En cours au Siège de l'ONU

Soixante-dixième session,
88e séance plénière - matin
AG/11766

Assemblée générale: 15 ans après son adoption, le Programme d’action de Durban contre la discrimination raciale se heurte à la montée généralisée de l’intolérance

Profondément alarmé par la montée, dans le monde entier, de l’intolérance, des opinions racistes et de la violence motivée par la haine, le Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, a, ce matin, demandé aux États Membres de renouveler leur engagement en faveur de la Déclaration et du Programme d’action de Durban, lors d’une réunion de l’Assemblée générale commémorant la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale, observée chaque année le 21 mars, date du massacre de 1960 dans le township sud-africain de Sharpeville.

La Journée internationale étant placée cette année sous le signe « des défis et des résultats, 15 ans après la Déclaration et le Programme d’action de Durban », le Secrétaire général a reconnu que les difficultés économiques et l’opportunisme politique sont en train de nourrir une hostilité croissante envers les minorités, dont l’intolérance et la violence contre les réfugiés, les migrants et les musulmans.  M. Ban a dénoncé les partis politiques d’extrême droite qui propagent divisions et mythes dangereux, les partis dits « centristes » qui durcissent le ton, les pays jusqu’ici modérés qui voient une montée de la xénophobie et les voix de la sagesse qui exploitent désormais les peurs, faisant dangereusement écho aux chapitres les plus sombres du siècle dernier, au risque d’aggraver les fractures sociales, l’instabilité et les conflits.

Le Secrétaire général a dit craindre que la volonté politique qui avait présidé à l’adoption de la Déclaration et du Programme d’action de Durban, « cadre le plus complet pour les mesures à prendre aux niveaux international, régional et national contre le racisme », soit menacée par les calculs politiques.  Les propos du chef de l’ONU ont été repris à son compte par un membre du Groupe de travail d’experts de l’ONU sur les personnes d’ascendance africaine, « exemple vivant du délit de sale gueule, craint et suspecté à cause de la couleur de ma peau ».    

M. Ahmed Reid a constaté que le rythme de la mise en œuvre des engagements pris à Durban est pour le moins inégal, citant les indicateurs défavorables pour les personnes d’ascendance africaine lorsqu’il s’agit de l’éducation, de l’emploi, de la santé et de l’espérance de vie.  À ce jour, aucun pays ne s’est engagé à offrir réparation ou même vérité et réconciliation après l’histoire coloniale et l’héritage de l’esclavage, de la subordination et de la ségrégation, alors la démographie des pays qui ont exploité des esclaves montre clairement que les populations les plus pauvres sont de manière disproportionnée composées de minorités raciales ou ethniques.

Le Programme de développement durable à l’horizon 2030, qui s’enracine dans les normes internationales de l’égalité et de la non-discrimination, constitue un cadre à partir duquel les États peuvent intégrer les droits de l’homme dans leurs priorités nationales, a estimé M. Reid.

Plus que jamais, a commenté le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les droits de l’homme, M. Zeid Ra’ad Al Hussein, les États doivent se concentrer sur l’obligation de protéger les segments les plus vulnérables de leur société.  Nous devons être vigilants et veiller à ce que des facteurs tels que la montée du chômage n’ouvrent pas la voie aux harcèlements, aux abus, à la discrimination et aux attaques.

Les sociétés démocratiques connaîtront toujours des tensions dans la gestion des intérêts différents, mais la tolérance, la diversité culturelle, la responsabilité politique et la gouvernance inclusive sont « absolument fondamentales » pour faire en sorte que les tensions ne dégénèrent pas en violence ou en conflit, a déclaré le Président de l’Assemblée générale, M. Mogens Lykketoft.

Pays hôte de la Conférence de Durban, l’Afrique du Sud a souligné la nécessité de combler les lacunes du droit international, en adoptant « les normes complémentaires à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (CIEDR), relatives à la xénophobie, l’islamophobie, l’antisémitisme et l’incitation à la haine ».  En outre, la création d’un Index de l’égalité raciale pour évaluer le développement socioéconomique des personnes d’ascendance africaine tarde toujours à se matérialiser. 

Le représentant a aussi prévenu que les réserves de certains États à l’article 4 de la CIEDR relatif à la supériorité raciale nient l’essence même de la Convention et font échec à ses objectifs et buts essentiels.  Il a plaidé pour la création d’un forum permanent des personnes d’ascendance africaine et pour la reconstitution du Fonds d’affectation spéciale pour la Décennie contre le racisme et la discrimination raciale qui pourrait financer les activités de la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine 2015-2024. 

Appuyant cette revendication, son homologue de la Tanzanie a, au nom du Groupe des États d’Afrique, également demandé aux États de lutter contre l’intolérance, en garantissant l’accès de tous aux tribunaux et autres institutions compétentes, s’inquiétant de l’utilisation accrue d’Internet pour propager cette intolérance.  Contre cette évolution, le représentant du Kazakhstan a voulu que l’on sensibilise le secteur privé.

L’importance du dialogue interculturel a été soulignée par le représentant de l’Azerbaïdjan, au nom du Groupe des États d’Europe orientale.  La diversité ethnique, culturelle et linguistique « exceptionnelle » de la région d’Amérique latine et des Caraïbes a été vantée par le représentant d’Antigua-et-Barbuda, qui a vu dans l’intégration politique, économique et sociale, l’arme la plus puissante contre la discrimination.

« En cette Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale, sachons tirer les leçons de l’histoire et des erreurs commises et ne commettons pas celle de croire que l’histoire ne peut pas se répéter.  Restons tous vigilants », a conclu la représentante du Luxembourg, au nom du Groupe des États d’Europe occidentale et autres États. 

Se sont également exprimés les représentants de l’Indonésie, au nom du Groupe des États d’Asie et du Pacifique, des Pays-Bas, de la Fédération de Russie et du Bangladesh.

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