L’Assemblée générale adopte par consensus le programme de travail controversé du Forum politique de haut niveau pour le développement durable
« Éliminer la pauvreté et promouvoir la prospérité dans un monde en mutation » sera le thème de la session 2017 du Forum politique de haut niveau pour le développement durable. Durant un cycle de quatre ans, à partir de cette année, chaque réunion du Forum sera en outre consacrée à un groupe d’objectifs du Programme de développement durable à l’horizon 2030, a décidé ce matin par consensus l’Assemblée générale, dans une résolution sur le suivi et l’examen du Programme.* Des délégations se sont offusquées de cette atteinte « au principe d’indivisibilité » des 17 objectifs. D’autres ont dénoncé l’absence du droit des peuples à l’autodétermination dans le texte adopté.
Le Forum politique de haut niveau pour le développement durable, qui vient de tenir sa toute première réunion depuis l’adoption du Programme 2030, le 25 septembre, sur le thème « Ne laisser personne sur le côté », examinera donc, l’année prochaine, celui de « l’élimination de la pauvreté » –objectif 1-et les objectifs 2, 3, 5 et 14 liés à l’élimination de la faim, à la sécurité alimentaire, à la santé, à l’égalité des sexes, aux infrastructures résilientes et à l’exploitation durable des océans, des mers et des ressources. L’Assemblée générale précise que cet exercice se fera sans préjudice du « caractère intégré, indissociable et interdépendant » des 17 objectifs de développement durable, le but étant d’avoir examiné en profondeur, à la fin d’un cycle quadriennal, les progrès accomplis dans la réalisation de tous les objectifs.
En 2018, le Forum politique se penchera sur le thème « Transformer nos sociétés pour les rendre viables et résilientes » et sur les objectifs 6, 7, 11, 12 et 15 liés à l’eau et à l’assainissement, à l’énergie propre, à l’urbanisation, aux modes de production et de consommation, et aux écosystèmes terrestres et à la biodiversité. En 2019, ce sera le thème « Donner des moyens d’action aux populations et assurer l’inclusion et l’égalité » qui sera à l’étude avec les objectifs 4, 8, 10, 13 et 16 relatifs à l’éducation, à l’emploi et à la croissance économique, aux inégalités, aux changements climatiques et à la paix et à la justice. Le 17ème et dernier objectif sur les moyens de mise en œuvre sera examiné tous les ans.
Cette résolution est une autre étape, « une étape critique », de la bonne marche du Programme 2030, a commenté le Président de l’Assemblée générale, M. Mogens Lykketoft. Il n’a pas caché que les négociations ont été difficiles et jugé regrettable que des discussions « techniques » aient par moment viré vers une renégociation des dispositions agréées en septembre dernier. Pour le Président, le consensus sur la résolution contribuera à « l’appropriation universelle » du Programme 2030 et à l’élan de la transformation de notre monde en un monde meilleur pour les peuples et la planète.
Cela n’a pas empêché le représentant du Mexique de voir dans les trois groupes d’objectifs une atteinte « au principe d’indivisibilité » des 17 objectifs de développement durable. La méthode est « mauvaise », a-t-il argué, en estimant qu’on accorde la priorité à certains objectifs au détriment d’autres. Que cet « examen groupé » ne conduise pas à des approches « étroites et en silo » ni à des chevauchements entre le Forum politique et celui sur le financement du développement, a mis en garde le représentant du Japon. Nous n’avons plus de temps à perdre, s’est-il impatienté: 15 ans, ça passe très vite et il serait inopportun de renégocier, à ce stade, ce qui a été convenu.
D’autres délégations ont dénoncé parfois de manière véhémente l’absence de référence au droit à l’autodétermination des peuples vivant sous domination coloniale ou occupation étrangère, du fait, selon le représentant de l’Équateur, d’un « petit groupe d’États ». Il est inquiétant, a-t-il avoué, que des États s’opposent systématiquement au libellé bien établi de principes « aussi clairs et aussi historiques ». Comment, s’est indigné son homologue de l’Algérie, peut-on encore trouver aux Nations Unies des États pour s’opposer à un droit et à des principes consacrés par la Charte des Nations Unies? Même la mention « la plus bénigne » du droit à l’autodétermination a été rejetée, s’est désolé le représentant de la Thaïlande, au nom du Groupe des 77 et de la Chine. Ce droit est pourtant directement lié au développement durable et aux droits de l’homme, a souligné, à son tour, le représentant de la Jordanie, au nom du Groupe des États arabes, souhaitant que l’on évite les doubles standards dans la mise en œuvre du Programme 2030. Que dire du droit au développement dont la mention a aussi été rejetée? ont ajouté les représentants du Soudan et de la Bolivie.
La résolution adoptée aujourd’hui, a rappelé le Président de l’Assemblée générale, s’inscrit dans le cadre du Programme 2030 qui, en son paragraphe 74, parle des mécanismes de suivi et en son paragraphe 35, des obstacles à la pleine réalisation du droit à l’autodétermination des peuples sous domination coloniale ou sous occupation étrangère. Les obstacles au développement durable que constituent les sanctions unilatérales ont été dénoncés par le représentant du Soudan. Du fait de son silence sur cette question, la résolution ne tient pas compte de tous les êtres humains, a estimé son homologue de la Bolivie.
La représentante de Cuba a regretté une tendance croissante à imposer des critères particuliers pendant les négociations et à écarter la position de certains États Membres. Elle s’est aussi élevée contre les délais impartis estimant que les projets de résolution devraient être rédigés sagement et sans précipitation. Tous les points de vue et toutes « les sensibilités » doivent être reflétés, a renchéri son homologue du Venezuela. Le fait que le Nicaragua se soit joint au consensus, a prévenu son représentant, ne saurait constituer un précédent pour le travail futur de l’ONU. Notre souplesse, a résumé son homologue du Groupe des 77 et la Chine, ne saurait en aucun cas servir à imposer une nouvelle méthodologie dans les négociations.
La représentante des États-Unis a « noté des déceptions » et demandé qu’on respecte les méthodes de travail en vigueur à l’Assemblée générale, estimant que cela n’a pas été le cas. C’est dommage, a-t-elle conclu, car « nous avions eu une bonne session du Forum de haut niveau ». Elle a appelé à un retour à la « collégialité ». La souplesse « sans contrepartie » de l’Union européenne a été mise en avant par le représentant de la Belgique qui a émis des réserves sur le paragraphe 9 de la résolution qui prie le Secrétaire général de mettre à jour les directives communes d’application et de proposer aux États Membres de s’en servir pour préparer leurs examens nationaux volontaires. Cette disposition, a commenté le représentant, doit s’appliquer dans le cadre de la résolution 67/290 sur la structure et les modalités de fonctionnement du Forum politique de haut niveau pour le développement durable.
*A/70/L.60