Réduction des risques de catastrophe: reconstruction et coopération internationale au cœur des deux premières tables rondes
SENDAI, JAPON, 15 mars -- Mieux reconstruire et coopérer. La reconstruction après une catastrophe et la coopération internationale en vue de réduire les risques de catastrophe après 2015 ont été au centre de discussions ministérielles, aujourd’hui à Sendai, au Japon, au deuxième jour de la troisième Conférence mondiale des Nations Unies sur la réduction des risques de catastrophe.
La Conférence, qui s’est ouverte hier et se poursuivra jusqu’au 18 mars, vise à achever l’examen et l’évaluation de l’application du Cadre de Hyogo de 2005, adopter un cadre de réduction des risques de catastrophe pour l’après-2015 et définir des modalités pour la mise en œuvre d’un nouveau cadre.
Parallèlement à la poursuite de son débat général, en séance plénière, la Conférence a tenu, aujourd’hui, les deux premières de ses cinq tables rondes ministérielles au Centre international de Sendai.
Ces tables rondes doivent être l’occasion de mener des débats interactifs et ciblés sur les priorités et mesures essentielles aux fins du cadre de réduction des risques de catastrophe pour l’après-2015, s’agissant de chaque thème étudié. Les conclusions qui en résulteront seront communiquées à la Conférence lors de la séance plénière de clôture et intégrées dans le rapport final de celle-ci.
La première de ces deux tables rondes, intitulée « Reconstruction après des catastrophes: mieux reconstruire », présidée par le Vice-Premier Ministre de la Turquie, M. Numan Kurtulmus, a permis de dresser un inventaire des bonnes pratiques susceptibles d’être utilisées par les pays et les communautés exposés aux risques.
L’objectif des participants était de contribuer à renforcer leur résilience face à de tels phénomènes, en intégrant par exemple la réduction des risques dans les mesures de développement, en particulier l’aménagement du territoire et l’amélioration des normes et des codes dans le domaine du bâtiment.
Présidée par le Ministre de l’intérieur de l’Inde, M. Rajnath Singh, la deuxième table ronde ministérielle, dont le thème était « Coopération internationale à l’appui d’un cadre de réduction des risques de catastrophe pour l’après-2015 », a constitué, elle aussi, un catalogue de bonnes pratiques.
Les intervenants se sont notamment attachés à démontrer que la coopération internationale et les partenariats mondiaux formaient de bons outils pour renforcer les capacités des pays dans le domaine de la réduction des risques de catastrophe.
Table ronde ministérielle 1: « Reconstruire après des catastrophes: mieux reconstruire »
Le relèvement et la reconstruction après les catastrophes constituent une occasion pour les nations et les communautés touchées de renforcer leur résilience face à de tels phénomènes en intégrant la réduction des risques dans les mesures de développement, en particulier l’aménagement du territoire et l’amélioration des normes et des codes dans le domaine du bâtiment.
Présidée par le Vice-Premier Ministre de la Turquie, M. Numan Kurtulmus, cette table ronde, sur la base du principe qu’il n’y a pas d’approche unique de relèvement et de reconstruction, visait à examiner et à partager les bonnes pratiques sur la façon de « reconstruire en mieux » après les catastrophes afin de faire en sorte que les nations et les collectivités fassent preuve de plus de résistance dans les zones sinistrées.
M. Kurtulmus, qui a ouvert la discussion, a souligné que son pays, la Turquie, devait faire face aux conséquences du conflit syrien et des millions de réfugiés dont il accueille un grand nombre. Des stratégies à long terme donnent la priorité à l’autonomisation des réfugiés eux-mêmes afin qu’ils puissent participer à la reconstruction de leur pays lorsqu’ils seront en mesure de rentrer chez eux, a-t-il dit, en exhortant la communauté internationale à fournir davantage de ressources dans le cadre de ces efforts.
La Turquie, a-t-il ajouté, est également exposée à de nombreux risques naturels, exacerbés par la croissance démographique et l’urbanisation, et c’est pourquoi, il est nécessaire, dans la phase de reconstruction, d’inclure les questions de résilience dans les plans de développement et de normaliser la réglementation des infrastructures et des systèmes d’assurance.
M. Kurtulmus a exhorté tous les participants à la table ronde à proposer des recommandations clefs dans ce contexte pour aider à façonner le programme de développement pour l’après-2015.
De fait, la plupart des 33 orateurs qui ont pris part au dialogue de ce matin ont insisté sur la vulnérabilité de leur pays face aux tremblements de terre, aux tsunamis, aux inondations, aux typhons ou à toute autre forme de condition météorologique extrême, et présenté les mesures qu’ils prennent pour relever les défis qui en résultent.
Le Ministre de la terre, des infrastructures, des transports et du tourisme du Japon, M. Koji Ikeuchi, a déclaré par exemple qu’il était essentiel de conjuguer les efforts structurels et non structurels pour le relèvement.
Une campagne nationale pour rendre les bâtiments plus résistants face aux séismes a suivi le grand tremblement de terre de Hanshin-Awaji, en 2005, et celui de l’est du pays, en 2011. Ainsi, avant le mois de mars de l’an prochain, les écoles primaires et les collèges publics auront fait l’objet d’un renforcement complet. L’éducation sur la sécurité face au tsunami a été améliorée, tandis que des systèmes de surveillance, des voies d’évacuation et des normes pour les ponts routiers ont été développées.
Le partenariat entre les secteurs public et privé fut en outre une question largement défendue au cours de cette table ronde. Certains participants se sont penchés sur les systèmes d’assurance contre les risques orientés vers la théorie du « reconstruire en mieux ». Le Ministre néo-zélandais de l’après-séisme de Canterbury, de la défense et de la Commission sur les tremblements de terre, M. Gerry Brownlee, a souligné qu’environ 80% des bâtiments de son pays étaient assurés d’une manière centralisée, en utilisant une partie de la meilleure expertise actuarielle du secteur privé.
La Ministre de l’intérieur de l’Islande, Mme Ólöf Nordal, et le Vice-Premier Ministre des Tonga, M. Siaosi Sovaleni, ont aussi fait état de la valeur des arrangements en matière d’assurance, ce dernier a remercié les partenaires pour leur aide à cet égard, tout en notant que les codes du bâtiment et les normes de construction sécuritaires avaient été affinés après chaque cyclone qui avait frappé son pays.
Le Ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale du Malawi, M. George T. Chaponda, a estimé pour sa part que les partenariats public-privé devraient être une piste à explorer davantage pour les pays en développement.
D’autres ont insisté qu’il était indispensable d’assurer un relèvement rapide. Le Vice-Premier Ministre de la Malaisie, M. Tan Sri Muhyiddin Yassin, a déclaré que cela contribuait à rétablir un sentiment de normalité, alors que la reconstruction doit toujours être liée à des objectifs de développement. De même, des intervenants ont mis l’accent sur l’importance de recourir à des techniques traditionnelles.
Le Ministre de l’intérieur et de la coordination du Kenya, M. Joseph Ole Nkaissery, a fait observer que les facteurs culturels devraient être considérés dans la planification des mesures de préparation à la fois structurelles et non structurelles.
Le Ministre des urgences nationales du Paraguay, M. Joaquim Roa, a aussi souligné la nécessité d’impliquer les communautés locales, cette participation devant s’exercer de manière inclusive, une position défendue de même par le Ministre de l’ordre public, de la gestion des catastrophes et des affaires chrétiennes, M. John Anthony Emmanuel Amaratunga.
Le Ministre de l’intérieur et de la décentralisation de Madagascar, M. Mahafaly Solonandrasana Olivier, a rappelé que son pays, qui fait face régulièrement aux catastrophes, comptait sur l’aide internationale. Il a mis l’accent sur la nécessité pour Madagascar de revoir en particulier la politique foncière et d’aménagement du territoire pour assurer des lieux plus sûrs aux personnes déplacées.
Afin d’améliorer le bien-être de la population et de le porter au-delà de son niveau avant une catastrophe, le Ministre des affaires civiles de la Chine, M. Li Ligo, a expliqué que les efforts de reconstruction dans son pays avaient été combinés avec le développement économique et social, mobilisant l’aide de tous les secteurs. Les populations locales sont fortement impliquées dans tous les efforts de reconstruction, a-t-il dit.
La Ministre du développement et de la francophonie de la France, Mme Annick Girardin, et le Secrétaire d’État et Chef du domaine de l’aide humanitaire de la Suisse, M. Manuel Bessler, ont tous deux relevé l’importance d’une coopération optimale dans la réduction des risques. Celle-ci doit se réaliser maintenant pour mieux répondre aux risques futurs.
Les ministres et représentants des pays suivants se sont également exprimés: Algérie, Bangladesh, Colombie, Émirats arabes unis, Grenade, Liban, Maldives, Pakistan, Philippines, Qatar, République dominicaine, République tchèque, Serbie, Soudan du Sud, Thaïlande et Viet Nam.
Table ronde ministérielle 2: Coopération internationale en faveur d’un cadre de réduction des risques de catastrophe après 2015
La nécessité de rassembler toutes les forces pour relever les défis que posent les risques de catastrophe, celles des États et celles de tous les acteurs de la société, a été largement démontrée au cours de la deuxième table ronde de la journée. En suivant les recommandations du Ministre de l’intérieur de l’Inde, M. Rajnath Singh, qui présidait la séance, 34 participants de haut niveau ont partagé leurs idées et meilleures pratiques dans le domaine de cette coopération.
Compte tenu de sa vaste expérience en la matière, le Japon a été à la tête de la coopération internationale, a indiqué son Ministre des affaires étrangères, M. Fumio Kishida, en donnant l’exemple de l’aide apportée aux Philippines lors du passage du typhon Haiyan. Il a annoncé que son pays consacrerait 4 milliards de dollars à cette coopération entre 2014 et 2018, et qu’il formerait au cours de cette période 40 représentants gouvernementaux pour qu’ils jouent un rôle de premier plan dans cette coopération. Il est ainsi prévu de fournir une assistance non matérielle, notamment pour la création de systèmes juridiques, et une assistance matérielle concentrée sur le développement de connaissances de base. Son pays s’engage à faire des investissements à long terme, à renforcer les partenariats et à adopter une approche axée sur la sécurité humaine.
Ce besoin de partenariats a été exprimé, en particulier, par le Ministre de l’intérieur et des affaires culturelles du Bhoutan, M. Lyonpo Damcho Dorji, dont le pays -même s’il a créé une autorité de gestion des catastrophes- a toujours besoin de renforcer son expertise technique. Très vulnérable aux catastrophes naturelles, le Bhoutan ne peut en effet y faire face de façon appropriée parce qu’il ne dispose pas de système de suivi des inondations à cause de ses ressources limitées. Il nous faudrait aussi un système de prévention des catastrophes, a ajouté le Ministre. Il s’est toutefois félicité du partage des connaissances, dans le cadre de la coopération régionale, de l’aide fournie par les pays partenaires et les organisations internationales.
Les investissements en faveur de la réduction des risques de catastrophe sont des éléments essentiels de la coopération dans ce domaine, a estimé le Président de l’Agence de coopération internationale du Japon (JICA), M. Akihiko Tanaka. Selon le PNUD, chaque dollar dépensé dans ce domaine permet d’éviter 7 dollars en termes de risque économique.
Le Fonds vert pour le climat est d’ailleurs prêt à appuyer la mise en œuvre du cadre de réduction des risques de catastrophe post-2015, a assuré sa Directrice exécutive, Mme Hela Cheikhrouhou. À ce jour, huit entités mondiales et régionales ont déjà été accréditées auprès du Fonds pour en bénéficier, a-t-elle ajouté.
Pour ce qui est du groupe de la Banque mondiale, sa Vice-Présidente, Mme Rachel Kyte, a signalé que le budget de la Banque mondiale consacré aux catastrophes naturelles avait presque doublé au cours de ces dernières années, en précisant qu’il avait atteint près de 6 milliards l’an dernier.
Malgré les efforts financiers, seulement 0,4% de l’aide publique au développement (APD) avait été consacré à la réduction des risques de catastrophe, a regretté le Président de la Fédération internationale de la Croix-Rouge (FICR), M. Tadateru Konoé.
L’aide financière au développement fournie par les différents acteurs, a fait remarquer Mme Kyte, est trop fragmentée. Ainsi, Samoa gère 14 projets différents sur le climat et la résilience, tandis que les Îles Salomon en gèrent 22. D’autres, à l’instar du Vice-Ministre des affaires étrangères du Chili, M. Edgardo Riveros Marin, et du Ministre adjoint des affaires étrangères des Îles Cook, M. Tutai Tura, ont recommandé de simplifier l’attribution des financements.
La Vice-Présidente du groupe de la Banque mondiale a, en outre, insisté pour que l’aide au développement soit assortie d’indicateurs permettant d’évaluer les progrès réalisés, ce qu’a demandé expressément l’Ambassadeur du Maroc au Japon, M. Samir Arrour, en ce qui concerne la mise en œuvre du nouveau cadre de réduction des risques de catastrophe.
Il faudrait aussi établir des indicateurs pour mieux comprendre la nature et assurer une gestion efficace des risques de catastrophe, a recommandé pour sa part la Directrice générale de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), Mme Inger Andersen. Dans les zones protégées, a-t-elle expliqué, la nature pouvait aider la population à réduire les risques de catastrophe.
Les écosystèmes doivent permettre de stabiliser la situation, a reconnu la Ministre de la coopération internationale pour le développement de la Suède, Mme Isabella Lovin, qui, comme le Ministre de l’intégration nationale du Brésil, M. Gilberto Magalhaes Occhi, a souhaité que le cadre de réduction des risques de catastrophe post-2015 s’attaque à résoudre les causes des catastrophes.
De manière générale, l’aide internationale devrait compléter les efforts nationaux et ne pas les remplacer, a rappelé la représentante des Fidji. S’exprimant dans ce sens, le Vice-Ministre cambodgien pour les catastrophes naturelles a en effet recommandé de se concentrer sur la stratégie nationale de réduction des risques de catastrophe.
Au cours de la discussion, plusieurs intervenants ont insisté sur les moyens d’améliorer la coopération. Confiance et appropriation sont les principes clefs de la coopération internationale, a argué la Ministre du commerce extérieur et de la coopération au développement des Pays-Bas, Mme Elisabeth Ploumen, en demandant que le cadre de Sendai soit basé sur les responsabilités partagées.
Pour le Ministre de la défense civile, des urgences et des catastrophes naturelles de la Fédération de Russie, M. Vladimir Puchkov, il faudrait aussi simplifier les procédures de coopération et d’échange des informations nécessaires à la lutte contre les risques de catastrophe.
Le Ministre russe a aussi proposé de créer un réseau de suivi des risques de catastrophe à l’aide des satellites aux niveaux national et régional. Pour mettre en œuvre le cadre post-2015, il a dit vouloir faire des propositions en faveur de la promotion de réseaux régionaux et internationaux de prévention et de lutte contre les conséquences des catastrophes naturelles. Il voudrait aussi créer un centre de suivi d’urgence dans diverses régions, notamment en Asie-Pacifique, où des spécialistes pourraient être formés. Le système de prévention des tsunamis dans l’est de la Russie a déjà démontré son efficacité, a-t-il indiqué, avant de plaider en faveur d’un cadre juridique international.
Le Ministre d’État pour le développement international du Royaume-Uni, M. Desmond Swayne, soucieux de ne pas perdre de temps, a plutôt proposé d’utiliser plus efficacement les mécanismes existants plutôt que de créer de nouveaux mécanismes sur lesquels il faudrait se mettre d’accord.
Tout au long de l’après-midi, des ministres ou hauts représentants d’États Membres ont illustré le besoin criant qu’il y a à aider les pays à se prémunir et à gérer les risques de catastrophe. Le Kirghizstan, par exemple, connait chaque année 200 situations d’urgence, a signalé le Ministre des situations d’urgence de ce pays, M. Boronov Kubatbek, en appelant à l’aide la communauté internationale sans laquelle, a-t-il précisé, le Gouvernement ne peut assurer la protection de toute sa population.
Même son de cloche du côté des petits pays insulaires en développement: chaque année, entre novembre et mai, nous essayons d’estimer ce que les cyclones vont dévaster au cours des mois suivants, a expliqué très concrètement M. Tutai Tura, Ministre adjoint des affaires étrangères des Îles Cook. La réduction des risques de catastrophe permet d’augmenter nos chances de développement durable, et nous avons besoin de la coopération internationale pour cela, a-t-il lancé.
Les risques sont en effet très élevés pour cette catégorie de pays, comme on le constate ces jours-ci avec le passage du cyclone Pam. M. Gyan Chandra Acharya, Haut-Représentant des Nations Unies pour les pays les moins avancés, les pays en développement sans littoral et les petits États insulaires en développement, a précisé que ces pays perdaient en moyenne 20 fois plus de capitaux que les autres lors de la survenance de catastrophes. Il a dès lors appelé à faire tout ce qui est possible pour renforcer leurs capacités de résilience.
Le Commissaire à l’aide humanitaire et à la gestion des crises de l’Union européenne, M. Christos Stylianides, a indiqué à cet égard avoir mobilisé 1 million d’euros pour aider Vanuatu à gérer les conséquences de cette catastrophe et envoyé deux experts afin d’évaluer les besoins humanitaires.
Les ministres et représentants des pays suivants se sont également exprimés: Autriche, Géorgie, Israël, Italie, Kazakhstan, République démocratique populaire lao, Lettonie, Pérou, République de Corée, Roumanie, Slovénie, Espagne et Viet Nam.