obligation de coopérer qu’impose à la Turquie le paragraphe 9 de la résolution 1966 (2010) du Conseil de sécurité. « Plus la détention du juge Akay se prolonge, plus les effets sur la capacité du Mécanisme à s’acquitter de sa mission première se font sentir », s’est inquiété le Président, tout en appelant la Turquie à procéder à sa libération « sans délai ».
M. Meron a estimé que résoudre cette question n’est pas seulement d’une importance capitale pour le Mécanisme, mais c’est essentiel pour faire éclore une ère de responsabilité fondée sur l’état de droit, ce pour quoi l’indépendance de la justice est « capitale ». Cela suppose, a-t-il dit, que les États Membres « agissent de bonne foi, respectent leur devoir de coopérer et veillent à la régularité irréprochable des procédures ».
Au nom de l’Union européenne, M. ÉRIC CHABOUREAU (France) s’est réjoui que chacun des organes du TPIY ait pris les mesures nécessaires pour mener à bien leur mandat d’ici à la fin de l’année 2017. Il a également salué le fait que le TPIY agisse en vue d’assurer un « transfert continu et sans heurt » de ses fonctions au Mécanisme résiduel.
Alors qu’à la fin de la période couverte par le rapport du TPIY, un procès en première instance et une procédure d’appel sont en cours, le représentant a souhaité rappeler que la responsabilité des États de coopérer avec le tribunal reste « cruciale » pour lui permettre de remplir son mandat. Une coopération pleine et entière est, selon lui, une « condition essentielle » pour le Processus de stabilisation et d’association dans les Balkans occidentaux ainsi que pour l’adhésion à l’Union européenne.
Félicitant le Bureau du Procureur pour avoir partagé les enseignements tirés et les meilleures pratiques de la mise en œuvre de sa mission avec les correspondants judiciaires nationaux dans toutes les parties du monde, il a jugé que cette transmission était importante pour « assurer la conservation de l’héritage du TPIY » et pour « la capacité des systèmes domestiques de statuer sur les crimes de guerre ». Il a aussi appelé tous les États de l’ex-Yougoslavie à continuer à coopérer sur le plan régional dans les affaires pénales, conformément aux règles et principes du droit international.
Le délégué a noté avec satisfaction que le Mécanisme résiduel assumait « des responsabilités croissantes sur l’ensemble des aspects liés au travail du TPIY, à côté des activités de sa branche d’Arusha », et l’a complimenté pour ses efforts de rationalisation de ses tâches et de réduction des coûts. En conclusion, il a exhorté tous les États à coopérer avec le TPIY et le Mécanisme, afin que « les connaissances acquises et les leçons tirées dans le combat contre l’impunité ne soient pas oubliées ».
Au nom de l’Australie, du Canada et de la Nouvelle-Zélande (Groupe CANZ), Mme GILLIAN BIRD (Australie) a souligné « l’exceptionnelle contribution » des Tribunaux pénaux pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda ainsi que le « rôle essentiel » du Mécanisme résiduel. Les deux juridictions, dont l’héritage est considérable en matière de lutte contre l’impunité, ont « apporté de l’amplitude et de la profondeur » à la jurisprudence du droit pénal international en administrant la justice dans des cas concernant quelques-uns des crimes les plus horribles de l’histoire récente, a-t-il relevé.
Notant que le TPIR a d’ores et déjà terminé son mandat, le représentant a salué les efforts continus que déploie le TPIY pour achever son travail tout en s’assurant que les mesures fondamentales de sauvegarde des procédures sont remplies. Il s’est aussi réjoui que la coopération entre le Tribunal et la communauté internationale ait permis qu’aucune personne inculpée et reconnue responsable ne soit en fuite.
Au moment où les procès et procédures d’appel du TPIY approchent de leur terme, le représentant s’est cependant dit préoccupé par la réduction des effectifs auxquels est confronté le Tribunal et a appelé l’ONU à rechercher des solutions créatives pour y répondre. Il a enfin réitéré le soutien de sa délégation au Mécanisme instauré en décembre 2010 par le Conseil de sécurité, rappelant son rôle crucial pour l’achèvement des procédures en cours, la protection des témoins, l’exécution des peines et la conservation des archives.
M. SAŠA OBRADOVIĆ (Serbie) s’est aligné sur la position exprimée par l’Union européenne, tout en soulignant l’importance de la coopération et du soutien apportés par son pays au TPIY. La Serbie, a-t-il rappelé, a toujours respecté ses obligations internationales et n’a laissé aucune requête du Tribunal sans réponse. Elle a obtenu la reddition du plus grand nombre de personnes accusées par le TPIY, y compris de hauts responsables du Gouvernement, et a largement contribué à ce qu’aucun inculpé de crimes de guerre ne soit aujourd’hui en fuite, a-t-il fait valoir.
Le représentant a ajouté que son pays avait fourni un grand nombre de preuves au TPIY après avoir reçu 3 505 demandes d’accès à des documents, à des archives d’État et à des témoins, 2 177 de la part du Bureau du Procureur et 1 328 en provenance d’avocats de la défense. La Serbie, a-t-il poursuivi, a aussi exécuté toutes les décisions des Chambres, permis à tous les témoins de faire des dépositions librement et assuré la protection des témoins sur son territoire.
Le représentant a toutefois regretté qu’en dépit de la signature en 2011 d’un accord entre son pays et le Tribunal sur l’exécution des peines dans les prisons serbes, aucun progrès n’ait été enregistré dans ce dossier et aucune attention réelle n’ait été portée par les organes pertinents des Nations Unies à sa dimension humanitaire. À ses yeux, la recommandation faite au Conseil de sécurité par le Secrétaire général de l’ONU en 1993 pour que les peines soient exécutées en dehors du territoire de l’ex-Yougoslavie ne se justifie plus aujourd’hui, notamment parce que les pays concernés ne sont plus en guerre.
À l’appui de sa demande, le Gouvernement de la République de Serbie est prêt à prendre la responsabilité de l’exécution des peines décidées par le TPIY, à accepter des mesures de contrôle internationales et à garantir qu’aucune libération anticipée ne soit accordée sans décision préalable du Mécanisme. Le représentant a précisé que son pays soumettrait cette question au Conseil de sécurité en décembre, à sa réunion sur la stratégie d’achèvement des travaux du TPIY.
Mme VALERIE BIDEN OWENS (États-Unis) s’est dite confiante que le TPIY terminera son travail à temps et en a profité pour appeler à la coopération des États concernés, s’agissant de l’exécution des mandats d’arrêt contre les trois individus accusés d’outrage. La représentante a félicité le Mécanisme pour l’assistance qu’il apporte aux juridictions nationales et la priorité qu’il donne à l’arrestation des huit fugitifs du TPIR. Elle a d’ailleurs rappelé que son pays offre une prime de 5 millions de dollars à quiconque donnera des informations sur ces individus. Les États-Unis, a-t-elle poursuivi, sont aussi préoccupés par les conséquences de la détention du juge Akay. Elle a rappelé que selon le Statut du Mécanisme, les juges peuvent travailler à distance et espéré que cette question sera résolue rapidement et de manière transparente.
M. VLADIMIR DROBNJAK (Croatie) a appelé les États à fournir tout le soutien nécessaire, dans les temps impartis, au TPIY et au Mécanisme. M. Drobnjak a déclaré que son pays suit avec intérêt les dernières affaires dont est saisi le TPIY. Tout en se félicitant de la mise en accusation de 161 individus, le représentant a toutefois regretté qu’un certain nombre d’entre eux n’aient pas fait l’objet d'une « évaluation judiciaire finale », comme en témoigne le cas de M. Slobodan Milošević et, plus récemment, l’affaire concernant M. Goran Hadžić, classée le 22 juillet 2016 suite au décès de l’accusé.
Le délégué s’est aussi dit préoccupé par « l’absence prolongée de coopération » de la Serbie, citant notamment les mandats d’arrêt lancés par le TPIY concernant trois individus, auxquels la Serbie ne donne toujours pas suite. De la même façon, il s’est fortement inquiété du refus du système judiciaire serbe d’appliquer les jugements rendus par la Cour d’État de la Bosnie-Herzégovine, et « de la glorification des criminels de guerre en Serbie ». Le représentant a ajouté que son pays juge que la loi serbe sur l’organisation et la compétence des autorités de l’État dans les procédures sur les crimes de guerre n’est ni universelle, ni politiquement neutre dans son application. Cette loi, a-t-il estimé, fait obstacle à une bonne coopération régionale en matière pénale.
Par ailleurs, le représentant a rappelé que les procureurs et tribunaux nationaux ont également la capacité d’ouvrir des affaires sans la participation du TPIY. Il est de la plus haute importance, a-t-il dit, que ces procédures d’enquête et d’accusation ne fassent pas l’objet de manipulations, afin de garantir leur indépendance et leur impartialité politique.
M. CRISTIÁN BARROS MELET (Chili) a appelé de manière « urgente » les États Membres à davantage coopérer avec le TPIY, notamment dans les cas où le Bureau du Procureur a regretté l’inaction de certains États dans l’exécution des mandats d’arrêt. « Les bonnes pratiques en matière de justice pénale internationale doivent être observées par tous les États Membres sans exception », a-t-il affirmé. M. Barros Melet a par ailleurs appelé tous les États Membres à respecter les principes de « compétence universelle » et de « complémentarité », qui sont selon lui fondamentaux pour des sociétés fondées sur l’état de droit. Enfin, le représentant chilien a appuyé la mise en œuvre des stratégies d’achèvement du TPIY, y compris concernant les solutions administratives liées à la gestion des ressources humaines.
Après avoir passé en revue les travaux du Mécanisme, M. TUVAKO NATHANIEL MANONGI (République-Unie de Tanzanie) a insisté sur les droits des personnes acquittées et de celles qui ont purgé leur peine. La présence à Arusha, d’individus qu’aucun État ne veut accueillir doit tous nous préoccuper, a-t-il dit. Le représentant a donc appelé à des efforts pour réinstaller ces individus et respecter ainsi « un élément tout aussi important » de l’état de droit. Il a rappelé avant de conclure que le transfert du travail du TPIR au Mécanisme a été supervisé par beaucoup de gens à Arusha, à La Haye et à New York, y compris le Bureau des affaires juridiques. Ces personnes méritent notre gratitude et nos remerciements, a-t-il dit.
M. EVGENY T. ZAGAYNOV (Fédération de Russie) a dit attendre « avec impatience » la fermeture du TPIY, qui a déjà dépassé ses délais. Le représentant a déclaré que les questions liées à la réduction du personnel ne sauraient justifier d’autres retards dans les procédures restantes. Pour faire face à ces difficultés, il a rappelé que les juges du Mécanisme peuvent être temporairement assignés au TPIY. Dans l’affaire concernant M. Vojislav Šešelj, le représentant a estimé que les affaires d’outrage ne relèvent pas de la compétence du Tribunal. Il a d’autre part noté l’augmentation du nombre d’affaires dont le Mécanisme est saisi et souhaité davantage d’informations sur la durée des procédures. Le Mécanisme, a-t-il rappelé, est un organe temporaire qui doit faire preuve d’efficacité et respecter les délais qui lui sont impartis.
Droit de réponse
Le représentant de la Turquie a précisé que l’arrestation du juge Akay faisait suite à un arrêt rendu par un tribunal turc et qu’elle n’a rien à voir avec son travail au Mécanisme. Il a déploré que le Président du Mécanisme ait mis en cause l’indépendance et la souveraineté de la justice turque. Immunité diplomatique ne veut pas dire impunité, a argué le représentant, conseillant au Mécanisme d’actionner le dispositif pour désigner un autre juge. Il s’est dit surpris que le Président du Mécanisme ait confié au juge Akay une mission, 10 jours après le coup d’État raté en Turquie. Personne n’est au-dessus de la loi, même un juge du Mécanisme, a-t-il martelé, se tournant vers son homologue des États-Unis et lui suggérant de demander plutôt au Président de trouver une solution à la question car « l’enquête sur le juge Akay se poursuit conformément à la loi turque ».