L’Assemblée générale adopte une résolution contestée sur le Rapport de la Cour pénale internationale
L’Assemblée générale a adopté aujourd’hui par consensus une résolution contestée sur le Rapport de la Cour pénale internationale (CPI) qui, présentée par le représentant des Pays-Bas, a été critiquée parce qu’elle ne tient pas compte de l’avis des États non parties au Statut de Rome. Sur recommandation du Secrétaire général, l’Assemblée a, par ailleurs, nommé à la tête du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), M. Erik Solheim, de la Norvège.
Dans la présentation qu’il a faite de la résolution sur le Rapport de la Cour pénale internationale*, le représentant des Pays-Bas a insisté sur l’universalisation du Statut de la Cour dit « Statut de Rome », en se félicitant qu’El Salvador en soit devenu le 124e État partie. Il a aussi insisté sur la coopération des États avec la Cour, « conformément à leurs obligations juridiques », et sur la complémentarité de l’instance, « sa marque de fabrique ».
Les trois objectifs de la résolution, a-t-il expliqué, sont de fournir le soutien politique nécessaire à la CPI, à son mandat, ses objectifs et son travail; de souligner l’importance de la relation entre elle et les Nations Unies; et de rappeler aux États et aux organisations internationales et régionales la nécessité de coopérer dans la mise en œuvre de ses tâches.
Chaque année, la résolution s’éloigne encore plus de la réalité, a taclé le représentant de la Fédération de Russie, qui s’est dissocié du consensus, au motif que les amendements proposés par son pays ont été ignorés. Il a dénoncé une Cour politisée, prompte à ouvrir des enquêtes sur le colonel Mouammar al Kadhafi alors que l’examen des crimes commis lors des invasions en Afghanistan et en Iraq n’en est qu’au stade préliminaire. Son homologue du Soudan a décrié la tentative de faire de l’Assemblée générale, l’Assemblée des États parties au Statut de Rome, critiquant, à son tour, l’obstination de certains États à rejeter les propositions de tout État non partie. La Cour, a-t-il estimé, est devenue un instrument de conflit international, un mécanisme de politisation visant exclusivement les pays africains, « une cour des grands contre les petits ».
La survie de la CPI dépendra de sa réforme, c’est à dire d’un changement radical qui mette tous les États sur un pied d’égalité, a prévenu le représentant du Kenya. Le système du Statut de Rome doit se délester du groupe d’États qui ne représentent l’éthique et le paradigme jurisprudentiel que d’un segment de l’Assemblée des États parties, qui prétendent commander la Cour et qui tiennent en otage son mandat, en créant une institution biaisée, a-t-il poursuivi. Nous voulons une résolution, a-t-il ajouté, qui relève les défis les plus importants de deux institutions, à savoir le financement de la saisine de la Cour par le Conseil de sécurité.
Au nom de 22 pays, le représentant du Costa Rica s’est en effet dit inquiet de voir que la Cour continue de mener des activités découlant des décisions du Conseil de sécurité sans pour autant avoir le soutien du budget ordinaire de l’ONU. Alors que la CPI fait face à une charge de travail sans précédent et que les membres du Conseil envisagent de la saisir encore, on peut s’interroger sur la viabilité du système actuel, a commenté le représentant du Brésil.
Son homologue du Costa Rica en a profité pour attirer l’attention sur les dispositions selon lesquelles les dépenses de la Cour et de l’Assemblée des parties peuvent aussi être financées par les ressources fournies par l’ONU, en particulier dans le cas des dépenses liées à la saisine de la Cour par le Conseil de sécurité.
Sur proposition du Secrétaire général, l’Assemblée générale a nommé M. Erik Solheim, de la Norvège, au poste de Directeur exécutif du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), en remplacement de M. Achim Steiner, de l’Allemagne, pour un mandat de 4 ans qui commence le 15 juin prochain. Elle a également entériné le choix de M. Simon Hough, du Royaume-Uni, pour siéger au Comité des contributions du 13 mai 2016 au 31 décembre 2017, en remplacement de son compatriote, M. Kunal Khatri.
La prochaine réunion de l’Assemblée générale sera annoncée dans le Journal des Nations Unies.
PRÉSENTATION DU PROJET DE RÉSOLUTION SUR LE RAPPORT DE LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE (CPI) (A/70/L.47)
Déclarations
M. KAREL J.G VAN OOSTEROM (Pays-Bas) s’est félicité que 79 États se soient portés coauteurs du projet de résolution. Il s’est félicité qu’El Salvador ait adhéré au Statut de Rome, portant ainsi à 124 le nombre d’États parties et accélérant ainsi la marche vers l’universalisation du traité. « L’adhésion universelle au Statut de Rome est la seule garantie pour que les auteurs des crimes les plus horribles ne jouissent pas de l’impunité. »
Le représentant a souligné l’importance de la coopération des États, conformément à leurs obligations juridiques, pour que la Cour puisse exécuter son mandat. Le seul moyen de progresser vers notre objectif commun de mettre fin à l’impunité est de travailler ensemble à savoir, tous les États, les Nations Unies, les organisations régionales et la société civile.
M. Van Oosterom a aussi parlé de la complémentarité qui est la marque de fabrique de la CPI. Compte tenu de la charge de travail de la Cour, les États pourraient faire un meilleur travail dans la poursuite des auteurs des crimes graves.
Les Pays-Bas sont fiers d’abriter la CPI qui, le 19 avril dernier a emménagé dans son bâtiment permanent à La Haye, a conclu le représentant sans oublier d’insister sur les trois objectifs du projet de résolution. Le premier est de fournir le soutien politique nécessaire à la CPI et à son mandat, ses objectifs et son travail. Le second objectif est de souligner l’importance de la relation entre la Cour et les Nations Unies, sur la base de « l’Accord régissant les relations entre la Cour et l’ONU » et leur rôle central dans la lutte contre l’impunité et le respect des droits de l’homme. Le troisième objectif est de rappeler aux États et aux organisations internationales et régionales la nécessité de coopérer avec la CPI dans la mise en œuvre de ses tâches.
Explications de position
Le représentant de la Fédération de Russie a déploré que certains États Membres n’aient pas soutenu l’attitude constructive de son pays lors des négociations sur ce texte. Les amendements proposés par les pays non parties au Statut de Rome ont été ignorés, a-t-il déclaré, avant de dénoncer l’optimisme exagéré sur le travail de la Cour. « La Cour, qui devait ouvrir une nouvelle page de l’histoire de la justice internationale après le Tribunal de Nuremberg, n’en a malheureusement hérité de son efficacité. » Il a rappelé qu’en 15 ans d’activités, la Cour n’avait rendu que quatre décisions, dépensant au passage quatre milliards de dollars. Il s’est demandé pourquoi en 2011 une enquête avait été ouverte contre le colonel Mouammar Kadhafi alors que les crimes commis lors des invasions en Afghanistan et en Iraq n’en sont encore qu’au stade préliminaire de leur examen par la Cour. Une telle sélectivité ne sert pas l’image d’une juridiction qui se veut indépendante, a-t-il affirmé, avant d’insister sur les difficultés procédurales, comme la mauvaise qualité des éléments de preuve.
Le représentant a estimé que s’agissant du dossier du Darfour, la Cour avait montré son « mépris » pour le principe d’immunité des gouvernants, avant de partager les réserves exprimées à ce sujet par l’Union africaine. La saisine de la Cour par le Conseil de sécurité ne supprime pas pour autant l’immunité des dirigeants d’un État. Le délégué a estimé que la Cour n’avait pas eu de rôle stabilisateur et d’apaisement des souffrances comme le montre la situation en Libye. Il a critiqué l’attitude des États parties au Statut de Rome qui ont empêché le consensus sur le texte. « Chaque année, cette résolution s’éloigne de la réalité », a-t-il conclu, en se dissociant du consensus.
« Le combat contre l’impunité est un objectif sublime de la communauté internationale », a affirmé, à son tour, le délégué du Soudan, avant de dénoncer la politisation de la justice internationale. Toute tentative de politisation est une violation du droit international, a-t-il poursuivi, en insistant sur la nature indépendante de la Cour pénale internationale. Le délégué du Soudan a dénoncé les tentatives des États parties au Statut de Rome de faire de l’Assemblée générale, l’Assemblée des États parties au Statut de Rome. La Cour pénale internationale n’est pas un organe subsidiaire de l’ONU, elle est indépendante, a-t-il martelé, critiquant l’obstination des États Membres à refuser d’examiner les propositions du Soudan sur ce projet de résolution, comme toutes celles qui ont été avancées par tout autre État non partie.
La Cour est devenue un instrument de conflit international, un mécanisme de politisation visant exclusivement les pays africains, « une cour des grands contre les petits », a affirmé le délégué. Il s’est étonné que la Cour ne se saisisse pas sur d’autres situations, tournant ainsi le dos à l’universalité de sa mission. Cette Cour a un mandat unique, qui consiste à cibler les États africains et uniquement les Africains, a-t-il affirmé. Le délégué a dénoncé, avec cette résolution, l’ingérence flagrante de la Cour dans les travaux de l’Assemblée, « comme si l’Assemblée était inféodée à la Cour ». Des États parties au Statut de Rome se servent de la Cour pour atteindre leurs objectifs, a-t-il affirmé, prévenant que son pays n’était en aucun cas concerné par le texte et qu’aucune obligation nationale ne saurait en découler.
La représentante du Nicaragua a estimé, à son tour, qu’alors que la CPI avait été créée pour juger des crimes les plus graves, force est de constater qu’aujourd’hui que les principes ayant présidé à sa création ont été dévoyés. Elle a ainsi déploré que sur la scène internationale, tous les pays ne soient pas logés à la même enseigne et qu’un seul continent semble cristalliser les saisines de la Cour. Elle a rappelé que le Nicaragua n’est pas partie au Statut de Rome et a noté que dans sa collaboration avec la CPI, l’ONU doit remplir sa fonction en se gardant de s’ingérer dans les affaires intérieures des pays.
Le représentant du Kenya a estimé qu’il n’existe pas de relation structurelle entre l’ONU et la CPI et refusé l’idée que le rapport de la CPI serve de prétexte pour transformer l’Assemblée générale en une Assemblée des États parties au Statut de Rome ou pour diviser les États.
Les traités sont par nature contraignants pour leurs parties et en vertu de la Convention de Vienne sur le droit des traités, les obligations des non parties sont différentes. C’est fort de cette logique que le Statut de Rome prévoie des dispositions différentes pour les parties et les non-parties.
Le représentant s’est donc dit frustré par les négociations de cette année. Il a dénoncé un manque de flexibilité face aux points de vue des autres, même quand ils se fondent clairement sur le droit des traités et la pratique. Il s’est dit inquiet de la tendance de certains pays puissants, qui ont peu d’égard pour le droit international quand cela sert leurs intérêts, à fausser l’interprétation et la mise en œuvre du droit international. « La force ne fait pas le droit », a-t-il objecté.
Le système du Statut de Rome doit se délester de ce groupe d’États qui ne représentent l’éthique et le paradigme jurisprudentiel que d’un segment de l’Assemblée des États parties, qui prétendent commander la CPI, et qui tiennent en otage son mandat, en créant une institution biaisée. Nous voulons voir une résolution conforme au droit international et qui relève les défis les plus importants des deux institutions, à savoir le financement des saisines de la Cour par le Conseil de sécurité. L’Assemblée générale ne devrait pas être empêchée de faire son travail à jouer son rôle à cet effet. Il faut, a dit le représentant, un changement radical qui mette tous les États sur un pied d’égalité. La survie de la CPI dépendra de sa réforme, a-t-il prévenu.
La représentante de Cuba a jugé qu’étant donné que l’Assemblée générale compte autant d’États parties que non parties, il est crucial que les négociations prennent en compte les préoccupations de tous.
Son homologue de la Chine a souhaité que la Cour évite la sélectivité dans ses travaux. La justice ne saurait être recherchée au détriment de la stabilité, a-t-il dit, avant d’appeler au respect des droits des États non parties au Statut de Rome.
Le représentant de la République arabe syrienne a rappelé que son pays a été l’un des premiers signataires du Statut de Rome mais qu’aujourd’hui il doit constater que certains États qui en sont les défenseurs n’hésitent pas à utiliser des terroristes pour déstabiliser d’autres pays comme le sien. La justice internationale, a-t-il dénoncé, sert aujourd’hui des intérêts particuliers. Elle est devenue l’outil des puissants contre les pauvres, concrétisant paradoxalement la loi de la jungle, 70 ans après la création des Nations Unies. I
Au nom de l’Argentine, de l’Australie, de l’Autriche, du Chili, de la Croatie, de Chypre, du Danemark, de l’Estonie, de la Finlande, du Guatemala, de la Hongrie, de l’Islande, du Liechtenstein, des Pays-Bas, de la Norvège, de la Palestine, du Paraguay, de la Suisse, de la Slovénie, de Trinité-et-Tobago et de l’Uruguay, le représentant du Costa Rica a estimé que la CPI est l’une des réalisations les plus importantes de la communauté internationale. Il a salué l’adoption du rapport de la CPI, regrettant néanmoins qu’il n’ait pas été possible de faire évoluer cette résolution cette année. Mais, a-t-il estimé, cela ne doit pas empêcher de s’efforcer les défis et parmi lesquels, la nécessité de renforcer la coopération entre l’ONU et la CPI.
Le représentant a proposé que les bureaux des Nations Unies et les fonds et programmes, collaborent avec le Bureau des affaires juridiques qui est le point focal de la coopération avec la CPI. Il a également indiqué que les directives du Secrétaire général sur les rapports entre les fonctionnaires et les personnes qui font l’objet de mandats d’arrêt ou de citations à comparaître sont importantes et qu’elles doivent être mises en œuvre systématiquement. Il a appelé à soutenir la CPI financièrement, se disant inquiet de voir que la Cour continue de mener les activités découlant des décisions du Conseil de sécurité, sans l’aide du budget ordinaire de l’ONU. Il a appelé l’Assemblée générale à s’assurer de la mise en œuvre du paragraphe 1 de l’Article 13 de l’Accord régissant les relations entre l’ONU et la CPI et portant sur les dotations financières.
Le Conseil de sécurité doit se montrer cohérent dans ses saisines. Il doit se garder des exceptions qui vont à l’encontre du principe d’égalité de tous devant la loi et de saper ainsi sa crédibilité et partant celle de la Cour. Le Conseil doit aussi demander à certaines missions de maintien de la paix d’aider la CPI.
Le représentant d’El Salvador a précisé que son pays était devenu cette année le 129e État partie au Statut de Rome et le 29e à avoir ratifié l’amendement de Kampala relatif au crime d’agression. Nous avons souhaité contribuer à l’universalisation de la Justice pénale internationale, a-t-il dit, reconnaissant que la Cour doit encore s’améliorer, ce qui vaut aussi pour l’ONU. Il a prévenu que la Cour ne saurait jouer un « rôle de pacificateur » qui incombe aux États.
Son homologue du Brésil dit qu’il aurait souhaité un texte plus ambitieux et actualisé par rapport à celui de l’année dernière. L’écart entre cette résolution et les défis rencontrés dans les relations entre l’ONU et la CPI ne se réduit pas, a-t-il dit, en espérant que le prochain texte sera à la hauteur de l’objectif commun d’universalisation de la justice, de la paix et de la sécurité. Il a jugé regrettable que, selon le texte, les coûts de la saisine de la Cour par le Conseil à la Cour continuent d’être exclusivement endossés par les États parties au Statut de Rome. Alors que la Cour fait face à une charge de travail sans précédent et que les membres du Conseil envisagent de la saisir encore, on peut s’interroger sur la viabilité d’un tel système, a-t-il conclu.
Se félicitant de ce que la Colombie vive actuellement un moment historique avec la règle d’une longue guerre civile par des moyens pacifiques, le représentant de la Colombie a affirmé que son pays entend mettre en place une justice transitionnelle car la recherche de la justice contribue à la paix.
Le représentant du Pérou a constaté le manque de progrès entre cette résolution et la précédente. Il a regretté que les délégations ne soient pas parvenues à un texte plus robuste qui tienne compte des défis actuels liés aux relations entre les Nations Unies et la CPI. Il a notamment fait observer, à son tour, que les saisines de la CPI par le Conseil de sécurité doivent être financées par l’ONU et plus seulement par les États parties au Statut de Rome.
Le représentant de l’Ukraine a indiqué que son pays est à la dernière étape de la ratification du Statut de Rome, avant d’insister « sur la nécessité de mettre en avant la légitimité de la Cour ». Rappelant que son pays a été victime d’une agression armée de la Fédération de Russie et que plusieurs parties du territoire nationale sont aujourd’hui occupées, le délégué a déclaré que ces actes constituaient des crimes graves qui relèvent de la compétence de la Cour. Mon pays, a-t-il rappelé, vient de faire une déclaration d’acceptation de la compétence de la Cour pour les crimes de guerre commis par les hauts responsables russes.
Droit de réponse
Le délégué de la Fédération de Russie a souligné le caractère mensonger des allégations de la délégation ukrainienne.