Soixante et onzième session,
37e & 38e séances plénières - matin & après-midi
AG/11850

Assemblée générale: la Cour pénale internationale doit privilégier le dialogue pour éviter un « exode africain »

La décision de l’Afrique du Sud, du Burundi et de la Gambie de se retirer du Statut de Rome, le traité fondateur de la Cour pénale internationale (CPI), a provoqué aujourd’hui, à l’Assemblée générale, des appels à un dialogue plus ouvert entre la Cour et les États d’Afrique, sous peine d’entraîner un « exode africain de la CPI », a mis en garde le représentant de la Tanzanie.

Abordant la question du retrait des trois États africains lors de la présentation de son rapport annuel, la Présidente de la CPI, Mme Silvia Fernández de Gurmendi, a réaffirmé l’importance pour les États « de continuer à s’engager en faveur des enquêtes de la Cour et de la poursuite des crimes les plus graves, ainsi qu’en faveur de la protection des victimes partout dans le monde ».

Plus alarmiste, la majorité des délégations s’est déclarée « profondément préoccupée » par cette décision de retrait.  C’est d’autant plus regrettable que l’Afrique du Sud avait joué un rôle décisif dans l’élaboration du Statut de Rome en 1998, a souligné le représentant du Liechtenstein, appelant le pays à reconsidérer sa décision.  Son homologue suisse s’est dit troublé par ce signal, alors que la multiplication des atrocités devrait « nous inciter à intensifier la lutte contre l’impunité, plutôt qu’à réduire notre engagement ».

De nombreux représentants, dont celui de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), ont en effet estimé que le succès de la CPI dépend de l’universalité du Statut de Rome.  Avant même d’atteindre l’universalité, ont quant à eux affirmé les représentants de la Pologne, du Japon et du Danemark, la force de la Cour réside dans la coopération des États, parties ou non au Statut de Rome. 

Or, ces délégations se sont profondément inquiétées du manque de coopération de certains États avec la CPI, notamment dans l’exécution de ses mandats d’arrêt, dont 13 d’entre eux restent sans suite depuis plusieurs années.  Le représentant de la CARICOM a ainsi affirmé que « ceux qui refusent de coopérer avec la CPI contribuent à la culture de l’impunité ».

« La Cour pénale internationale ne récolte que ce qu’elle a semée », a rétorqué le représentant du Soudan, en prenant la défense de l’Afrique du Sud, du Burundi et de la Gambie.  À ses yeux, la pratique de la Cour consistant à se focaliser uniquement sur des crimes commis en Afrique illustre la « politisation de la justice internationale ».  « Elle est devenue la Cour des grands contre les petits », a-t-il dénoncé.

« Quelque chose ne va pas à la CPI », a renchéri le représentant du Kenya qui a déploré le manque de volonté de la Cour d’instaurer un « dialogue constructif » avec l’Union africaine (UA).  Cette relation tumultueuse de la Cour avec l’Afrique, a ajouté son homologue tanzanien, risque de se solder par un véritable « exode africain ».

C’est justement ce qu’a proposé le représentant du Burundi qui a appelé les pays africains à réexaminer, à la suite de son pays, leur adhésion au Statut de Rome, devenu un « outil d’oppression politique ».  Si le mandat de la Cour est « intrinsèquement politique », a convenu le représentant de l’Australie, c’est bien parce que son travail est de poursuivre « les plus responsables » qui sont souvent « les plus puissants ».  Il a admis « qu’un tel mandat expose nécessairement la CPI à son lot de critiques ». 

Avec l’intensification des activités de la Cour, de tels « problèmes de croissance » étaient même prévisibles, a ajouté son homologue néozélandais, plaidant en faveur d’un meilleur engagement de la Cour avec l’Union africaine.  Il s’est ainsi dit prêt à travailler avec les États Parties pour créer les conditions d’un dialogue « ouvert, honnête, respectueux et axé sur l’objectif commun de mettre fin à l’impunité » avec les États africains, estimant que les questions qui les préoccupent « méritent un examen attentif ». 

Le Conseil de sécurité, s’est justement expliqué le représentant du Soudan, défère certains criminels devant la Cour alors qu’il en épargne d’autres », ce qui démontre bien « l’interférence entre justice et intérêts politiques ».  Le fait que certains membres permanents du Conseil saisissent la Cour alors qu’eux-mêmes ne sont pas parties au Statut de Rome n’arrange rien, a dit en écho le représentant de la Tanzanie.  Le Conseil doit éviter de se servir des saisines de la CPI comme d’un instrument politique en plein milieu d’un conflit, car cela ne fait que politiser la Cour, en risquant de prolonger tant le conflit que l’impunité, ont ajouté ses homologues du Chili et de la Nouvelle-Zélande.

Si interférence politique il y a, a estimé leur homologue suisse, c’est plutôt en raison d’un manque de coopération au sein même du Conseil.  Il a en effet déploré l’inaction des Quinze face à « l’impunité totale » en Syrie, illustrée par l’échec du déferrement de la situation syrienne à la CPI.  Le droit de veto ne devrait jamais être exercé dans les cas de crimes internationaux, a-t-il plaidé, avant que son homologue du Mexique ne rappelle qu’avec la France, son pays a lancé une initiative sur le non-recours au droit de veto en cas de crimes de masse. 

De nombreuses délégations ont salué le dépassement du seuil de 30 ratifications nécessaire à l’activation des amendements de Kampala au Statut de Rome.  Ces derniers permettront aux États Parties de saisir la Cour, dès le 1er janvier 2017, pour des crimes d’agression.  La représentante des États-Unis a lancé une mise en garde: activer ces amendements sans apporter au préalable des clarifications sur les éléments constitutifs des crimes d’agression et les États concernés pourrait exacerber la réticence de certains États à reconnaître l’autorité de la Cour et accentuer sa politisation.  

En attendant, le représentant du Brésil a estimé que, pour renforcer la crédibilité de la Cour, les coûts des renvois du Conseil à la CPI doivent en partie être pris en charge par les fonds des Nations Unies, et non exclusivement par les États Parties.

À l’ouverture de la séance d’aujourd’hui, le Président de l’Assemblée, M. Peter Thomson, a présenté ses condoléances au Qatar, après à l’annonce du décès de l’Émir Khalifa bin Hamad Al-Thani, le 23 octobre dernier.  Il a appelé l’Assemblée à observer une minute de silence.

L’Assemblée générale tiendra sa prochaine réunion mercredi 2 novembre à partir de 10 heures sur les conséquences socioéconomiques d’El Niño.

RAPPORT DE LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE

À l’ouverture de la séance d’aujourd’hui, M. PETER THOMSON, Président de l’Assemblée générale, a adressé ses plus sincères condoléances au peuple du Qatar, suite à l’annonce du décès de l’Émir, Khalifa bin Hamad Al-Thani, le 23 octobre dernier.  Il a appelé l’Assemblée à observer une minute de silence en hommage au défunt.

Passant à la question à l’ordre du jour, M. Thomson a rappelé qu’il y a 18 ans, les États se sont rassemblés à Rome, en Italie, pour donner naissance à la Cour pénale internationale (CPI), dont la compétence s’étend aux crimes les plus graves pour la communauté internationale.  Par cet acte, a poursuivi le Président de l’Assemblée, les États ont souhaité mettre fin à l’impunité et prévenir ces crimes.

Pendant les décennies qui ont suivi la signature du Statut de Rome, la conscience de la communauté internationale a continué d’être choquée par les atrocités perpétrées chaque jour contre des victimes innocentes, a toutefois déploré M. Thomson.  Il a ainsi appelé les États à renforcer « et non pas affaiblir », leur engagement à mettre un terme à l’impunité pour ces crimes.  Le Président a également exhorté la communauté internationale à œuvrer en faveur du bon fonctionnement de la Cour et de l’universalité du Statut de Rome.  « Certains crimes sont tellement graves que nous avons un devoir moral d’agir pour mettre fin à l’impunité des coupables », a-t-il conclu.

Mme SILVIA FERNÁNDEZ DE GURMENDI, Présidente de la Cour pénale internationale (CPI), a présenté à l’Assemblée générale son Rapport annuel (A/71/342), en se félicitant qu’un nouveau chapitre se soit ouvert pour la CPI, qui dispose d’un nouveau siège à La Haye, aux Pays-Bas.  Évoquant une année « très chargée », avec un volume d’activités judiciaires « inédit », elle s’est déclarée reconnaissante du concours qu’apporte l’ONU à la Cour (A/71/346 et A/71/349).

Sur le plan judiciaire, l’année écoulée a été « riche en événements », a souligné la Présidente de la CPI.  Trois jugements ont été rendus depuis la présentation du précédent rapport, deux procès ont été tenus dans leur intégralité et deux autres sont en cours, a-t-elle précisé.  De surcroît, des procédures en réparation sont en cours dans quatre affaires.

Mme Fernández de Gurmendi a indiqué que, dans le cadre de la situation en République centrafricaine, Jean-Pierre Bemba Gombo a été condamné à une peine d’emprisonnement de 18 ans pour viol en tant que crime de guerre et crime contre l’humanité avant de faire appel de la condamnation et de la peine.    

Dans le premier procès de la Cour en lien avec la situation au Mali, Ahmad Al Faqi Al Mahdi été condamné à neuf ans d’emprisonnement pour crime de guerre lié à la destruction de monuments historiques et de bâtiments consacrés à la religion après avoir plaidé coupable, a-t-elle poursuivi. 

S’agissant de la situation en Côte d’Ivoire, la CPI a entamé le premier procès de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé, poursuivis pour les crimes contre l’humanité de meurtre, viol, persécution et autres traitements inhumains, tandis que, dans le cadre de la situation en Ouganda, 70 chefs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité ont été confirmés à l’encontre de Dominic Ongwen. 

Par ailleurs, a souligné la Présidente, la Cour a pour la première fois envoyé des personnes condamnées purger leur peine sur le territoire de l’un des États parties, Thomas Lubanga Dyilo et Germain Katanga ayant déclaré qu’ils préféraient effectuer leurs peines dans leur pays d’origine, la République démocratique du Congo (RDC).

Évoquant également une demande d’ouverture d’enquête sur la situation en Géorgie, pour des crimes de guerre et contre l’humanité qui y auraient été commis entre le 1er juillet et le 10 octobre 2008, la Présidente de la Cour a noté que, conformément au Statut de Rome, la Chambre préliminaire a donné aux victimes une première occasion d’être entendues dans le cadre des procédures engagées devant la Cour.

Dans le même temps, a-t-elle ajouté, le Fonds au profit des victimes a poursuivi son activité, venant en aide à des victimes dans le nord de l’Ouganda et en RDC.  Il prévoit d’étendre ses activités à quatre autres situations portées devant la Cour, a noté Mme Fernández de Gurmendi, appelant tous les États Membres  et les autres donateurs à le soutenir.

Au total, 10 situations font aujourd’hui l’objet d’enquêtes de la CPI, cinq d’entre elles ayant été déférées au Procureur par les États concernés, dont une concernant le Gabon, a encore indiqué la Présidente.  Elle a aussi relevé que les résolutions du Conseil de sécurité déférant au Procureur les situations au Darfour (Soudan) et en Libye ont imposé à ces deux États de coopérer pleinement avec la Cour.

« La coopération de tous les États, parties ou non parties, est essentielle pour permettre des enquêtes impartiales et efficaces », a insisté la Présidente, affirmant vouloir donner la priorité à l’amélioration de « l’efficacité et de l’efficience » des activités de la Cour.  À cet égard, a-t-elle dit, « tous les organes de la Cour sont engagés dans des réformes pour améliorer leur performance ». 

Depuis le précédent rapport, El Salvador a rejoint « la famille des États parties au CPI », s’est-elle réjouie, saluant également l’adhésion du Samoa à l’Accord sur les privilèges et immunités de la Cour, ce qui porte à 75 le nombre des parties à cet Accord.

Elle a enfin parlé des récentes déclarations d’États annonçant leur retrait du Statut de Rome, réaffirmant « l’importance pour les États et la communauté internationale de continuer à s’engager en faveur des enquêtes et de la poursuite des crimes les plus graves, de même qu’en faveur de la protection des victimes partout dans le monde ».

Rappelant que la CPI a été créée par « des pays de tous les continents » qui ont reconnu « le lien entre justice, paix et développement durable », tout en signifiant « leur engagement en faveur de la lutte contre l’impunité », elle a fait valoir que la Cour a, depuis, « accompli beaucoup pour s’attaquer aux crimes touchant l’ensemble de la communauté internationale ». La CPI a en outre donné une voix aux victimes, « qui ont la possibilité de participer aux procédures judiciaires et de demander réparation, a-t-elle insisté.

« La Cour fait son travail et a entrepris un nombre important de réformes pour augmenter la rapidité et la qualité des poursuites judiciaires », a conclu sa Présidente, assurant que ce travail « se poursuit ».  À ses yeux, il est « essentiel que le soutien à la Cour soit solide et que la participation des États au Statut de Rome demeure et s’élargisse ».     

Au nom de l’Union européenne (UE), M. JOÃO VALE DE ALMEIDA (Portugal) a réaffirmé le ferme soutien de sa délégation à la CPI, laquelle est, selon lui, « une institution essentielle pour aider les victimes à obtenir justice quand elles sont confrontées aux crimes les plus graves, ce qui n’est pas possible au niveau des États ».  Il a regretté, à cet égard, la décision prise par l’Afrique du Sud et le Burundi de se retirer du Statut de Rome, déclarant craindre que la Gambie fasse de même.

Nous nous joignons à M. Sidiki Kaba, Président de l’Assemblée des États Parties, pour inviter ces États à reconsidérer leur position, a-t-il dit solennellement.  Ce qui était un droit en 1998 est toujours un droit: le monde a besoin de la CPI et la CPI a besoin du soutien de tous les pays, a insisté le représentant, souhaitant que l’engagement de toutes les parties se poursuive d’une manière constructive, notamment en faisant en sorte que le Statut de Rome soit intégré dans les systèmes nationaux et que les États coopèrent davantage dans la lutte contre l’impunité.

Évoquant par ailleurs la « charge de travail croissante » de la Cour, il a souligné le fait que la CPI mène maintenant des examens préliminaires et des enquêtes de situation « dans la plupart des régions du monde, à savoir l’Amérique latine, l’Asie, l’Afrique et l’Europe ».  Dans ce contexte, a-t-il dit,  l’Union européenne juge « essentiel » de permettre un fonctionnement « efficace et effectif » de la Cour.  Parmi les défis que doit encore relever la CPI, il a cité la nécessité de rendre le Statut de Rome « vraiment universel » et le besoin impérieux d’une coopération entre les États et la Cour, en conformité avec les résolutions  pertinentes du Conseil de sécurité.  Avant de conclure, le délégué a encouragé le Conseil à s’assurer de la mise en œuvre des obligations contenues dans ses résolutions relatives à la situation au Darfour et en Libye, jugeant que « la non-coopération avec la CPI étouffe sa capacité à rendre justice ».          

Au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), Mme PENNELOPE ALTHEA BECKLES (Trinité-et-Tobago) a estimé que le succès de la CPI est intrinsèquement lié à l’universalité du Statut de Rome.  La CARICOM est convaincue qu’une meilleure coopération des États aiderait la Cour à remplir plus efficacement le mandat qui lui a été confié par les États parties.  Elle a, à cet égard, exhorté tous les États qui ne l’ont pas encore fait à prendre les mesures nécessaires pour ratifier et mettre en œuvre le Statut de Rome. 

La CARICOM est profondément préoccupée par l’incapacité des États à honorer leur obligation juridique de coopérer avec la CPI dans l’exécution des mandats d’arrêt.  Ceux qui refusent de coopérer avec la Cour contribuent à la culture de l’impunité qui non seulement sape l’état de droit mais est aussi un affront aux victimes des crimes les plus graves.

La CARICOM est également préoccupée par la charge de travail sans précédent de la Cour.  La représentante a réitéré son appel pour que la CPI soit dotée des ressources qu’il lui faut et a exhorté tous les États parties qui ne l’ont pas encore fait à payer leurs contributions, au nom de l’efficacité et de l’efficience de la Cour.  Elle a encouragé les États à faire des contributions volontaires au Fonds d’affectation spéciale pour les victimes et a rappelé que les dépenses associées aux affaires renvoyées à la Cour par le Conseil de sécurité devraient être assumées par le budget ordinaire de l’ONU. 

Au nom des pays nordiques, M. IB PETERSEN (Danemark) a noté l’augmentation régulière du volume de travail de la Cour, qui a réalisé sur la période considérée des examens préliminaires concernant 11 situations en Asie, en Afrique, au Moyen-Orient, en Europe et en Amérique latine.  Il a également noté que la Bureau du Procureur avait ouvert  une nouvelle enquête sur la situation en Géorgie après avoir reçu l’autorisation judiciaire de la Cour.  Au total, a-t-il rappelé, la Cour pénale internationale est actuellement saisie de 23 affaires et de 10 situations.  « Le nombre et la diversité géographique des cas traités est sans précédent dans l’histoire de la Cour », a constaté M. Petersen, tout en saluant la première condamnation pour violence sexuelle rendu par la Cour, dans le cadre de l’affaire Jean-Pierre Bemba Gombo.

Le représentant a souligné que la Cour est un instrument essentiel, non seulement pour le respect du droit international humanitaire et des droits de l’homme, mais aussi pour faire avancer la consolidation de la paix et la réconciliation après un conflit.  Dans ce cadre, il a insisté sur l’importance de la « coopération pleine et entière » des États, ajoutant que le nombre élevé de mandats d’arrêt toujours en cours est préoccupant.  « Au total, la Cour a émis 13 mandats d’arrêt individuels », a-t-il insisté, tout en mettant l’accent sur le fait que les États parties au Statut de Rome ont l’obligation de coopérer pleinement avec la Cour.  M. Petersen a par conséquent profondément regretté la décision que viennent de prendre certains États parties de se retirer du Statut de Rome. 

Les États ont pour responsabilité d’enquêter et de poursuivre les crimes, étant donné que la Cour pénale internationale est un tribunal de dernier recours », a-t-il rappelé.  Cependant, a-t-il poursuivi, les États affectés par des génocides, des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre peuvent avoir besoin dans certains cas d’un appui pour ouvrir des enquêtes et entamer des procédures pénales.  Il a appelé les États à s’entraider et à coopérer aux plans régional et national afin de renforcer leurs capacités respectives à rendre la justice.

M. Petersen a salué la mise en place de l’Initiative d’intervention rapide au service de la justice, qui aide les États à déployer rapidement du personnel spécialisé en justice pénale dans le cadre d’enquêtes internationales.  Tout en saluant la coopération actuelle entre la CPI et l’ONU, il a appelé à une meilleure coopération entre le Conseil de sécurité et la Cour, notamment pour un meilleur suivi des cas déférés à la CPI par les Quinze.  À ce titre, il a regretté que le Conseil n’ait pas été en mesure de déférer la situation en Syrie à la Cour et l’a appelé à poursuivre ses efforts pour y parvenir.

Le représentant a par ailleurs appelé la communauté internationale à redoubler d’efforts pour une adhésion universelle au Statut de Rome.  Il a également appelé tous les États, parties ou non, à ratifier l’Accord sur les privilèges et immunités.

M. Petersen a salué les travaux du Fonds au profit des victimes, qui a aidé plus de 300 000 victimes dans le nord de l’Ouganda et en République démocratique du Congo sur la période considérée.  Face à l’augmentation du volume de travail de la Cour, il a appelé les États à faire en sorte que la CPI ait les ressources nécessaires pour mettre efficacement en œuvre son mandat.

M. GILLIAN BIRD (Australie) a prévenu que la force de la Cour réside « complètement » dans l’engagement des États, à savoir leur coopération et leur appui.  Il a dit compter que les États honoreront leur obligation de coopérer avec la Cour, qu’il s’agisse d’une obligation découlant de leur statut d’État Partie ou des résolutions du Conseil de sécurité.  L’appui des Nations Unies est « crucial », a souligné le représentant, en particulier celui du Conseil de sécurité dans les affaires dont il saisit la Cour.   Ces renvois doivent être accompagnés d’une démonstration « claire » par le Conseil de son soutien politique pour optimiser la coopération avec la Cour et minimiser toute perception que cette dernière est soumise aux changements de la dynamique politique au sein de l’organe de l’ONU chargé du maintien de la paix et de la sécurité internationales.  Cela, a affirmé le représentant, correspond à la vision qu’a l’Australie d’un Conseil de sécurité assumant un véritable leadership dans la lutte contre l’impunité pour les crimes internationaux les plus graves. 

Le mandat de la Cour est « intrinsèquement politique », a estimé M. Bird, car son travail est de poursuivre « les plus responsables » qui sont souvent « parmi les plus puissants ».  Nous acceptons le fait qu’un tel mandat expose probablement la CPI à son lot de critiques.  Mais, nous n’écartons pas l’idée, au moment où ce débat a lieu, que la Cour a de plus en plus de défis à relever.  Nous ne voulons pas non plus ignorer la nécessité de travailler avec les États qui ont fait part de leurs préoccupations.  Le représentant a donc demandé aux États qui ont fait connaître leur intention de se retirer du Statut de Rome de reconsidérer leur décision.  Comme elle l’a toujours dit, l’Australie est prête à travailler avec tous les États parties pour faire en sorte que la Cour soit l’institution la plus forte possible et capable d’exécuter son mandat « vital ».

M. JÜRG LAUBER (Suisse) a déclaré que la Cour est la « clef de voûte de la lutte contre l’impunité ».  La responsabilité première de cette lutte incombe toutefois aux États, a-t-il ajouté, rappelant que la Cour intervient lorsque les autorités nationales sont dans l’incapacité ou n’ont pas la volonté de traduire les coupables en justice.  « Elle ne travaille ni en faveur de certains pays ou régions, ni à leur détriment », a affirmé M. Lauber.

Chaque État a le droit souverain d’adhérer au Statut de Rome, a rappelé le représentant.  Mais la décision prise par l’Afrique du Sud, le Burundi et la Gambie de se retirer du Statut de Rome constitue selon lui un « signal troublant ».  « La multiplication des atrocités commises à travers le monde devrait tous nous inciter à intensifier encore la lutte contre l’impunité plutôt qu’à réduire notre engagement », a-t-il déclaré.

La plupart des critiques adressées à la Cour n’ont rien à voir avec des défauts de l’institution, a poursuivi le représentant.  Au contraire, a-t-il estimé, la Cour est rejetée parce qu’elle s’acquitte avec succès de son mandat.  Elle peut prévenir non seulement des crimes mais aussi des guerres, a par ailleurs rappelé M. Lauber, ajoutant que l’amendement au Statut de Rome sur le crime d’agression a été ratifié par plus de 30 États Parties et que l’Assemblée des États Parties pourra activer la compétence de la Cour concernant ce crime dès l’an prochain.

« La politique n’a rien à faire dans une cour de justice », a par ailleurs déclaré le représentant, appelant les États à respecter l’indépendance de la Cour et à rappeler sans relâche que même les plus hautes autorités d’un pays peuvent être poursuivies.  Il a par ailleurs déploré l’inaction du Conseil de sécurité face à « l’impunité totale » en Syrie, qui s’est traduite par l’échec du déferrement de la situation syrienne à la CPI.  Le droit de veto ne devrait jamais être exercé dans les cas de crimes internationaux, a-t-il estimé.  Il s’est enfin félicité de la coopération entre la Cour et l’ONU, à plusieurs niveaux.

M. TOMOHIRO MIKANAGI (Japon) a dit qu’il était vital pour la CPI de pouvoir compter sur la coopération de tous les États Parties.  Il s’agit là d’un des plus importants défis auxquels fait face la Cour.  Cette année, le Japon, l’Australie, le Pérou, le Sénégal et la Tchéquie, en coopération étroite avec les parties intéressées, ont préparé une « boîte à outils » pour aider les États Parties avec des mesures qu’ils pourraient prendre quand ils craignent des actes de non-coopération avec la Cour.  Le représentant a espéré que cette « boîte à outils » permettra de prévenir les problèmes de non-coopération.  La coopération, a-t-il poursuivi, est aussi « cruciale » lorsque le Conseil de sécurité renvoie des situations à la Cour.  La CPI peut en effet travailler plus efficacement lorsque le Conseil assure le suivi de ces situations et comme il n’y a pas de « réponse catégorique » à cette question, le Japon est heureux de poursuivre le dialogue.  Grand défenseur de l’universalité du Statut de Rome, le Japon, a conclu son représentant, est inquiet de la décision de certains pays africains de se retirer de la CPI.  La Cour et ses États Parties doivent écouter les préoccupations de l’opinion publique et faire des efforts pour renforcer l’universalité du Statut, a conclu le représentant.

Mme BIDEN OWENS (États-Unis) a noté que l’année écoulée s’est caractérisée par des succès, mais aussi des revers pour la Cour pénale internationale.  La représentante a notamment salué la première condamnation pour violence sexuelle de Jean-Pierre Bemba Gombo, reconnu coupable de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre.  Concernant la situation au Mali, elle a salué la condamnation d’Ahmad Al Faqi Al Mahdi et également salué l’ouverture prochaine du procès de Dominic Ongwen dans la situation en Ouganda.  Mme Owens a rappelé que, dans ces trois situations, la Cour a agi à la demande d’un gouvernement national qui n’était pas en mesure d’enquêter sur ces crimes.

La représentante a par ailleurs noté les mesures positives prises par certains pays pour renforcer la justice pénale au niveau national avec le soutien de la communauté internationale, y compris la procédure dont fait l’objet Hissène Habré au Sénégal pour des crimes commis au Tchad durant son mandat.  Elle a également salué la « chambre spéciale » créée par le Gouvernement du Kosovo pour examiner les allégations de crimes graves commis entre 1998 et 2000.

La représentante s’est cependant dite alarmée par le nombre de victimes d’atrocités de masse dans le monde, dont l’appel à la justice reste vain.  Elle a ainsi appelé à redoubler d’efforts pour traduire les responsables en justice.  Toutefois, la représentante a estimé que la Cour pénale internationale ne peut pas, étant donné ses ressources limitées, se saisir de toutes les affaires criminelles du monde.  Elle a ainsi appelé la Cour à se focaliser sur les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et les crimes de génocide.

Dans ce cadre, Mme Owens s’est dite préoccupée par l’inclusion d’un amendement du Statut de Rome sur les crimes d’agression.  Elle a voulu une clarification des éléments constitutifs de ces crimes et les États qui seraient potentiellement concernés.  Activer cet amendement sans apporter ces précisions, a-t-elle dit, pourrait exacerber la réticence de certains États à reconnaître l’autorité de la Cour et entraîner une politisation de ses activités.

M. GERARD VAN BOHEMEN (Nouvelle-Zélande) a rappelé que son pays n’a jamais cessé de souligner que la CPI et les États parties doivent être plus ouverts à un dialogue et à un engagement constructifs avec les États Membres, l’ONU et les organisations régionales, y compris l’Union africaine.  Nous encourageons depuis longtemps, a-t-il poursuivi, un meilleur engagement avec l’Union africaine et les États africains sur des questions qui, de toute évidence, sont de vraies préoccupations pour eux et qui, selon la Nouvelle-Zélande, méritent un examen soigneux.  Le représentant a tenu à exprimer sa déception face à la décision du Burundi, de l’Afrique du Sud et de la Gambie de se retirer du Statut de Rome.  Nous espérons qu’avant l’entrée en vigueur de ces décisions, nous pourrons encore rechercher une solution par le biais du dialogue et ouvrir la voie à un retour au sein de la CPI.  Ces questions, a avoué le représentant, sont « intrinsèquement difficiles » mais l’engagement de tous à écouter avec attention les points de vue des uns et des autres est une condition sine qua non pour avancer.

Il ne faut pas pour autant paniquer, a rassuré le représentant.  On s’est toujours attendu à des « problèmes de croissance » de la Cour dont la nécessité a été pendant plus de 50 ans, et en particulier à un moment où le monde vivait les tensions politiques les plus graves depuis la fin de la guerre froide.  Nous devons nous attaquer aux défis sérieusement et reconnaître les réalités politiques dans lesquelles travaille la Cour.  Fruit d’un processus diplomatique, la Cour aura besoin d’un autre processus diplomatique pour relever ses défis.  Le tout est de le faire de façon à préserver son intégrité « essentielle » et l’appui qu’on lui accorde et qui est essentiel à sa croissance et à sa viabilité dans le cadre de la justice pénale internationale, a souligné le représentant.  Cela exige aussi des États Parties au Statut de Rome plus d’engagement à répondre aux préoccupations sous-jacentes.  La Nouvelle-Zélande est prête à travailler avec tous les États parties à la création des conditions nécessaires à un dialogue « ouvert, honnête, respectueux et axé sur l’objectif commun de mettre fin à l’impunité ». 

En tant que membre non permanent du Conseil de sécurité, le représentant a ajouté que quand le Conseil revoie une situation à la CPI, il devrait le faire dans un « engagement clair » à assurer le suivi de sa décision.  Il ne s’agit pas seulement de l’appui et des ressources mais du respect de la nature contraignante des résolutions placées sous le Chapitre VII de la Charte.  Le Conseil doit aussi éviter de se servir des saisines de la CPI comme d’un instrument politique en plein milieu d’un conflit car cela ne fait que politiser la Cour en risquant de prolonger tant le conflit que l’impunité. 

M. STEFAN RACOVITA (Roumanie) s’est lui aussi déclaré « profondément préoccupé » par les décisions ou les intentions de retrait du Statut de Rome exprimées par plusieurs États parties.  Tout en reconnaissant que le retrait d’un traité international est un « acte souverain », il a invité ces États à « réexaminer leur position » et à continuer à travailler ensemble à la réalisation du but de la CPI, à savoir la lutte contre l’impunité, laquelle est « vitale » pour rendre possibles la réconciliation et une paix durable.

Pour le délégué, renoncer au système du Statut de Rome « ne peut qu’envoyer un mauvais message à la société civile et aux victimes en particulier, celui que la responsabilité est d’une moindre importance ».  Il ne peut en être question, alors qu’un nombre significatif de situations sur lesquelles la CPI enquête ont été soumises par les autorités nationales, « ce qui illustre la confiance dont bénéficie cette institution », a-t-il souligné.

Au-delà de son objectif d’universalité, la CPI fait face au défi de la coopération des États.  Or, a-t-il déploré, la non-coopération concernant l’exécution des mandats d’arrêt « met à mal la capacité de la Cour à rendre la justice et affecte la crédibilité de l’acte judiciaire » au niveau international.  De fait, a insisté le représentant, chaque État devrait en être conscient et se mettre en conformité avec les obligations découlant du Statut de Rome et/ou des résolutions du Conseil de sécurité.

M. SEBASTIANO CARDI (Italie) a exprimé sa préoccupation et ses regrets face à l’annonce récente, par certains pays, de leur retrait du Statut de Rome.  En tant que seul tribunal pénal international permanent, la Cour représente « la pierre angulaire de la lutte contre l’impunité », a-t-il déclaré.  En tant que Vice-Présidente de l’Assemblée des États Parties au Traité de Rome, l’Italie estime que toute question liée à la mise en œuvre du Statut doit être réglée au sein de cette Assemblée.  « Nous avons été, nous sommes et nous resterons ouverts au dialogue », a-t-il déclaré.

Enfin, le représentant a appelé les États à accorder la priorité aux victimes des crimes internationaux.  « Ensemble, nous pouvons faire avancer la lutte contre l’impunité, par exemple pour les crimes commis par Daech, notamment en soutenant les efforts déployés pour traduire en justice les auteurs des crimes contre les femmes et les enfants, d’atrocités commises contre les membres de groupes protégés et de crimes contre le patrimoine culturel », a-t-il dit.

M. CRISTIÁN BARROS MELET (Chili) a rappelé le soutien ferme et actif de son pays à la CPI « depuis le début du processus qui a conduit à l’adoption du Statut de Rome ».  À ce titre, a-t-il dit, le Chili a déposé, le 23 septembre, l’instrument de ratification des amendements de Kampala sur les crimes d’agression, devenant le vingt-troisième État à l’avoir fait.  Toutefois, a-t-il poursuivi, beaucoup reste à faire, notamment pour l’activation de la compétence de la Cour concernant ces crimes.  Réaffirmant d’autre part l’importance de donner à la CPI « les moyens humains et matériels dont elle a besoin pour l’accomplissement de ses mandats », il a souhaité que, lorsque le Conseil de sécurité fait état d’une situation à la Cour, l’Assemblée générale fasse le nécessaire pour que la Cour dispose des ressources financières pour traiter ces recommandations.

Le représentant a également jugé souhaitable que le Conseil de sécurité effectue un suivi des situations dont il saisit la Cour et qu’il accorde une attention particulière aux situations créées par le manque de coopération de certains États.  « La Cour pénale internationale ne pourra faire progresser sa tâche cruciale de lutte contre l’impunité sans une coopération appropriée, afin que les auteurs des crimes entrant dans sa compétence soient tenus pour responsables de leurs actes », a-t-il pointé, appelant tous les États Membres à coopérer pleinement avec la CPI.

M. MICHAEL GRANT (Canada) a exprimé la préoccupation de sa délégation face à la décision récente de la Gambie, du Burundi et de l’Afrique du Sud de se retirer de la CPI.  « Toutes les victimes, y compris les victimes africaines, ont droit à la justice », a-t-il fait valoir, notant que la contribution continue des États africains, en appui de la Cour, est « indispensable pour que la justice soit rendue ».  Rappelant que les États africains ont joué un rôle clef, « à la fois dans l’établissement et le développement de la Cour », il a estimé que leur soutien revêt aujourd’hui « plus d’importance que jamais dans la lutte contre l’impunité ».  De fait, a-t-il lancé, « nous exhortons l’Afrique du Sud et le Burundi à réexaminer leur décision ».

Pour le Canada, a-t-il insisté, l’Assemblée des États Parties au Statut de Rome est « la tribune la plus appropriée pour exprimer les préoccupations relatives à la mise en œuvre du Statut ».  Le délégué a espéré, à cet égard, que les États Parties profiteront de la quinzième Assemblée qui se tiendra à La Haye pour établir un dialogue « constructif ».

M. KAHA IMNADZE (Géorgie) a regretté la décision de certains États de quitter la CPI.  Il a encouragé les États qui ne sont pas encore parties au Statut de Rome d’y adhérer pour renforcer l’efficacité et la crédibilité de la Cour et soutenir la justice pénale internationale.  Après avoir souligné quelques aspects clefs de la coopération entre son pays et la CPI, le représentant a dit qu’en dépit des efforts de son gouvernement, son aptitude à s’acquitter des mesures d’enquête supplémentaires en Abkhazie et Tskhinvali a été entravée par une occupation étrangère illégale. 

Dans ces circonstances, la demande de la Procureure Bensouda et les décisions ultérieures de la Chambre préliminaire I du 27 janvier 2016 d’autoriser une enquête proprio motu sur tous les crimes commis pendant le conflit armé international de 2008 entre la Fédération de Russie et la Géorgie en vertu du Statut de Rome, sont une étape importante pour reconnaître les souffrances des victimes et faire avancer la lutte contre l’impunité pour les crimes commis entre le 1er juillet et le 10 octobre 2008.  La Géorgie a confirmé le caractère juridiquement fondé et conforme au droit international de la décision de la Chambre préliminaire I.  Le représentant a estimé, en paraphrasant la Procureure, que « l’enquête conduira à établir la vérité et rendre justice aux victimes qui ont souffert terriblement pendant le conflit ». 

M. MICHAL WECKOWICZ (Pologne) a souligné l’importance que revêt, aux yeux de sa délégation, la participation des États africains au débat sur le système de justice international.  À cet égard, a-t-il dit, le fait que ces pays aient le groupe régional le plus important en termes de nombre de membres parmi les États Parties au Statut de Rome atteste de leur engagement.  C’est pourquoi, a ajouté le délégué, la Pologne regrette la décision de plusieurs de ces pays de quitter le Statut de Rome. « Nous espérons qu’ils réexamineront leur position », a-t-il dit.

L’amélioration constance de l’efficacité de la Cour est vitale dans le combat qu’elle mène contre l’impunité, s’agissant des crimes les plus graves répertoriés par le droit international, a encore plaidé le représentant, exhortant les États Membres à coopérer avec la CPI.  L’enjeu, a-t-il souligné, n’est autre que de « mettre fin aux graves crimes qui menacent la paix, la sécurité et le bien-être du monde », ce qui correspond aux principales préoccupations du Conseil de sécurité et des Nations Unies dans leur ensemble.

M. OMER DAHAB FADL MOHAMED (Soudan) a déclaré que la lutte contre l’impunité est un but noble qui ne peut donner lieu à aucune controverse.  Or, force est de constater les tentatives visant à « politiser la justice internationale » et à en faire une plateforme pour faire valoir des « intérêts étroits », en violation du droit international, a tranché le représentant.  Pour lui, les pratiques de la Cour illustrent sa « transformation en un outil de politique internationale ».  La Cour ne se focalise que sur l’Afrique, s’est expliqué le représentant.  « Elle est devenue la Cour des grands contre les petits ».  Pourquoi, s’est-il demandé, la CPI ferme les yeux sur les autres crimes commis dans le monde?  « Où sont les principes de neutralité, d’indépendance et d’intégrité? » a-t-il déploré, avant d’ajouter: « La Cour se focalise sur une seule chose: l’Afrique et les Africains ».

Le représentant s’est interrogé sur la nature actuelle des liens entre le Conseil de sécurité et la Cour.  « Le Conseil défère certains criminels devant la Cour alors qu’il en épargne d’autres », ce qui démontre bien « l’interférence entre justice et intérêts politiques ».  Tout cela, a-t-il dit, remet en cause l’indépendance de la Cour, une ambiguïté qui a même conduit, selon lui, un État européen à considérer que la compétence de la CPI ne s’applique pas à son pays. 

Les États Parties qui financent la Cour, « outil de politique étrangère », utilisent leur position pour l’influencer et rogner sur son indépendance.  « La Cour pénale internationale ne fait que récolter ce qu’elle a semé », a tranché le représentant, insistant sur le fait que la justice est un objectif noble qui ne doit pas être « soumis aux calculs politiques ».

Constatant que la Cour n’a rendu un jugement définitif que dans trois affaires en 14 ans, le représentant a douté de son efficacité, non sans rappeler que des millions de dollars ont été dépensés dans ces affaires et soit dit en passant « exclusivement africaines ».  Le représentant a aussi dénoncé l’ingérence de la Cour au Secrétariat de l’ONU, dans la mesure où elle tente de lui dicter le contenu de ses rapports.  Le Soudan ne coopèrera pas avec le Cour car il n’est pas partie au Statut de Rome, a réaffirmé le représentant.

M. JUAN JOSÉ RUDA SANTOLARIA (Pérou) a déclaré que si la CPI peut améliorer son efficacité, il est tout aussi nécessaire de progresser sur la réforme du Conseil de sécurité, en ce qui concerne en particulier le non-recours au droit de veto pour les situations où sont commises des atrocités de masse.  Il a aussi estimé que le Conseil devrait répondre de manière plus satisfaisante aux demandes d’appui de la CPI pour les affaires qu’il lui renvoie.  Le représentant a plaidé à son tour pour l’universalité du Statut de Rome.

Avec la CPI, a estimé Mme ANET PINO RIVERO (Cuba), on est loin d’une institution indépendante de justice internationale.  La tendance du Conseil de sécurité à renvoyer des affaires à la CPI en est la preuve, a-t-elle dit.  Se déclarant en faveur de la création d’une instance « impartiale et à l’abri de toute subordination politique », la représentante a dénoncé les crimes impunis commis par des membres du Conseil de sécurité, non parties au Statut de Rome.  Elle a vu une politique de « deux poids, deux mesures » et appelé la CPI à respecter le choix des États qui n’ont pas voulu ratifier le Statut.  Ce Statut que Cuba n’a pas signé, n’a pas été créé pour remplacer les tribunaux nationaux, a rappelé la représentante. 

Tout en réaffirmant le soutien de son pays à la lutte contre l’impunité, laquelle constitue une priorité de la CPI, Mme LOURDES ORTIZ YPARRAGUIRRE (Philippines) a rappelé que le fait de tenir des personnes pour responsables de crimes contre le droit international était un legs du procès de Nuremberg, après la Seconde Guerre mondiale.  Saluant le processus ayant conduit à l’adoption du Statut de Rome en 1998, elle a souhaité rendre hommage à ceux qui, aujourd’hui, contribuent à ce travail collectif de justice.  

La représentante a par ailleurs estimé que les cinq membres permanents du Conseil de sécurité devraient faire preuve de retenue dans l’exercice du droit de veto pour des situations où sont commises des atrocités de masse relevant de la compétence de la CPI.  Pour cette raison, a-t-elle rappelé, les Philippines ont soutenu le Code de conduite relatif à l’action du Conseil de sécurité contre le génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, élaboré dans le cadre du Groupe ACT (Groupe Responsabilité, cohérence et transparence).  Les Philippines souhaitent aussi que le Conseil de sécurité prenne des mesures de suivi pour les situations qu’il a renvoyées à la Cour, et ce, afin de « renforcer la crédibilité des deux institutions ».

M. CHRISTIAN WENAWESER (Liechtenstein) a profondément regretté la décision de l’Afrique du Sud et du Burundi de quitter la Cour pénale internationale, ajoutant que l’Afrique du Sud avait joué un rôle décisif dans l’élaboration du Statut de Rome.  Sans sa contribution, la Cour n’aurait pas existé.  L’Afrique du Sud, qui a été élue au Conseil des droits de l’homme la semaine dernière, a été pendant deux décennies le symbole des droits de l’homme et de la justice du continent africain.  Le représentant a donc espéré que le Gouvernement sud-africain reviendrait sur sa décision de se retirer du Statut de Rome.

Il a estimé que la décision de l’Afrique du Sud et du Burundi vient à « un moment étrange », un moment où la Cour a réalisé des progrès importants dans son travail judiciaire et où on attend d’elle qu’elle rende la justice dans tous les coins de la planète.  « Dans notre quête d’universalité, tout pays qui se retire de la Cour est évidemment un pas en arrière et une évolution malheureuse», a regretté le représentant.

Ce que le Statut de Rome a accompli est « unique » et c’est le moment de le défendre, a estimé M. Wenaweser.  Une Cour qui a le mandat de poursuivre les crimes les plus graves et de le faire en établissant la responsabilité de ceux qui ont justement la plus grande de responsabilité est en quelque sorte condamnée à subir des pressions politiques.  C’est la raison pour laquelle les deux tiers des États Membres des Nations Unies qui ont adhéré à la Cour sont priés de se lever pour elle. 

Ceci ne veut pas dire que tout est parfait, a reconnu le représentant.  Il faut faire de la Cour une meilleure institution.  Nous sommes prêts à en discuter, a-t-il assuré, en sachant que l’intégrité du Statut de Rome et de ses principales dispositions sont le contexte dans lequel doivent se tenir les discussions.  L’universalité du Statut demeure l’objectif clef et il faut rendre la vie dure aux pays qui restent en dehors du système en leur demandant de justifier leur choix.  Sans l’universalité, a insisté le représentant, la faculté de la Cour de rendre justice aux victimes ne dépendra que de la volonté politique du Conseil de sécurité, avec les conséquences que l’on sait comme en témoigne la situation en Syrie dont le renvoi à la CPI s’est heurté à un veto en 2014 et depuis « rien », a rappelé le représentant.

Il a voulu conclure sur une note positive et s’est réjoui que l’amendement de Kampala sur les crimes d’agression puisse entrer en vigueur en 2017.  Une telle décision ferait qu’un tribunal pourrait se saisir des formes les plus graves du recours illégal à la force pour la première fois depuis les procès de Nuremberg dont c’est le soixante-dixième anniversaire.  La CPI pourrait ainsi faire respecter une disposition clef de la Charte, celle sur le recours illégal à la force, a insisté le représentant. 

M. NICHOLAS EMILIOU (Chypre) a salué le jugement rendu par la CPI dans l’affaire Ahmad Al Faqi Al Mahdi, qui a été condamné le 27 septembre 2016 pour crime de guerre lié à la destruction de monuments historiques et de bâtiments consacrés à la religion à Tombouctou, au Mali.  Cette première condamnation pour un crime lié à la destruction de patrimoine culturel, a estimé le représentant, reflète la détermination de la communauté internationale à tenir pour responsables les auteurs de tels crimes.

Aux yeux du représentant, cette affaire illustre aussi l’importance de la coopération des États, Parties ou non au Statut de Rome, avec la Cour pour garantir son bon fonctionnement.  Il a également salué le renforcement de la coopération entre l’ONU et la CPI sur la période considérée.  « Bien que la Cour ait un mandat global, elle ne bénéficie pas d’une ratification universelle », a toutefois constaté le représentant, appelant tous les États à ratifier le Statut de Rome. 

La Cour fait face à l’heure actuelle à la plus grande crise de son histoire, a poursuivi le représentant, regrettant l’annonce par l’Afrique du Sud et le Burundi de leur retrait du Statut de Rome.  Bien que le retrait du Statut soit un acte souverain, nous exhortons ces deux États à revenir sur leur décision et à exprimer leurs préoccupations devant l’Assemblée des États Parties, conformément au Statut, a-t-il dit.  Le représentant a en effet estimé que le retrait de la Cour contribue à étendre le territoire dans lequel la justice ne peut régner. 

Le délégué chypriote a par ailleurs salué la ratification par 32 États Parties des amendements de Kampala.  En conséquence, les États seront en mesure, dès le 1er janvier 2017, d’activer la juridiction de la Cour concernant les crimes d’agression, ce qui « renforcera la cohérence du Statut de Rome, tel qu’il a été conçu en 1998 ».  Le représentant a appelé davantage d’États à ratifier ces amendements afin d’ouvrir la voie à une « activation encore plus impressionnante » l’an prochain.

M. ABDOULAYE BARRO (Sénégal) a assuré que son pays, le premier à avoir ratifié le Statut de Rome, « demeure convaincu qu’un monde de paix et de stabilité a pour corollaire la justice pour tous ».  En conséquence, a-t-il dit, le Sénégal « réitère son engagement à travailler avec toutes les parties à cette fin ».

Invitant tous les États à apporter l’assistance et la coopération nécessaires à la Cour afin qu’elle puisse continuer d’accomplir son mandat « de manière optimale », le représentant a souligné l’importance du « raffermissement » de la relation entre l’Afrique et la Cour pénale internationale, comme l’avait fait, lors de son élection en décembre 2014, son compatriote M. Sidiki Kaba, Président de l’Assemblée des États Parties au Statut de Rome.  « Cet appel est aujourd’hui encore plus pertinent au moment où des États Parties africains ont annoncé leur décision de se retirer du Statut de Rome », a-t-il observé.

Pour le représentant, l’Afrique est un des piliers de la CPI dans la mesure où elle « porte le combat pour la fin de l’impunité pour les crimes atroces et l’a réaffirmé dans la Charte fondamentale de l’Union africaine ».  De plus, a-t-il dit, la Cour reste aujourd’hui « le seul recours pour les victimes de crimes graves commis par les plus hauts dirigeants lorsque ce droit à la justice ne s’exerce pas in situ ». Jugeant que le soutien de la communauté internationale est essentiel à l’efficacité du travail de la Cour, il a espéré « voir tous les États Parties rester des membres actifs du Statut, et que d’autres la rejoignent ».   

M. TIWATOPE ADE ELIAS-FATILE (Nigéria) a salué l’amélioration de la coopération entre la CPI et les principaux organes des Nations Unies, en particulier l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité, y compris les missions de maintien de la paix.  Le représentant a aussi salué l’échange d’informations entre le Procureur général de Libye et la Procureure de la CPI.  Il a encouragé les deux parties à renforcer leur coopération et à travailler pour mettre fin à l’impunité en Libye.  Il a indiqué qu’en réponse à une demande d’information de la Procureure sur les actions entreprises par le Gouvernement nigérian contre Boko Haram, le Procureur général et le Ministère de la justice ont assuré de l’engagement du Nigéria à soutenir et à coopérer avec la Cour.  L’impunité doit être combattue résolument partout où elle a lieu dans le monde, a dit le représentant, avant de réaffirmer l’appartenance de son pays à l’Assemblée des États Parties.  Le Nigéria se prépare à poursuivre son travail de concert avec les États Membres pour faire face aux inquiétudes qui ont été exprimées par certains.

M. CARLOS SERGIO SOBRAL DUARTE (Brésil) a souligné l’importance des résultats de la Conférence d’examen de Kampala de 2010 et a estimé que l’activation de l’amendement concernant les crimes d’agression, en 2017, représentera une contribution majeure au système pénal international.  Cela, a-t-il dit, donnera un moyen supplémentaire contre le recours illégal à la force et renforcera un ordre mondial stable, juste et démocratique.  S’agissant de la charge de travail de la Cour, le représentant a rappelé la préoccupation de sa délégation concernant le financement des renvois du Conseil de sécurité, « une question de nature structurelle » au cœur des relations entre la Cour et l’ONU, en particulier l’Assemblée générale. 

Le représentant a invoqué l’article 13 de l’Accord sur ces relations et l’article 115 b du Statut de Rome qui donnent des directives dans le sens où les coûts doivent être pris en charge, du moins en partie, par les fonds des Nations Unies et non exclusivement par les fonds des États Parties au Statut de Rome.  Le représentant a aussi tenu à souligner, comme le fait d’ailleurs l’Article 17 de la Charte des Nations Unies, la responsabilité exclusive de l’Assemblée générale d’examiner et d’approuver le budget de l’Organisation.  Le bon financement des renvois ne pourrait que renforcer la crédibilité de la Cour et de l’ONU.  La situation actuelle n’est ni équitable ni viable, a tranché le représentant.  La recherche de la paix et de la justice est toujours difficile, a-t-il conclu.  Bien que conscients de la différence de perception du travail de la Cour, ne tombons pas pour autant dans le piège des fausses dichotomies qui semblent opposer la paix à la justice, et la souveraineté à la responsabilité.  Concentrons-nous plutôt sur les valeurs partagées qui unissent l’Assemblée et qui ont fait qu’une Cour pénale internationale fondée sur un traité soit aujourd’hui une réalité.

Mme GEORGINA GUILLÉN-GRILLO (Costa-Rica) a estimé que la CPI constituait « sans aucun doute le résultat le plus tangible de la justice internationale », avec pour but de mettre fin à l’impunité et d’assurer la justice aux victimes.  Tout en se félicitant que la « république sœur d’El Salvador » soit devenue, le 3 mars dernier, le cent-vingt-quatrième État partie au Statut de Rome, la représentante a regretté le rejet de ce traité fondateur de la CPI par « certains États Parties », se disant « convaincue que ces décisions sont très négatives pour les victimes ».

Concernant les victimes, elle s’est félicitée que le Fonds d’affectation spéciale et ses branches locales continuent d’apporter de l’aide à plus de 300 000 personnes en Ouganda et en République démocratique du Congo.  Elle a également rappelé qu’en tant que « cour de recours ultime », la CPI « n’a pas été créée pour se substituer aux tribunaux nationaux ».  Son caractère complémentaire est, de fait, une pièce essentielle du système de justice internationale, a-t-elle souligné, appelant les États Parties à respecter les responsabilités qui découlent du Statut de Rome et les décisions de la Cour, faute de quoi ils favoriseraient « un processus ouvrant la voie à l’impunité ».

De l’avis de la déléguée, la lutte contre l’impunité est entravée chaque fois que les États Parties ne mettent pas en œuvre certains ordres ou disent que cette Cour est impartiale « parce qu’une large partie des situations traitées par elle se trouve dans une même région ».  C’est en effet ignorer que les situations au Mali, en Ouganda, en RDC et les deux situations en République centrafricaine ont été renvoyées devant la Cour par ces pays.  Les situations en Libye et au Soudan ont, elles, été renvoyées par le Conseil de sécurité, alors que seules 2 des 10 situations, celles relatives au Kenya et à la Géorgie, ont été initiées par le Procureur de la Cour, a-t-elle fait valoir.

M. ANGREJ LOGAR (Slovénie) a regretté les décisions du Burundi et de l’Afrique du Sud de se retirer du Statut de Rome.  Le représentant a également noté avec préoccupation que la Gambie a annoncé son intention de faire de même.  La création de la CPI a été une des réalisations historiques pour le droit international et la conscience humaine.  La CPI est la première cour pénale internationale permanente qui offre de l’espoir aux victimes d’atrocités qui autrement ne sauraient se faire entendre.  Le représentant a espéré que les décisions de retrait seront réexaminées.  Il s’est ensuite focalisé sur trois domaines clefs: l’universalité, le principe de complémentarité et la coopération internationale.  Pour faire face à ces défis, il faut des efforts concertés et un dialogue constructif entre la Cour, les États, les organisations régionales et internationales et la société civile.  La Slovénie continuera de travailler pour le renforcement de la Cour, conformément aux principes fondamentaux du Statut de Rome. 

M. MASUD BIN MOMEN (Bangladesh) a espéré que l’engagement de la communauté internationale à lutter contre l’impunité et à établir les responsabilités pour les atrocités de masse ne disparaîtrait pas dans la toile de fond des derniers développements.  Il a exhorté tous les pays à faire preuve de retenue dans leurs actions et discours et à éviter de politiser à outrance la cause de la justice pénale internationale, personnifiée par la CPI.  Il a souligné la nécessité d’un dialogue informé et constant entre les États Parties et non parties pour préserver le caractère sacré, l’intégrité et la crédibilité de la Cour au-delà et par-delà les considérations politiques. 

Le représentant a jugé malheureux qu’alors que 21% des États Parties à la CPI sont dans la catégorie des pays les moins avancés (PMA) et que la plupart d’entre eux sont en conflit ou en situation postconflit, leur part dans les stages et les programmes de visite professionnelle de la CPI soit minimale.  Cette tendance n’augure rien de bon pour la promotion de la justice transnationale dans les situations postconflit et le renforcement des capacités nationales dans la lutte contre l’impunité dans les pays où les ressources sont limitées.  Le représentant a donc demandé des arrangements budgétaires appropriés.  Le Bangladesh entend soulever cette question dans les prochaines discussions, dont celles sur les arrangements budgétaires.  Le représentant a aussi voulu que l’on évite les mesures injustifiées qui risquent de souiller les procédures juridiques et judiciaires de la Cour avec des pressions politiques indues et autres considérations exogènes.

M. TUVAKO NATHANIEL MANONGI (République-Unie de Tanzanie) a rappelé que la Cour pénale internationale était née « avec l’appui le plus large de l’Afrique » à la suite de la frustration et de l’indignation engendrées par le génocide au Rwanda.  Les tragédies humanitaires ont causé tant de souffrances à ce continent que la création de la Cour est devenue une « source d’inspiration dans la lutte contre l’impunité et l’injustice ».  Toutefois, a-t-il ajouté, la Tanzanie observe que la Cour a eu une relation tumultueuse avec l’Afrique, à tel point que l’on peut craindre aujourd’hui « un exode africain ».  « Ce ne devrait pas être le cas », a-t-il commenté, appelant les parties au dialogue. 

Se disant préoccupé que certains États africains en soient arrivés à être les critiques les plus sévères de la Cour, faisant miroiter la possibilité d’une politique de non-respect de la Cour et de non-coopération avec elle, il a appelé à des mesures de rétablissement de la confiance pour que la Cour pénale internationale demeure crédible.  « Les leçons de morale des États étrangers au continent africain ne servent à rien », a prévenu le représentant.  Au contraire, « nous devons poursuivre des efforts délibérés pour nous parler, garder à l’esprit que ce qui nous a permis d’établir la Cour n’est pas nécessairement ce qui lui permettra de grandir et de remplir son mandat ».  Le représentant s’est enfin déclaré préoccupé par le fait que certains membres permanents du Conseil de sécurité usent de leur siège pour saisir la Cour « alors qu’eux-mêmes ne sont pas parties au Statut de Rome ».  La nature politique du Conseil peut également « saper la légitimité du processus », a-t-il mis en garde.

M. JUAN SANDOVAL MENDIOLEA (Mexique) a dit que face aux défis auxquels fait face la CPI, la coopération des États est le principal outil de la Cour.  Le manque de coopération comme la non-exécution des mandats d’arrêt émis par la Cour permet d’échapper à la justice, a indiqué le représentant pour qui les actions du Conseil de sécurité sont également essentielles pour le travail de la Cour.  Pour le délégué, il existe trois dimensions de coopération avec la CPI: le respect des décisions du Conseil de sécurité, le suivi des situations renvoyées à la Cour par le Conseil et le refus de l’impunité.  Le Conseil de sécurité a aussi la responsabilité d’éviter la politisation de la Cour.  Le représentant a rappelé qu’avec la France, le Mexique a présenté une initiative contre le recours au droit de veto dans les situations où sont commis des crimes graves.  Cette initiative est soutenue par plus de la moitié des États Membres, a-t-il souligné.  Concernant la décision de trois États africains de se retirer du Statut de Rome, il a jugé important de réorienter le débat sur l’universalité du Statut dont l’objectif est de renforcer le système de justice internationale et de mettre un terme à l’impunité, a indiqué le représentant.

M. LI YONGSHENG (Chine) a dit comprendre la décision des trois pays africains de se retirer de la CPI.  Ces décisions doivent nous amener à la réflexion, a-t-il dit, et a souligné que la Cour est là pour compléter la justice nationale et pas pour la remplacer.  S’agissant de l’amendement de Kampala ratifié ou accepté par 37 États, le représentant a vu là une question qui a une incidence sur la paix et la sécurité internationales.  Il appartient au Conseil de sécurité, en a-t-il conclu, de définir le crime d’agression.  La Cour, a-t-il aussi insisté, ne peut en l’occurrence exercer sa compétence que sur les États qui ont accepté l’amendement.  La CPI doit en effet respecter à la lettre la Charte des Nations Unies s’agissant de la promotion de la paix, de la sécurité et de la stabilité internationales.

M. KAREL J. G. VAN OOSTEROM (Pays-Bas) a réaffirmé l’engagement profond de son pays dans la lutte contre l’impunité des crimes de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre, « pierre angulaire du système de justice internationale ».  Dans ce cadre, la Cour pénale internationale est le « dernier recours de cette lutte » et son travail exceptionnel doit être salué, notamment pour les grandes réalisations comme l’arrêt dans le dossier Al Mahdi, a-t-il souligné. 

Évoquant les difficultés actuelles de la Cour pénale internationale, le délégué a indiqué que sa délégation regrettait l’intention de se retirer de la CPI exprimée par l’Afrique du Sud, le Burundi et la Gambie, des États Parties dont certains, a-t-il rappelé, « ont participé étroitement aux négociations sur le Statut de Rome et la création de la Cour ».  Reconnaissant que l’institution n’était pas « parfaite », il a estimé que le dialogue était préférable au retrait.  Il a toutefois admis que se retirer d’un traité était « un acte souverain » tout en se disant « profondément préoccupé par le message que cela renvoie aux victimes dans le monde entier », lesquelles « ont droit à une reddition de comptes et à la justice ». 

Le représentant a conclu en soulignant la nécessité d’une universalisation de la Cour, tous les États ayant, selon lui, le devoir de respecter leurs obligations au regard du droit international, d’enquêter et de poursuivre les crimes internationaux.  Il a ainsi exhorté les États Parties à réitérer leur soutien à un système solide de justice pénale internationale et à une Cour forte, laquelle est le « seul tribunal pénal international permanent ».

Pour M. MARTÍN GARCÍA MORITÁN (Argentine), le travail de la Cour pénale internationale l’année écoulée montre qu’elle est un outil de la lutte contre l’impunité et de la protection de l’état de droit au niveau international.  À cet égard, le délégué s’est félicité de ce que l’amendement de Kampala sur le crime d’agression ait dépassé le seuil de 30 ratifications requis pour leur mise en œuvre.  Lançant un appel à tous les acteurs pour qu’ils ouvrent un « dialogue constructif » sur le Statut de Rome, le représentant a appelé les États Parties à favoriser la mobilisation de moyens pour permettre à la Cour de respecter son mandat.  Il a enfin estimé que la relation entre la Cour et l’ONU était essentielle à condition que soit respectée l’indépendance judiciaire de la CPI.  Il a réaffirmé à ce sujet l’inquiétude déjà exprimée par son pays quant au droit du Conseil de sécurité de saisir la Cour.

M. JOSÉ MARTÍN Y PÉREZ DE NANCLARES (Espagne) s’est dit satisfait du travail de la Cour en termes de quantité et de qualité.  Il a aussi salué le fait que l’amendement sur le crime d’agression ait récolté 37 signatures.  Le représentant a reconnu que la CPI traverse en ce moment une période difficile avec la décision de trois États de se retirer du Statut de Rome.  Regrettant cette situation, le représentant a fait part d’une certaine inquiétude quant à l’avenir de la Cour.  Il serait peut-être bon, a-t-il suggéré, de procéder à « une autocritique » et de saisir l’occasion offerte par le Président de l’Assemblée des États Parties pour discuter de cette question. 

M. HAHN CHOONGHEE (République de Corée) a affirmé que sa délégation appuyait fermement la coopération entre les Nations Unies et la Cour pénale internationale, relevant que leur relation s’appuyait essentiellement sur le Statut de Rome, qui réaffirme les principes et les buts de la Charte de l’ONU.  À ses yeux, les principaux défis auxquels doit faire face la CPI sont l’amélioration de son efficacité et le renforcement de la coopération avec les États Parties, avec le soutien des États non parties, de la société civile et des entités non étatiques. 

Observant avec satisfaction que le nombre des États Parties a doublé depuis 2002, le représentant s’est néanmoins déclaré préoccupé par le fait que celui des nouveaux membres est en diminution.  Plus préoccupant encore, a-t-il noté, le retrait de certains États Parties ces dernières semaines rend nécessaire une réflexion collective.  « Nous ne pouvons pas nous permettre de saper les efforts déployés pour mettre fin à l’impunité des crimes les plus graves contre l’humanité », a-t-il conclu.  

« Clairement, quelque chose ne va pas à la CPI », a déclaré M. TOM AMOLO (Kenya), estimant que la Cour ne bénéficie désormais plus du soutien que d’un petit nombre d’États dans le monde, comme en témoigne la seule adhésion supplémentaire à la CPI sur la période considérée.  Le représentant a pris note des derniers développements et a affirmé que le Kenya a interagi activement avec la CPI au cours de ces dernières années, sans doute plus que n’importe quel autre État.  « Je peux vous dire sans le moindre doute que quelque chose de radical et d’urgent doit être fait si cette Cour veut avoir la chance de perdurer en tant qu’institution internationale viable et crédible », a-t-il déclaré, ajoutant que l’application actuelle du Statut de Rome est contraire à ses idéaux fondateurs.

Le représentant a souligné le paradoxe actuel, en vertu duquel les principes régissant la Cour sont moins élevés que ceux des juridictions nationales auxquelles elle prétend pallier.  « C’est tout simplement inacceptable », a-t-il dit, tout en mentionnant les rapports faisant état de témoins achetés qui auraient été entendus par la Cour dans le cadre de la situation au Kenya.  Selon le représentant, les mesures actuelles ne permettent pas de déterminer si les victimes participant aux procédures judiciaires sont crédibles et authentiques.  Il a également dénoncé les coûts exorbitants liés à ces procédures.

Le représentant a également dénoncé le manque de dialogue pour résoudre la question du financement des renvois du Conseil de sécurité à la Cour, qui est du même coup incapable de se défaire de l’influence de certains États.  En tant que principaux contributeurs aux budgets des principales organisations internationales, ces derniers bloquent toute discussion sur cette question.

Le représentant a par ailleurs rejeté sur la Cour l’échec des tentatives des États africains à entretenir avec elle un dialogue constructif sur le renforcement de la justice pénale à l’échelle nationale et régionale.  Il a ainsi appelé la Cour à renforcer sa coopération avec l’Union africaine (UA) et les États africains.  À en juger par l’absence de mention de l’Union africaine dans le chapitre du rapport annuel dédié à la coopération avec des États et organisations internationales, il a conclu que la CPI n’est de toute évidence pas prête à entretenir un dialogue constructif avec l’Union africaine.

M. IHOR YAREMENKO (Ukraine) a souhaité que la Cour puisse intervenir dans les situations de violence.  Ce dont nous avons besoin c’est d’une CPI capable de jouer son rôle de dissuasion dans des pays comme l’Ukraine affectée par les actions hostiles et agressives de la Fédération de Russie, et qui voit des milliers de militaires déployés et des populations civiles, y compris des femmes et des enfants, tués ou portés disparus, sans compter le million et plus de déplacés.  À cet égard, l’on ne peut sous-estimer la coopération entre États dans la lutte contre l’impunité.  Le représentant s’est dit heureux d’annoncer que le Parlement ukrainien vient d’adopter un amendement qui ouvre la voie à la ratification du Statut de Rome.  Il s’est donc dit très préoccupé par la décision de trois pays africains de se retirer du Statut mais s’est réjoui que 32 États Parties aient ratifié l’amendement de Kampala sur le crime d’agression.  Il a cependant regretté la compétence limitée de la CPI s’agissant de ce crime puisqu’elle n’a aucun pouvoir sur les États non parties au Statut de Rome ou ceux qui n’ont pas ratifié l’amendement à moins que leur situation n’ait été renvoyée par le Conseil de sécurité.

M. ALBERT SHINGIRO (Burundi) a souhaité réitéré l’attachement de sa délégation au « principe partagé » de lutte contre l’impunité.  Le Burundi, a-t-il dit, adhère aussi au principe selon lequel la justice doit être impartiale, participer aux efforts de paix et ne pas faire l’objet de « calculs politiques ».  Or, a poursuivi le délégué, la Cour pénale internationale a « connu des bas et des hauts dans son fonctionnement et sa façon de rendre la justice aux victimes de tous genres ».  Rappelant la vocation de complémentarité de la justice internationale, le représentant a insisté sur le fait que le Statut de Rome n’a jamais été destiné à remplacer les juridictions nationales.  Il a par conséquent invité la CPI à reconnaître la compétence des tribunaux des États Parties, faute de quoi, a-t-il relevé, « nous ne devons pas être étonnés de voir un nombre de plus en plus grand de parties questionner l’objectivité de la Cour ».

Dans ce contexte, le Burundi estime que les pays africains devraient réexaminer leur adhésion au Statut de Rome, devenu selon le représentant, un « outil d’oppression politique ».  Dénonçant la « sélectivité », la « non-objectivité » et la « tendance à la politisation » de la CPI, il a constaté qu’elle portait « toute son attention sur l’Afrique alors que d’autres situations dans le monde sont ignorées ».  Cette remise en cause de son indépendance et les pressions politiques exercées sur les pays africains en particulier ont poussé le Burundi à se retirer du Statut de Rome, a-t-il expliqué, assurant que la lettre de notification de son gouvernement avait été transmise le 27 octobre 2016, conformément au traité fondateur. 

Tout en rappelant que l’adhésion à un traité international est un acte « relevant exclusivement de la souveraineté nationale », il a tenu à réitérer l’engagement ferme de sa délégation en faveur de la lutte contre l’impunité.  Si elle veut survivre, a-t-il encore soutenu, la CPI « devra reconnaître ses lacunes et accepter de se réformer profondément », au regard notamment de sa « politique de deux poids, deux mesures » dont des chefs d’État africains sont aujourd’hui « les victimes ».

M. ISAÍAS ARTURO MEDINA MEJÍAS (Venezuela) a indiqué que son pays, en tant qu’État Partie à la CPI depuis sa création, en 2002, n’a eu de cesse de défendre son renforcement institutionnel et l’amélioration de son efficacité, dans la mesure où elle contribue à la défense de l’état de droit sur les plans national et international.  A cette fin, le représentant a insisté sur l’importance de la coopération des États avec la Cour pour qu’elle soit en mesure de remplir ses objectifs.  Le représentant a souligné que son pays soutient les efforts de la Cour visant à garantir la justice et la responsabilité pénale, dans un souci « d’autonomie, d’indépendance, d’impartialité, de transparence et d’objectivité ».

M. MAXIM V. MUSIKHIN (Fédération de Russie) a dit que la décision des pays africains de se retirer du Statut de Rome donne raison à l’évaluation de son pays.  Le représentant a demandé à la Cour d’examiner la situation de manière impartiale et non partisane et a rejeté l’idée de faire des pressions sur les pays qui veulent se retirer.  Nous connaissons leurs arguments depuis longtemps, a ajouté le représentant qui a dénoncé les déclarations de ses homologues de l’Ukraine et de la Géorgie qui justement politisent le travail de la Cour.  Il a énuméré les crimes commis en Crimée et dénoncés par le Bureau du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme.  Il a cité les violences sexistes et sexuelles commises par les forces de l’ordre de l’Ukraine, les viols sur mineurs et les mauvais traitements.  Le Bureau du Haut-Commissaire, a-t-il affirmé, s’est dit préoccupé par le manque de progrès dans les enquêtes sur les actes commis par les Forces armées ukrainiennes.  Il s’est aussi dit préoccupé par les pressions exercées sur les autorités judiciaires.  

Droit de réponse

En réponse à son homologue de Russie, le représentant de l’Ukraine a souhaité souligner l’engagement de son gouvernement en faveur des droits de l’homme.  « Nous tenons compte de toutes les violations et allégations de violations des droits de l’homme, notamment celles qui auraient été perpétrées par nos forces armées.  Tous les responsables seront traduits en justice », a-t-il déclaré.  Affirmant d’autre part que la cause première de la situation qui prévaut en Ukraine est « l’agression menée par la Russie contre son pays », il a indiqué que son pays avait invité le Bureau du Haut-Commissaire aux droits de l’homme à se rendre en Ukraine et souligné qu’en dépit des efforts de la partie ukrainienne, la mission n’avait pas eu accès à la Crimée.  

Le représentant de la Syrie a dénoncé les interventions de certains pays qui ont demandé de saisir la CPI des crimes de guerre en Syrie.  C’est exactement cela qui fait que la CPI est perçue comme étant au service de certaines puissances, a indiqué le représentant.  Qui peut me convaincre qu’il y a des crimes de guerre en Syrie aujourd’hui? a-t-il demandé.

Son homologue de la Géorgie a répondu à la Fédération de Russie en disant qu’il n’a fait que citer un passage de la décision de la Chambre préliminaire I de la CPI.   

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